Le Disciple de Kirill Serebrennikov
Film recommandé

Le Disciple

Kirill Serebrennikov

Distribution : Arp Sélection

Date de sortie : 23/11/2016

Russe - 2016 - 1h58 - format image : 2.66 - son : 5.1

« Les disciples de la lumière n’ont jamais inventé que des ténèbres » Robert Desnos
Veniamin, un adolescent pris d’une crise mystique, bouleverse sa mère, ses camarades et son lycée tout entier, par ses questions.
– Les filles peuvent-elles aller en bikini au cours de natation ?
– Les cours d’éducation sexuelle ont-ils leur place dans un établissement scolaire ?
– La théorie de l’évolution doit-elle être enseignée dans les cours de sciences naturelles ?
Les adultes sont vite dépassés par les certitudes d’un jeune homme qui ne jure que par les Ecritures.
Seule Elena, sa professeure de biologie, tentera de le provoquer sur son propre terrain.

Sélection officielle Cannes 2016 : Un Certain Regard

Avec : Veniamin Petr Skvortsov • Elena Lvovna Victoria Isakova • La Principale Svetlana Bragarnik • Oleg Ivanovich Anton Vasiliev • Julia Yuliya Aug • Lidia  Alexandra Revenko • Grigoriy Alexandr Gorchilin • Le professeur de culture orthodoxe Nikolai Roschin

Kirill Serebrennikov

Il est diplômé en sciences physiques à l’Université de Rostov. Avant même d’avoir terminé ses études, il fait de la mise en scène au studio d’amateurs « 69 » et à partir de 1990, il fait des mises en scènes remarquées dans différents théâtres (Théâtre « Engagement », Théâtre Maxime Gorki). À partir de 1991, il réalise des films pour la télévision de différents types (documentaires, publicités, téléspectacles…). En 1999, il a reçu le Prix national de la meilleure réalisation télévisée – TEFI et, en 2006, le prix du Festival de cinéma de Rome.

Filmographie

1998 : Nus

2001 : Rostov-Papa, série télévisée

2003 : Journal d’un assassin , série télévisée

2003 : Histoires de lit / Scènes de lit / Bed stories

2004 : Raguine (Рагин)

2006 : Playing the victim

2008 : Yuriev Den, Premier prix du jury des jeunes et Prix de la Fédération internationale des ciné-clubs au Festival international du film de Locarno

2012 : Betrayal

2016 : Le Disciple

ENTRETIEN AVEC KIRILL SEREBRENNIKOV

La religion est-elle à vos yeux une forme d’addiction ?
Je pratique le bouddhisme. Ce n’est pas une religion. Il ne s’agit pas de croire en Dieu. Il s’agit de votre rapport aux autres humains, de votre connexion avec le monde. Le bouddhisme est terre à terre. Je suis contre toute forme d’obscurantisme, contre ceux qui vous disent quoi penser. Je me pose des tas de questions, sur le monde, l’univers, les gens qui m’entourent.
La religion impose des réponses.  L’art consiste à poser des questions. Le film montre que la religion est une forme de manipulation, utilisée par un jeune homme pour manipuler ceux qui l’entourent.
La religion est sa façon de gérer la peur que la sexualité lui inspire ? La peur, la frustration aussi. C’est toujours la partie la plus sombre de l’inconscient qui pousse à chercher des outils pour survivre à ses frustrations. Le jeune protagoniste du film a trouvé la religion. En Russie, la religion est partout.
Comme aux Etats-Unis, les prédicateurs ont envahi les chaînes de télévision russe. La religion est devenue la seconde idéologie officielle. Elle contrôle les cerveaux de tous. C’est une force trouble, dogmatique, qui répand l’obscurantisme. Les Russes aiment avoir un leader à suivre, plutôt que de réfléchir par eux-mêmes. L’Eglise est pourtant séparée de l’Etat. Mais la religion orthodoxe intervient à tous les niveaux de la société : l’armée, les institutions, la culture et surtout l’éducation. Elle décrète ce qui est bon et ce qui est mauvais. Elle suit l’idéologie officielle.
Notre protagoniste découvre que le fanatisme lui donne du pouvoir. Personne n’osera s’opposer à lui, si ce n’est une enseignante, qui est athée.  
L’action se déroule dans une ville inconnue… Il s’agit de Kaliningrad. Avant la deuxième guerre mondiale, elle s’appelait Königsberg, c’était une ville allemande. C’est là qu’Emmanuel Kant est né et qu’il est enterré. C’est aujourd’hui une enclave russe en Europe, entre la Pologne et la Lituanie. Une ville étrange qui porte les traces de son passé, comme une sorte de palimpseste.  
Comment avez-vous choisi vos comédiens ? Tous les adultes sont des stars en Russie. Les deux adolescents avaient déjà une expérience théâtrale. Celui qui joue l’ami de Veniamin tenait auparavant ce rôle dans ma troupe, au théâtre.  
Dans votre mise en scène, vous privilégiez les longs plans-séquences. C’est parce que je suis paresseux ! J’ai la flemme de faire des champ-contrechamps. Je préfère répéter une scène durant trois jours, comme ça, quand on la tourne, en trois, quatre prises, c’est bon…  
Parlez-nous de la pièce originale de Marius von Mayenburg. Il m’a raconté avoir écrit cette pièce parce qu’en lisant la Bible, il y a découvert des phrases très étranges, très violentes, qui avaient un double sens inattendu. Des phrases qu’on pouvait utiliser dans un autre contexte, qui pouvaient décrire le contraire de l’amour et de la fraternité. Il a donc décidé de lister ces phrases ambigües et c’est ainsi qu’est née la pièce : avec l’idée qu’on avait la capacité de retourner aisément le sens des Ecritures.  
Des phrases dont vous nous donnez toujours l’origine… Dans la pièce, comme dans le film, la source des textes est indiquée. Il faut que le public sache que ce sont des phrases authentiques. Elles ne sortent pas de mon imagination. Je les ai toutes conservées. J’ai en revanche changé plusieurs choses pour l’adaptation cinématographique. Par exemple, dans la pièce, c’est un homme qui dirige l’école. En Russie, ce sont généralement des femmes. J’ai aussi inventé plus de professeurs qu’il n’y en avait dans la pièce. Le prêtre catholique est devenu orthodoxe et j’ai renforcé son rôle. Les textes qu’il cite viennent de livres orthodoxes obscurs, mais réels. Et j’ai ajouté la musique. Celle qui ouvre ce que je considère comme le troisième temps du film est composée par un groupe, Laibach, qu’on trouve aisément sur Shazam, mais qu’il est interdit de diffuser sur les ondes en Russie, car c’est une musique qui est considérée comme étant agressive et pouvant provoquer de mauvaises pensées…