Film soutenu

Je veux voir

Joana Hadjithomas

Distribution : Shellac

Date de sortie : 03/12/2008

Liban / France - 2008 - 1h15 - 35mm – scope

Juillet 2006. Une guerre éclate au Liban. Une nouvelle guerre, mais pas une de plus, une guerre qui vient briser les espoirs de paix et l’élan de notre génération. Nous ne savons plus quoi écrire, quelles histoires raconter, quelles images montrer. Nous nous demandons : « Que peut le cinéma ? ».
Cette question, nous décidons de la poser vraiment. Nous partons à Beyrouth avec une « icône », une comédienne qui représente pour nous le cinéma, Catherine Deneuve. Elle va rencontrer notre acteur fétiche, Rabih Mroué. Ensemble, ils parcourent les régions touchées par le conflit. À travers leurs présences, leur rencontre, nous espérons retrouver une beauté que nos yeux ne parviennent plus à voir. Une aventure imprévisible, inattendue commence alors….

Un Certain Regard – Festival de Cannes 2008

Acteurs Catherine Deneuve, Rabih Mroué Réalisation Joana Hadjithomas et Khalil Joreige Image Julien Hirsch Son Guillaume Le Braz, Sylvain Malbrant, Emmanuel Croset Montage Enrica Gatolini, Consultation montage Tina Baz Legal Assistants réalisation Wael Deeb, Emile Sleilaty  Scripte Zeina Saab de Melero Coordination production Marianne Katra Costumière Nadine Fenianos Photo Patrick Swirc, Nadim Asfar Musique Scrambled Eggs – Joseph Ghosn /Discipline Produit par Edouard Mauriat, Anne-Cécile Berthomeau, Farès Ladjimi
(Mille et une productions – France) /  Georges Schoucair (Abbout productions – Liban) / Tony Arnoux En association avec COFICUP 2 – un fonds BACKUP FILMS Avec le soutien du CNC, De Hubert Bals Fund – International Film Festival Rotterdam, De Banque Libano-Française, De CMA-CGM, Du Ministère Libanais de la culture Avec la participation de Abbas Jaber, Edmond Asseily, Ziad Abdelnour

Joana Hadjithomas

Née en 1969 à Beyrouth, elle travaille avec Khalil Joreige. Ensemble,  en tant que plasticiens mais aussi cinéastes, ils tournent des fictions et des documentaires.
Ils ont écrit et réalisé en 1999, leur premier long-métrage de fiction « Al Bayt el zaher » (Autour de la maison rose), une coproduction franco-canado-libanaise.
En 2000, ils réalisent « Khiam », un documentaire de 52 minutes puis ils présentent en 2003, un essai documentaire : « El film el mafkoud » (Le film perdu).
Ces deux documentaires sont montrés dans grand nombre de festivals de films ainsi que dans de nombreux centres d’arts et musées internationaux.
Fin 2003, ils retournent à la fiction avec un moyen-métrage intitulé « Ramad » (Cendres) sélectionné pour les Césars 2005.
Par ailleurs, ils sont les auteurs de plusieurs installations, exposées aussi bien en galeries que dans des institutions.
Ils enseignent à Beyrouth, Joana l’écriture de scénario et Khalil l’Esthétique et la vidéo expérimentale.
Ils travaillent autour de la latence, de l’émergence de l’individu dans des sociétés communautaires, du rapport à l’image, à la représentation, de la difficulté de vivre un présent, d’écrire l’Histoire ….
« A perfect day » est leur second long-métrage de fiction.

Entretien avec Joana Hadjithomas et Khalil Joreige

À l’origine
Le 12 juillet 2006, la veille de notre départ pour Beyrouth, une guerre a éclaté au Liban et nous sommes restés bloqués à Paris. Pour la première fois, nous vivions la guerre à distance, en spectateurs. Cette guerre a été un vrai bouleversement pour nous. Elle venait briser l’espoir d’une paix et l’élan de toute notre génération.
Cette guerre était d’autant plus violente que nous, trentenaires, la vivions à l’âge où nos parents avaient eux-mêmes connu la guerre civile. Ce n’était pas une guerre parmi d’autres, une guerre de plus. En nous réengageant dans un cycle de violence, elle scellait une évolution historique et s’inscrivait dans une division du monde plus globale, radicalisée par le 11 septembre. Au-delà du conflit proprement dit, la guerre de 2006 a cristallisé un malaise au Liban, des tensions internes, des projets antagonistes divisant la population. De nouveau, nous nous trouvions confrontés à la difficulté de vivre ensemble.
Ça nous a amenés à remettre en question le travail que nous étions en train de faire, le scénario que nous étions en train d’écrire à ce moment-là. Nous étions dans ce doute quand nous avons rencontré Tony Arnoux qui, lui, dans une sorte de processus inversé, avait été bloqué au Liban pendant la guerre. Il était revenu avec l’envie de faire quelque chose pour le Liban. Il nous proposait de nous aider à rencontrer une grande actrice si nous le souhaitions. Nous avons commencé à écrire. Nos producteurs, Mille et une productions et Abbout productions nous ont suivis. Ce projet est né de cette urgence, de cette même idée du cinéma.

Face aux images de guerre
Devant cette guerre d’une rare violence, face aux images spectaculaires de la télévision, quel genre d’images pouvait-on encore produire ? Que peut le cinéma dans des situations de violence tellement fortes ? A la tristesse et à la douleur que nous ressentions, il fallait absolument opposer quelque chose de l’ordre de l’aventure. Très vite, nous avons eu l’idée du dispositif du film : Introduire de la fiction à travers une « icône » de cinéma dans une situation qui semble ne plus pouvoir se prêter qu’à un régime d’images qu’on nomme hâtivement le réel ou le documentaire. Et par cette présence, poser des questions : Que peut la fiction, que peut le cinéma ? Proposer à Catherine Deneuve, une comédienne que nous admirons profondément et qui par ses choix représente le Cinéma, de partir en voiture jusqu’à la frontière du Sud Liban avec Rabih Mroué, un artiste et acteur avec lequel nous collaborons étroitement. Cela relevait de l’alchimie. Dans ce contexte, qu’allait provoquer cette rencontre? Quelle émotion pourrait naître ?

Un film comme une aventure
La préparation du film a été très complexe, incertaine. On s’est vite rendu compte que le tournage serait très compliqué voire dangereux. Il fallait demander des autorisations à pratiquement toutes les instances en place : l’armée libanaise, la Finul (Force intérimaire des Nations Unies au Liban), le Hezbollah, Israël (par le biais de la Finul), l’ambassade de France… La fabrication du film devient dès lors l’un des enjeux du récit. Il devient une aventure qu’il s’agit de capter et qui modifie la conception du tournage : on choisit de travailler en HD et de tourner presque tout le temps. Et s’il y a de l’imprévu, on essayera de l’accueillir, voire de le provoquer. Catherine et Rabih joueront leurs propres rôles, de même que nous, les réalisateurs, l’équipe, le garde du corps, ainsi que les soldats que nous rencontrerons, le commandant de la Finul ou l’ambassadeur de France…
Au départ, le film devait être court. Pendant que nous tournions, nous ne pensions plus en termes de durée même s’il était difficile d’imaginer que le film serait long : nous n’avons tourné que 6 jours avec Catherine et 1 jour seuls… Nous avions une totale liberté au niveau temporel et rythmique puisqu’il n’y avait aucun enjeu commercial. Le temps de ce film n’a pas été posé à la base mais éprouvé au montage.
A tous les niveaux, ce film tient du rêve : que Catherine Deneuve accepte une telle aventure, que la production et tous les gens avec lesquels nous avions envie de travailler suivent, qu’à aucun moment nous n’ayons eu l’impression de faire des concessions alors que le budget était microscopique. Ce n’est qu’une suite de petits miracles, d’opportunités, de parenthèses. Cette route où nous avons pu tourner, une semaine avant ou après, ce n’aurait pas été possible, « sécuritairement parlant ». Comme si les tensions de ce pays s’étaient mises sur « pause » pour que l’on puisse faire le film…

Catherine Deneuve
Elle a rapidement été une évidence. Nous avions un fort désir de la filmer. Catherine Deneuve est l’incarnation d’une certaine idée du cinéma, d’un cinéma qui a une histoire. Et une intelligence. On a l’impression qu’elle sait toujours être à la bonne distance. Ses choix de cinéma dessinent un esprit, une façon de penser. Elle est bien plus qu’une icône : elle est libre. Cette liberté-là, cette disponibilité, cette ouverture, nous les avons de plus en plus découvertes en travaillant avec elle. Elle aurait pu avoir peur de la mise en danger de son image, sans compter le danger physique. Mais elle a dit oui tout de suite.
La présence de Catherine crée un onirisme, une présence improbable au milieu des destructions et des paysages du Sud. De fait, elle dégage de la fiction, une aura qui nous fait penser à la définition qu’en donnait Walter Benjamin, celle de « l’apparition d’un lointain si proche »

Rabih Mroué
D’une certaine manière, Rabih nous représente, nous cinéastes, dans le film. C’est l’acteur avec lequel on collabore le plus au Liban. C’est un artiste et un performeur important qui travaille sur la réalité libanaise et crée un nouveau rapport au théâtre et à la représentation. Cette collaboration continue entre nous fait que nous partageons les mêmes préoccupations esthétiques et politiques. Avec lui, nous partons toujours en grande confiance. De plus, Rabih est originaire du Sud, du village de Bint El Jbeil qui a été pratiquement détruit durant la guerre de 2006. Mais il n’y était pas allé depuis. Comme il le dit lui-même, il appréhendait d’y retourner. Ce lieu a été extrêmement médiatisé et visité depuis la guerre de 2006. Il s’en sentait dépossédé, comme s’il était « un touriste dans son propre pays ». Cette position nous a également interpellés. Nous avons proposé à Rabih de faire le trajet avec Catherine dans le Sud et d’aller jusqu’à son village. Comme il le dit lui-même, avec elle ce sera différent. Il se retrouve alors dans les images à ses côtés malgré la défiance qu’il entretient face aux images.

La rencontre
L’un des enjeux du film était de voir si la rencontre entre Catherine et Rabih aurait lieu. Cette rencontre s’est vraiment produite devant notre caméra. Nous avons enregistré ce moment, leur embarras et la manière dont la relation s’est construite petit à petit.
Comme souvent dans notre façon de travailler, les acteurs n’ont pas le scénario. Catherine et Rabih partagent ce moment sans savoir vraiment où ça va les mener. Nous les filmons à travers un dispositif qui nous permet de capter l’imprévu, qui leur permet d’improviser face aux lieux, aux personnes qu’ils rencontrent. Nous tournons de manière chronologique et nous sommes les témoins de ce qui advient devant nous.
Catherine et Rabih partagent une expérience commune, celle de la découverte des ruines, de la mémoire, du Sud Liban, de la beauté des paysages, de l’autre mais aussi de la peur.
C’était important que Rabih ne soit pas totalement à l’aise en français, qu’il n’ait pas recours non plus à l’anglais. La rencontre se fait de manière plus concrète, avec des non-dits, des silences, une certaine forme d’invisible et d’impossible partage de certaines expériences. Même s’il y a une énorme sympathie entre eux, chacun vit ses émotions personnellement.
Entre Catherine et le Liban, c’est une vraie rencontre. Elle ne vient pas faire une mission humanitaire, elle ne représente qu’elle-même, pas l’Occident. Elle réagit en tant qu’individu et ne rencontre pas les Libanais en général, mais des personnes particulières. Quand on va dans un pays, on ne l’embrasse pas totalement, on vit des expériences, on bâtit des relations. C’est là que la rencontre avec un pays se construit.

Je veux voir
Il y a beaucoup de choses à voir mais qu’est-ce qu’on voit ? Pas forcément ce à quoi on s’attendait. Nous ne voulions pas donner notre vision de Beyrouth, dire « Ça, c’est Beyrouth » mais complexifier le regard, sans à priori. Catherine ne prétend jamais savoir, elle n’est pas dans l’affirmation. Elle pose des questions et Rabih cherche avec elle les réponses. Ils sont dans l’évocation. Catherine le dit elle-même « Je ne sais pas si je comprendrai quelque chose mais je veux voir. ». Dans le monde actuel, il est important d’être dans le temps de la question. Jamais nous n’épuisons ce qu’il y a à voir, il s’agit d’éprouver.
Dans le film, il y a un partage du regard : en tant que cinéastes, nous demandons à Catherine et Rabih de nous aider à voir à nouveau. Rabih, lui, a besoin du regard de Catherine. Et elle a besoin de son regard à lui. Ce sont des délégations de regards, des translations qui permettent de s’éloigner de l’émotion fabriquée et de prendre le temps de la faire surgir, de rendre compte de la complexité des situations, de s’adresser à l’autre. Depuis toujours dans notre cinéma, l’autre, le spectateur est au travail avec nous afin de partager du sensible.

Les ruines
Les ruines sont l’un des points de départ de notre travail : comment accepter la ruine, vivre avec ses fantômes ? Nous avons passé des années à filmer les ruines de la guerre civile, à nous demander comment les problématiser, les mettre en scène sans les esthétiser, sans se laisser fasciner par elles. Et à nouveau, en 2006, nous nous retrouvons face à de nouvelles ruines, de nouveaux lieux dévastés et des tensions permanentes et latentes provoquées par exemple par les dizaines de milliers de bombes à sous- munitions disséminées dans les paysages du Sud.
Filmer Catherine Deneuve au milieu des ruines était un peu « casse-gueule ». Mais ce genre de mise en danger, d’expérience nous intéresse. Il ne fallait instrumentaliser ni l’un, ni l’autre, savoir être à la juste distance.
A la fin du film, sur le chemin du retour, sur le littoral, un chantier énorme, des dizaines de grues, de pelleteuses, de camions, une poussière hallucinante, des hommes au visage protégé par des morceaux de tissus trient les ruines des immeubles qui ont été bombardés, puis rasés après guerre et qui sont ramenés par petits bouts jusqu’à ce lieu, jusqu’à la mer. On rassemble le fer, le métal, tout ce qui peut être revendu, puis on broie le reste et le jette à la mer. Des immeubles entiers, des chambres à couchers, des salons, des pans de murs, des meubles, des bouts de tissus… Des vies entières disparaissent dans cette eau devenue brunâtre. Cette ville jetée à l’eau, ces ruines englouties c’est toute une part de vécu qui disparaît.
C’est un moment qui, plus globalement, raconte quelque chose de la condition humaine : on détruit, récupère, reconstruit, on recommence…

La frontière
A la frontière entre Israël et le Liban, du côté libanais, il y a une petite route dont l’accès est interdit. Quelques temps avant le tournage, nous avions essuyé un refus, il n’était pas question de l’emprunter ou même de la filmer en utilisant un trépied. L’idée de la faire ouvrir pour le film est devenue progressivement très importante pour nous. La présence de Catherine Deneuve peut-elle nous aider à faire ouvrir exceptionnellement cette petite route le temps du tournage, d’un simple plan? Le cinéma peut-il ouvrir une route ?
Se retrouver sur cette route est bien sûr symbolique. Mais nous avons besoin de symboles et surtout de possibles. Tout d’un coup, dans un milieu extrêmement militarisé, une chose comme cela est rendue possible. Cette route devient un autre territoire parallèle qui échappe aux nationalités, « un pays, un continent en plus » comme le disait Godard: celui de l’art et du cinéma.

Documentaire ou fiction ?
« Je veux voir » est-il une fiction ou un documentaire ?  Il est très difficile de faire la part des choses dans ce film. Nous connaissions très bien les lieux, les aventures vécues par Catherine et Rabih dans le film, nous les avions nous-mêmes vécues pour la plupart, et écrites dans le scénario.
Le scénario du film ressemble beaucoup au film fini. Pourtant, tout ce qui advient est de l’ordre de l’aventure documentaire. Les acteurs ne savent pas vraiment ce qui leur arrive, où ils vont. On les a mis dans des situations que l’on avait déjà vécues mais il y a eu des accidents, des choses que l’on n’attendait pas que l’on a intégrées au film. Dans notre travail de plasticiens et de cinéastes, on explore souvent ce dispositif. Attendre que quelque chose advienne, qu’une réalité surgisse dans le plan, accepter d’être dépassé par elle… Nous l’avons été particulièrement avec ce film !
Nous pouvons juste dire que nous avons vécu une vraie aventure cinématographique.

Le sourire de Catherine Deneuve
A la fin du film, Catherine revient à une certaine réalité : un gala, un environnement mondain où elle est le centre des regards. Tous les gens lui disent qu’elle est belle, mais l’on sent bien qu’elle cherche quelqu’un d’autre, que son regard s’évade. Quand elle sourit en croisant enfin le regard de Rabih, est-ce parce qu’elle l’invite à la rejoindre ?? Est-ce qu’elle est repartie dans son monde, est-ce que le film n’était qu’une parenthèse ? Son sourire revêt une multitude de significations.Dans ce sourire, on sent une femme d’une liberté et d’une complexité étonnantes. Et Rabih, est-ce qu’il va venir la rejoindre ? Quand il file dans la nuit à la toute fin du film, est-ce qu’il est seul dans la voiture ? Est-ce que Catherine est à ses côtés ? Tout cela est ouvert aux interprétations.
Il était important de finir sur cette image. A Beyrouth, nous aimons rouler la nuit. Ouvrir la fenêtre, mettre de la musique et rouler. Tout d’un coup, tu respires, tu essaies de trouver une certaine liberté, d’exister en tant qu’individu dans un pays qui essaye toujours de te ramener à ta communauté culturelle, sociale, religieuse.

Un film de paix
Ce n’est pas la violence ou la destruction qui sont ressorties de cette aventure, mais le temps de la rencontre, de la construction. Nous sortons de la fabrication de ce film avec un certain apaisement. Nous n’avons pas fait ce film pour qu’il soit récupéré ou instrumentalisé par tel ou tel bord ou idéologie. Il n’y a pas de propagande, de parti pris politique, d’accusations. Le propos n’est pas là. Le fait qu’il y ait eu rencontre entre Catherine, le Liban et Rabih est comme un espoir de paix. C’est très important que ce film soit lu comme un film de paix, que l’on tente de contrer un peu par les images la division de plus en plus binaire du monde. Le Liban peut aussi être une terre de rencontre, de paix, d’échange et de beauté. Des images que l’on ne voit pas souvent, auxquelles on ne s’attend pas.
Admettre que nous vivons sur une terre qui connaîtra sans doute longtemps encore des guerres est très difficile. Je veux voir dit la fin d’une certaine insouciance, mais aussi l’espoir qu’il peut quand même y avoir encore de la vie, un recommencement qui fait écho au cycle très humain des destructions / reconstructions et nous voulions que le film porte ce mouvement. Nous avons besoin de fiction, de rêve et de beauté.

Propos recueillis par Claire Vassé