Film recommandé

DUEL A MONTE-CARLO DEL NORTE

Bill Plympton

Distribution : ED Distribution

Date de sortie : 05/11/2025

États-Unis | 2023 | 1h20

Slide, un cowboy solitaire armé de sa seule guitare, arrive dans la ville forestière de Sourdough Creek, gangrénée par la corruption. Le maire et son frère jumeau y sèment la terreur et se préparent à raser un petit village de pêcheurs pour ériger Monte-Carlo del Norte, un lotissement de luxe qui servira aux besoins du tournage d’un film hollywoodien. Prêts à tout pour s’enrichir, ils n’auront aucun scrupule à mettre en danger l’équilibre de la communauté et de l’environnement et à tuer quiconque s’opposera à leur projet. Lorsque Slide rencontre Delilah, c’est le coup de foudre. La jeune entraineuse du Lucky Buck Saloon aidera le nouvel arrivant à nettoyer la ville. Ils seront secondés par Hellbug, la bestiole géante des enfers. Bill Plympton, dont l’imagination n’est une fois de plus pas en reste, nous entraîne ainsi dans une lutte sans merci où tous les coups sont permis.

Sélection Contrechamp au Festival d’Annecy 2023 & Étrange Festival 2024

Bill Plympton

Bill Plympton est né à Portland, Orégon, il s’installe à New York en 1968 ou il travaille sur l’illustration et le dessin animé. En 1983, Bill Plympton réalise son premier court métrage d’animation Boomtown et en 1988 son deuxième court métrageYour Face qui obtient une nomination aux Oscars. Après plusieurs courts métrages à succès One of Those DaysHow to Kiss25 Ways to Quit Smoking et Plymptoons, il réalise en 1992 le premier long métrage d’animation dessiné par une personne The Tune. Depuis Bill Plympton a réalisé six longs métrages dont I Married a Strange PersonMondo Plymton et Mutant Aliens.

FILMOGRAPHIE
2023 – Duel à Monte Carlo del Norte
2015 – La Vengeresse
2013 – Les Amants électriques
2008 – Des Idiots et des anges
2004 – Hair High
2001 – Les Mutants de l’espace
1997 – Modo Plympton
1997 – L’impitoyable lune de miel
1992 – The Tune
1987 – Your Face

Entretien avec Bill Plympton

Quel a été le point de départ pour Duel à Monte-Carlo del Norte ?

Je pense que c’est en entendant la musique de Hank Williams, une grande star de Country-Western aux États-Unis, que je me suis dit que ce serait vraiment amusant de faire un film d’animation avec de type de musique. J’ai grandi dans l’Oregon et mon père écoutait beaucoup de Country-Western : Patsy Cline, Johnny Cash et Hank Williams. J’ai pensé que ça serait amusant de situer l’intrigue près de là où j’ai grandi. J’ai grandi dans les bois, dans la forêt, et il y avait beaucoup de camions sur les routes, qui transportaient d’immenses arbres vers les scieries. C’était mon enfance. J’aimais aussi les cow-boys, je m’habillais en cow-boy comme beaucoup d’enfants américains, je suis donc un peu comme ce cow-boy, Slide.

C’était une véritable source d’inspiration. Et puis je joue aussi de la guitare slide. J’ai alors eu l’idée de ce héros, un musicien qui joue de la guitare slide et qui défie avec sa musique les méchants, la corruption, le danger qui assaillent la ville. Il ne se bat pas avec des armes mais avec sa musique, je me disais que cela en ferait un personnage intéressant. Ce serait un peu comme un personnage de Clint Eastwood : un homme mystérieux qui arrive dans la ville et vient à bout des méchants. C’est ce qui m’a inspiré pour le film.

C’est votre huitième long métrage d’animation. En quoi sa conception puis sa fabrication ont-elles été différentes des précédents projets ?

Il y a eu beaucoup de problèmes liés au Covid qui a causé des imprévus. Je pense que j’ai commencé à écrire le film vers 2017-2018. Puis j’ai commencé à dessiner mais j’ai été pris de court par la pandémie de Covid. Beaucoup de mes sources de revenus ont disparues. Je visitais des festivals de cinéma, je participais à des master classes, j’allais au Comic-Con, de la même manière, les cinémas ont fermé… Tout ce type de revenus ont disparus durant la période.

Je devais alors gagner de l’argent autrement, c’est pourquoi j’ai arrêté de travailler sur Duel à Monte-Carlo del Norte et j’ai commencé à faire des vidéos musicales, des publicités et des choses comme ça. J’ai pu continuer à travailler sur le film, mais c’était très lent parce que j’avais toutes ces interruptions. D’habitude je fais mes films en 2 ou 3 ans, et celui-ci a pris presque 7 ans ! Et c’est malheureux parce que… non, laissez-moi le dire autrement : c’est une chance parce que j’ai pu revenir en arrière, corriger l’œuvre et vraiment passer du temps dessus, vraiment travailler ce film qui a un aspect unique. Il est différent de mes autres films. C’est du stylo à encre sur du papier, j’ai ensuite utilisé des crayons de couleur pour la colorisation. Nous avons aussi fait un peu de colorisation numérique, en particulier pour les arrières plans qui sont plus sombres. C’est un western qui fait très « film noir » (en français), ce qui est rare. Je ne connais pas beaucoup de « westerns noirs ». Nous avons obtenu l’Aide aux cinémas du monde du CNC et nous avons pu travailler avec Folimage en France. Le résultat est superbe, c’est magnifique. C’est un excellent studio d’animation, j’étais donc vraiment honoré qu’ils veulent bien m’aider à mettre en couleur mon film. Ils n’ont fait qu’une partie du film, l’autre partie, je l’ai faite à la main avec des crayons de couleur. Mais vous savez, en ce qui concerne l’alchimie de ces deux types de travaux, les couleurs ne fluctuent pas beaucoup, c’est plutôt une sorte de transition en douceur entre leur style et le mien, je suis très content de la façon dont cela a pu fonctionner !

Comment votre technique et votre type d’animation évoluent-elles de film en film ?

Cela tient en grande partie à la technologie. Je ne me suis pas vraiment intéressé à la numérisation avant 2004. C’est à ce moment-là que j’ai commencé à ne plus utiliser de films. Je n’aime vraiment pas la pellicule. Je sais que Tarantino adore le 35 mm, mais pour moi, c’était un cauchemar. Avant de passer au numérique, tous les films devaient être tournés avec de grosses caméras et je devais emmener le film au laboratoire et vérifier la copie zéro, la copie test puis le négatif. C’était tellement long, tellement lent, et accompagné de tellement de problèmes que je pense qu’environ 70 ou 80% de l’argent pour faire un film passait dans le côté technique. Lorsque j’ai commencé à faire des productions numériques, c’est-à-dire que je n’ai plus utilisé de pellicule 35 mm, le coût a baissé de manière significative. On est passé à environ 10% du budget consacré aux aspects techniques, le reste allait à l’artiste, ce qui est normal. Je pense donc que, d’une certaine manière, cela a libéré mon style qui est beaucoup plus rapide maintenant, je peux finir un film plus vite et plus facilement.

Je n’ai besoin de faire travailler autant de gens. Je pense que c’est le plus grand changement dans ma technique. Par exemple, la technique que j’ai utilisée pour Hair High est tout à fait traditionnel, dans le style Disney, peint sur des cellulos, et donc tourné avec une grosse caméra. Le film que j’ai fait ensuite était Des Idiots et des Anges et c’était tout le contraire : jsute des crayons sur du papier et un peu de couleur numérique. Et c’est super, j’adore le style de Des Idiots et des Anges, c’est tellement unique. Puis le film suivant était Les Amants électriques ; j’aime particulièrement l’apparence de ce film, c’est vraiment proche de mon style de dessin, c’est vraiment comme ça que le côté technique a influencé le côté artistique de mon style.

Tentez-vous quelque chose de nouveau à chaque film ?

Et bien certainement pour ce film ! Son style revient à mes débuts en tant qu’illustrateur, quand j’utilisais le stylo et l’encre – un peu comme Damier – et le crayon de couleur ou l’aquarelle (mais l’aquarelle est difficile à utiliser parce qu’il est impossible de la contrôler). L’aspect est vraiment très « classique Plympton ».

En plus, c’est un vrai film « fait maison » parce qu’avec le Covid je n’ai pas travaillé dans un studio, j’ai juste travaillé chez moi en faisant des dessins fous et j’aime dire que c’est un long métrage d’animation « fait maison » !

La musique y tient encore une place importante. Comment conciliez-vous votre travail d’animation avec celui de l’écriture des chansons et des musiques ?

La musique de ce film a été composée par Maureen Mc Elheron et Hank Bones, qui ont travaillé avec nous sur plusieurs films dont The Tune, Les Mutants de l’espace, Hair High et Les Amants électriques. Ils savent exactement ce que je veux. Quand je leur ai dit que ce film Duel à Monte-Carlo del Norte serait totalement empreint de Country-Western, ils étaient très heureux et excités parce que c’est le genre de musique qu’ils aiment jouer et avec laquelle ils se sentent à l’aise. Je n’ai pas écrit les chansons, qui sont très humoristiques (il y a peut-être une chanson dont j’ai écrit les paroles), mais Maureen et Hank ont le même sens de l’humour que moi et savent écrire des paroles avec beaucoup d’humour, comme la chanson du Hellbug, qui est totalement hilarante. C’est l’histoire d’un insecte maléfique qui vient de l’enfer et qui détruit tout mais qui à la fin, devient vraiment un bon gars. C’était vraiment un projet amusant.

Je n’ai pas non plus fait la musique, j’ai simplement par moment tapé des mains sur le rythme des chansons, mais en général je me suis contenté de m’asseoir et de regarder. Étant moi-même musicien, je savais que je n’étais pas assez bon pour jouer dans ce film, que nous avions besoin de musiciens professionnels, de gens qui sont vraiment excellents, et j’étais donc très heureux de pouvoir travailler à nouveau avec Maureen, qui a fait un travail formidable.

Dans tous vos films, il y a un personnage en lutte contre des méchants, souvent détenteurs de l’ordre politique et social. Que pouvez-vous nous en dire ?

C’est une petite ville située dans la montagne de l’Oregon, c’est une ville de bûcherons, c’est-à-dire qu’on y abat des arbres pour de l’argent, on y détruit les paysages. J’aime bien les bûcherons et j’aime bien les arbres, mais ces bûcherons sont très corrompus et ils veulent juste créer une merveilleuse station balnéaire, Monte-Carlo del Norte, au milieu de la montagne, c’est donc une entreprise stupide et corrompue. La corruption de cette ville est donc en partie liée à la destruction environnementale de cette merveilleuse montagne. D’autre part, la corruption repose aussi sur la manière dont la ville est dirigée par les deux jumeaux qui n’ont pas peur de tuer des gens, tant que c’est pour de l’argent. Ils se moquent aussi de tuer le hellbug parce qu’ils pensent que cet insecte géant sabote leurs projets… Il y a beaucoup de méchants dans le film et de mauvaises choses qui se passent.

Aussi, lorsque Slide arrive dans la ville sur ses castors, il est là pour faire régner la justice dans cette ville complètement corrompue, et, pour moi, c’était très amusant. Je dis aux gens que ce film serait comme la rencontre entre Mel Brooks, qui a fait Blazing Saddles (Le shérif est en prison, 1974) et Clint Eastwood, qui a fait Pale Rider (Le Cavalier solitaire, 1985), et qui seraient tous les deux devenus des dessinateurs et auraient fait un film d’animation, c’est ça mon inspiration : Mel Brooks et Clint Eastwood.

J’ai pensé que cela ferait un bon film. Il y a de l’humour, mais il y a aussi beaucoup de mystère et il est aussi question de justice. J’ai pensé que cela aiderait beaucoup au scénario, l’histoire d’un personnage mystérieux qui n’est peut-être même pas réel, qui sort peut-être de l’imagination de quelqu’un, qui pourrait être un fantôme et qui arrive dans cette ville. Chaque fois qu’il y a du brouillard, il apparaît. Puis si on commence à tirer sur lui, le brouillard revient et il disparaît. J’ai trouvé que c’était un élément très mystique et c’est vraiment fidèle au climat de l’Oregon. Il y a beaucoup de brume, de brouillard, c’est quelque chose qui fait partie de la narration et que j’aime beaucoup.

Il y est question d’écologie et de défense de la nature. Que pouvez-vous nous en dire ?

Je pense que c’est la première fois que je m’intéresse à l’environnement et aux questions écologiques. Bien que ce ne soit pas si fort, ce n’est pas un message trop alarmant, il fait bien partie de l’histoire, c’est une partie très importante. Il y a une blague amusante dans le film : quelqu’un coupe un arbre et le tronc de cet arbre devient une bouche, qui s’exclame : « what the fuck ! ». Les arbres sont donc des personnages vivants ! Il y aussi la question du village de pêcheurs, qui a été détruit, encore une fois par ces gars-là qui sont sans racines et très méchants. J’aime bien faire intervenir dans ce scénario l’écologie et les problèmes environnementaux qui se posent dans la nature.

Cela joue énormément sur les couleurs du film. C’était une sorte de nouveau défi ?

Oui, c’est intéressant parce que quand j’ai préparé le film, je pensais qu’il serait très coloré et puis j’ai vu l’année dernière le film Babylon de Damien Chazelle avec Brad Pitt. Le début est monochromatique, il n’y a qu’une seule couleur et je me suis dit « wouah, c’est si puissant, c’est le genre d’aspect que je veux pour Duel à Monte-Carlo del Norte », parce qu’il se rapproche des films en noir et blanc. Je n ‘ai pas vu beaucoup de « westerns noirs » et je veux que celui-ci soit vraiment différent, vraiment unique dans l’animation, parce que la plupart des films d’animation ont des couleurs vives. Je veux que ça reste très adulte, très triste, très noir. Il y a quelques parties en couleur dans le film, c’est quand j’intercale une musique et qu’on voit comme un petit clip vidéo. La couleur est importante, même quand vous le faites en monochromie. Duel à Monte-Carlo del Norte va encore plus loin dans ce que j’ai pu faire jusqu’à maintenant et est travaillé autour d’une seule couleur qui se rapproche du sépia, un aspect sépia poussiéreux. Cela rend les jumeaux beaucoup plus maléfiques, beaucoup plus effrayants.

Avec quels outils travaillez-vous aujourd’hui ?

J’ai ici un stylo normal (un stylo bille) et voilà ma boite de crayons de couleur. J’en ai deux, les autres crayons sont très lowtech. En fait, certains de ces crayons sont devenus très petits, ils sont en quelque sorte presque morts. Je me sens triste de jeter un crayon à la poubelle, pour moi ils sont vivants, ils m’ont aidé à faire ce film, ils sont mes assistants. Ce sont donc les deux outils que j’ai utilisés, puis nous avons fait de la mise en couleur numérique avec Folimage.

Comment faites-vous pour entretenir votre passion du dessin ?

C’est vraiment important d’essayer de nouvelles choses ! Je veux dire que je trouve toujours des idées folles. Je vous donne un exemple, il y a un plan dans le film où un gars tire avec son arme sur quelqu’un et le pêcheur prend une épée et lui coupe la tête. Sa tête commence donc à voler dans les airs et c’est un spectacle qui repose sur un point de vue particulier : vous regardez la bataille depuis la tête décapitée dans le ciel. Et comme cette tête monte de plus en plus haut dans le ciel, vous pouvez voir tout le panorama de la bataille. Alors, quand on trouve une idée comme celle-là, on se dit : « oh, c’est amusant, c’est vraiment excitant de voir ça, je ne l’ai jamais vu avant, c’est un plan que je pense avoir créé », mais peut-être que je l’ai vu dans quelque chose de plus ancien que j’ai oublié… Pour moi c’était très excitant à faire parce que j’avais l’impression d’avoir une nouvelle idée que je n’avais jamais mise en oeuvre. 

J’aime aussi dessiner les méchants, ils sont tellement amusant à dessiner ! Pour ce film, j’ai dessiné environ 100 méchants, peut-être plus. C’est une expérience enrichissante. À la fin, je me levais à 3 heures du matin et je dessinais jusqu’à 7 heures du soir, puis je me couchais et je ne sais pas ce qui me prenait, je me levais le matin et je me disais : « oh là là, je suis tellement excité de pouvoir faire encore plus d’animation ». Pour moi, c’est une récréation, c’est une expérience joyeuse, c’est faire des dessins animés fous toute la journée !