Nous sommes en 2034. Cela fait trois ans que l’Asie du Sud-Est est dans le noir, littéralement. Le soleil ne se lève plus, suite à des éruptions volcaniques massives dans la mer de Célèbes. Des fous dirigent les pays, les communautés, les enclaves et les villes. Des épidémies cataclysmiques ont ravagé le continent. Ils sont des millions à être morts, des millions à être partis.
Quinzaine des Réalisateurs – Cannes 2019
Avec : Hook Torollo Piolo Pascual • President Navarra Joel Lamangan • Haminilda Rios Shaina Magdayao • Martha Officio Hazel Orencio • Marissa Ventura Mara Lopez • Jean Hadoro Pinky Amador • Mailman Joel Saracho • Mennen Reyes Philip Heremans • Fr. Romero Noel Miralles • Noe Ashton Trevin Llarenas • Cat Gala Athena Diaz
Réalisation, Scénario, Montage Lav Diaz • Producteur Lav Diaz • Directeur de production Hazel Orencio • Image Lav Diaz, Daniel Uy • Directeur artistique Max Celada, Allen Alzola • Costumes Ahmed Maulana • Assistant de production Cee Buban • Son Corinne De San Jose, Jemboy Aguilar
Lav Diaz
Né aux Philippines en 1958, Lav Diaz a fait des études d’économie et, plus tard, de cinéma au Mowelfund Film Institute à Quezon. En 1994, il entame Evolution of a Filipino Family, une épopée de 11 heures en 16 mm, achevée en numérique dix ans plus tard. Sa reconnaissance s’établit grâce à une trilogie monumentale, composée de Batang West Side (2001), Evolution of a Filipino Family (2004) et Heremias (2006). Death in the Land of Encantos (2007) et Melancholia (2008) sont tous deux primés à la Mostra de Venise, le premier remportant une mention spéciale et le second le Premio Orizzonti. L’aura internationale du réalisateur ne fait que croître avec ses œuvres suivantes, Century of Birthing (2011), Florentina Hubaldo, CTE (2012) ou encore Norte, la fin de l’histoire (2013), sélectionné au Festival de Cannes. En 2014 il reçoit le Léopard d’or au Festival international du film de Locarno pour From What is Before (2014).
Filmographie
2001 BATANG WEST SIDE
2005 EVOLUTION OF A FILIPINO FAMILY
2006 HEREMIAS, BOOK 1
2007 DEATH IN THE LAND OF ENCANTOS
2009 MELANCHOLIA
2011 CENTURY OF BIRTHING
2012 FLORENTINA HUBALDO, CTE
2013 NORTE, LA FIN DE L’HISTOIRE
2014 FROM WHAT IS BEFORE
2016 BERCEUSE POUR UN SOMBRE MYSTÈRE
2016 LA FEMME QUI EST PARTIE
2018 LA SAISON DU DIABLE
NOTE D’INTENTION DU RÉALISATEUR
Je me promenais au bord de l’eau, dans une des villes où je me suis
rendu l’an dernier (pour un festival de cinéma qui déteste Hollywood),
et j’ai croisé un groupe de gens du coin, qui écoutaient attentivement
et affectueusement leur « Socrate », un vieil homme. J’avais ma caméra,
j’ai enregistré une partie de son monologue, ainsi que le bruit des
vagues, le souffle du vent, la plainte des mouettes, le tout donnant un
sentiment d’émotion et d’urgence, une sorte de chant funèbre.
« Les dictateurs, les fascistes, les despotes, les leaders fous, ils
ont tous des prédispositions génétiques qui leur permettent de dire au
monde que leur pénis est le plus grand. Ou bien ils se vantent d’avoir
molesté et violé des femmes. Ou bien ce sont des ordures de la pire
espèce, qui ont des milliards de millions planqués dans des comptes
secrets dans des banques en Suisse, à Singapour ou aux Bahamas. Ils
s’inventent des histoires d’amour exquises et romantiques. Ou bien ils
affirment entendre la voix de Dieu et d’autres créatures mystiques dans
les éclats du tonnerre, qui les auraient désignés comme des élus. Ces
fanfaronnades incessantes parviennent jusqu’à l’autre côté du trou noir,
car l’univers est bien trop petit pour ces mégalomaniaques. L’humanité
dont la propension à l’ignorance conduit à fabriquer des mythes, produit
hélas ce genre de psychopathes, de mythomanes. La complicité, l’apathie
générale y participe aussi, il y a de nombreuses raisons qui poussent
les gens à se conduire de la sorte. Les psychiatres et les psychologues
en déduisent généralement que nous
Note d’intention
sommes tous coupables, à différents degrés et niveaux, selon notre
intérêt. Qui sont-ils, derrière les murs de leurs palaces, de leurs
propriétés, de leurs retraites au soleil, de leurs forteresses ? Et
pourquoi la foule est-elle la seule force qui puisse les faire tomber ? »
Puis la foule s’est dispersée et lui, très calme, assis sur un rocher, regardait l’océan.
J’ai essayé d’établir le contact en lui disant bonjour.
Il m’a demandé, non pas qui, mais « Qu’êtes-vous » ?
J’ai dit, je suis cinéaste.
Sa question suivante fusa aussitôt : « Que peut le cinéma ? »
J’étais pétrifié.
Nous sommes allés boire des bières et nous lamenter sur l’état du monde. Il demeurait optimiste.
Je lui ai parlé du film que je m’apprêtais à tourner, un mélange de
science-fiction et d’horreur, à propos de la mort d’un dictateur, de la
mort de la moralité, de la mort de la vérité.
Ses derniers mots avant d’être englouti par l’obscurité : « Ne fais pas confiance à ce que tu connais. »
Lav Diaz