Le 17 février 1673, Molière et sa troupe se produisent sur la scène du théâtre du Palais-Royal à Paris. Le célèbre dramaturge ne sait pas qu’il joue Le Malade imaginaire pour la dernière fois. En effet, alors qu’il est en pleine représentation, il commence à cracher du sang. Cependant, il décide de continuer à jouer et laisse pénétrer dans l’espace du théâtre les événements et fantômes qui ont fait sa vie, transfigurant sa mort en un ultime éclat de rire.
avec Laurent Lafitte, Stacy Martin, Bertrand de Roffignac, Jean-Damien Barbin, Jeanne Balibar, Judith Magre, Dominique Frot, Catherine Lachens
Réalisation OLIVIER PY • Scénario OLIVIER PY et BERTRAND DE ROFFIGNAC • Image LUC PAGÈS • Son FRANÇOIS WALEDISCH, THOMAS DESJONQUÈRES, JUDITH GUTTIER, MARTIAL DE ROFFIGNAC • Décors PIERRE-ANDRÉ WEITZ • Costumes YVETT ROTSCHEID • Montage LISE BEAULIEU • Premier assistant réalisateur NICOLAS GUILLEMINOT • Direction de production et de post-production VALÉRIE ROUCHER • Régie générale RICHARD VERA • Producteurs THOMAS et MATHIEU VERHAEGHE en association avec INDÉFILMS 11 • Avec le soutien de la RÉGION PROVENCE-ALPES-CÔTE D’AZUR • En partenariat avec le CNC • avec le soutien de CINÉ+ et de la FONDATION BRU avec la participation de OCS ventes internationales PLAYTIME
Olivier Py
Olivier Py est auteur de théâtre, comédien, metteur en scène, directeur de lieux de diffusion. Après des études à l’École nationale supérieure d’Arts et Techniques du Théâtre (Ensatt), il entre au Conservatoire national supérieur d’Art dramatique en 1987, tout en faisant des études de théologie. En 1988, il fonde sa compagnie et assure lui-même la mise en scène de ses textes. Nommé en 1998 directeur du Centre Dramatique National d’Orléans, il est de mars 2007 à mars 2012 directeur du Théâtre de l’Odéon et prend en 2014 la direction du Festival d’Avignon. Sa mise en scène de l’intégrale du Soulier de satin de Paul Claudel (2003) a reçu le prix Georges-Lherminier, décerné par le Syndicat de la Critique.
En juillet 2006, il a mis en scène dans la Cour d’honneur du Palais des Papes un hommage à Jean Vilar, L’Énigme Vilar. C’est également au Festival d’Avignon qu’il interprète pour la première fois, en 1996, son personnage de Miss Knife, qui a fait l’objet de deux disques édités chez Actes Sud. De 2009 à 2012, il traduit, adapte et met en scène l’intégrale des textes d’Eschyle (Les Sept contre Thèbes, Les Suppliantes, Les Perses). La plupart de son œuvre est éditée chez Actes Sud, dont un Théâtre complet en trois volumes.
Il a été traduit en anglais, italien, allemand, slovène, espagnol, roumain et grec. Il a publié en 2012 chez Actes Sud un essai politique, Cultivez votre tempête, et, en 2013, Les Mille et Une Définitions du théâtre et Siegfried, nocturne. Depuis 1999, Olivier Py se consacre également à la mise en scène d’opéra avec, entre autres, Les Contes d’Hoffmann d’Offenbach, Tristan et Isolde, Tannhäuser et Le Vaisseau fantôme de Wagner, Curlew River de Britten, Pelléas et Mélisande de Debussy, The Rake’s Progress de Stravinsky, Mathis der Maler de Hindemith, Les Huguenots de Meyerbeer, Carmen de Bizet, Claude de Robert Badinter et Thierry Escaich (créé à l’Opéra de Lyon), Alceste de Gluck, Aida, Le Trouvère et La Force du destin de Verdi, Dialogues des carmélites de Poulenc, Hamlet d’Ambroise Thomas, Ariane et Barbe‑Bleue de Paul Dukas.
En 2014, pour la 68e édition du Festival d’Avignon, Olivier Py crée Orlando ou l’Impatience, une comédie dont il est auteur et metteur en scène. En 2015, il met en scène Le Roi Lear de Shakespeare.
Entretien avec Olivier Py
En quoi votre Molière est-il imaginaire ?
Parce que l’on a très peu de documents historiques sur Molière. Il n’existe aucune lettre ni aucun manuscrit de lui. On est donc
forcé d’imaginer ce qui s’est passé au cours de cette nuit incroyable où il est mort en scène, jouant sa propre mort et se vouant luimême
à la mort. En revanche nous avons la lettre d’Armande à l’archevêque au lendemain de la mort de Molière, missive dont je
me suis beaucoup inspiré. Il existe également un document historique qui est le registre de Lagrange et qui apparaît dans le film.
Ce n’est pas un document littéraire. Il y décrit le décès de manière factuelle. C’est presque glacial. Nous disposons aussi d’objets
qui n’ont pas d’autorité historique à proprement parler comme par exemple des pamphlets ou des textes écrits dans la décennie
qui suit la disparition de Molière. Quand il devient un mythe. Mais je ne suis pas historien. Je fais un travail de poète. Je rêve sur
Armande, sur Baron et toutes celles et tous ceux qui l’ont entouré. J’aime cette idée de rêver.
Quelle a été la genèse de ce projet ?
Il est né dans un temps extrêmement particulier puisque c’est en plein confinement. J’étais juste à ce moment-là en train de
m’interroger sur mon incapacité à écrire du théâtre. J’avais plusieurs projets mais je me suis aperçu que celui concernant Molière
les concentrait tous.
Dans quelle mesure ?
L’idée d’abord de filmer les dernières heures de quelqu’un. Que se passe-t-il lorsqu’on approche de la mort ? J’avais également
envie de filmer les coulisses d’un spectacle plus que le spectacle lui-même. Et enfin le rapport entre l’artiste et le politique. Thème
qui m’interroge beaucoup et me passionne. Tout cela a convergé vers l’idée de travailler sur Molière, moi qui n’ai pourtant jamais
mis en scène cet auteur. Je suis un amoureux presque adultérin de Molière. Mais j’ai joué Le Malade imaginaire à 25 ans, lorsque
j’étais jeune premier dans une mise en scène de Jean-Luc Lagarce. Jean-Luc était alors mourant et nous avons traversé tous
ensemble cette aventure à la fois magnifique et tragique. Et je me suis toujours dit que je devrais raconter cette histoire liée qui
plus est au Sida qui a marqué ma génération. Tout cela expliquant pourquoi cette pièce continue à me bouleverser.
On sait que Molière n’a pas trépassé sur scène. Mais cette version est si tragiquement belle…
Ça a beaucoup évolué au cours des siècles. Au 19ème on veut qu’il meure sur scène. Ce qui est faux. De plus je trouve que le fait
qu’il veuille absolument finir la représentation a quelque chose de superbement héroïque.
Vous évoquez sa relation amoureuse avec Michel Baron…
Je me suis beaucoup intéressé à sa relation avec Baron qui, dans le contexte général des ‘queer studies’, a été révélée par une
convergence de sources. Il faut savoir que ce que l’on connaît de Molière on le tient de Baron. La première biographie de l’auteur,
signée Grimarest, est en réalité un long entretien avec Baron. Pas tout à fait fiable donc sur le plan historique puisqu’il dit ce qu’il
veut de lui et de celui qu’il a aimé.
Baron y suggère-t-il sa liaison avec Molière ?
Un peu. Mais là où c’est clairement raconté c’est dans un texte écrit dix ans après la mort de Molière, intitulé La Fameuse
comédienne où, sur cinq pages, est racontée la relation amoureuse des deux hommes. Sans aucun jugement d’ailleurs. C’est un
pamphlet contre Armande mais absolument pas contre Baron ou Molière, ni contre leur amour. Il faut dire qu’à l’époque, tout le
monde avait envie de coucher avec Baron. Il est vraiment une star. Le sex symbol des années 1770.
Molière queer ? Vraiment ?
Molière, dont le but est d’abord de plaire au Roi, est assez libertin tant que Louis XIV l’est. Et celui-ci l’est car il est jeune. Il
deviendra très bigot mais plus tard et Molière ne sera plus là. Donc il répond à la jeunesse du Roi qui n’est pas très concerné alors
par les choses religieuses. Il vit de plus dans un monde qui est celui de la Cour mais qui n’est pas Versailles. C’est la troupe de
Monsieur, le frère du Roi et qui est notoirement entouré de garçons. Donc Molière vit dans un monde très homosexuel. En
commençant par Lully. Il faut aussi savoir que Molière n’a jamais eu d’actrice âgée. Tous ces personnages comme Madame
Jourdain ou Béline étaient joués par un homme. Molière vit donc dans un monde totalement libre où l’on fait ce que l’on veut.
Comment avez-vous élaboré le scénario ?
J’ai lu tout ce que je pouvais lire. Ce qui n’est d’ailleurs pas énorme. Puis j’ai contacté Christian Biet, un homme pour lequel j’avais
une grande admiration et qui est mort peu de temps après avoir travaillé avec nous sur le scénario. Je souhaitais qu’il fasse une
relecture historique du premier jet. Un Molière imaginaire certes mais imaginable aussi. Il n’était pas question d’écrire n’importe
quoi. Il a corrigé un peu de syntaxe, l’emploi de certains lexiques. Nous avons aussi beaucoup parlé de ce qu’était le théâtre du
Palais-Royal dont nous ne savons pratiquement rien. Aucune gravure. Ce que l’on en connaît n’existe que par association avec
d’autres théâtres de l’époque. Une fois la première version du scénario écrite, j’ai appelé Bertrand de Roffignac qui joue Baron
pour que nous puissions ensemble lire et relire, assouplir la langue et inventer des outils scénaristiques qui allaient permettre le
plan séquence.
Le scénario s’articule sur plusieurs piliers : l’historique, le filmique et le dramaturgique…
Absolument. Avec Pierre-André Weitz nous avons construit des maquettes pour reconstituer l’objet, des maquettes dessinées.
Et en parallèle de l’écriture du scénario, avec un téléphone portable, nous avons commencé à filmer les déplacements et à imaginer
des scènes en fonction de ce que la maquette impliquait.
Le dramaturgique ce sont entre autres les flash-back. Il y en a quelques-uns, dont deux particulièrement qui me semblaient
indispensables : celui avec le père de Molière et celui avec Madeleine Béjart. Le second est d’autant plus important que Molière
est mort le même jour que Madeleine. Ils se sont retrouvés dans le calendrier, ce que je trouve bouleversant.
Molière retrouve le spectre de Madeleine sous la scène. On pense aux enfers…
Je ne pouvais faire un film sans elle. C’est elle qui fait Molière. La troupe c’est elle aussi. Symboliquement en effet elle est en enfer.
Lui peut-être au paradis. On ne sait pas très bien. Madeleine est un personnage incroyable. L’exemple même d’une femme libre.
Et puis je voulais évoquer le grand mystère de la paternité d’Armande. Personne ne sait rien. Mais ce que les historiens suggèrent
c’est que ni Madeleine ni Molière ne savaient non plus. C’est possible. Une chose est certaine, c’est que l’un comme l’autre ne
peuvent éliminer ce fantôme.
Votre film parle de la beauté de l’art théâtral…
Il dit surtout le sacrifice, le dérisoire. C’est pour cela que le rapport au cinéma est intéressant. Les gens de théâtre voient leur
oeuvre disparaître tous les soirs. C’est très amusant quand on est jeune mais lorsque l’on vieillit on se rend compte que l’on ne
laissera rien. Qu’il n’existera aucune trace. Alors que le cinéaste laisse une trace à la postérité. Il existe donc cette souffrance chez
les gens de théâtre.
Ce sentiment a-t-il nourri le scénario ?
Il nourrit ma vie. Et le scénario lui est intimement lié. Toutes proportions gardées. Mais j’ai une expérience commune. Comme
lui, j’ai l’expérience du rapport entre théâtre et pouvoir, de la vie d’une troupe et de la vie des représentations. J’ai passé la moitié
de ma vie dans les coulisses. Donc oui bien sûr c’est de l’ordre du biographique.
Le film évoque les trahisons dont Molière est victime : celle du Roi, de Lully.
C’est vrai. Lully a volé la vedette à Molière. C’est une vision que l’on n’a pas vraiment de lui mais en réalité c’est Molière qui
invente l’opéra. Il est à l’origine du grand spectacle, du spectacle chanté. Il invente les machineries. Mais la trahison centrale c’est
celle d’Armande, son épouse, avec laquelle les rapports se sont distendus. Pas pour rien puisqu’un an plus tôt ils ont perdu un
enfant. Baron est aussi volage. Il a trente ans de moins que Molière. Et puis enfin cette troupe toujours tentée d’aller ailleurs, à
l’Hôtel de Bourgogne. C’est-à-dire de faire du théâtre noble.
Vous faites le choix d’un film en plan séquence. Pour quelles raisons ?
J’avais toujours rêvé de faire un plan séquence. De faire La corde, film plus que crypto gay, qui m’avait fasciné dans mon enfance
et qu’Hitchcock trouvait raté et détestait. Lorsque j’ai commencé à réfléchir à ce film, il y avait l’idée d’un lieu unique permettant
le plan séquence. Et aussi cette cavalcade vers la mort qui est rendue inéluctable parce que justement sans plan de coupe. Donc
pas d’échappatoire. Le temps du film est le temps du battement de coeur du spectateur. Cette idée du plan unique est venue très
vite et elle a déterminé une écriture qui, du coup, n’est ni littéraire ni théâtrale mais véritablement filmique. Dès le départ je
voulais prendre en compte les trajets pour aller d’un décor à un autre. Il fallait forcément écrire quelque chose pour suivre le
parcours de cette caméra.
Est-ce un choix contraignant ?
Surtout sur le plan rythmique parce que l’on ne peut pas remonter le rythme du film. C’est fait. Et c’est très inquiétant pour un
metteur en scène. C’est une peinture à la fresque. On ne peut pas retoucher. C’est pour cela que nous avons créé avec Pierre-
André Weitz une maquette. C’était indispensable pour faire des essais de mouvements de caméra à l’intérieur. Nous avons
absolument tout storyboardé.
Quelles conséquences pour les acteurs ?
Ce sont des prises où tout le monde retient son souffle. Personne ne respire. Ce sont des moments d’apnée. Nous descendons
dans les profondeurs de l’âme collective. C’est excitant mais cela crée une tension énorme. J’en ai fait quelques-uns en tant
qu’acteur et on ne vit pas cela de la même manière qu’un plan de coupe dont on sait que le refaire n’est pas un problème. Mais
quand ça marche, on a l’impression d’avoir vaincu la mort. C’est extraordinaire.
La mise en scène joue de suspensions, de ruptures… Les scènes possèdent leur propre dramaturgie…
C’est tout à fait juste. Le plan séquence n’implique pas toujours le mouvement. Il y a des plans fixes. En réalité on va d’un plan à
un autre avec des scènes intermédiaires. Je voulais qu’il y ait des respirations. De plus, j’ai une théorie très particulière sur le
cinéma qui consiste à penser qu’il est muet même quand il est parlant et en noir et blanc même quand il est en couleur. Je voulais
donc des moments de silence, de pause ou de musique, de corps. Autrement dit des instants où la parole ne serait pas primordiale.
Est-ce pour cela qu’il n’y a que très peu de couleurs à l’écran ? Un code chromatique très précis composé de rouge, d’or, de blanc et de noir…
Très strict. D’autant plus qu’il se trouve que je n’aime pas le 35 couleur. L’arrivée de la télé couleur m’a traumatisé. Je n’aime pas
le 35 pseudo réaliste. J’y perds le rêve que doit être pour moi le cinéma.
Vous avez réinventé le théâtre du Palais-Royal dont vous dites que l’on ne sait presque rien…
On sait qu’il était exigu. C’est avéré. Nous avons donc essayé de rendre à l’écran cette étroitesse. Le toit fuit, on le sait puisque
Lagrange en parle et qu’ils essaient d’installer un velum pour limiter la chute de l’eau. On éclairait à la bougie ce que j’ai tenu à
retrouver. Le souci du Palais-Royal c’est que ce n’était pas un théâtre rond, dit à l’italienne comme il en existe encore aujourd’hui
et qui arrivera plus tard, mais un théâtre rectangulaire. Avec des loges. Il a donc fallu que nous construisions un décor. Car aucun
théâtre ne ressemble aujourd’hui à cela.
Le labyrinthe du décor est un personnage à part entière…
Il raconte un monde intérieur. Dès le départ, Pierre-André Weitz m’a dit : pas de fenêtres. J’ai acquiescé. Sauf dans la dernière
scène. Cela donne une sensation claustrophobe. Son élaboration est née de recherches mais aussi d’envie de dramaturge. Nous
l’avons construit, déconstruit puis reconstruit toutes les nuits. Parfois même avec les comédiens qui nous prêtaient main forte.
Nous repeignions, rebâtissions… Il met en images deux mondes qui font plus que cohabiter. Qui s’interfèrent. On voit que c’est
poreux entre la scène et la salle. Que les courtisans peuvent filer en coulisses. Je pense que c’était le cas du Palais-Royal. C’était
un lieu de vie. Le public n’est que moyennement intéressé par la pièce. C’est pour cela que j’ai tenu à le filmer. Pour montrer les
différences sociales qui sont importantes. Et la manière dont il se tient : on mange, on discute, on baise… ce n’est pas le public
captif et sage de la fin du 19ème siècle.
Vous avez choisi de filmer à la bougie. Une entrave de plus ?
Pas tant que cela. Sauf que l’on consomme beaucoup de bougies ! Comptez juste un petit millier par jour. Mais, nous ne répétions
pas à la bougie. Nous ne les allumions que pour les prises. En revanche, c’est très dangereux surtout lorsque l’on joue avec des
perruques. Nous avons vite compris pourquoi les théâtres brûlaient à cette époque-là. Au niveau du diaphragme ce n’est pas très
difficile car les caméras d’aujourd’hui sont très sensibles. Tourner ainsi était une façon pour moi de ne pas tricher. Car la bougie
est mouvante. Dès le premier plan. Laurent dit « qu’il crève Molière ». Il porte alors un peu la voix et, à ce moment, la bougie
travaille. Cela crée des effets stroboscopiques sur son visage, au moment où il se souhaite la mort. Un pur miracle de cinéma qu’il
est impossible de reproduire.
Comment avez-vous pensé à Laurent Lafitte pour le rôle-titre ?
Je trouve d’abord qu’il ressemble physiquement à Molière. Sur des tableaux de Nicolas Mignard c’est troublant. Le seul défaut de
Laurent – et je le lui avais dit – c’est qu’il est un peu trop sexy pour le rôle ! En revanche, sur ces mêmes portraits, on décèle ce
que l’on pourrait appeler une humanité chez Molière. Et Laurent a cela. Même quand le personnage est odieux. Il en fait un être
humain qui aime, qui souffre, qui pense avoir échoué… Laurent était une évidence. Même si lorsque j’écrivais, je croyais ne jamais
trouver un comédien capable de faire cela. Puis j’ai pensé à lui, je lui ai envoyé le scénario et quelques heures plus tard il acceptait.
Un mot sur Bertrand de Roffignac et Stacy Martin ?
Bertrand est sans doute l’acteur le plus génial de sa génération. Il a une beauté atemporelle. Un physique de dandy d’une autre
époque. Quant à Stacy, je l’avais vue dans le Lars Von Trier et qu’elle ait dit oui m’a rendu fou de joie. Sublime comédienne avec
une grande humilité car elle n’a pas fait de théâtre au contraire d’une grande partie du casting.
Le plan final est glaçant et revêt une grande puissance symbolique.
Cette scène est arrivée très tôt dans l’écriture. Pour la filmer nous avons choisi un chien talentueux mais nous n’avons absolument
pas réussi à lui apprendre à ne pas faire de regards caméra ! Du coup on ne sait pas s’il aboie sur nous ou sur la caméra. De plus,
le temps nous était compté car la nuit tombait. Donc nous n’avons pu faire qu’une seule prise. Mais miraculeuse. Magique. Le
chien déchire l’écran. Ce qu’un acteur ne peut pas faire. Il aboie à notre mortalité. Il y a sans doute un effet philosophique dans
cette scène qui, de plus, ne peut exister qu’au cinéma. Pas au théâtre.