Film recommandé

Légua

Filipa Reis et João Miller Guerra

Distribution : Norte Distribution

Date de sortie : 13/12/2023

Portugal, France, Italie - 2023 - 1h59 - 2k - dcp

Dans un vieux manoir situé au nord du Portugal, Ana aide son amie Emília, la vieille gouvernante qui continue de prendre soin d’une demeure où les propriétaires ne se rendent plus. Au fil des saisons, Mónica, la fille d’Ana, remet en question les choix desa mère, et ces trois générations de femmes tentent de comprendre leur place dans un monde en déclin, où le cycle de la vie ne se renouvelle qu’après d’inévitables fins.

Avec Carla Maciel, Fátima Soares, Vitória Nogueira da Silva, Sara Machado, Paulo Calatré, Manuel Mozos

Réalisation Filipa Reis, João Miller Guerra • Scénario João Miller Guerra, Filipa Reis, Sara Morais, José Filipe Costa, Letícia Simões • Productrices Rachel Daisy Ellis, Filipa Reis • Co-producteurs Catarina Mourão, Alexandre Gavras, Jon Coplon • Assistant réalisateur Emídio Miguel • Directeur de la photo Vasco Viana • Montage Luísa Homem • Produit par Uma Pedra no Sapato • Co-produit par Laranja Azul, KG Productions, Stayblack Productions • ventes internationales Luxbox

Filipa Reis et João Miller Guerra

Filipa Reis

(1977, Lisbonne) est réalisatrice et productrice depuis 2000. Diplômée en cinéma et télévision, elle a fondé en 2008 la société de production de films Uma Pedra no Sapato. Elle a coréalisé plusieurs documentaires avec João Miller Guerra, sélectionnés et primés dans des festivals internationaux tels que l’IDFA, Cinéma du Réel, DOK Leipzig et BAFICI. Djon Africa, son premier long métrage de fiction, également coréalisé avec João Miller Guerra, a été présenté en première mondiale lors de la compétition Tiger au Festival du film de Rotterdam (2018). Légua est son deuxième long métrage de fiction.

João Miller Guerra

(1974, Lisbonne) est un réalisateur, un éditeur et un artiste visuel, titulaire d’un diplôme en design et d’un post-diplôme en peinture. Il a coréalisé plusieurs documentaires avec Filipa Reis, sélectionnés et primés dans des festivals internationaux tels que l’IDFA, Cinéma du Réel, DOK Leipzig et BAFICI. Djon Africa, son premier long métrage de fiction, a été présenté en première mondiale à la Tiger Competition du Festival du film de Rotterdam (2018). Légua est son deuxième long métrage de fiction.

Entretien avec les réalisateurs

D’où vient le désir de réaliser LEGUA ?

JOÃO: Légua est un petit village du nord du Portugal où ma famille possède une maison dans laquelle j’ai passé la plupart de mes étés. J’ai une immense affection pour cet endroit, et de nombreux souvenirs y sont attachés, en particulier avec mon père. Adulte, j’ai commencé à réfléchir à la signification de ce manoir, à la vie des personnes qui y ont vécu, aux structures sociales et économiques qui l’ont soutenu et aux relations humaines qui s’y sont nouées. Cette réflexion s’est approfondie au fil des conversations avec Filipa, lorsqu’elle a commencé à fréquenter cet endroit. La personne qui nous a inspiré le personnage d’Emília est quelqu’un qui me connaît depuis ma naissance. Et la personne qui nous a inspiré le personnage d’Ana a pratiquement le même âge que moi et travaillait également dans la maison chaque fois que nous nous y rendions. Lorsque nous avons commencé à faire des recherches pour ce film, nous avons appris que la dame qui s’occupait de la maison à plein temps et qui y vivait également est tombée malade. C’est sa collègue qui l’a très généreusement accueilli dans sa maison. Ce geste est le point de départ de ce film

FILIPA: Ce qui m’a le plus fascinée lorsque j’ai commencé à m’y rendre, ce sont les femmes qui habitaient la maison et gravitaient autour d’elle. Comment les vies, les rêves et les ambitions évoluaient au fil des générations. Lorsque les personnages ont émergé, nous avons mélé leur vie et leur quotidien aux saisons, aux cycles agricoles et à la régénération de la nature. Une femme âgée catholique, célibataire, en contraste avec celle d’une génération plus jeune et plus autonome qui se consacre à sa famille et à sa maison et la fille de cette dernière qui ne se sent plus appartenir à cette campagne, avec une vie, un quotidien et des aspirations complètement différentes.

La maison est une sorte de personnage principal du film. Comment s’est déroulée l’élaboration de ce personnage ?

FILIPA: J’étais intéressée par l’idée de l’absence des patrons dans la maison et de la vie qui continue de s’y dérouler. Le fait que les propriétaires n’apparaissent jamais dans la maison était très important – ils ne sont plus la raison pour laquelle Emília continue malgré tout de vivre et prendre soin de cet espace. Le prêtre, qui représente les propriétaires, lorsqu’il visite la maison, a beau dire à Emília “Nous sommes votre famille…”, mais plus personne n’est présent dans la vie de cette maison et d’Emilia.

JOÃO: Dans cette grande maison il n’y a que l’histoire de la famille des propriétaires. L’espaces est rempli de meubles, d’objets, de photographies et de peintures qui ne racontent ni l’histoire d’Emília ni celle d’Ana.

Le tournage s’est déroulé sur plusieurs saisons au cours d’une année. Dans quelle mesure était-il important que les personnages fassent l’expérience des quatre saisons ?

JOÃO: L’expérience des quatre saisons était fondamentale pour créer dans le film l’idée d’un cycle, que la mort est la fin de quelque chose qui laisse à une nouvelle vie. Ana, par exemple, est constamment liée aux variations de la culture des champ – son potager change ainsi que ses tâches en fonction de l’évolution et la croissance des plantes. La vie dans les champs a son propre rythme et c’est le regard du film qui le donne. L’agriculture a besoin de gestes répétés qui ritualisent la vie quotidienne. Et par extension on vieillit jusqu’à la mort mais la vie continue. Cela ne s’applique pas seulement à l’évolution de la maladie d’Emília; la mousse apparaît sur les pierres, puis se dessèche et les insectes et bêtes vivent, procréent et meurent.

FILIPA: Nous voulions aborder la notion de transformation et non la mort comme une fin. Nous sommes tous fait de matière et nous changeons sans cesse, que l’on soit humains ou animaux tout comme les plantes et les pierres chacun avec sa temportalité.

Comment s’est déroulé le travail sur les différences et les complicités entre les trois générations de femmes représentées dans votre film ?

FILIPA: Nous travaillons avec des femmes autonomes. Emília qui décide de mourir dans la seule maison qu’elle considère comme la sienne. Ana qui décide de rester dans le pays où elle est née en renonçant à émigrer avec son mari. Monica qui gagne son indépendance tout en explorant sa sexualité. J’aime beaucoup réfléchir à l’intimité et à l’érotisme. Comment notre corps peut apprendre à se sentir, avec l’autre, mais aussi avec les différents sujets. Nous voulions explorer cela dans le personnage d’Ana. La connexion de son corps à la terre par le travail, mais aussi sa communion sensorielle avec les éléments naturels, le soleil, le vent, l’eau : les sens sont tous ouverts à la physicalité et à la matérialité des choses. Nous avons également exploré les nuances des rapports de force entre elles. Et l’énorme amitié qui unit ces femmes à l’opposée.

JOÃO: Emília est une personne qui est encore dans le régime féodal, qui a intériorisé l’ascendant des patrons et qui s’est abandonnée à ce qui n’est pas son héritage. D’un autre côté, nous avons la jeune génération, Mónica, la fille d’Ana, qui devient indépendante, rejette la soumission et aspire à un statut similaire à celui des propriétaires de la maison.

FILIPA: Il y a eu beaucoup de débats sur la façon dont nous allions représenter ces patrons qui vivent dans la capitale et qui ne viennent jamais habiter dans la maison et sur le fait qu’il y a une propriété qui se transmet de génération en génération, perpétuant un certain état des relations sociales et économiques. Nous ne voulions pas esquiver cette réflexion depuis la place privilégiée que nous occupons.