Film recommandé

On dirait la planète Mars

Stéphane Lafleur

Distribution : UFO Distribution

Date de sortie : 02/08/2023

Quebec - 1h44 – DCP - 35mm, ratio 1.85 - son 5.1

La première mission habitée sur Mars est en péril.
Pas de panique : une branche canadienne de l’agence spatiale envoie dans une base en plein désert cinq anonymes sélectionnés pour leurs profils psychologiques quasi identiques à ceux des astronautes. Ils doivent vivre comme eux, penser comme eux, être comme eux, pour anticiper et résoudre les conflits. Mais ici ce n’est pas tout à fait la planète Mars. Et ce ne sont pas vraiment des astronautes.

David Steve LAPLANTE • Steven Larissa CORRIVEAU• Janet Adams Fabiola N. ALADIN • Gary Hamza HAQ • Liz Denis HOULE • Christiane Comte Marie BRASSARD • Jean-Marc Martin-David PETERS • Isabelle Marie-Laurence MOREAU • Mr Roy Walker Christopher HEYERDAHL

Réalisation Stéphane LAFLEUR • Scénario Stéphane LAFLEUR, Eric K. BOULIANNE • Production Luc DÉRY, Kim McCRAW • Direction de la photographie Sara MISHARA • Production déléguée François REID • Supervision de postproduction Érik DANIEL • Montage Sophie LEBLOND • Prise de son Pierre BERTRAND • Conception sonore Sylvain BELLEMARE • Mixeur Bernard GARIÉPY STROBL • Étalonnage Jérôme CLOUTIER • Musique originale ORGAN MOOD, Christophe LAMARCHE-LEDOUX, Mathieu CHARBONNEAU

Stéphane Lafleur



Stéphane Lafleur est cinéaste, musicien et monteur. Son premier long-métrage, Continental, un film sans fusil (2007), est présenté en première mondiale au Festival de Venise dans la section Venice Days et est sélectionné dans de grands festivals internationaux dont ceux de Thessaloniki, Göteborg et Rotterdam. Il se démarque aussi au Festival international du film de Toronto où il remporte le prix Citytv remis au meilleur premier film canadien.
En terrains connus (2011), son deuxième long métrage, obtient le Prix du jury oecuménique lors du Festival international du film de Berlin. En plus de voyager dans une quinzaine de
festivals internationaux tels que Jeonju, Shanghai, Durban et Melbourne, le film remporte le prix du Meilleur film au Festival de Los Angeles ainsi que le Grand Prix du jury au Festival de Taipei. Tu dors Nicole (2014), son troisième long métrage, est sélectionné à la Quinzaine des Cinéastes du Festival de Cannes. Il participe à près de 40 festivals internationaux incluant le Festival international du film de Toronto, Göteborg, Sydney, Los Cabos, Edinburgh et le prestigieux New Directors/New Films présenté au MoMA.
Stéphane Lafleur est aussi à la tête du groupe folk « Avec pas d’casque » et membre du duo instrumental « feu doux ».

Filmographie


2022 On dirait la planète Mars (Fiction, 104 min. 35mm)
2014 Tu dors Nicole (90 min. 35mm)
2011En terrains connus (89 min. 35mm)
2007 Continental, un film sans fusil (100 min. 35mm)

CONVERSATION ENTRE STÉPHANE LAFLEUR & ERIC K. BOULIANNE (co-scénariste)

PERDUS SUR TERRE…

STÉPHANE

Je dirais que c’est une exposition du photographe Vincent Fournier qui a été le déclencheur de On dirait la planète Mars . On y voyait des astronautes perdus dans le désert. Il y avait quelque chose d’à la fois poétique et vertigineux dans ces images. J’ai découvert plus tard que les gens photographiés faisaient partie d’une société qui organise des simulations martiennes dans le désert. Cette idée de «  faire semblant »  en suivant un protocole très précis me semblait intéressante comme prémisse de film. Et puis j’ai vu un documentaire sur les sondes Voyager qui ont traversé notre système solaire. On y expliquait comment un double des sondes, gardé en laboratoire, avait permis de régler des problèmes mécaniques rencontrés à distance. Je me suis demandé ce qui arriverait si on appliquait ce concept aux humains. C’est avec ça que je me suis lancé dans l’écriture d’une première version. Au bout d’un moment, je me suis heurté à la multitude des possibilités. L’histoire pouvait aller dans tellement de directions. C’est là que je t’ai proposé qu’on écrive le film ensemble.

ERIC

Ce qui m’a beaucoup parlé dans ton concept, c’était l’idée d’aborder l’infiniment grand de manière infiniment petite. Présenter une expérience pour la postérité de la race humaine, pour finalement suivre des gens ordinaires qui s’obstinent sur des détails insignifiants. Même dans l’espace, le quotidien peut être ennuyeux. C’est clair qu’eux aussi peuvent s’obstiner sur des cubes de sucre. Ça ramène à une certaine humilité vis-à-vis de notre rôle dans le grand schéma de «  l’existence » . J’ai lu ta première version en pleine pandémie, où tout le monde se rendait bien compte à quel point nos vies pouvaient être absurdes… Et voilà, j’ai eu tout de suite envie d’embarquer dans ta proposition. Je pense qu’une des premières choses sur lesquelles on s’est entendus, c’est le concept de rêves et de déception, d’attentes et de réalité.

STÉPHANE

Oui. Le décalage entre ce qu’on s’imagine et ce que les choses sont vraiment. L’importance aussi d’aller au bout de nos obsessions pour se les sortir de la tête (ce qui est ironiquement l’une des raisons pour laquelle je fais des films)… David a besoin de se rapprocher de son rêve, même si ce qui lui est proposé n’est pas tout à fait l’authentique voyage dans l’espace. J’aime beaucoup commencer l’écriture sans trop savoir de quoi ça parle exactement. C’est plus tard que les thématiques se révèlent naturellement. Il y a aussi dans le film cette idée de vouloir être quelqu’un d’autre, de se prendre pour quelqu’un d’autre.

SORTIR DE SA CONDITION

ERIC

Oui, encore là, dans l’optique où ça peut nous sortir de notre « condition ». David le prof d’éducation physique qui se sent à côté de la plaque, qui se demande un peu à quoi il sert… En jouant John Shepard, l’ingénieur en aérospatial, il se dit qu’il va enfin faire une différence, par procuration. Je pense qu’on peut s’identifier à ça, l’envie d’être « autre chose », de faire une différence. Ça devenait aussi une notion méta par rapport à l’acte de tourner le film. Pointer la caméra sur des gens qui jouent d’autres gens, qui recréent des mises en scène, dans une mise en scène. Ça aussi c’était amusant à penser et à construire… Pour ma part, ça a fait ressortir une lubie que j’ai depuis mes débuts au cinéma, assimiler des éléments hyper clichés du cinéma américain, un cinéma que tout le monde consomme dès son plus jeune âge et qui marque l’imaginaire, pour twister les codes et en faire quelque chose d’original. C’est un peu comme si On dirait la planète Mars jouait parfois à être ce film de science-fiction qu’on a tous en tête…

 STÉPHANE

J’avais effectivement envie que le film soit lui-même une « version B » de ces films de science-fiction dont tu parles, tout comme David est la « version B » de John Shepard. Ça revient à cette idée de vouloir être quelqu’un d’autre ou autre chose. Faire un film qui se prend pour un film américain, sans en avoir les moyens. J’aimais que le concept de On dirait la planète Mars résonne avec cette réalité, que ce soit complètement assumé, sans tomber dans le pastiche. Qu’il y ait en trame de fond ce rapport géographique et culturel que nous avons avec les États-Unis. Notre lien au rêve américain.

ERIC

Là, je nous écoute parler, et ça a l’air très conceptuel notre affaire… Mais une des choses dont je suis fier en regardant On dirait la planète Mars, c’est que le concept n’occupe justement pas toute la place. Il y a beaucoup d’humour et j’ai l’impression qu’on embarque à fond dans l’évolution psychologique de David. À travers son expérience, il vit des déchirements et des questionnements qui restent très « humains ». C’est comme si une fois passée l’enveloppe intellectuelle du truc, au final, on se retrouve un peu dans une émission de télé-réalité type Loft Story ou Les Anges où on prend justement plaisir à voir évoluer ces personnages dans leur environnement

fermé, à les connaître, à voir leurs failles, à s’y identifier. Bref, je suis content que tu aies réussi à faire un film chaleureux et drôle à partir d’une idée un peu abstraite et je suis aussi content que tu aies trouvé les bons comédiens pour jouer sur cette mince ligne entre l’absurde et la sincérité.

DES COMÉDIENS DE COMÉDIE

STÉPHANE

Steve Laplante est un acteur qui maîtrise autant la comédie que le drame. Il a ce capital sympathie qui nous aide à le suivre dans le délire du personnage. Larissa Corriveau, je l’avais vue dans les films de Denis Côté. C’est un vrai caméléon, méconnaissable d’un film à l’autre. Elle a ce quelque chose de mystérieux que l’on cherchait pour Steven. Et puis il y a eu la rencontre d’Hamza Haq, Gary dans le film, qui est plus connu au Canada anglais. Il avait l’envie de jouer en français et de faire de la comédie. Dans le cas de Fabiola N. Aladin (Janet), ça a été une belle découverte de casting. Elle m’a vraiment impressionné et je pense qu’elle a apporté une dimension au personnage qui n’était pas dans le scénario. Et puis j’étais content de retrouver Denis Houle (Liz) et Marie Brassard (Christiane Comte) avec lesquels j’avais déjà travaillé dans mes premiers films.

LOFT STORY ET LA RÉALITÉ

C’est drôle que tu fasses allusion à Loft Story et à ces émissions de télé-réalité. On traverse vraiment une époque de voyeurisme extrême. Les gens observent constamment la vie des autres sur les réseaux sociaux et à la télévision. As-tu l’impression, comme scénariste, d’être en compétition avec ce « réel »?

ERIC

C’est certain que si par exemple tu prends les moments marquants des Anges de la télé-réalité, tu te dis : « Comment je peux rivaliser avec ça ? ». Même chose avec des embrouilles sur Twitter ou Facebook qui te donnent envie de sortir le popcorn. Après, je pense quand même que le public veut encore se faire raconter des histoires et c’est à nous les créateurs de trouver des angles qui vont les surprendre. Nos armes, ce sont la structure, la dramaturgie et aussi la poésie, l’image.

STÉPHANE

C’est vrai que j’ai toujours écrit mes scénarios de manière très instinctive en construisant les récits autour de moments choisis, sans nécessairement me soucier de la dramaturgie. Mais je sentais que On dirait la planète Mars avait besoin d’une progression plus claire et je savais qu’en travaillant ensemble, tu allais pousser cet aspect-là. Ton approche plus méthodique de la structure a vraiment permis de bonifier la proposition de départ. Ça m’a sorti de ma zone de confort. C’était effectivement amusant de jouer avec certains codes  « classiques  ».

MON FILM DE SCIENCE-FICTION

STÉPHANE

C’était un rêve de longue date de faire un film de science-fiction (même si je ne suis pas certain que On dirait la planète Mars en soit un). C’est un peu ma façon de rendre hommage à des cinéastes qui m’ont beaucoup inspiré, tout en essayant d’ajouter ma touche personnelle à tout ça. C’est de loin mon projet le plus ambitieux, d’où l’intérêt d’être bien entouré. À commencer par Kim McCraw et Luc Déry qui ont produit tous mes films. Après Tu dors Nicole, Luc m’avait dit que j’étais peut-être mûr pour un projet de plus grande envergure. Je ne suis pas certain qu’il s’attendait à ce que j’aille sur Mars (rire). Les défis étaient énormes pour André-Line Beauparlant (conception visuelle) et Sophie Lefebvre (costumes). La seule confection des casques d’astronautes était un dossier en soi qui impliquait plusieurs départements artistiques. Il y avait aussi un désir de garder ça le plus  « analogique  » possible. On a tourné en 35mm (Sara Mishara, à la direction photo). On a aussi fait construire une maquette pour les extérieurs de la station, au lieu de la concevoir en effets numériques. Même la planète Mars est l’œuvre de l’artiste visuel Yonkers Vidal, qui travaille avec des substances liquides filmées en macro. Il y avait quelque chose de très excitant dans cette approche plus artisanale. Je ressentais du plaisir à faire des choses qu’on n’avait jamais faites avant. Je travaille presque toujours avec la même équipe derrière la caméra. C’est un peu comme un groupe de musique. Chaque film est un nouvel album qu’on va faire ensemble. C’était la première fois que je co-scénarisais et je pense que tu viens de rentrer dans le groupe (rire).

ERIC

(Rires) Merci de m’avoir accueilli. Je pense que c’est un bon album.

STÉPHANE

Je suis content qu’on ait eu cette conversation.

ERIC

Je suis content qu’on ait eu cette conversation.