En 1860, un avocat français rêvait de devenir roi de Patagonie.
Et il parvint presque.
Festival de Rotterdam 2017 – Prix du jury
Ficunam 2017 – Prix du public
Cinelatino Toulouse 2017 – Prix découverte de la critique française
Avec : Rodrigo Lisboa, Claudio Riveros
Scénario et réalisation Niles Atallah • Image Benjamín Echazarreta • Décors et costumes Natalia Geisse • Assistant réalisation Rodrigo Hidalgo • Son Claudio Vargas, Peter Rosenthal • Mix son Roberto Espinoza • Musique originale Sebastián Jatz Rawicz • Montage Benjamin Mirguet • Post-production son Sonamos • Post-production image Kine-Imágenes • Direction de post-production Daniel Dávila • Production Lucie Kalmar • Production exécutive Catalina Vergara, Niles Atallah • Coproduction Stienette Bosklopper Titus Kreyenberg • Produit par Mômerade (France) et Diluvio (Chili) • En coproduction avec Circe Films (Hollande), EYE Filmmuseum (Hollande), unafilm (Allemagne), Kine-Imagenes (Chili), Sonamos (Chili) • Avec le soutien de Aide aux Cinémas du Monde, Centre national du cinéma et de l’image animée • Ministère des Affaires étrangères et du développement internationaI • Institut françaisNetherlands Film Fund + Hubert Bals Fund Co-pro-duction SchemeFilm- und Medienstiftung NRWTorino FilmLab Production AwardDoha Film Institute Postproduction Fundet deAide au développement du scénario du festival d’AmiensHubert Bals Fund Development FundCORFO
Niles Atallah
Niles Atallah vit et travaille à Santiago du Chili. Né en Californie en 1978, il détient la double nationalité chilienne et américaine. Il est Bachelor of Arts de l’Université de Santa Cruz (Californie), travaille en tant que scénariste et réalisateur sur des longs-métrages, des clips, de l’art vidéo, des installations et des courts-métrages. Il travaille également comme chef opérateur et a créé Diluvio, société de production de films, au Chili.
“Lucia, Luis y el Lobo”, une suite de deux courts-métrages réalisés en collaboration avec Cristóbal León et Joaquín Cociña, a été vue en ligne par plus d’un million de personnes, et reçu de nombreux prix.
Son premier long-métrage, LUCIA, a été montré à San Sebastian en 2010. Ce film a reçu le Prix FIPRESCI, le Prix Découverte de la Critique Française et le Prix Spécial du Jury aux Rencontres Cinémas d’Amérique Latine de Toulouse, et le Prix du Meilleur Réalisateur au Festival International de Cinéma de Valdivia. Le film a également été sélectionné au festival international de Rotterdam en 2011.
Filmographie
2017 REY
2010 LUCIA
2008 LUCIA, LUIS Y EL LOBO
(court métrage d’animation)
Le personnage
Orélie Antoine de Tounens (La Chèze, 1825 – Tourtoirac, 1878)
par Jean-François Gareyte
Antoine de Tounens, personnage méconnu et controversé. L’absence supposée de documents sur cette curieuse histoire a permis à des écrivains, des artistes de donner leur propre point de vue sur cet homme. La présentation est souvent la même à quelques nuances près : un pauvre mythomane se prenant pour un roi, un monarque de pacotille, un Tartarin ou bien un Sancho Panca de deuxième main pour les versions les plus sympathiques, un misérable escroc colonisateur pour les versions qui le sont moins.
J’ai eu simplement l’idée, il y a dix ans maintenant, d’aller fouiller dans les archives chiliennes et argentines pour en avoir le coeur net, puis de partir dans la Cordillère des Andes pour recueillir la mémoire orale du peuple Mapuche sur le sujet. Le résultat a été surprenant. Aujourd’hui, je peux avancer quelques certitudes sur le bonhomme. Antoine de Tounens est un homme de son temps, plongé en plein coeur d’un 19e siècle assoiffé de modernité, dans lequel l’électricité et la machine à vapeur permettent d’aller conquérir le monde, les mers et le ciel. Une époque où l’on part explorer la planète.
Ce natif du Périgord est un passionné de courses de chevaux, d’agriculture, de science, de littérature, de musique, d’astronomie… Il est fidèle en amitié, les innombrables lettres qu’il envoie à ses amis en sont la preuve. L’homme est discret, réservé, régulièrement décrit comme brillant, charmant, sympathique et plein d’humour. Il possède, d’après ses interlocuteurs et les journalistes qu’il rencontre, un fort charisme et une érudition rare, capable de soutenir des conversations sur tous les sujets, c’est aussi un fin lecteur de la politique française. Antoine est également excentrique, capable d’idées farfelues, il possède également un ego assez fort et va se lier d’amitié à Paris avec des artistes qui sont aujourd’hui mondialement connus. Mais alors qu’il a réussi dans la vie (il travaille comme avoué au tribunal de Périgueux), il vend son affaire et part à l’aventure tout au sud de l’Amérique du Sud. Antoine fait partie de ses rêveurs qui sont capables d’essayer de mettre leurs rêves en application. C’est là que l’histoire va basculer. Au même moment, le sorcier Magnil, tout puissant chef du Peuple Mapuche, un peuple Amérindien vivant dans la Cordillère des Andes est troublé par une série de rêves lui annonçant la venue d’un roi blanc qui viendrait aider et protéger les Mapuches des agressions des autorités Chiliennes et Argentines qui convoitent leur riche territoire. Magnil va parler plusieurs fois de ses rêves aux femmes sorcières Mapuches, les Machis. Magnil dans sa montagne d’Adenkul, rêve et attend. Il faut je pense, à ce stade de l’histoire, essayer d’arrêter de penser comme des Blancs. Cette histoire, c’est celle du peuple Mapuche. Et c’est ce peuple qui a décidé de se donner, à la mort du vieux Magnil, un nouveau chef de guerre de tous les chefs de guerre (un Toki de tous les Tokis), qui sera la “terreur des démons et le maître du vent”. Cet homme, prendra alors dans sa langue le titre de roi d’Araucanie et de Patagonie, ce qui revient exactement au même. Les Mapuches connaissent et respectent le titre de roi. Le Roi d’Espagne avait reconnu leur indépendance pendant près de trois siècles, alors que ces nouvelles républiques nées sur les décombres de l’Empire Espagnol d’Amérique ne cessent de les attaquer pour leur voler leur terre et sont de fait, méprisées par les Mapuches. Rien ne peut se passer n’y aller vite à l’époque comme aujourd’hui chez les Mapuches, tout se passe à leur rythme. On ne peut devenir chef que si les communautés considèrent que vous avez en vous les valeurs du Newen (la force du guerrier), et le Kimun (les connaissances des sages), enfin ce sont les femmes sorcières qui décideront au final si vous avez la magie et la virilité nécessaire pour faire un bon chef. Antoine sera reconnu (au moins) quatre fois Toki (Roi) du peuple Mapuche, le 17 novembre 1860 pour la première fois, en janvier 1862 avant sa capture organisée par le traître qui travaille pour l’armée chilienne, mais également à son retour en Araucanie en novembre 1869 et enfin en août 1876 à la limite de la Pampa et de la Patagonie.
À chaque fois il sera acclamé par des centaines de chefs et de farouches guerriers. Antoine avait tout prévu, lui homme de loi, il a écrit une constitution pour son Peuple. Aujourd’hui encore, alors que le Chili contemporain se dispute sur le sujet d’une nouvelle constitution, cela reste savoureux. Il compte sur ses contacts au plus haut niveau du gouvernement français et de l’entourage de Napoléon III pour lui venir en aide et reconnaître l’indépendance de son royaume. Malheureusement la presse royaliste française ne peut admettre qu’un paysan du sud-ouest prenne le titre de Roi et va commencer à se moquer régulièrement de lui, enfin les autorités chiliennes vont avoir l’idée géniale de le faire passer pour un fou. L’histoire va s’achever de manière tragique pour Antoine comme pour ses fidèles guerriers Mapuches. Mais ce qui dormait dans les archives chiliennes et argentines sur le sujet est incroyable, et totalement inédit (et pour cause). Car Antoine de Tounens, par sa tentative d’État Amérindien indépendant en Amérique du Sud touche aux mythes fondateurs de deux puissantes républiques d’Amérique du Sud, et cela n’est jamais bien bon… Aujourd’hui encore, la cause du peuple Mapuche gêne et ennuie ces autorités. Il fallait donc qu’Antoine tombe dans les oubliettes de l’Histoire. •
Jean-François Gareyte est médiateur culturel et écrivain. Le premier tome de sa biographie sur Antoine de Tounens Le Rêve du sorcier a reçu le grand prix 2016 de littérature de l’Académie des Arts et des Lettres du Périgord et le prix de littérature 2017 de l’Académie des Jeux Floraux de Toulouse. Le second tome de sa biographie sur le roi d’Araucanie et de Patagonie sortira en Octobre 2017.
LIVRES :
Moi, Antoine de Tounens, roi de Patagonie – Roman de Jean Raspail, 1981
La película del Rey Film de Carlos Sorín, 1986
Monseigneur et les Indiens – Documentaire de Martin Ducros, Philippe Dutilleul, 2011
Le Rêve du sorcier
Biographie de Jean-François Gareyte
1er tome paru en 2016
2nd tome à paraître en octobre 2017
ENTRETIEN AVEC LE RÉALISATEUR
Qu’est-ce qui vous a intéressé dans le personnage d’Orllie-Antoine de Tounens ?
C’est
d’abord l’excentricité d’Orllie-Antoine de Tounens qui a éveillé ma
curiosité quand j’ai découvert son histoire. C’était comme un conte de
fée réel : un avocat provincial rêvait de devenir roi d’une contrée
lointaine. Pour moi, cette aventure était tout à la fois absurde,
excitante, héroïque et un peu pathétique.
Ce qui a fini de me convaincre c’est son acharnement à aller aussi loin et à ne jamais renoncer. Son projet a pris des proportions gigantesques, et totalement consumé sa vie. Mais c’est justement au bord de la folie que sa quête transcende une soif de pouvoir et de domination ordinaire. Son dévouement, sa conviction inébranlable, sa persévérance contre tous les obstacles, contre toutes les opinions de son époque le révèlent, non pas comme un leader politique, mais bien comme une sorte de poète.
Quelles ont été vos inspirations ?
Le
point de départ est l’histoire de de Tounens et comment il s’est fait
connaître comme Roi d’Araucanie et de Patagonie. Mais la source
principale d’inspiration a été ce que nous ne savons pas et ne pouvons
pas savoir à son sujet, des failles dans ce que l’histoire a retenu de
lui. J’ai été fasciné et cela m’a ouvert beaucoup de pistes. Plutôt que
de simplement découvrir ce qui s’était passé, j’ai trouvé des
suppositions et des contradictions, des théories qui étaient présentées
comme des événements certains. Les événement historiques eux-mêmes sont
volatiles et changeants. Ils sont constamment en mouvement et nos
conclusions s’appuient sur cet amas de ruines qui s’effondre.
Dès que j’ai commencé mes recherches, j’ai compris que j’étais poussé à générer une version « officielle » de son histoire. Raconter des événements réels du passé est une forme de narration. C’est comme la reconstitution d’une scène de crime à partir des indices ou un chantier archéologique : on trouve des éléments, des preuves, des artéfacts, des archives, etc. Ces éléments sont ensuite assemblés les uns aux autres, dans une narration pour créer un récit cohérent. Mais combien de récits sont possibles ? De combien de manières peut-on interpréter le même élément ? Cela me fascine.
Le film est une coproduction chilienne particulièrement minoritaire…
Le
projet était peut-être trop difficile esthétiquement ou peut-être que
c’était une question de goût. Il est possible que le sujet soit encore
sensible politiquement. Quelles ques soient les raisons, nous avons
postulé au fond national six années consécutives et nous avons été
refusés au premier tour les six fois.
Comment se sont fait les choix esthétiques ?
La forme du film s’est dessinée tandis que je confrontais les zones d’ombre des archives.
J’ai décidé que j’allais créer mes propres archives et remplir certains vides, en étant conscient qu’elles seraient fictionnelles et inexactes. Ce seraient des manifestations imaginaires de la vie du roi sur de la pellicule. Je créais mes propres images d’archives du royaume, alors que bien sûr le cinéma n’existait pas à l’époque. J’ai donc filmé l’acteur sur les lieux en 16mm avant même de commencer à écrire le scénario. J’ai enterré la pellicule et je l’ai ai déterré, pour la projeter et la scanner à différentes étapes de sa décomposition. En imaginant et en regardant les images du roi se décomposer, l’idée du film et le scénario ont lentement pris forme.
Dans ce film, on fait l’expérience de ces souvenirs du roi comme s’ils étaient les nôtres. Le spectateur est le témoin de la dégradation de ces souvenirs, physiquement dans la matière de la pellicule elle-même et narrativement dans la façon dont les souvenirs s’altèrent au cours du film.
Esthétiquement, REY ne propose pas une réalité externe qui pourrait être reconstituée empiriquement. Le film offre un lieu où l’objectivité et la raison ne peuvent pas être séparées du reste. La raison cohabite avec la déraison, le fantastique et l’absurde.