Loin de la grisaille et de l’agitation de la ville existe un autre territoire.
Un territoire où se mêlent fête, escalade et nature sauvage.
Un territoire où se réfugier, s’aventurer, vivre ensemble.
Un territoire où l’on vit, où l’on respire la liberté.
Scénario et ré alisation : Alexander Kouznetsov • Image : Alexander Kouznetsov • Son : Nicolaï Bem • Montage : Agne s Bruckert • Montage son : Alexander Abaturov • Mixage : Dominique Ciekala et Frédéric Théry • Étalonnage : Paul Champard • Production déléguée : Petit a Petit Production et Studio sibérien de Ciné ma indé pendant • Producteurs : Rebecca Houzel et Nicolaï Bem • Coproduction : InTheMood… • Coproducteurs : Hugues Landry et Laurent Roth
Alexander Kouznetsov
Né
en 1957 dans la région de Krasnoïarsk, Alexander Kouznetsov s’investit
très tôt dans le club de photographie de la ville. Ses créations
photographiques ont fait l’objet de publications dans de nombreux
magazines et ont été exposées en Russie, en Norve ge, en France, aux
États-Unis, en Australie, au Royaume-Uni et en Allemagne.
En 2010, il réalise son premier documentaire, Territoire de l’amour
(Территориялюбви), pré senté en France aux États gé né raux du film
documentaire de Lussas, au Festival du ciné ma russe a Honfleur et au
Festival Artdocfest de Moscou (Russie).
Poursuivant son exploration du territoire sibérien, il réalise en 2014 Territoire de la liberté
(Территория свободы). Au travers de ce deuxième documentaire il nous
propose de partager une autre de ses passions : la montagne. De fait,
alpiniste confirmé et récompensé, il a participé à trois montées de
l’Everest.
NOTE D’INTENTION DU REALISATEUR
Je vis à Krasnoïarsk, une ville longtemps fermée, c’est-à-dire inaccessible pour les étrangers en raison de son industrie militaire. Elle fut aussi à l’époque tsariste puis soviétique un lieu de déportation et d’exil. Il faut imaginer un lieu coupé du reste du monde, de longs hivers froids et rudes. Il faut imaginer une extrémité d’où l’on s’échappe difficilement.
À quelques kilomètres de la ville, se trouve une réserve naturelle, les Stolbys, où se dressent des rochers d’escalade de formes semblables à des colonnes (stolbys en russe). Ces rochers m’ont toujours attiré. À l’université, avec des amis, nous avions construit une petite isba dans un endroit interdit de la réserve. Quelques années plus tard, j’ai intégré une autre isba, la Goloubka et voilà maintenant trente ans que j’en fait partie. Aux Stolbys, chaque isba est ainsi gérée par un groupe d’amis, avec ses règles, son identité.
Pour moi, cette réserve est avant tout un espace de liberté mais aussi une culture singulière. Dès la fin du XIXe siècle, les compagnies de grimpeurs apparaissent et donnent naissance à un style populaire d’escalade, le stolbysme. Ce mouvement porte en lui l’idée de la liberté. L’État russe a vite réagi : la première isba fut ainsi brûlée par les gendarmes en 1904. Sous le pouvoir soviétique, dans les années de répression, toutes les isbas — il y en avait plus de 40 — ont été détruites et beaucoup de stolbystes furent mis en prisons ou fusillés. Le stolbysme s’est développé pendant les périodes de démocratisation du pays. Il a été réprimé pendant les périodes réactionnaires. Aux Stolbys, on rencontre des personnes qui viennent se ressourcer dans la nature, chanter des chansons, jouer de la guitare, grimper aux rochers. Qu’est-ce qui peut inquiéter l’État chez ces gens ?
La Russie est aujourd’hui un pays qui fait habilement semblant d’être une démocratie. Les citoyens se sont en partie exprimés ces derniers temps mais rien ne change vraiment. Pourtant il existe des espaces de résistance, en marge, et les Stolbys en sont un. Le film porte en lui cette dimension de résistance et d’utopie, au fond universelle. C’est cette idée philosophique, expérimentée concrètement que j’ai voulu montrer.
Se mouvoir de façon verticale, vers le ciel, donne une liberté supplémentaire. En dépassant sa peur face à un danger physique réel, l’homme devient libre. Et en bas, dans la ville, il n’aura plus peur de rien. Pour moi, la liberté est aussi cette absence de peur.
On aperçoit Krasnoïarsk depuis de nombreux sommets de la réserve. Je filme la ville de façon métaphorique, anonyme : les rues, les passants, des manifestations, des processions. Elle revient dans le film, angoissante, pesante, comme une ponctuation du récit du film. Elle traduit une image de la Russie verrouillée, celle dont on cherche à se libérer.
ELEMENTS DE CONTEXTE
Krasnoïarsk (en russe : Красноярск) est la capitale de la région
centrale de Sibérie. Cette ville industrielle est peuplée d’un million
d’habitants. Par le Transsibérien, elle est reliée à Moscou, située à 3
300 km à l’Est (soit plus que les 2 500 km qui séparent Paris de
Moscou).
Fondée en 1628, la ville fut au XIXe l’un des lieux de relégation des
exilés politiques de l’Empire russe. Ainsi certains décabristes y furent
bannis. Pendant la période du stalinisme, la ville fut un important
centre du Goulag. Le camp de travail le plus important ne fut fermé
qu’en 1960. Enfin, en raison de son important complexe
militaro-industriel, la ville est longtemps restée fermée aux étrangers.
À quelques kilomètres de la ville se dresse la réserve naturelle des
Stolbys. Elle tire son nom de la forme des amas de rochers que l’on y
trouve. Ces chaos faisant penser à des piliers (en russe : столбы), des
animaux ou des objets sont très appréciés des grimpeurs. On y trouve
donc une école réputée d’alpinisme et des compétitions régulières
d’escalade de bloc.
Au fil des années et des générations de grimpeurs, une culture, appelée
stolbysme a pris racine dans la réserve. Alpinistes, amoureux de la
nature et de liberté l’entretiennent depuis plus d’un siècle, au creux
des isbas (maison russe construite en bois) et cabanes qu’ils se sont
construites au coeur de la réserve. Les pouvoirs tsariste et soviétique
ont souvent détruit ces refuges ; beaucoup de stolbystes ont été
emprisonnés ou fusillés.