Eté 43, Piémont. Milton aime Fulvia qui joue avec son amour : elle aime surtout la profondeur de sa pensée et les lettres qu’il lui écrit. Un an plus tard, Milton est entré dans la Résistance et se bat aux côtés d’autres partisans. Au détour d’une conversation, il apprend que Fulvia aimait en secret son ami Giorgio, partisan lui aussi. Milton se lance alors à la recherche de Giorgio, dans les collines des Langhes enveloppées de brouillard… Mais Giorgio vient d’être arrêté par les Fascistes.
D’après le roman Une affaire personnelle de Beppe Fenoglio
Festival de Toronto 2017, sélection Masters
Avec : Milton Luca Marinelli • Giorgio Lorenzo Richelmy • Fulvia Valentina Bellè • Giovane Contadina Francesca Agostini • Ivan Giulio Beranek • Le prisonnier fasciste Andrea Di Maria
Réalisation et scénario Paolo et Vittorio Taviani • D’après le roman « Une affaire personnelle » (Una questione privata) de Bepper Fenoglio • Montage Roberto Perpignani •Image Simone Zampagni • Décors Emita Frigato • Musique Giuliano Taviani et Carmelo Travia • Editions musicales Ala Bianca Group • Costumes Lina Nerli Taviani – Valentina Taviani • Effets spéciaux Canecane • Son Gianfranco Tortora • Casting Stefania Rodà • Produit par Stemal Entertainment – Ipotesi Cinema • Avec Rai Cinema • En coproduction avec la France Les Films D’ici – Sampek Productions • En association avec Cineventure • Producteurs Donatella Palermo – Ermanno et Elisabetta Olmi ; Serge Lalou – Eric Lagesse • Avec la contribution de Ministero dei Beni e delle Attività Culturali e del Turismo – Direczione Generale Cinema • En association avec AMER S.p.A. – BRAND PORTAL S.r.l. • Avec le soutien de Regione LazioFondo Regionale Per il Cinema e l’Audiovisivo Film Commission Torino Piemonte
Paolo et Vittorio Taviani
Filmographie sélective
1954 SAN MINIATO, LUGLIO ‘44 (cm)
1962 UN HOMME À BRÛLER (Un uomo da bruciare)
1967 LES SUBVERSIFS (I sovversivi)
1969 SOUS LE SIGNE DU SCORPION (Sotto il segno dello scorpione)
1971 SAINT MICHEL AVAIT UN COQ (San Michele aveva un gallo)
1977 PADRE PADRONE Festival de Cannes, Palme d’or
1979 LE PRÉ (Il prato)
1982 LA NUIT DE SAN LORENZO (La Notte di San Lorenzo) Festival de Cannes, Grand prix du jury
1984 KAOS, CONTES SICILIENS (Kaos)
1987 GOOD MORNING, BABILONIA
1989 LE SOLEIL MÊME LA NUIT (Il Sole anche di Notte)
1996 LES AFFINITÉS ÉLECTIVES (Le Affinità elettive) Festival de Berlin, Ours d’or
2007 LE MAS DES ALOUETTES (La Masseria delle allodole)
2012 CÉSAR DOIT MOURIR (Cesare deve morire)
2015 CONTES ITALIENS (Maraviglioso Boccaccio)
2017 UNA QUESTIONE PRIVATA
NOTE DE RÉALISATION
Aujourd’hui, à notre époque ambigüe, en temps de guerre non guerroyée, Beppe Fenoglio nous a inspirés avec son roman Una questione privata (Une affaire personnelle), par la folie amoureuse et jalouse de son personnage principal, qui sait seulement à moitié et veut tout savoir. Nous sommes partis de là pour évoquer, dans une longue course obsessionnelle, un drame d’amour innocent et pourtant coupable, parce que dans le quotidien atroce de la guerre civile le destin de chacun se confond avec le destin de tous.
Paolo et Vittorio Taviani
ENTRETIEN avec PAOLO et VITTORIO TAVIANI
Aviez-vous de longue date le projet d’adapter le roman de Beppe Fenoglio, Una questione privata ?
Nous avons encore du mal à y croire nous-mêmes, mais cela s’est
vraiment passé ainsi : un après-midi, il y a quatre ans, l’un à Rome et
l’autre à Salina, à l’insu l’un de l’autre, nous écoutions en même temps
à la radio la voix profonde d’Omero Antonutti, acteur que nous aimons
beaucoup et qui jouait dans Padre padrone, en train de lire Una questione privata de Beppe Fenoglio. D’un coup, et toujours chacun de notre côté, nous lui avons téléphoné. Omero s’est mis à rire : « Mais ça fait plus de dix ans que je l’ai enregistré ! » et il a ajouté : « Ton frère m’a téléphoné pour me remercier il y a cinq minutes ! Que se passe-t-il ?
» En l’espace de quelques jours, nous avons su ce que serait notre
prochain film. La confrontation entre l’âme publique et l’âme privée,
thème éternel et toujours plus pressant aujourd’hui, trouvait une
nouvelle vie grâce à la littérature, grâce à Beppe Fenoglio et sa grande
histoire d’amour.
À première vue, Una questione privata semble être un film sur la Résistance, sur les partisans…
Pour nous, c’est avant tout l’histoire d’une folie amoureuse (elle
rappelle Orlando Furioso, a dit Calvino), une histoire d’amour en
contradiction avec le moment historique dans lequel elle se produit,
dans la violence des hommes qui combattent et se tuent. L’horreur de la
guerre court parallèlement à la course de Milton lancé à la recherche de
la vérité. La demi-vérité méchamment suggérée par la gardienne ne lui
suffit pas, il veut toute la vérité. La folie amoureuse lui fait oublier
la Résistance qui l’a mené dans la montagne pour combattre le fascisme.
Les fascistes encore à l’écran aujourd’hui ?
Pour nous, c’est essentiel. Aujourd’hui, le fascisme revient ou tente
de revenir. Il y a peu, le parti d’extrême droite Forza Nuova a publié
une affiche copiée de celle de la République de Salò où un noir met les
mains sur une belle femme blanche représentée comme sans défense. Et ce
parti séduit de plus en plus d’Italiens …
Lui, elle, l’autre. Un archétype narratif auquel vous avez déjà fait référence…
En effet, c’est le classique triangle amoureux, vrai genre en soi, qui a
inspiré aussi bien des films médiocres que des films extraordinaires…
Le mythe de l’originalité est pour nous une ineptie. On copie toujours,
en essayant de raconter différemment les mêmes histoires. À l’intérieur
de cette structure connue, nous inventons de nouveaux personnages, une
nouvelle histoire d’amour comme celle de Milton, Fulvia et Giorgio.
Vous êtes familiers de l’adaptation d’oeuvres littéraires au cinéma (Padre Padrone, Kaos, Les Affinités électives etc.). Le travail est-il différent lorsqu’on part d’un texte existant ?
Le choix d’adapter un roman naît toujours de l’intuition que ses pages
nous permettront d’exprimer et de représenter nos pensées, nos angoisses
existentielles. Que le texte soit de Tolstoï ou de Pirandello, nous
faisons notre chemin qui est celui du cinéma. Nous savons que nous
devrons le trahir. Pirandello disait justement que « les histoires
sont comme des sacs vides, rabougris sur le sol. Ils ne se dressent que
si tu les remplis de tes sentiments et de tes pulsions ».
L’utilisation de la musique est très évocatrice des années qui ont précédé la guerre…
Tant dans le roman que dans le film, la chanson Somewhere Over The Rainbow,
chantée par Judy Garland, revient comme l’élément évocateur d’une
époque, les années 40. La musique originale du film en découle un peu
par contradiction : les notes sentimentales et rassurantes de Rainbow se
transforment en notes rauques, tourmentées, dans une orchestration qui
fusionne les sons classiques d’un orchestre et ceux contemporains de
l’électronique. Le partisan Milton nous a guidés dans sa folie amoureuse
et mortifère.
Comment avez-vous choisi les comédiens ?
Luca Marinelli, notre Milton, nous avait touchés par son jeu volontairement excessif dans Mauvaise graine de Claudio Caligari et On l’appelle Jeeg Robot
de Gabriele Mainetti. Il a une extraordinaire capacité à sortir de
lui-même et à devenir l’un de ces personnages méchants et faibles. Puis
il y a la force de son regard. Valentina Bellè, nous l’avons connue
grâce à nos Contes italiens. Au début du film il y a une jeune
fille qui meurt de la peste. Entourée de sa famille, elle prononce une
seule réplique avant son décès : « Je meurs et je n’ai pas beaucoup joui.
» Une réplique difficile, une scène difficile. Et Valentina vibrait.
Pour Fulvia nous avons immédiatement pensé à elle. Lorenzo Richelmy, qui
joue Giorgio, c’est en passant les essais pour la scène où il est
férocement battu par les fascistes qu’il nous a convaincus. Le
personnage a la force de leur répondre « Pourquoi vous me faites ça ? Je
suis un combattant…». Lorenzo l’a dit avec dignité, sans emphase,
presque avec douceur. Un acteur vrai.
À quel point est-ce important de tourner dans les lieux où se passe le livre ?
Nous ne l’avons pas fait ! Nous sommes allés dans les Langhe, mais
aujourd’hui il y a des vignobles à perte de vue, qui ressemblent à des
rangées de soldats de plomb. Ce n’étaient pas les collines balayées par
le vent racontées par Fenoglio. Emita, la chef décoratrice, n’a pas
perdu courage et nous a fait découvrir une des plus belles vallées de
nos montagnes, la Val Maira. Nous avons reconstitué le campement des
partisans, à 2300 mètres d’altitude. Par chance il faisait chaud. Mais
un brouillard noir s’abattait le soir, ce qui était parfait pour
l’atmosphère du film.