Un mari jaloux hors de contrôle, une actrice sexy, un réalisateur carnassier, un vendeur de drogue incontrôlable, une jeune femme désorientée, un ex-taulard devenu vendeur de hot-dog, un laveur de vitres en pause 5 à 7, un peintre âgé, un étudiant qui a une mission secrète, une équipe d’auxiliaires médicaux sous pression et un groupe de nonnes affamées.
11 moments de vie de citadins contemporains qui vont s’entrecroiser et s’entrelacer.
Sélection Officielle Mostra de Venise 2015
Sélection Officielle Oscar du meilleur film en langue étrangère 2016.
Avec : Le réalisateur Richard Martin Richard Dormer • Anna Hellman Paulina Chapko • Le mari d’Anna Wojciech Mecwaldowski • Le vendeur de hot dog Andrzej Chyra • Le coursier Dawid Ogrodnik • Le peintre Jan Nowicki • Docteur Ewa Król Anna Maria Buczek
Réalisation et Scénario Jerzy Skolimowski • Producteurs executifs Jeremy Thomas, Ed Guiney, Andrew Lowe, Marek Zydowicz • Producteurs Jerzy Skolimowski, Ewa Piaskoska • Directeurs de la Photo Bernard Walsh, Mikolaj Lebkowski • Son Alan Scully • Musique Pawel Mykietyn • Montage Agnieszka Glinska
Jerzy Skolimowski
Né
en 1938 à Lódz (Pologne), il publie très tôt poèmes et nouvelles, puis
suit une formation à l’école de cinéma, en compagnie notamment de Roman
Polanski. Il est l’auteur du scénario du premier long métrage de
celui-ci, Le couteau dans l’eau. Dans les années 60, le cinéma de Jerzy
Skolimowski participe au renouveau du cinéma en Europe centrale et
orientale, dans le sillage de la Nouvelle Vague française. À cette
époque, Skolimowski participe aussi à des films en tant qu’acteur et
pratique la boxe en amateur. L’engagement physique, la dépense,
l’énergie se retrouvent justement dans ses films, tant dans la mise en
scène et le montage qu’à l’écran, et resteront tout au long de sa
carrière un signe particulier de sa poétique. Des films comme Walkover, Le départ, Deep End
montrent la jeunesse et l’adolescence comme un état où se manifeste une
pulsion vitale inquiète. Le départ a reçu l’Ours d’Or au Festival de
Berlin en 1967. En 2001, Jean Narboni parlait encore de ce film comme «
l’un des plus beaux films jamais réalisés sur l’idée de jeunesse ». Au
milieu des années 60, Jerzy Skolimowski quitte la Pologne pour la
Grande-Bretagne, avant de vivre aux États-Unis.
Dans sa filmographie, on peut distinguer les œuvres personnelles,
quasi-auto-biographiques, et les grandes productions internationales,
adaptations littéraires de commande telles que Les aventures du brigadier Gérard ; Roi, dame, valet ; Le bateau phare ; Eaux printanières, et Ferdydurke,
dans lesquelles il imprime sa signature. Habitué du Festival de Cannes,
il y voit ses films représentés depuis 1972, avec notamment, cinq
nominations et deux prix : Grand prix spécial du jury pour Le cri du sorcier en 1978, et Prix du scénario pour Travail au noir
en 1982. Il continue à recevoir de nombreux hommages et plus
particulièrement en 2001, au Festival de Belfort, puis à la Cinémathèque
française en 2002. On retrouve ses films souvent associés à ceux de
Godard, comme à Nantes en 2003. Plus récemment, la Cinémathèque
québécoise lui a offert une belle vitrine, à travers une rétrospective
de ses films sur le thème « Entre l’Errance et l’Exil ». Avec Quatre nuits avec Anna,
Jerzy Skolimowski propose un film noir, intimiste, qui dissèque
l’univers mental de son héros dans une dialectique objectif-subjectif,
entre naturalisme et poésie. Il renoue ainsi avec sa veine personnelle.
Filmographie
2015 11 MINUTES
2010 ESSENTIAL KILLING
2008 QUATRE NUITS AVEC ANNA
1991 FERDYDURKE
1989 EAUX PRINTANIERES
1985 LE BATEAU PHARE
1984 LE SUCCES A TOUT PRIX
1982 TRAVAIL AU NOIR
1981 HANDS UP !
1978 LE CRI DU SORCIER
1972 ROI, DAME, VALET
1970 DEEP END
LES AVENTURES DU BRIGADIER GÉRARD
1967 LE DEPART
1966 BARRIER
1965 WALK OVER
1964 SIGNES PARTICULIERS : NÉANT
ENTRETIEN AVEC JERZY SKOLIMOWSKI
« On ne
comprend que la vie est précieuse que lorsqu’on la perd. Alors
faisons-en le meilleur usage possible tant que nous sommes vivants. »
Jerzy Skolimowski
De nombreuses histoires s’enchaînent pendant 11 Minutes. Comment avez-vous échafaudé le scénario ?
Quand j’ai commencé à écrire le scénario, je n’avais que ce final en
tête, alors j’ai commencé par la fin pour remonter vers le début. J’ai
cherché à créer des personnages et des situations qui me permettraient
de les réunir à un endroit précis à un moment donné. Le final de 11
Minutes, c’est ma façon d’avertir le spectateur que tout peut arriver en
un instant.
Pourquoi souhaitiez-vous que la durée de l’action principale du film ne se déroule que sur 11 minutes ?
Je voulais suivre mes personnages en temps réel. C’était la seule façon
de présenter l’histoire que j’avais en tête. Sur un plan esthétique, il
s’agit d’un chiffre parfaitement symétrique et d’une simplicité absolu.
Cette structure très spécifique, le fait d’enchevêtrer
plusieurs destins et plusieurs lieux, n’est pas nouvelle. On a pu
l’apprécier chez Krzysztof Kieslowski ou dans des films comme Babel de
Alejandro González Iñárritu. Qu’est-ce qui vous a séduit dans cette
approche fragmentée du récit ?
J’avais parfaitement conscience que cette approche n’était pas
nouvelle, mais j’ai voulu en dépasser les limites. Je ne crois pas qu’on
puisse aller plus loin que je ne l’ai fait. Ça a été un défi
incroyable. Nous avions le choix entre plusieurs versions du montage
avec des variations importantes entre les différentes durées
d’exposition des personnages. Il a fallu choisir la plus équilibrée. À
savoir celle qui, même lors des séquences les plus brèves, permettait de
comprendre les intentions et le sens de chaque scène et de pouvoir
passer à la suivante. Au final, j’ai, par conséquent, choisi la 65ème
version du montage, celle qui maîtrisait, comme je l’entendais, tous ces
paramètres. Je souhaitais également m’affranchir des codes narratifs
traditionnels. Je n’avais aucune envie de décortiquer les motivations de
mes personnages, ni de décrire leur arc psychologique, ni de développer
un récit linéaire plausible. Ma seule préoccupation était de les voir
traverser une série de moments quasi abstraits, aussi accidentels,
banals et poignants que la vie peut l’être. J’apprécie le contraste
entre ce qui est profond et absurde, entre ce qui est pertinent et
saugrenu.
D’où est venue l’idée du prologue ?
Le prologue a été conçu à la fin de la phase d’écriture, parce que la
situation entre le mari et sa femme devait être expliquée de manière à
ce que le public comprenne la raison pour laquelle il est aussi
bouleversé par ce qu’il découvre en la suivant et par ce qui va en
résulter. Le prologue devait être réalisé dans un style différent de
celui employé pour suivre tout ce qui se passe entre 17h et 17h11. C’est
pour cela que j’ai utilisé un téléphone portable, une caméra
d’ordinateur et une caméra de surveillance. Cela me permettait de
montrer à la fois l’intimité immédiate de mes personnages et le fait que
notre vie après la mort existera principalement via les média sociaux,
que ce soit sous la forme de photographies ou d’images d’archives vidéo.
Pourquoi avez-vous situé l’histoire à Varsovie ?
Cette histoire est, pour moi, universelle — elle pourrait se passer
n’importe où, à n’importe quelle époque. J’ai tourné à Varsovie parce
que c’était le plus simple, étant donné que j’y vis et que je connais
bien la ville. Cela m’a permis de trouver des lieux bien adaptés au
film, mais aussi de puiser dans mon expérience personnelle. La place
Grybowski, par exemple, fait se côtoyer de manière éclatante l’ancien et
le moderne, l’ordre et le chaos, la beauté et le mauvais goût. Un
univers à la croisée des chemins, sur le fil du rasoir, où l’inattendu
peut surgir à chaque coin de rue.
Le film fourmille de signes mystérieux qui traversent l’écran comme des augures.
Il s’agit de symboles. De métaphores. Comme dans un poème. Cela ne s’explique pas.
Vous avez tourné deux autres films depuis Quatre nuits avec
Anna après un hiatus de plus de 17 ans. Vous aviez perdu le goût du
cinéma ?
Je n’avais pas prévu un arrêt si long. C’est arrivé parce que j’ai fait
un mauvais film, Ferdydurke. Je n’en étais pas du tout satisfait et je
me suis dit qu’il fallait que je prenne le temps de me « réinventer »,
pour ainsi dire. Mais je pensais que ça ne durerait que deux ou trois
ans. Pas 17 ans. Dans l’intervalle, j’ai commencé à peindre de nouveau,
ce que je n’avais jamais vraiment arrêté de faire, mais en n’ayant
jamais assez de temps pour m’y consacrer pleinement. J’ai participé à de
nombreuses expositions et j’ai vendu quelques unes de mes toiles à des
collectionneurs privés et à des musées. J’ai même reçu, il y a un an et
demi, le titre de Docteur Honoris Causa par l’Académie des Beaux-Arts de
Lodz. On m’a promu « peintre professionnel » ! (Rires) Cette période
m’a surtout permis de reprendre confiance en moi. Je me suis dit que je
pouvais à nouveau faire des films, car j’étais en mesure d’éviter les
erreurs que j’avais pu commettre préalablement.
Le fait de vous consacrer à la peinture exclusivement a-t-il changé votre manière de composer vos images, de les éclairer ?
Aucunement. Ce sont deux médiums différents, pour moi. Le cinéma, c’est
le mouvement, alors que la peinture fige le mouvement. La peinture est
un effort solitaire. Sans collaborateurs. Chaque recoin de la toile est
ma seule responsabilité. Peindre, c’est zen. Un film, c’est le chaos.
Lorsque je peins, je suis une personne différente. J’écoute de la
musique. J’ai du temps. Je ne suis pas stressé. Chaque détail est
important et sa réalisation peut pendre des jours entiers ou venir
spontanément. Lorsque je tourne, en revanche, je suis entouré d’un très
grand nombre de personnes, et ce sentiment n’est pas nécessairement
agréable.