Film soutenu

À côté

Stéphane Mercurio

Distribution : Contre-allée Distribution

Date de sortie : 29/10/2008

France - 2007- 1h32 - 35mm - 1.66 - Couleur - Stéréo DTS - visa 116 133

Des femmes qui attendent, qui se font belles, qui se remontent le moral, qui craquent parfois, espèrent toujours. Dans la petite maison d’accueil de Ti-Tomm, accolée au mur de la prison des hommes de Rennes, les familles de détenus attendent l’heure du parloir…

Prix du film français, Prix du public documentaire – Festival EntreVues – Belfort 2007
Prix du festival – Festival Images de justice – Rennes 2008
Prix Docs Lycéens – Festival International de Films de Femmes – Créteil 2008

REALISATION ET IMAGE  Stéphane Mercurio
ECRITURE  Anna Zisman  ET  Stéphane Mercurio
SON  Patrick Genet
PHOTOGRAPHIES  Grégoire Korganow
MONTAGE  Françoise Bernard
ASSISTANAT REALISATION  Bouchra El Haoudi
MUSIQUE ORIGINALE  Hervé Birolini
MIXAGE  Jean-Marc Schick
DIRECTION DE PRODUCTION  Viviane Aquilli
PRODUCTION  Iskra
COPRODUCTION  .Mille et Une. Films ET  Forum des images
AVEC LA PARTICIPATION DU  CNC, DE  LA Région Île-de-France ET DE  LA Région Bretagne
AVEC LE SOUTIEN DU  Conseil Général du Val-de-Marne
DE  LA Ville de Rennes  ET DE  L’État, DANS LE CADRE DU CONTRAT URBAIN DE COHESION SOCIALE
ECRITURE ET DEVELOPPEMENT SOUTENUS PAR
LA Région Provence-Alpes-Côte d’Azur, LA PROCIREP- Société des Producteurs, L’ANGOA-AGICOA

Stéphane Mercurio

Le premier film de Stéphane Mercurio, « Scènes de ménage avec Clémentine » (Ateliers Varan), sur les rapports entre une femme de ménage et ses employeurs, sera diffusé par la télévision et sélectionné dans les festivals. En 1993, elle tourne une lutte pour le logement et s’investit dans le magazine La Rue. En 1996, elle réalise « Cherche avenir avec toit » (59mn, Canal Plus) qui marque le début de sa collaboration avec Iskra. Depuis, elle a écrit et réalisé plusieurs documentaires pour la télévision : « Le bout du bout du monde » et « Louise, son père, ses mères, son frère et ses sœurs », ou encore « Hôpital au bord de la crise de nerfs ». Pour le cinéma, elle a filmé « A côté » (2008) des prisons, les femmes qui attendent leur parloir, ce film a reçu de nombreux prix. Elle réalise en 2010 « Mourir ? Plutôt crever ! » sur le dessinateur Siné

FILMOGRAPHIE

CINÉMA 
Mourir ? Plutôt crever !
http://www.mourirplutotcrever.com

À côté co-écrit avec Anna Zisman
Prix du public et prix du film français Festival Entre Vues (Belfort 2007).
Prix du public Festival du film de femmes.
Prix de la justice – Festival Images de justice. A
http://www.a-cote.eu

TÉLÉVISION (entre autres) 
2004 Louise, son père, ses mères, son frère et ses sœurs
2003 Hôpital au bord de la crise de nerfs
2002 Sans principe, ni précaution, le distilbène
2000 Le bout du bout du monde 
Envies de justice 
1997 Cherche avenir avec toit 

COURTS MÉTRAGE 
2012 Avec mon p’tit bouquet
2009 Marie-Claude et le PDG  
2003 Hélène aux urgences
1992 Scènes de ménage avec Clémentine

LA PRISON AUJOURD’HUI
63 211 DÉTENUS EN FRANCE AU 1ER AVRIL 2008
DONT 17 466 PRÉVENUS.
LA SURPOPULATION CARCÉRALE EST DE 13 737 PERSONNES.
117 MAISONS D’ARRÊT, 24 CENTRES DE DÉTENTION,
29 CENTRES PÉNITENTIAIRES, 5 MAISONS CENTRALES,
13 CENTRES AUTONOMES DE SEMI-LIBERTÉ.

ARTICLE D. 402 DU CODE DE PROCÉDURE PÉNALE :
En vue de faciliter le reclassement familial des détenus à leur libération, il doit être particulièrement veillé au maintien et à l’amélioration de leurs relations avec leurs proches, pour autant que celles-ci paraissent souhaitables dans l’intérêt des uns et des autres.

SELON LES TERMES DES RÈGLES PÉNITENTIAIRES EUROPÉENNES :
« Les modalités des visites doivent permettre aux détenus de maintenir ou de développer des relations familiales de façon aussi normale que possible. »

Il y a aujourd’hui en France 7 UVF (Unités de Vie Familiale).
Dans les plans de construction à venir, les établissements seront équipés d’UVF.


Histoire d’un tournage par Stéphane Mercurio, réalisatrice

En 2003, je rencontre Anna Zisman à une terrasse de café. Elle porte un désir de film sur les lieux d’accueil à côté des prisons. Un film semble possible. Je ne sais pas grand-chose de ces familles et j’ai une forte envie de rencontrer ces « invisibles ». J’aime cette idée de lieu unique, symbole à la fois de la parenthèse et de l’enfermement.

Nous circulons en France à la recherche du lieu idéal dans les centres d’accueil de familles de détenus ; de Marseille à Lyon, de Nice à Avignon, en passant par Lille, Bordeaux ou Angoulême… Finalement, je m’installe tout contre la prison de Fresnes. Là, dans une minuscule pièce, je me suis assise avec les familles, revenant semaine après semaine, écoutant ces femmes, découvrant un univers dont je ne savais rien ou presque. Je me souviens de cette personne âgée, un peu forte, humiliée. On lui demandait de retirer son soutien-gorge dont les armatures faisaient sonner le portique. J’ai oublié si elle l’avait ôté ou si elle avait renoncé à voir son fils ce jour-là. Une autre fois, les boutons dorés d’une jupe avaient sonné…

Après une bonne quarantaine de déplacements, une constatation s’impose : le film à faire offre un niveau supplémentaire de perception du milieu carcéral. Au-delà du vécu des familles, ce film va raconter la prison, son arbitraire, ses interdits. En creux, mais avec évidence et d’autant plus de violence.

Je me souviens de cette femme qui prenait l’avion de Marseille quand ses finances le lui permettaient, de cette autre qui venait de Lyon avec ses enfants, train, métro, bus, plus de six heures de transport porte-à-porte pour trente minutes de parloir. Il me faut raconter ces trajets, la vie qui en dehors des parloirs continue, comme suspendue. Et la photographie le permettrait… C’est ainsi que naissent les séquences photographiques travaillées avec Grégoire Korganow. C’est aussi pendant ces repérages que commencent les discussions autour du son et de la musique avec Patrick Genet et Hervé Birolini. Le travail sonore doit à sa façon raconter la bulle, restituer cette temporalité très particulière de cette vie à côté.

À Fresnes, l’association de bénévoles accepte avec enthousiasme le tournage du film. Les femmes et les quelques pères ou fils, les uns après les autres, au fil des semaines en acceptent l’idée, s’en emparent. Ils veulent la parole. C’est la première fois que je ressens une telle nécessité de la part de « personnages ».

Mais après cinq mois de présence dans les lieux, sur deux années, quinze jours avant de commencer le tournage, l’administration pénitentiaire, propriétaire des murs du centre d’accueil, prétexte le niveau rouge du plan vigipirate pour nous interdire le tournage.

« Grâce » à cette interdiction arbitraire, la productrice Viviane Aquilli dépose auprès du CNC une demande d’avance sur recettes que le film obtient en mars 2006.

Notre seule issue est alors de trouver un centre d’accueil indépendant de l’administration pénitentiaire, sans être sûrs qu’il existe. Je finis par rencontrer l’équipe de l’association Ti-tomm ; Ti-Tomm, petite maison conviviale à côté de la maison d’arrêt des hommes de Rennes. Je m’y installe au printemps 2006, regrettant « Fresnes la dure ». Mais je sens très vite que ce lieu beaucoup plus doux, avec ses tables fleuries, son jardin séparé de la prison par un mur, est beaucoup plus cinématographique, la parole y est beaucoup plus profonde, plus intime.

Pendant près de dix mois, je suis à Ti-tomm deux fois par semaine, dès l’ouverture. Je fais la connaissance de Séverine, Claire, Pierre… Et quand, entre deux parloirs, le centre se vide pour une quinzaine de minutes, j’écoute les bénévoles. Au fil des semaines, doucement, la confiance s’installe. Certaines femmes passent une partie de leur journée dans la maison d’accueil. Elles partagent leurs difficultés, les enfants jouent dans le jardin ; nous bavardons autour d’un café… Je pourrais être l’une d’entre elles. Au gré de leur récit, j’imagine mon enfant, mon mari ou mon père en prison. J’ai su leur angoisse « de ne pas savoir », leur terreur face au suicide toujours présent, à la bagarre qui tourne mal. J’ai su leurs nuits blanches. J’ai vu leurs problèmes financiers, la complexité juridique, la peur du lendemain, la solitude, la honte… L’amour énorme.

À chaque histoire, je me demande ce que je ferais moi à leur place. Sans jamais avoir vraiment de réponse…
Tout au long des quatre années de travail sur À côté, je rencontre probablement deux cents familles. Jamais ou presque, elles ne remettent en cause l’emprisonnement de l’être aimé. Mais elles posent toujours les mêmes questions : « Pourquoi je ne peux jamais rien savoir ? Pourquoi la première fois que je viens le voir en prison sans en connaître les règles, le linge m’est-il jeté au visage parce que  “ non réglementaire “ ? Pourquoi je ne peux pas lui apporter de livres ? Pourquoi la nourriture doit-elle entrer en cachette ? Pourquoi les détenus doivent-ils tout “ cantiner “ à des prix prohibitifs ? Pourquoi ne me prévient-on pas s’il est transféré ? Pourquoi n’est-il pas informé si je loupe un parloir que c’était juste pour une minute de retard ? Pourquoi le cahier d’école de ma fille peut être signé par le père à Rennes et pas à Fresnes ? »
Comment ces femmes sont-elles capables d’un tel amour ?

Pourquoi la peine s’étend-elle à elles, souvent unique lien du détenu avec l’extérieur, unique chance de retourner à la vie normale, unique espoir de réinsertion. Pourquoi ?


La genèse par Anna Zisman, co-auteur

C’est Françoise, mon amie monteuse, qui m’a aidée à soulever le couvercle. Elle connaît mon écriture. Elle me connaît, tout simplement. Elle m’a dit : « Tu as une écriture cinématographique ». J’ai gardé cette phrase dans ma boîte. Et puis je lui ai parlé de ce sujet, à propos de ces hôtels à côté des prisons, qui ne devaient être là que pour accueillir ceux qui venaient de trop loin voir leur proche incarcéré, forcés de passer là une nuit avant de rentrer. J’avais compris que c’était un film qu’il fallait faire.
J’ai commencé à chercher ces hôtels, que j’avais imaginés plutôt que croisés. Sorti de sa boîte, le sujet a bien failli disparaître. Parce que des hôtels comme ceux que j’envisageais, il n’y en a pas. Quelques coups de téléphone et visites me l’ont vite appris. J’avais l’idée d’un lieu homogène, autonome, une parenthèse entre le temps quotidien et celui de la prison. J’ai continué à chercher. Ils devaient bien exister ces espaces, ou sinon, où iraient-ils, tous ces gens qui doivent organiser leur vie en fonction des heures de parloir qu’on leur accorde?
Ils sont environ deux cents. Deux cents lieux d’accueil en France, gérés par des associations. À côté des prisons. Dans des appartements, des lieux cédés par la mairie, ou, plus rarement, des bâtiments prévus à cet effet, des bénévoles sont là pour accueillir les familles des détenus. Alors les gens passent par là, souvent à chaque fois qu’ils viennent au parloir, deux ou trois fois par semaine. C’est donc là qu’on peut venir les rencontrer. Découvrir qu’ils préfèrent arriver très à l’avance, avant l’heure de voir leur fils, leur mari, pour se donner le temps d’entrer dans un autre temps, entre le très court terme du petit quart d’heure de la visite, et le très long terme de la peine. Découvrir que des habitudes s’instaurent, découvrir que des relations se tissent, découvrir qu’il y a véritablement un film à faire ici. Alors Françoise m’a présenté Stéphane. Parce qu’elle pensait que son œil de réalisatrice entendrait ce que j’avais à lui raconter. Et tout de suite, tout est devenu très concret. Il fallait aller voir des lieux, rencontrer des gens, confronter l’idée à la perspective d’en faire un film. C’était presque magique de sentir comment si vite, Stéphane a su s’emparer de ce projet que j’avais si longtemps gardé au fond d’une boîte.   


Photographies  – Grégoire Korganow

Comme beaucoup, je n’avais jamais imaginé que derrière un détenu il y avait souvent une famille qui aimait cet homme privé de liberté.  J’ai photographié ces vies suspendues : lors d’un procès d’assises, d’un déménagement pour se rapprocher du mari incarcéré, d’un parloir sauvage – des femmes viennent parfois au pied des murs de la prison pour tenter de communiquer avec leur proche emprisonné. C’est interdit. J’ai raconté aussi l’intimité, la solitude. J’ai photographié cette vie où tout semble attendre le retour du père, du mari ou du fils. Pas d’image spectaculaire, juste des regards, des gestes qui racontent cette vie à côté de la prison : Claire qui se pelotonne dans un T-shirt porté par son homme, Chantal seule, tendue dans la salle rouge de la cour d’assises de Nantes, ou encore Christine sur le trottoir hurlant des mots d’amour à son mari derrière les barreaux. J’ai poursuivi ce travail au-delà du film, au centre d’accueil de Rennes et j’ai fait des portraits. J’ai photographié des femmes à leur sortie du parloir. Quelques minutes pour saisir ces visages silencieux sur lesquels l’amour mais aussi la violence subie sont inscrits.
En observant ces visages qui fixaient l’objectif, je cherchais à saisir ce lien si fort qui unit ces femmes à leur proche incarcéré.
Femmes courages qui portent sur leurs épaules cette double condamnation, celle de l’être aimé et celle d’une administration qui les méprise.
Les écouter, les regarder, c’est résister.

Grégoire Korganow
Ce travail a été exposé aux Rencontres   photographiques d’Arles, été 2008


Création sonore – Hervé Birolini

J’ai utilisé les prises de sons spécifiques réalisées pendant les séances photo. En les découpant en échantillons, j’ai ainsi créé une partie de mon « instrumentarium ». Tantôt transformés, tantôt bruts, les sons viennent faire respirer et rythmer les séquences. Ils apportent la dimension temporelle de l’événement, ce qui contraste avec la fixité de ce que nous voyons. Des sons instrumentaux viennent compléter chacun de ces moments selon le lieu. La présence de ces univers est tantôt discrète, tantôt forte, mais laisse toujours la place aux récits et aux confidences des femmes et des hommes qui traversent ces « bulles » de leurs voix. Toutefois, je considère la voix comme une manifestation instrumentale à part entière, elle est travaillée comme faisant partie intégrante de la composition. La voix a aussi un rôle musical qu’il ne faut pas négliger. Ainsi la composition générale de la musique intègre à la fois des sons du réel, des voix et des sonorités instrumentales. Le tout orchestré pour faire jaillir la musicalité des lieux et de ces instants hors du temps.

Hervé Birolini