Film soutenu

Ceci n’est pas un film

Jafar Panahi et Mojtaba Mirtahmasb

Distribution : Kanibal Films Distribution

Date de sortie : 28/09/2011

Iran - 2011 - 1h15 - 35 mm - DCP - Dolby SRD

Depuis des mois, Jafar Panahi attend le verdict de la cour d’appel. À travers la représentation d’une journée dans la vie de Jafar Panahi, Jafar et un autre cinéaste iranien, Mojtaba Mirtahmasb, nous proposent un aperçu de la situation actuelle du cinéma iranien.

Sélection officielle – Festival de Cannes 2011

Jafar Panahi

Né en 1960 à Miyaneh (Iran), le réalisateur, écrivain et producteur de renom, Jafar Panahi, a réalisé un grand nombre de court-métrages et de documentaires avant de filmer son premier long-métrage, Ballon Blanc(Caméra d’Or au Festival de Cannes en 1995). En 1997, il a remporté le Léopard d’Or au Festival del Film de Locarno pour Le Miroir et en 2000, le Lion d’Or à La Mostra de Venise pour Le CercleHors Ligne a gagné l’Ours d’Argent (Grand Prix de Jury) au Festival de Berlin en 2006. Dans ses films, Jafar Panahi examine avec un regard critique les problèmes sociaux de son pays. Peu après l’invitation du Festival de Berlin pour être membre du Jury International en 2011, Panahi a été condamné à six ans de prison et à l’interdiction de filmer pour les vingt prochaines années. Une protestation internationale a eu lieu contre cette décision qui viole le droit à la liberté d’opinion et d’expression. Jafar Panahi a été frappé d’une interdiction de sortie de son pays d’origine pour se rendre à Berlin. La Berlinale a gardé une place libre dans le Jury pour lui. Par ce geste, elle voulait manifester son soutien pour son combat de la liberté. 

Mojtaba Mirtahmasb

Né en 1971 à Kerman (Iran), Mirtahmasb a commencé à travailler dans le cinema dès 1990 en tant que preneur de son, monteur de son, photographe, assistant réalisateur et directeur de production. Dès 1996, il devient réalisateur avec Banner (un des films de la série Children of Iran), puis il réalise plusieurs documentaires, dont The First Presenceen 1999, Stamp et The River Still Has Fish en 2001, O$ Beat et Back Vocal en 2004, Foot On The Ball en 2007 et Lady Of The Roses en 2009 pour lequel il est également scénariste et producteur.

“ Nos problèmes sont nos fortunes ”

La compréhension de ce paradoxe prometteur nous invite à ne pas perdre espoir et à poursuive notre chemin. Des problèmes plus ou moins sérieux persistent partout dans le monde cependant, notre devoir nous incite à ne point céder et à chercher des solutions.
Le fait d’être en vie et le rêve de garder le cinéma iranien en vie, nous encouragent à dépasser les restrictions actuelles du cinéma iranien. Les merveilleuses possibilités du cinéma d’aujourd’hui ne laissent aucune excuse aux cinéastes sans production.
L’essence révélatrice de l’art aide l’artiste à vaincre les problèmes mais aussi à transformer toute limitation en sujet de travail artistique à travers le processus de création.
Une désagréable réalité s’est imposée au cinéma et aux cinéastes iraniens aujourd’hui ; cette réalité, toute passagère qu’elle soit, nous contraint de la regarder en face et d’essayer de dépeindre son impact dans nos propres existences.

Jafar Panahi et Mojtaba Mirtahmasb


Notes de Mojtaba Mirtahmasb à propos du film

Comment est venue l’idée de ce film ? 

Ca fait quelques années, et depuis deux ans notamment, que les cinéastes iraniens rencontrent d’importantes difficultés dans la réalisation de leurs films et dans l’exercice de leur profession en général. Cela m’a donné l’idée de faire un film sur un non-film, sur un non-tournage. Ce film est un témoignage de ce que l’on peut faire avec le cinéma dans un pays où l’on empêche de faire du cinéma. Nos difficultés se transforment en richesses, en matière à faire des films. On peut résoudre les problèmes faits au cinéma par le cinéma.

Je voulais au départ faire un documentaire sur tous les réalisateurs iraniens qui sont frappés par l’interdiction d’exercer leur métier. Je voulais passer un jour avec chacun d’entre eux pour expliquer concrètement l’impact que cela avait dans leur vie professionnelle. A travers le cas de Jafar Panahi se cristallisait tous les problèmes que nous avions vécus ces dernières années. Tout ce qui lui arrive est emblématique de notre situation.

Sa rencontre avec Jafar Panahi

Jafar Panahi fait partie de ces cinéastes qui justement, compte tenu de la situation, ne peuvent plus rien réaliser. L’idée était aussi de réunir deux réalisateurs avec des optiques différentes, l’un metteur en scène de fiction et l’autre documentariste, pour une écriture improvisée, à la manière de deux musiciens qui, sur un thème donné, jouent ensemble sans partition préalable. Nous avions par ailleurs, un point de vue commun sur la société. Nous avons donc décidé de parler d’une journée de la vie d’un cinéaste iranien aujourd’hui. 

A partir du moment où il redevient réalisateur, Jafar Panahi retrouve toute son énergie. Ce fut très touchant et très émouvant de voir tout ce qu’il a pu entamer avant son interdiction de filmer. Il avait déjà fais ses repérages, choisis ses acteurs,…

La situation des réalisateurs en Iran 

Les conditions de vie en Iran ont changé et nous sommes naturellement, en tant que cinéastes, concernés par ces changements. Le fait qu’il y ait eu un éveil parmi la population, la prise de conscience qu’elle pouvait exprimer à voix haute et avec force, a déteint sur les cinéastes. Cet éveil, naturellement, a entraîné une réaction des autorités qui veulent resserrer l’étau. Dans ces conditions, nous faisons tout pour préserver notre autonomie afin de rester maîtres de ce que nous voulons faire. Je pense que c’est mon devoir de faire des films tandis qu’eux, ils pensent devoir m’en empêcher.

Le film montre que pour une série de raisons, telles qu’elles soient, un tribunal condamne un réalisateur à ne plus travailler, à ne plus réaliser de films. Mais avec l’art qui se démocratise et les nouvelles technologies, tout cela devient ridicule car toutes les informations peuvent circuler.

C’est très douloureux pour un réalisateur de ne pas faire de film, c’est comme empêcher quelqu’un qui voit d’utiliser sa vue. Il souffre, mais en même temps, il chercher une solution pour rester en vie, professionnellement et dans sa tête. Il trouve des solutions pour contourner l’interdiction. Ce film, dans lequel Jafar Panahi est acteur, en est un exemple.

J’ose espérer que les autorités et les responsables en Iran, qui ont un regard particulier sur le cinéma, verront ce film et que le dialogue soit enfin rétabli avec les cinéastes. J’espère qu’un jour, ce sera plus facile pour nous.

Ses conclusions

Nous préférons être des hommes libres que des héros emprisonnés. Nous ne sommes pas des combattants politiques. Nous sommes des réalisateurs.