Film soutenu

Cow

Andrea Arnold

Distribution : Ad Vitam

Date de sortie : 30/11/2022

Royaume-Uni - 2022 - 1h34 - 1.85 – 5.1

COW nous invite à porter un autre regard sur les vaches, à nous en rapprocher, à contempler leur beauté mais aussi la réalité de leur vie. Sans fard. Ceci est l’histoire d’une réalité, celle d’une vache laitière, et un hommage à l’immense service qu’elle nous rend. Quand je regarde Luma, notre vache, c’est notre monde que je vois à travers elle. » Andrea Arnold

Festival de Cannes 2021 – Cannes Première

Réalisation Andrea Arnold • Produit par Kat Mansoor • Cheffe Opératrice : Magda Kowalczyk • Montage : Rebecca Lloyd, Jacob Schulsinger et Nicolas Chaudeurge • Son Nicolas Becker • Montage dialogues Linda Forsén • Montage son Raphaël Sohier et Carolina Santana • Mixage Cyril Holtz • Prise de son Nikky French • Productrice exécutive Rose Garnett • Productrices exécutives Maxyne Franklin & Sandra Whipham

Andrea Arnold

Andrea Arnold a étudié le cinéma à l’AFI Conservatory de Los Angeles. Après plusieurs courts-métrages, elle reçoit l’Oscar du Meilleur court métrage en prises de vues réelles pour Wasp en 2005.
En 2006, son premier long métrage, Red Road, a été récompensé par le Prix du Jury au Festival de Cannes et par le prix Carl Foreman, décerné au nouveau-venu le plus prometteur, lors des BAFTA.
Son second long métrage, Fish Tank, dont les têtes d’affiche sont Michael Fassbender et Katie Jarvis, a remporté le Prix du Jury de l’édition 2009 du Festival de Cannes, ainsi que le BAFTA du meilleur film britannique en 2010.
Son troisième film, Les hauts de Hurlevent, une adaptation du roman éponyme d’Emilie Brontë, a fait ses débuts en compétition au Festival du Film de Venise de 2011.
Son dernier film, American Honey, a été tourné aux États-Unis, avec Sasha Lane et Shia LaBeouf dans les rôles principaux, et a permis à Andrea Arnold de recevoir son troisième Prix du Jury au Festival du Film de Cannes, en 2016.
En 2018 et 2019, Andrea a réalisé la deuxième saison de Big Little Lies pour HBO.

NOTE D’INTENTION

Chaque fois que je me suis sentie en difficulté, perdue, ou dépassée par la vie, je me suis immanquablement tournée vers la nature. Elle m’a toujours ancrée à la terre, m’a toujours permis de me retrouver.


Ce n’est pas quelque chose que l’on m’a appris. Cela m’est venu tout naturellement, une sorte de savoir inné. Ceci est en partie dû au fait que j’ai eu une enfance empreinte d’une grande liberté. Ma mère m’a eue très jeune, à seize ans, et trois autres frères et sœurs ont suivi avant qu’elle n’ait vingt-deux ans. Mon père n’avait que quelques années de plus. Je ne l’ai pas beaucoup vu quand j’étais petite, et il avait totalement disparu de nos vies quand j’ai atteint l’âge de dix ans.

Et donc, livrée à moi-même la plupart du temps, j’ai eu une existence délicieusement libre. J’ai grandi dans le nord du Kent, dans un HLM entouré d’une nature sauvage. Très jeune, je jouais dehors et je passais des journées entières à vagabonder au gré de mes envies – entre les HLM, les carrières de craie, les usines désaffectées, les bois, les autoroutes. De ces années est né un profond amour des insectes, des oiseaux, des animaux, et des plantes. Les chiens errants des cités avoisinantes, les poneys des gens du voyage au bout de leur chaine le long de la route, les poissons et les grenouilles des cratères de bombe envahis par l’eau, les fraises des bois aux abords des carrières de craie. Tout cela me revient à la mémoire avec une netteté frappante, avec son lot d’odeurs, de sons, de sensations et de couleurs.

Nous avions des animaux de compagnie. Nous en avions même beaucoup. Personne ne nous a jamais vraiment interdit de ramener des animaux à la maison. Une fois, je devais avoir environ huit ans, je suis allée dans une maison où se trouvait une portée de chiots. J’ai eu pitié du plus faible et je l’ai donc emmené chez moi. Je n’ai demandé l’autorisation à personne. Je suis partie du principe que je pouvais le faire. Comme nous, il vadrouillait. Sans le moindre collier ni la moindre laisse. Aucun de nos autres chiens n’en a jamais eu, d’ailleurs. Il vaquait et enchaînait les bêtises – mais ça, c’est une autre histoire.

Nous adorions nos animaux, mais aucun n’est jamais arrivé ou n’a jamais été traité de manière conventionnelle. J’ai eu des gerbilles mais pas de cage, et donc elles vivaient dans le tiroir d’une commode: des pulls, des sous vêtements, des gerbilles. Mon père vendait parfois des affaires au marché aux puces de Brick Lane, à Londres. Un jour, il m’a emmenée avec lui et il y avait quelqu’un qui vendait un agneau dont personne ne voulait. Alors que nous étions sur le point de partir, j’ai supplié qu’on le prenne et nous l’avons donc ramené à la maison. Il est devenu énorme à brouter l’herbe drue qui envahissait notre jardin. Et il vivait aussi beaucoup dans la maison, accueillant d’un « Bêê ! » ceux qui frappaient à la porte.

J’ai quitté la maison à 18 ans pour m’installer à Londres. Ma vie a radicalement changé de bien des manières. La ville et les contraintes de la vie d’adulte ont modifié mon rapport à la nature. Elle ne m’était plus présente ou accessible en ville. J’ai pourtant continuellement cherché à en rester proche car cela était fondamentalement important pour moi. J’ai appris à conduire pour y aller. J’ai recueilli un chien errant trouvé dans la rue, j’ai eu des chats. Mais je pense qu’à mesure que ma vie est devenue plus prenante, j’ai commencé à perdre ce lien. J’avais parfois le sentiment que la nature était quelque chose qui se trouvait « là-bas ». Je regardais dehors, à travers la fenêtre d’un train ou d’une voiture à l’occasion d’un trajet, et je ressentais une certaine tristesse, un certain manque. Une séparation.

Parmi les animaux que j’ai le plus vus à travers ces fenêtres, il y a les vaches. Les vaches, qui paissent dans des étendues vertes. Comme un tableau pastoral, paisible, romantique. Je m’interrogeais sur la réalité de leur vie, ce qu’elles vivaient vraiment. Faire ce film, Cow, provient de cette curiosité. Les vaches font partie intégrante de nos vies. Elles nous apportent tant. Je me sentais détachée d’elles. J’aimais l’idée de me plonger dans l’univers de cet animal qui nous est si familier. Voir en quoi consistait réellement leur quotidien.

Quelques années avant le tournage, un groupe international d’éminents scientifiques a signé la Déclaration de Cambridge sur la conscience dans laquelle ils proclament que les animaux présentent des états de conscience similaires à ceux des humains, et que les preuves en ce sens sont incontestables. Qu’est-ce que cela signifie ? Ressentent-ils la douleur, la peur, le désir, l’affection, la perte, la frustration, l’empathie et les intentions ? Comme les humains ? À titre individuel ? Ont-ils des personnalités distinctes ? Dans toutes les histoires que j’ai pu avoir avec des animaux, je peux affirmer qu’ils avaient des préférences et des aversions distinctes et des traits de caractère bien individuels. Et donc, qu’en est-il des animaux que nous consommons ? Des vaches ? Je me suis demandé si nous pourrions voir tout cela en observant une vache assez longtemps. Je ne voulais pour autant pas chercher à être dans son esprit ou lui attribuer des émotions humaines. Je voulais étudier ses réactions, dans la réalité de son quotidien. Dans toute sa beauté, ses difficultés, sa brutalité. Regarder. Voir. La voir, elle.

Les vaches laitières travaillent dur. Elles passent leur vie à donner naissance et produire du lait. Une vie entière d’existence maternelle. Elles portent ainsi de dix à vingt petits mais chaque fois celui-ci leur est retiré peu après la naissance pour que leur lait nous revienne, à nous.

Un jour, en bord de mer au Danemark, j’avais entrepris d’utiliser un bâton pour remettre des méduses échouées et encore vivantes à l’eau. Il y en avait beaucoup, cela prenait du temps. Un couple se promenant main dans la main est arrivé à ma hauteur. Ils m’ont regardé un moment puis m’ont dit : « Vous ne devriez pas vous tracasser. Laissez-les mourir. C’est la nature. » Et sans même y réfléchir, j’ai répondu : « Je sais, mais moi aussi j’appartiens à la nature, et je les rends à la mer. »

Nous sommes la nature. Nous sommes des animaux. Au sommet de la chaîne alimentaire, certes, mais des animaux quand même, mus par des instincts animaux. Renier cela, nous séparer et nous déconnecter de cela semble être de plus en plus à nos risques et périls. Notre relation à ces millions de vies non-humaines que nous exploitons est une part indéniable de notre existence. J’ai fait Cow pour ouvrir un questionnement en ce sens.

Je pense que les vagabondages de mon enfance et mon amour des animaux étaient quelque chose d’essentiellement instinctif, naturel et sincère. Aucune limite ne m’était imposée et j’ai donc pu laisser libre cours à mon expression. Mon rapport d’enfant à la nature n’était pas simplement romantique, ou espiègle. Il était entier, et concret. Fait de joies et de peines. Vrai.

J’espère que ce film, même de façon infime, pourra non seulement établir un lien entre les personnes qui le voient et les vaches ou les autres animaux non-humains conscients, mais aussi les relier à cette conscience ancestrale et cette nature animale qui se trouvent en nous tous. Nous nous inscrivons tous dans le vivant.

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