Greta Driscoll, jeune fille introvertie, est en passe de franchir le cap de ses 15 ans. Seule ombre au tableau : elle ne veut pas quitter le monde douillet et rassurant de l’enfance, une bulle dans laquelle elle s’enferme avec son seul ami au collège, Elliott.
Quand ses parents lui annoncent l’organisation d’une grande fête pour son anniversaire, elle est prise de panique. Le grand soir, elle va basculer dans un univers parallèle un peu effrayant et complètement absurde dans lequel elle va devoir affronter ses peurs pour pouvoir se trouver et aborder autrement cette nouvelle ère.
Festival de Berlin / Festival d’Adélaïde (Prix du Public) / L’Etrange Festival
Avec : Greta – Bethany Whitmore • Elliott – Harrison Feldman • Conrad / L’homme abject Matthew Whittet • Janet / La femme de glace Amber McMahon • Adam / Benoit Tremet Eamon Farren • L’Huldra Tilda Cobham-Hervey • Genevieve Imogen Archer • Jade Maiah Stewardson
Réalisatrice Rosemary Myers • Scénariste Matthew Whittet • Producteur Jo Dyer • Directeur de la photographie Andrew Commis ACS • Directeur artistique Jonathon Oxlade • Compositeur Harry Covill • Superviseur de la musique Jemma Burns • Ingénieur du son Luke Smiles • Monteuse Karryn de Cinque
Rosemary Myers
Rosemary
Myers est directrice artistique du Théâtre Windmill, compagnie de
spectacle vivant basée à Adélaïde en Australie du Sud.
Elle a dirigé des pièces multi-primées comme Pinocchio, Le Magicien d’Oz, ou bien encore Fugitive, School Dance, Big Bad Wolf et Girl Asleep (titre original du film FANTASTIC BIRTHDAY).
Maintes fois nominée au prix Helpmann pour ses mises en scène, Rosemary
Myers a été invitée sur les plus belles planches et festivals, en
Australie et au-delà : l’Opéra de Sydney, le Festival International de
la Comédie de Melbourne, le Théâtre New Victory de New York.
FANTASTIC BIRTHDAY est son premier long-métrage de fiction.
La forêt adolescente
par Rosemary Myers, réalisatrice
« Cette forêt où ils se rendent », dit le pédagogue et psychologue Bruno Bettelheim «
symbolise le lieu dans lequel chaque obscurité intérieure est
confrontée, où le doute sur qui nous sommes est levé et où chacun
commence à comprendre qui il souhaite devenir vraiment ».
L’adolescence est telle une forêt : certains la traversent sans heurt,
d’autres se débattent pour y évoluer, d’autres enfin y entrent mais n’en
ressortent jamais. C’est un endroit magnifique, parfois aussi horrible,
un endroit où on peut très facilement se perdre.
Pendant 6 ans, j’ai collaboré avec Matthew Whittet pour raconter sur
scène des histoires liées à cette période si particulière qui nous
permet de commencer à nous comprendre en tant qu’individus, mais qui
nous sépare aussi de nos parents, de notre famille, et nous force à nous
déterminer sur ce que nous entendons devenir et sur notre mode de vie.
En découlent d’autres prises de conscience, comme celle des parents
qu’on pensait invincibles mais qui restent faillibles, embarrassants
parfois, celle de l’existence d’un ordre social, d’une hiérarchie qui
doit être négociée et qui peut se révéler brutale.
Le travail que nous développons au théâtre depuis des années est
profondément influencé par le grand écran, vous imaginez donc
l’excitation qu’a provoqué l’opportunité de pouvoir utiliser ce médium :
différents lieux de tournages, la richesse des points de vue qu’offre
le montage… Nos artistes, dont le scénographe Jonathon Oxlade et
l’ingénieur du son Luke Smiles, étaient particulièrement enthousiastes à
l’idée de travailler avec des gens du cinéma, comme le directeur de
production Andrew Commis et la monteuse Karryn de Cinque. Il ressortait
de notre collaboration une véritable bulle de joie, un plaisir de marier
nos formes d’art respectives dans la création de ce conte hybride – la
réalisation du monde de Greta Driscoll et l’histoire de FANTASTIC
BIRTHDAY.
ENTRETIEN avec Rosemary Myers
Quelle est l’origine du film ?
Le scénographe Jonathon Oxlade, le scénariste Matthew Whittet et
moi-même venons du théâtre, et nous avons monté de nombreuses pièces sur
l’aventure qu’est l’adolescence. Nous adorons aussi les contes de fées,
notamment « La Belle au Bois Dormant » ! En développant ce travail sur
cette période de la vie, nous avons créé un certain style, une voix
théâtrale qui nous représente tous les trois. Nous avons été approchés
par une association assez incroyable, The Hive (La Ruche), qui offrait à
des artistes venus d’univers variés l’opportunité de travailler dans un
atelier de cinéma. «Nous aimerions montrer au cinéma cette univers que
vous avez créé au théâtre». Nous avons répondu que nous mettions en
place la pièce d’abord, mais que nous ferions le film dans la foulée.
Est-ce que le passage par la création d’une pièce de théâtre vous a permis d’envisager le film à venir autrement ?
La pièce nous a été utile pour tester la force du texte, en observant
chaque soir les spectateurs, en saisissant la manière dont il était
perçu et compris. Quand nous sommes passés à l’étape du storyboard, nous
avons donc pu l’améliorer facilement. La réalisation d’un film est un
processus tout à fait différent du théâtre. On ne peut pas se permettre
de continuer à chercher, à improviser, il faut que tout soit prêt le
jour du tournage. Nous sommes habitués à résoudre des problèmes et
construire un monde en temps réel. Nous avons dû apprendre à résoudre
d’autres problèmes avec le médium cinématographique, mais nous y avons
pris beaucoup de plaisir. Beaucoup des références que nous aimons sont
des artistes qui s’amusent avec la forme, comme Michel Gondry ou Spike
Jonze, que ce soit de manière théâtrale ou cinématographique.
Car étrangement, notre théâtre fait beaucoup référence au cinéma, et
nous voulions garder une certaine théâtralité dans notre film. Il y
avait deux discussions : d’un côté, sur la manière de raconter
l’histoire ; de l’autre, sur la forme esthétique du film.
Il y aussi eu une influence sur la manière de travailler avec les
comédiens. Quand vous réalisez un film indépendant en Australie, vous ne
disposez pas d’un financement qui permette des répétitions longues.
Quand il s’agit d’une pièce de théâtre, vous avez autour de cinq
semaines, ce qui vous laisse du temps pour comprendre l’essence de
l’histoire et en discuter avec les acteurs. Beaucoup de nos comédiens
sur le film faisaient déjà partie de la troupe : Amber McMahon, qui joue
la mère, Matthew Whittet, notre scénariste qui incarne le père, et
Eamon Farren, Adam dans le film, qui jouait Elliot dans la pièce !
Est-ce que vous aviez depuis longtemps envie de faire un film ?
Pour moi c’est amusant parce qu’en sortant du lycée, je me suis
vraiment demandé si j’allais entrer dans une école de théâtre ou de
cinéma. Puis j’ai choisi le théâtre. J’adore cet art et j’y ai fait
carrière, mais je me suis toujours dit que réaliser un film devait être
quelque chose de formidable. Sachant à quel point il est compliqué de
faire naître un projet de film, je ne pensais pas que ce serait un jour
possible. Mais c’est difficile de ne pas être happé par le grand écran,
il reste une forme d’art prédominante de notre époque – même au théâtre,
il reste notre plus grande influence. En tant que collectif artistique
qui tient à raconter des histoires, nous avons beaucoup travaillé, avec
la compagnie, pour décrocher cette opportunité offerte par cette
association, The Hive, proposant à des artistes du monde entier venus
d’autres univers que le cinéma de pouvoir travailler sur un projet de
film. Beaucoup de bonnes idées en sont nées.
C’est une expérience très différente pour nous. Quand vous passez vingt
ans à créer des pièces de théâtre, vous prenez conscience de leur
caractère très éphémère. Elles vont et viennent. Avec FANTASTIC
BIRTHDAY, nous avons un film qui durera toujours, que nous pourrons
revoir. Certaines de nos pièces partent en tournée, continuent d’être
jouées quelques années, puis disparaissent. On peut en avoir une
captation vidéo, mais ce n’est vraiment pas la même chose. Le film, nous
pourrons le montrer à nos petits-enfants !
Le film a rencontré un franc succès à travers le monde en festivals. Comment avez-vous vécu cette expérience ?
Ça a été phénoménal. Au-delà de tout ce que nous pouvions imaginer, je
crois d’ailleurs que nous ne réalisons toujours pas ! Andy, notre
directeur de la photographie, me disait : «Rose, 95% des réalisateurs
australiens ne font pas de deuxième film». Et comme j’ai une assez belle
carrière au théâtre, j’ai toujours pensé que j’allais simplement faire
le film que j’aurais envie de voir, moi. Quand nous avons développé
celui-ci, nous n’avons pas du tout pensé à l’après, nous y avons
simplement mis toute notre âme. Nous étions bien sûr très excités à
l’idée de montrer FANTASTIC BIRTHDAY à Adelaïde, le premier festival où
il a été sélectionné à peine fini, puis de là, nous sommes partis pour
Berlin. L’histoire résonne réellement avec le public, ça a été
incroyable d’observer sa réception dans différents cinémas, à travers le
monde, de voir notamment que les adolescents s’y reconnaissaient
vraiment.
Greta et Elliot étaient incarnés par des comédiens plus âgés
dans la pièce. Y a-t-il eu une différence quand ces rôles ont été repris
par de jeunes adolescents ?
Absolument, une très grande différence. C’était une belle expérience,
car Matt et moi avons monté quelques pièces pour les adolescents, mais
c’était la première fois que nous travaillions avec autant d’entre eux.
C’est toujours difficile de disposer de comédiens de cet âge pour ce
travail, principalement à cause de la durée du tournage – c’est tout de
même cinq semaines sans scolarité – et des nombreuses règlementations
légales sur la limite horaire journalière etc… Nous avons lancé un
immense casting pour trouver nos deux héros, il fallait que ce soit les
bons, sans quoi le film n’existait pas.
Nous savions ce que nous voulions, c’est pourquoi quand nous les avons
découverts, ils nous sont apparus comme une évidence. Avec Bethany
Whitmore, qui joue Greta, nous avons trouvé quelqu’un qui pouvait tenir
toute l’histoire sur ses expressions, tout en jouant une héroïne assez
passive, et pour le personnage d’Elliott, qui est très particulier, nous
avions vu Harrison Feldman jouer dans quelques pièces et dans une
émission de télé, on a immédiatement pensé qu’il pourrait être
incroyable !
Tous les deux ont été géniaux. Nous avons passé quelques jours ensemble
avant le tournage, juste tous les trois, on lisait le scénario et on en
discutait. Certaines personnes me demandent : «Comment as-tu réussi à
obtenir de telles performances de la part de comédiens si jeunes ?». Ils
sont simplement de grands acteurs légitimes, et d’entendre cette
histoire racontée par des gens du «bon» âge, c’était incroyable, surtout
quand je me rappelle ma propre adolescence et la hiérarchie de la cour
de récré, que tous nos jeunes comédiens ont su retranscrire d’après
leurs propres expériences.
Un des aspects les plus frappants du film est le choix du ratio image 1:33.
Il s’agit d’un ratio utilisé à l’époque – les années 70 – et c’est
quelque chose dont nous parlions avec Andy Commis, le directeur de la
photographie, nous nous disions que ce serait amusant de composer des
images de cette façon. Nous n’avons jamais regretté ce choix. Cela
pouvait paraître compliqué, tant l’arrière-plan est important, avec des
actions nombreuses, et pourtant ça a parfaitement fonctionné. Au début
du film, il y a notamment cette scène de tai-chi à l’école qui est
incroyable. Cela nous a d’ailleurs beaucoup fait rire d’inclure tout ces
fonds. Quand nous avons terminé la première version du scénario, nos
investisseurs nous ont dit : «Nous connaissons le côté décalé de votre
travail, mais nous ne le retrouvons pas vraiment ici sur le papier».
Nous avons répondu qu’après avoir écrit, nous prenions le scénario en
salle de répétition et nous y ajoutions ce décalage en le jouant. Ils
nous ont vraiment fait confiance en nous affirmant que c’était justement
pour ça qu’ils nous soutenaient, parce qu’ils recherchaient précisément
notre vision et notre sens du décalage. On a donc continué d’incorporer
au second plan toutes ces idées un peu plus farfelues.
La structure du film est particulière. Était-il clair dès le
départ que la partie onirique prendrait cette place dans la narration ?
Nous sommes de grands admirateurs de Bruno Bettelheim et de sa
réflexion sur la résonance psychologique des contes de fées, aussi nous
avons toujours su que cette partie de l’histoire, où l’on assiste à une
transposition de Greta dans le monde des rêves, était primordiale. Comme
nous avions déjà fait le travail sur scène, nous savions comment cette
structure pouvait fonctionner.
Beaucoup de vos techniciens ont plusieurs casquettes, dont
Jonathon Oxlade en particulier, à la fois aux décors et aux costumes.
Cela a-t-il aidé à mieux définir l’univers artistique du film ?
C’était important que la même personne travaille sur ces deux postes.
Jonathon s’occupe toujours des costumes en même temps que du plateau, ce
qui garantit une cohérence artistique dans l’univers que nous créons,
sachant que nous cherchions un certain style, une certaine utilisation
des couleurs, un ressenti visuel particulier. Andy Commis, notre chef
opérateur, a également travaillé avec Jonathon, et nous avons regardé
beaucoup de photographies des années 70 pour choisir la palette
colorimétrique et la façon dont nous voulions que les couleurs
ressortent et éclatent à l’écran.
Etant donné l’intemporalité et le caractère universel de cette histoire, pourquoi l’avoir ancrée dans les années 70 justement ?
Comme il s’agissait d’une histoire de fille, nous trouvions intéressant
de la transposer dans les années 70 car c’est une époque très
particulière pour une jeune fille en Australie. Le film parle beaucoup
du deuil, de cette enfance perdue à laquelle on veut s’accrocher, mais
également du rôle décroissant des parents, qui perdent leurs enfants qui
grandissent. Au sujet de la mère justement, les années 70 représentent
une grande libération de la femme en Australie, une nouvelle vision du
parcours de vie féminin. La mère est une femme au foyer de cette époque,
en totale opposition avec la soeur de Greta, Genevieve, qui, elle, va
véritablement tracer sa propre route. Pour une jeune fille comme Greta
qui prend peu à peu conscience qu’elle entre dans le monde adulte et
doit se définir en tant que telle, la question de la représentation
féminine est essentielle.
Le fait est qu’aussi nous aimons tout simplement cette époque, et la
musique qu’elle a fait naître. C’est l’époque à laquelle je suis née,
mais j’ai fait en sorte qu’elle puisse être comprise par les jeunes
d’aujourd’hui, et je pense que c’est justement ce qui rend cette
expérience universelle et cette époque si particulière, on ne se laisse
pas distraire par la profusion contemporaine. Au début du développement,
et vu les coûts, notre producteur nous a dit : «On va peut-être devoir
abandonner les années 70». Nous ne voulions pas laisser tomber, les
relations et rapports entre personnages ne seraient pas du tout les
mêmes dans un film se déroulant aujourd’hui. Les réseaux sociaux
n’existaient pas, et il y avait sans aucun doute beaucoup plus
d’innocence. Le monde de Genevieve s’ouvre à peine au son de la pop
européenne et en Australie, c’était quelque chose de réellement nouveau.
De nos jours, n’importe qui a le monde au bout des doigts.
Y a-t-il quelques détails personnels que vous avez pu glisser dans le film ?
A l’origine, nous avons imaginé FANTASTIC BIRTHDAY comme le troisième
volet d’une trilogie consacrée à l’adolescence. Les deux premiers
portaient plutôt sur des personnages masculins, c‘est pourquoi nous nous
sommes concentrés sur un point de vue féminin ici, avec beaucoup de
choses à raconter sur l’éveil sexuel et l’érotisme féminin de cette
époque. De mon côté, j’ai toujours adoré l’histoire de la Belle au Bois
Dormant : ça nous passionnait d’imaginer ce qui se passait dans ce
sommeil profond, il y avait pour moi un lien à établir avec les rêves et
fantasmes adolescents. Et quand je repense à cette période, il est
clair que je passais beaucoup de temps dans un univers mental, plus qu’à
tout autre moment de ma vie .
Beaucoup de détails se sont ajoutés au fur et à mesure que se créait la
pièce – les personnages qui doivent prendre part à l’histoire, le petit
ami de Genevieve, plus âgé, sa relation avec Greta, etc… Ce sont des
choses dérivées d’un vécu dont le souvenir est resté très vif !