En marge de Barcelone, Vallbona est une enclave entourée par une rivière, des voies ferrées et une autoroute. Antonio, fils d’ouvriers catalans, y cultive des fleurs depuis près de 90 ans. Il est rejoint par Makome, Norma, Tatiana, venus de tous horizons… Au rythme de la musique, des baignades interdites et des amours naissants, une forme poétique de résistance émerge face aux conflits urbains, sociaux et identitaires du monde.
San Sebastian Festival 2025 – Prix spécial du jury
Scénario et réalisation José Luis Guerin | Producteurs Javier Lafuente, Jonás Trueba, Gaëlle Jones, José Luis Guerin | Image Alicia Almiñana | Son Maximiliano Martínez | Décors Clara Serrano | Montage José Luis Guerin | Musique originale Anahit Simonian | Opérateur Rubén Seca | Assistant réalisation Javier Guerra | Direction de production Alba Lombardía | Étalonnage David Avecilla | Montage son Pablo Rivas Leyva | Mixage Mikaël Barre Coproduction hispano-française Los Ilusos Films, Perspective Films, 3CAT, Orfeo Iluso AIE |Distribution France Shellac | Ventes internationales Shellac



José Luis Guerin
José Luis Guerin mène sa carrière cinématographique en tant que réalisateur et scénariste de ses propres films, mêlant fiction et documentaire, brouillant les frontières qui existent entre les deux genres. Les films de José Luis Guerin ont été présentés dans de nombreux festivals tels que Venise (Sélection officielle), Cannes (Un Certain Regard, Quinzaine des réalisateurs), Berlin (Forum), San Sebastian (Compétition officielle), plusieurs fois à Locarno, Rotterdam, Tokyo… Il est peut-être l’un des cinéastes espagnols les plus loués par la critique et par le public des festivals internationaux. Des rétrospectives lui ont été consacrées lors de festivals et dans d’importants centres culturels comme le Centre Georges Pompidou (Paris) ou le Harvard Film Archive (Cambridge).
Prix national espagnol du cinéma en 2001 et prix Goya du meilleur documentaire en 2002.
FILMOGRAPHIE
2025 – Histoires de la bonne vallée
2019 – De una isla
2015 – La academia de las musas
2015 – Le Saphir de Saint Louis
2011 – Recuerdos de una mañana
2011 – Correspondencias Jonas Mekas – J.L. Guerin
2010 – Dos cartas a Ana
2010 – Guest
2007 – En la ciudad de Sylvia
2007 – Unas fotos en la ciudad de Sylvia
2000 – En construcción
1997 – Tren de sombras (le espectro de Le Thuit)
1990 – Innisfree
1986 – Souvenir
1983 – Los motivos de Berta
Entretien avec José Luis Guerin
Comment sont apparues les premières idées de Histoires de la bonne vallée ?
Le film commence en marchant et en observant. J’observe d’abord avec la caméra Super-8, presque sans intervenir, dans une logique observationnelle. À Vallbona, on a trouvé des rues non asphaltées, des faubourgs mêlés à des blocs, du linge suspendu, des gamins qui jouaient ou se baignaient dans le ruisseau. C’étaient des scènes qui me ramenaient aux années soixante ou soixante-dix, justement l’époque où j’ai commencé à filmer en Super-8.
Pour moi, explorer un espace est très suggestif. J’ai l’impression qu’on peut le lire à travers les signes qui l’habitent. Quand je suis arrivé à Vallbona avec la petite caméra, j’ai eu le sentiment de découvrir un territoire vierge. Je marchais attentif aux traces et aux indices : des pierres dans un faubourg, des fissures dans le pavé… Tout semblait contenir des histoires. Je pense que le scénario est d’une certaine manière contenu dans l’espace, et que filmer c’est l’interpréter.
Ensuite, avec le casting, apparaît la médiation de la parole, où je découvre une série de mémoires et d’imaginaires qui, confrontés à ce qui avait été observé, vont donner lieu au film. En tout cas, c’est en analysant ces entretiens qui composent le casting que s’est concrétisé le projet de faire un long-métrage.
Alors commencer la recherche dans ce format a du sens…
L’image numérique, pour commencer, me paraît toujours banale. Par contre, ritualiser le travail avec le petit artisanat du Super-8 me relie autrement à l’espace et à la réalité. C’est une implication différente. D’un autre côté, le support même du Super-8 noir et blanc transmet le sentiment d’intemporalité dans lequel se trouve le quartier.
Le Super-8 se manifeste aujourd’hui comme du passé. C’est ainsi qu’on le perçoit face au présent de l’image numérique. Cela équivaudrait à la mémoire visuelle de « documents d’archives ».
Maintenant je voudrais me concentrer sur la partie du casting que tu as fait à Vallbona. Comment ça s’est passé ?
C’est un quartier fragmenté, isolé, et il n’a pas été facile d’organiser un casting. Mais c’est de là que tout est né : les personnages, les motifs, les thèmes. Dans les premiers montages, je voulais que le spectateur soit conscient que tout ce qui se développait dans le film avait déjà été énoncé dans ces conversations initiales. Comme une composition de développements et de variations de ces entretiens.
Le film a une dimension très collective, très chorale. Comment ça s’est développé avec les personnages ?
Dans le choix des personnages, bien sûr, il y a la considération de l’éloquence qu’ils ont comme tels. Le goût du personnage qui vibre chez certaines personnes : leur manière de parler, de regarder, de bouger. Et en même temps, les présences choisies devaient incarner la morphologie sociale et humaine du quartier.
Ça a été ma préoccupation centrale : projeter un regard juste sur ce voisinage. Être juste avec la juxtaposition des mémoires qui forment ce lieu : le lien à la terre de la paysannerie traditionnelle, la mémoire ouvrière des premiers migrants du sud qui ont construit leurs maisons et qui décline aujourd’hui ; les blocs sans mémoire propre ; les nouvelles mémoires qui arrivent d’autres endroits du monde…
Dans le processus de création, quelle place occupe pour toi le travail artisanal, l’élaboration au tournage ?
Je ne comprends mon travail qu’à partir de l’éthique artisanale : décider de chaque cadre, chaque coupe, chaque son. De là découle mon goût pour le cinéma, pour son écriture, et ma manière de me relier au monde. Chaque film est un organisme singulier avec une logique et une éthique particulière, qu’il faut découvrir. Il n’y a pas de règles que tu puisses appliquer d’un film à l’autre, elles se révèlent à chaque fois, dans le processus même de travail. C’est pour ça que j’essaie de tourner en discontinuité, en alternant des phases de tournage et de montage qui m’aident à découvrir l’identité du film.
Comment as-tu travaillé les ressources visuelles et sonores pour montrer à la fois le personnel et le collectif dans la représentation du quartier ?
L’exigence de pénétrer les regards et les imaginaires particuliers comme manière adéquate de comprendre le quartier nous a conduits à privilégier des formes qui relient le passage entre l’individuel et le collectif. Les reflets dans les fenêtres, ou la profondeur de champ, jouent là un rôle crucial, tout comme le montage sonore qui met en relation les différentes histoires.
Extrait du Journal de tournage en cours d’élaboration par Javier Guerra, assistant de réalisateur de Histoires de la bonne vallée