Film soutenu

Hit The Road

Panah Panahi

Distribution : Pyramide Distribution

Date de sortie : 27/04/2022

Iran / 2021 / 1h33 / DCP / 5.1/ 1.85

Iran, de nos jours. Une famille est en route vers une destination secrète. A l’arrière de la voiture, le père arbore un plâtre, mais s’est-il vraiment cassé la jambe ? La mère rit de tout mais ne se retient-elle pas de pleurer ? Leur petit garçon ne cesse de blaguer, de chanter et danser. Tous s’inquiètent du chien malade. Seul le grand frère reste silencieux.

Festival de Cannes 2021, Quinzaine des réalisateurs
Festival de Londres 2021, Prix du meilleur film

La mère PANTEA PANAHIHA • Le père HASSAN MADJOUNI • Le petit frère RAYAN SARLAK Le grand frère AMIN SIMIAR

Scénario et réalisation PANAH PANAHI • Image AMIN JAFARI • Son ABDOLREZA HEYDARI • Montage AMIR ETMINAN et ASHKAN MEHRI • Mixage ZOHREH ALI AKBARI • Musique PAYMAN YAZDANIAN • Costumes MAHSA et SARA KHAMISI • Assistant réalisateur NEGAR JONEYDI • Effets spéciaux MOHAMMAD SANIFAR • Produit par MASTANEH MOHAJER & PANAH PANAHI

Panah Panahi

Né à Téhéran en 1984. Il étudie le cinéma à l’Université des Arts de Téhéran.
Il devient photographe de plateau, puis assistant opérateur et assistant
réalisateur. Présenté à la Quinzaine des réalisateurs au festival de Cannes
2021, HIT THE ROAD est son premier long métrage.

Entretien avec Panah Panahi

Vous êtes le fils de Jafar Panahi qui était l’assistant et le disciple d’Abbas Kiarostami. On imagine qu’ils vous ont donné le goût du cinéma. Avez-vous appris le métier de réalisateur avec eux, ou en regardant leurs films ?
Dès l’enfance, j’ai assisté aux repérages et aux tournages des films de mon père et d’Abbas Kiarostami. Mes parents fréquentaient beaucoup de gens du cinéma. J’ai donc grandi dans cet environnement, j’ai vu beaucoup de films et cela a forcément formé mon regard. Mais avec Jafar, nous ne parlions presque jamais de cinéma. Quand je lui ai annoncé vers l’âge de 18 ans que je voulais faire des études de cinéma, il m’a pris au sérieux. Pendant mes études, j’ai pu travailler comme assistant réalisateur et opérateur et ainsi apprendre sur le terrain. J’ai secondé mon père sur ses derniers films, de l’écriture jusqu’à la post-production. Cette proximité a évidemment été très propice à ma formation.

Votre père vous a-t-il donné des conseils sur l’écriture ou la réalisation du film ?
J’ai écrit le scénario seul et lui ai donné à lire une fois que je l’ai trouvé assez abouti. Mon film est aux antipodes de son cinéma, mais il a été de très bon conseil. Jafar a tout de suite endossé le rôle de conseiller qu’il joue auprès de nombreux jeunes cinéastes et il a été d’un soutien infaillible à mes côtés. Notamment dans la phase de postproduction où son aide m’a considérablement aidé.

On sait votre père sous surveillance. Le tournage de votre film a-t‑il été aussi compliqué que ceux de votre père ? Avez-vous pris les mêmes précautions que lui ?
Nous avons pu tourner sans entrave dans les décors qui étaient les nôtres, c’est‑à‑dire des régions reculées. Nous avons dégoté un permis de tournage en vidéo, ce qui est plus simple. Nous n’avons jamais été inquiétés.

Cette famille est-elle une version fictive de la vôtre ?
Je ne souhaitais pas dépeindre un certain type de famille iranienne et encore moins la mienne. Cependant, j’ai créé ces personnages et leurs relations en m’inspirant, parfois inconsciemment, de ma propre expérience, de mes relations familiales telles que je les ai observées.

La mère porte un voile mais pas un tchador, le fils ainé veut quitter l’Iran, le fils cadet aime les super-héros, la famille écoute de la musique pop … Souhaitiez-vous montrer une famille ouverte, cultivée, sans doute mal à l’aise avec le régime politique actuel ?
La majorité de la population iranienne vit dans les villes et porte le même type de tenue vestimentaire que mes personnages. C’est le tchador qui est porté par une minorité religieuse. Je n’avais aucune intention de représenter une classe cultivée. Mon approche n’est pas sociologique, mon propos se situe au-delà de ce type de considérations.

On ne sait pas grand-chose du père mais on devine qu’il est ouvert, tolérant. Pouvez-vous en dire plus sur votre vision de ce personnage ?
Le père incarne pour moi en partie mon avenir, de même que les deux frères représentent des étapes de mon passé.

La frontière du film est celle avec la Turquie… Les Iraniens qui passent la frontière clandestinement comme votre personnage sont-ils nombreux ?
C’est un phénomène courant dans l’Iran d’aujourd’hui. J’ai moi-même assisté au départ clandestin d’un grand nombre de mes connaissances et le parcours du personnage est inspiré de celui d’un ami qui m’a fait le récit de son voyage. Toutes les étapes, y compris celle de l’achat de peau de mouton, sont réelles.

La crainte d’être sous la surveillance policière est partout dans le film. Est-elle générale en Iran, ou spécifique à cette famille dont le fils va passer la frontière clandestinement ?
D’aussi loin que je me souvienne et plus précisément depuis mon adolescence, nous avons toujours vécu en nous sentant surveillés, sur écoute. C’était le cas de notre famille, mais aussi sans doute de toutes les familles d’artistes ou d’intellectuels, sur qui le régime exerce une pression constante.

La séquence du rêve où le père et le fils s’envolent vers les étoiles est-elle un hommage à 2001, L’ODYSSEE DE l’ESPACE que vous citez plus tôt dans votre film ?
Oui ! Et j’assume cet hommage au film de Kubrick.

Pouvez-vous présenter les quatre acteurs principaux du film ?
Hassan Majnooni et Pantea Panahiha, qui jouent les parents, sont deux grands acteurs de théâtre dont j’ai toujours suivi la carrière de près. Notre collaboration a été très agréable et ils m’ont beaucoup aidé sur le tournage, y compris sur d’autres aspects que la direction d’acteurs. Rayan Sarlak, qui avait 6 ans au moment du tournage, avait joué dans une série à grand succès que je n’ai pas vue. Lorsque j’ai commencé ma recherche, tout le monde m’a conseillé de le rencontrer. Et en effet, dès que je l’ai vu, j’ai su que c’était mon personnage. Il a fait preuve d’une attitude très professionnelle sur le plateau. Il avait un goût du travail que j’ai trouvé fascinant pour son âge même si le diriger demandait beaucoup d’énergie… Amin Simiar, le grand frère, étudie l’art dramatique. Je l’ai d’abord casté sur photo et j’ai été immédiatement convaincu en le rencontrant. J’ai pris un immense plaisir à les diriger tous les quatre et leur synergie se voit à l’écran.

Comment vous avez travaillé avec votre chef opérateur, Amin Jafari ?
J’ai rencontré Amin Jafari sur le tournage de TROIS VISAGES, le film de mon père. Une amitié est née entre nous et j’ai immédiatement pensé à lui pour faire l’image de HIT THE ROAD. Mais il a fait plus que cela. Il a agi en véritable grand frère bienveillant, voire en thérapeute qui, sur le plateau, savait calmer mes déceptions, m’aider à trouver des solutions, faciliter mes prises de décision, discuter des choix de cadrage. Je lui suis très reconnaissant de cette collaboration qui m’a permis d’aller au bout de ce film.

Dans certains plans (pas forcément ceux dans la voiture, mais plutôt les plans larges où l’on voit se dessiner un chemin), on croit reconnaître l’influence de Kiarostami.
C’est surprenant de ne pas pouvoir tourner un plan large avec une voiture dans un paysage iranien, sans que le nom de Kiarostami soit évoqué. Cette comparaison semble s’imposer pour les cinéastes iraniens, alors qu’ailleurs dans le monde, les jeunes réalisateurs peuvent tourner sans que l’on cherche sans cesse à les comparer à leurs aînés. Malgré tout mon attachement au cinéma de Kiarostami, je n’adhère pas à cette filiation.

Comment s’est passé le montage avec Ashkan Mehri et Amir Etminan ?
Amir Etminan était présent avec moi sur le tournage, et nous avons travaillé chaque soir au montage d’une première version. Puis, de retour à Téhéran, j’ai pu travailler avec Ashkan Mehri de façon plus concentrée pour affiner le montage. Ils ont tous deux été très précieux dans les échanges que nous avons pu avoir sur l’enchaînement des plans et la structure du film.

Pouvez-vous parler des chansons entendues dans le film. Sont‑elles des chansons populaires en Iran ?
Ces chansons sont des tubes avec lesquels nous avons tous grandi. Elles datent d’avant la révolution et je trouve très douloureux de constater l’évolution désastreuse de la chanson pop, voire de toute la musique iranienne, ces dernières décennies. J’ai choisi sans hésiter ces morceaux qui, à mon sens, correspondent parfaitement au contenu de mon film. Le régime ne tolère pas ces chansons d’artistes qui ont dû fuir à l’étranger après la révolution et voit d’un mauvais oeil leur diffusion.