Film soutenu

Holy motors

Leos Carax

Distribution : Les Films du Losange

Date de sortie : 04/07/2012

France - 2012 - 1h55 - DCP - dolby SRD

De l’aube à la nuit, quelques heures dans l’existence de Monsieur Oscar, un être qui voyage de vie en vie. Tour à tour grand patron, meurtrier, mendiante, créature monstrueuse, père de famille… M. Oscar semble jouer des rôles, plongeant en chacun tout entier – mais où sont les caméras ? Il est seul, uniquement accompagné de Céline, longue dame blonde aux commandes de l’immense machine qui le transporte dans Paris et autour. Tel un tueur consciencieux allant de gage en gage. À la poursuite de la beauté du geste. Du moteur de l’action. Des femmes et des fantômes de sa vie. Mais où est sa maison, sa famille, son repos ?

Compétition Officielle – Festival de Cannes 2012

Avec DENIS LAVANT • EDITH SCOB • EVA MENDES • KYLIE MINOGUE • ELISE LHOMEAU • MICHEL PICCOLI • JEANNE DISSON • LEOS CARAX • NASTYA GOLUBEVA CARAX • REDA OUMOUZOUNE • ZLATA contorsionniste • GEOFFREY CARREY • ANABELLE DEXTER JONES

Scénario LEOS CARAX • Image CAROLINE CHAMPETIER, YVES CAPE • Montage NELLY QUETTIER Son ERWAN KERZANET, KATIA BOUTIN, JOSEFINA RODRIGUEZ, EMMANUEL CROSET • Musique originale “WHO WERE WHERE” NEIL HANNON, CARAX, NEIL HANNON, interprétée par KYLIE MINOGUE • Création et supervision Maquillages / Coiffures BERNARD FLOCH • Maquillages SFX JEAN-CHRISTOPHE SPADACCINI, DENIS GASTOU • Décors FLORIAN SANSON • Costumes ANAÏS ROMAND • Aide à la réalisation JULIE GOUET • Directrice de post-production EUGÉNIE DEPLUS Conception des cyber-créatures DIANE SORIN • Datamoshing JACQUES PERCONTE • Directeurs des effets visuels THIERRY DELOBEL • Superviseur VFX ALEXANDRE BON • Productrice VFX BÉRENGÈRE DOMINGUEZ • Superviseur 3D OLIVIER MARCI
Une co-production Franco-Allemande PIERRE GRISE PRODUCTIONS / THÉO FILMS / ARTE FRANCE CINÉMA / PANDORA FILM / WDR-ARTE • Avec la participation de CANAL + et du CNC • Avec le soutien du Programme MEDIA DE L’UNION EUROPÉENNE de la RÉGION ILE-DE-FRANCE et de la PROCIREP / ANGOA, FFA MINI TRAITÉ, MEDIENBOARD BERLIN BRANDENBURG • En association avec SOFICINÉMA 8 et WILD BUNCH • Distribution LES FILMS DU LOSANGE •

Leos Carax

Alex Dupont alias Leos Carax est un réalisateur et acteur français né le 22 novembre 1960 à Suresnes. Il est célèbre pour ses films Boy meets girl, Mauvais sang, Les amants du Pont-Neuf, Pola X et Holy Motors, ainsi que pour ses rôles dans les films King Lear, Mister Lonely et Je ne suis pas morte

L’Histoire dira qu’avant ou après sa mort il se trouva en présence de Dieu et lui dit : “ Moi qui aie été tant d’hommes en vain, je voudrais n’être qu’un : moi ”. La voix du Seigneur lui répondit depuis un tourbillon : “ Moi-même, je ne suis pas un ; j’ai rêvé le monde comme tu as rêvé ton œuvre, mon Shakespeare, et parmi les figures de mon rêve tu te trouvais, toi qui es comme moi, plusieurs et aucun.”  Jorge Luis Borges Everything and Nothing

Entretien avec Leos Carax (extraits)

Vous apparaissez au début du film, dans une sorte de prologue, qui est plus précisément et littéralement une ouverture. D’où vient l’idée d’être physiquement présent à l’écran ?
J’ai d’abord eu cette image d’une salle de cinéma, grande et pleine, dans le noir de la projection. Mais les spectateurs sont tout à fait figés, et leurs yeux semblent fermés. Sont-ils endormis ? Morts ?
Le public de cinéma vu de face – ce que personne ne voit jamais (sauf dans l’extraordinaire plan final de The Crowd de King Vidor). Puis mon amie Katia m’a fait lire un conte d’Hoffmann. Le héros y découvre que sa chambre d’hôtel donne, via une porte dérobée, sur une salle d’opéra. Comme dans la phrase de Kafka, qui pourrait servir de préambule à toute création : “il y a dans mon appartement une porte que je n’avais jamais remarquée jusqu’ici”. J’ai donc pensé débuter le film avec ce dormeur réveillé en pleine nuit, qui se retrouve en pyjama dans une grande salle de cinéma remplie de fantômes. Instinctivement, j’ai appelé l’homme, le rêveur du film, Leos Carax. Alors je l’ai joué.

“ Il y a dans mon appartement une porte que je n’avais jamais remarquée jusqu’ici”.

Dans quelle mesure Merde, votre contribution au film Tokyo !, a joué un rôle dans la conception de Holy Motors, où le personnage de Merde est un des avatars (est-ce le bon terme ?) de Denis Lavant ?
Holy Motors est né de mon impuissance à monter plusieurs projets, tous en langue étrangère et à l’étranger. Butant toujours sur les deux mêmes obstacles : casting et fric. N’en pouvant plus de ne pas tourner, je me suis inspiré de l’ex- périence de Merde, qui était une commande japonaise. Je me suis passé à moi-même la commande d’un projet fait dans les mêmes conditions, mais en France : imaginer vite, pour un acteur déjà choisi, un film pas trop cher. Tout ça rendu pos- sible aussi par l’usage des caméras numériques, que je méprise (car elles s’imposent ou on nous les impose), mais qui rassurent tout le monde.

L’idée des moteurs, de la motorisation, de l’importance des machines est à la fois clairement revendiquée par le titre et présente de manière sous-jacente dans le film. Cette idée est-elle à l’origine du projet ou a-t-elle pris forme petit à petit ?
Il n’y a jamais aucune idée au départ d’un projet, aucune intention. Mais deux trois images et sentiments, que je monte ensemble. Pour Holy Motors, j’avais entre autres l’image de ces extra- longues limousines qu’on voit depuis quelques années. Je les ai croisées pour la première fois en Amérique, et mainte- nant à Paris dans mon quartier chaque dimanche, lors des mariages chinois. Elles sont bien de leur époque. À la fois bling bling et toc.
Belles vues de l’extérieur, mais à l’intérieur on ressent une sorte de tristesse, comme dans un hôtel de passe. Quand même elles me touchent. Elles sont désuètes, telles les vieux jouets futuristes du passé. Elles marquent je crois la fin d’une époque, celle des grandes machines visibles.
Très vite, ces voitures sont devenues le cœur du film, son moteur si je peux dire. Je les ai imaginées comme de longs vaisseaux qui transbahuteraient les hommes dans leurs der- niers voyages, leurs derniers travaux. Le film serait alors une sorte de science-fiction, où hommes, bêtes et machines se trouveraient en voie d’extinction – “moteurs sacrés” solidaires, liés par un sort commun, esclaves d’un monde de plus en plus virtuel. Un monde d’où dispa- raitraient peu à peu les machines visibles, les expériences vécues, l’action.

“ J’appelle expérience un voyage au bout du possible de l’homme ”. (Georges Bataille)

Qui est Monsieur Merde ? Est-ce un fantôme venu du passé ? Un compagnon de travail ?
Monsieur Merde, c’est mon immonde. C’est la grande régression post 11 septembre (des terroristes qui croient à des his- toires de vierges au paradis, des gouvernants qui jubilent de pouvoir enfin profiter de leurs pleins pouvoirs, tels des enfants tout-puissants. Et des peuples sidérés, comme des orphelins seuls dans le noir). Monsieur Merde, c’est la peur, la phobie. L’enfance aussi. Monsieur Merde, c’est le comble de l’étranger : l’immigré raciste.

Le personnage de Monsieur Oscar aurait-il pu être interprété par quelqu’un d’autre que Denis Lavant ?
Si Denis avait refusé le film, j’aurais proposé le rôle à Lon Chaney ou à Chaplin ou à Peter Lorre, Michel Simon.

Dans quel garage remise-t-on les humains lorsqu’ils ont fini leur journée ? Y a-t-il pour eux quelque chose de comparable au lieu où se termine le film ? 
Là où les humains se garent pour la nuit – ce qu’on appelle “la maison”. Mais où est la vraie demeure de chacun ? Ou bien vaut-il mieux vivre sa vie par monts et par vaux, en explora- teur, parcourant terres et mers ? Mais peut-être nos vraies maisons sont-elles, déjà, nos ordinateurs ?

“Tu entends ce cri de guerre que les hommes lancent à la face de l’avenir le provoquant au combat ,” (Leonid Andreïev)

Jean-Michel Frodon

Rencontre(s) avec Denis Lavant autour du film « Holy Motors »