Les grandes vacances en Corse.
Les enfants s’égayent, les ados traînent, les adultes réfléchissent à l’avenir, les aînés commentent le temps qui passe. Ceux qui vivent à la ville retrouvent ceux qui n’ont jamais quitté le village. Familles et amis de toujours partagent ce moment suspendu dans la montagne.
Mais malgré le soleil et les éclats de rire, l’été ne guérit pas toutes les blessures.
Festival de Cannes 2021, sélection ACID Cannes / Festival Entrevues Belfort, Compétition / Champs-Elysées Film Festival / Festival International du film de Rotterdam, Prix Spécial du Jury /Tübingen International Film Festival, Compétition Internationale / Al Este, Peru, Special Mention of the Jury
François-Régis Jean-Christophe FOLLY • Théo Pascal TAGNATI • Bastien Cédric APPIETTO •Amandine Apollonia BRONCHAIN ORSONI • Greg Jérémy ALBERTI • Carina Davia BENEDETTI • Lisandru Joseph CASTELLITI • Lucienne Roselyne DE NOBILI ,• Auguste Eric PATRIS DE BREUIL • Cindy Maryse MIEGE • Charles Ange-Marie BISGAMBIGLIA • Nina Livia VITTINI • Paulan Thomas AUGUGLIARO • Letizia Palma VITTINI
Réalisateur Pascal Tagnati • Scénariste Pascal Tagnati • Directeur de la photo Javier Ruiz Gómez • Monteur Pascal Tagnati • Chef décoratrice Kalli Tormen ,• Mixage son Amaury Arboun, Pierre Bompy, Vincent Verdoux • Étalonnage Gadiel Bendelac • Assistant caméra Lucas Vittori • Assistant réalisateur Thomas Bobrowski • Régisseur Antoine Lefeuvre • Assistants son Antoine Bertucci, Laurent Blahay • Assistant décorateur Tom Mattei • Producteurs Martin Bertier, Helen Olive, Delphine Leoni • Société de production 5à7 Films, Lotta Films
Pascal Tagnati
Né en 1982 à Ajaccio, Pascal Tagnati est acteur, auteur, metteur en scène et réalisateur. Au cinéma, il a notamment joué dans les films de Lucie Borleteau (Fidélio), Delphine Leoni (La Nuit est là), Sarah Arnold (Parades), Thierry de Peretti (Sleepwalkers), Antonin Peretjatko (La loi de la jungle), Lavinie Boffy (La Vie ou la Pluie) ; Au théâtre, sous la direction de François Orsoni, Jean-Christophe Meurisse pour le collectif Les Chiens de Navarre, Thierry de Peretti, Cristèle Alves Meira et dans ses propres mises en scène.
Dans ses films, Pascal Tagnati observe son époque, ses contemporains ou lui-même, avec humour, sensibilité et mélancolie. I Comete est son premier long-métrage.
Filmographie
2021 I Comete (long métrage)
2017 La Punta (19 min)
2016 Le Fan de base (27 min)
2016 Les Nymphes de la Punta (7 min)
2013 Bugarach (39 min)
2012 Vergogna (20 min)
2010 Belorusskaïa (4 min)
I COMETE est également soutenu par L’ACID
Entretien avec Pascal Tagnati
Vous êtes acteur, metteur en scène, vous avez réalisé plusieurs films courts, I Comete, votre premier long-métrage, est la suite logique de votre parcours artistique ?
Je ne fais pas de différence entre le court-métrage et le long-métrage. Pour moi un film est un film quelle que soit sa durée. Je ne considère pas le court-métrage comme un essai avant de passer au long. Réussir un court-métrage est peut-être même un geste plus compliqué à réaliser. Lorsque j’ai écrit I Comete, je ne me suis pas posé la question du format. Considérons que I Comete est mon dernier film en date.
Pourquoi avoir voulu peindre la chronique estivale d’un village corse ? S’agit-il de votre village, celui de vos origines ? Et de vos propres souvenirs?
Tous les Corses se retrouvent dans leur village d’origine l’été. Ceux de la diaspora et ceux qui vivent à la ville, quels que soit leurs milieux sociaux. Le village est un terrain d’échange et de jeu considérable. Dans cette histoire, il y a de tout. Du vécu, de mon imagination, de la projection. Mais surtout des images de mon cœur. Il ne s’agit pas de mon village. Nous avons tourné dans le village de Tolla, 400 habitants l’été, situé dans la vallée du Prunelli, non loin d’Ajaccio.
De quelle manière le dialogue entre fiction et regard documentaire s’est-il imposé ?
D’une façon très simple. Je fais jouer mes acteurs au milieu de la vie d’un village. On peut parler de figuration naturelle et autonome. Parfois la rencontre des deux crée quelque chose d’inattendu, parfois il ne se passe rien de particulier. Dans les deux cas, les scènes tiennent de bout en bout, c’est le scénario et les dialogues écrits qui priment. Ils représentent 80% du film. 20% des séquences du film ont été tournées sur le vif ou sont des scènes improvisées. I Comete est bel et bien une fiction. Il relate l’été des habitants d’un village fictif.
Comment s’est déroulé le tournage ? Comment l’équipe a-telle été accueillie dans le village ?
Toutes les personnes du village nous ont accueillis les bras ouverts, et ce, sans même me connaître réellement. Nous nous sommes installés comme nous le souhaitions, de jour comme de nuit. Nous étions une petite équipe, ce qui est un avantage dans ce cas de figure. Une chose est certaine, sans l’ouverture et la générosité des habitants de Tolla il n’y a pas de film possible. Ça, c’est central.
Cette chronique a-t-elle imposé naturellement la dimension chorale du film, ces multiples trajectoires ? Une narration plus classique, centrée sur un personnage vous semblait moins pertinente ?
J’ai fait ce qui me semblait nécessaire. Tenter de retranscrire la vie d’un village l’été en Corse en suivant un personnage, dans ses problématiques, me semblait hors-sujet et sans saveur. Un regard ne suffit pas. Comment envisager un village l’été sans la présence active des enfants ? Des adolescents ? Des aînés ? Le village l’été c’est un tout, c’est un concentré de voix différentes, de problématiques différentes, d’idéologies différentes.
Le titre signifie « Les Comètes », en français. Il fait référence à ces multiples trajectoires. Était-ce naturel de choisir un titre en langue corse ?
Les Comètes ça faisait trop mode d’emploi. Alors que I Comete ça peut faire plat régional. La langue corse est très présente dans le film, il me semblait naturel que le titre soit corse, il s’impose comme un lamentu (chant traditionnel funèbre).
Dans I Comete, ni meurtre, ni grand banditisme, ni radicalisme politique… La violence s’immisce de manière subtile. Vous souhaitez proposer une représentation de la Corse singulière par rapport aux représentations dominantes au cinéma ?
Il faut de tout. Mais, cela est vrai, la représentation de la Corse politisée ou des bandits au cinéma commençait à m’ennuyer. Non pour les œuvres en elles mêmes, certaines sont nécessaires, mais pour leur représentation que le grand nombre retient. Indirectement, je crois que l’accumulation de ces peintures ne fait pas de bien à la Corse et aux Corses, elle conforte et valide les préjugés d’outre-méditerranée sur la vie en Corse. Je préfère m’inspirer de ce qui m’entoure. Et dans ma vie, en Corse, je ne suis que très rarement confronté à la violence ou à la radicalité politique. Cela veut dire que la grande majorité du temps je suis confronté à d’autres choses. Des choses qui peuvent paraître ordinaires, certes, mais je trouve de la saveur dans cet ordinaire. Alors j’essaye de parler de ce que je connais, de déplacer les sujets, parfois de m’en amuser.
Le casting rassemble des acteurs professionnels et non professionnels. Pourquoi ce choix ?
J’ai pris les meilleurs acteurs pour les rôles. Leur expérience professionnelle n’était pas un critère.
Comment avez-vous choisi et travaillé avec les acteurs non professionnels ?
Il y a des choses qui ne s’expliquent pas. Je suis arrivé dans ce village où je ne connaissais personne. Quasiment tous les rôles des jeunes étaient là ainsi que quelques rôles d’adultes. La moitié de la distribution était déjà là sous nos yeux, à Lucas Vittori et moi, au premier jour de repérage. Pour les autres acteurs non-professionnels, nous les avons castés de façon traditionnelle, par annonce, certains sont des amis. J’ai travaillé avec eux de la même façon qu’avec les acteurs professionnels. Connaître le texte au cordeau. Le dire. L’éprouver. Le jeter. Le redire. Vivre. Le redire. Et leur faire confiance. J’attendais le même engagement de Palma Vittini, qui est une petite fille de 10 ans (au moment du tournage), que de Jeremy Alberti qui est un acteur expérimenté. Seulement, tous les acteurs sont des individus différents, quel que soit leur âge, ce qui compte c’est de trouver les bons mots à chacun pour faire passer son intention. Et surtout la notion de plaisir, il faut qu’ils prennent du plaisir à jouer. Si un acteur ne prend pas de plaisir c’est que j’ai mal fait mon travail. Mais parfois, comme disait un ami de Jean-Noël Picq : « Mon cher, pas de plaisir sans peine ».
La mise en scène est caractérisée par des plans séquences fixes (parfois très longs), et une caméra souvent à distance des personnages. À quelle intention répond cette radicalité formelle?
À l’intention d’être simple. D’une part, en donnant un seul point d’observation sur les scènes, je voulais placer le regard extérieur comme celui d’un témoin.
Les thèmes du départ et du retour vers le lieu des origines sont au centre du propos. Ces questions, liées à l’identité, sont-elles très présentes dans la société corse contemporaine ?
Parler d’ici et de l’ailleurs, du départ et du retour, c’est l’essence même de la société corse contemporaine, c’est l’essence même de ce Peuple d’insulaires. Je dis bien « Peuple ».
À travers le personnage de François- Régis, vous évoquez notamment l’histoire de la Corse-Afrique (ce système de relations éco-politico mafieuses entre la Corse et les pays d’Afrique francophones). Pourquoi avoir choisi d’aborder ce thème sous l’angle intime, plus que politique ?
Mon film n’est pas un savant exposé, encore moins un tribunal. Je ne l’utilise pas pour dresser le portrait de la « Corse-Afrique » ou pour me placer en donneur de leçons. C’est là et c’est un fait. J’aime qui passerait devant une situation étrangère. Puis, pour donner les pleins pouvoirs aux acteurs et au temps. C’est eux et eux seuls qui rythment et dynamisent les séquences, ce n’est pas un découpage ou un mouvement de caméra. Mais cela ne peut se faire sans une équipe technique de haut niveau avec une grande sensibilité, aussi bien sur le plateau qu’en postproduction, et de producteurs qui croient en vos convictions et vous font confiance. J’ai eu la chance d’être entouré des meilleurs. Fuoriclassi.
Le scénario et le montage tissent une narration à la fois dense et délicate, mêlant chronique et enjeux dramatiques. Comment avez-vous conçu l’irruption du drame dans la narration?
Qu’est-ce qui est dramatique au final ? Les joies et les peines font partie de la vie. Je ne hiérarchise pas les degrés de narration en fonction de cela. Le souci, c’est qu’aujourd’hui dans un film on attend que ça : l’enjeu et le drame. Nous avons vu tellement de drames au cinéma. Tout doit tourner autour de ça. Les grilles de lecture sont devenues uniformisées. Dans I Comete le drame fait partie de l’été, il advient, comme advient la fête ou une discussion sur le foot. La vie continue.