Après la mort de sa belle-sœur dans un accident de moto à Saigon, Thien se voit confier la tâche de ramener son corps dans leur village natal. Il y emmène également son neveu Dao (5 ans), qui a miraculeusement survécu à l’accident. Au milieu des paysages mystiques de la campagne vietnamienne, Thien part à la recherche de son frère aîné, disparu il y a des années, un voyage qui remet profondément en question sa foi.
Caméra d’or – Quinzaine des Cinéastes 2023
Casting : Thien Le Phong Vu, Sœur Thao Nguyen Thi Truc Quynh, Dao Nguyen Thinh, Trung Vu Ngoc Manh
Auteur / Réalisateur Pham Thien An • Producteur exécutif Tran Van Thi • Producteurs Jeremy Chua, Tran Van Thi • Coproducteurs Marie Dubas, Ka Nguyen, Le Quynh Anh, Adria Monés, Gabriel Kaplan • Productrice déléguée Huynh Phuong Hien • Assistants réalisateurs Ka Nguyen, Le Quynh Anh • Assistants de production Phan Thi My Duyen, Tran Thanh Thuy Lieu, Le Hong Ngan • Directeur de la photographie Dinh Duy Hung • Direction artistique Pham Thien An, Huynh Phuong Hien • Costumes Huynh Phuong Hien • Artiste 3D An Dang • Son Vuong Gia Bao, Xander Toh • Montage Pham Thien An • Etalonnage Mark Song • Superviseur VFX Lee Stringer • Directeur des VFX Tri Hoang
Pham Thiên Ân
Pham Thiên Ân est un réalisateur, producteur et scénariste né en 1989 au Vietnam. Après des études en informatique à Ho Chi Minh, il prend conscience de son intérêt pour le cinéma et la réalisation de films. Son court métrage The Mute a été présenté dans de nombreux festivals de films à travers le monde.
Filmographie
2023 L’ARBRE AUX PAPILLONS D’OR
2019 STAY AWAKE, BE READY
Court métrage
2018 THE MUTE
Court métrage
INVITATION DU PROGRAMMATEUR
Thien est chargé de rapatrier, dans son village, le corps de sa belle-sœur morte accidentellement. Accompagné de son neveu de cinq ans, il cherche aussi à contacter son frère dont il n’a plus de nouvelles. L’histoire de cette quête, de ce retour vers les origines, est la trame principale de L’Arbre aux papillons d’or (quel magnifique titre), le premier long métrage de Thien An Pham.
Au premier abord, par sa durée de trois heures et son dispositif fait de longs plans séquences, on pourrait craindre que le film ne semble un peu trop « calibré » recherche. C’est pourtant dans ces contraintes qu’il réussit à se défaire de ces attributs et qu’il trouve sa singularité, sa force et sa beauté. Bien plus surprenant qu’on pourrait le croire, L’Arbre aux papillons d’or nous invite à un voyage, dans un Vietnam essentiellement rural, dont on ne peut deviner les étapes et dont on assemble les pièces petit à petit. Mais au-delà des péripéties et de la compréhension, c’est dans la contemplation et l’envoûtement que se crée la fascination pour cette découverte d’un cinéaste déjà très sûr et qui n’a pas volé, loin s’en faut, sa caméra d’or.
Jean-François Pelle – Responsable programmation des Cinémas Studio à Tours
NOTE D’INTENTION
Je suis né et j’ai grandi dans une paisible ville de campagne, où la production de cultures industrielles est la principale occupation. Dans cette région, la plupart des gens se lèvent tôt le matin et commencent leur journée en assistant à la messe.
Au crépuscule, ils se rassemblent pour lire les Écritures, prier et rendre grâce à Dieu après une longue journée de travail. Ils consacrent ensuite un temps de silence à leur propre spiritualité.
Quand je suis parti à Saigon pour étudier et ensuite travailler, sans m’en rendre compte, je me suis lancé dans une course insensée, fastidieuse et répétitive pour gagner de l’argent et réussir.
Pourtant je n’ai rencontré que déception, confusion et insécurité.
Pour m’en sortir, j’ai ressenti la nécessité de devenir plus lucide et plus fidèle à moi-même. Cela m’a conduit à lutter contre les préjugés et des tentations vaines qui m’ont entraîné dans un cercle sans fin.
Avec L’ARBRE AUX PAPILLONS D’OR, je souhaitais plonger un homme dans un voyage vers sa ville natale qui l’amène à renouer avec son passé. Ce retour révèle son conflit intérieur entre une foi qu’il a négligée et une vie qui le rend profondément insatisfait.
Le voyage reflète les dimensions de l’âme humaine, quelque chose que nous recherchons constamment mais que nous ne pouvons jamais atteindre complètement, quelque chose lié à nos rêves, à nos passions et à l’inévitabilité de la mort. Je crois que nous nous tournons tous vers la spiritualité pour surmonter l’agitation de la société moderne superficielle. Que l’on croie ou non en Dieu, on ne peut pas éviter de se demander qui l’on est et pour quelle raison nous vivons. PHAM THIÊN ÂN.
ENTRETIEN AVEC PHAM THIÊN ÂN
Il y a un lien évident entre L’ARBRE AUX PAPILLONS D’OR et votre précédent court métrage STAY AWAKE, BE READY. Pouvez-vous nous expliquer comment est née l’idée de ce nouveau film ?
Pham Thiên Ân : En fait, j’avais déjà écrit un traitement de L’ARBRE AUX PAPILLONS D’OR avant de réaliser STAY AWAKE, BE READY, même si ce traitement était assez différent de la version finale du film. STAY AWAKE, BE READY a été construit à partir de la première scène du scénario de L’ARBRE AUX PAPILLONS D’OR, et mon objectif avec ce court métrage était d’expérimenter le rythme du film et la mise en scène. Pour être honnête, lorsque j’ai commencé à réaliser ce court-métrage, je n’étais pas encore familier avec le rythme et la mise en scène cinématographique. J’ai travaillé de manière instinctive, avec ardeur et passion. Tout le film est basé sur le concept de “l’appel du divin”. Quelque soit la classe sociale à laquelle on appartient, ce concept est présent en chacun de nous et se manifeste à différents moments de la vie. C’est à partir de cela que j’ai développé des personnages qui me ressemblaient dans le passé et dans le présent. Je considère le cinéma comme mon propre « appel du divin ».
Pouvez-vous expliquer votre propre «appel du divin» ?
PTA : Au début, je pense que c’était l’époque où je passais d’un emploi à l’autre et où je me sentais perdu et seul dans cette société… Je cherchais un emploi dans lequel je trouverais un équilibre entre les compétences techniques et la dimension plus émotionnelle. J’ai commencé à apprendre comment filmer de bonnes images, puis les monter ensemble pour susciter des émotions. C’était assez naturel pour moi de faire quelque chose de touchant. J’ai donc commencé à gagner ma vie en réalisant et en montant des vidéos de mariage. Cela m’a permis d’être plus créatif que si j’avais un travail de bureau. Avec le temps, j’ai fini par trouver cela assez limité et répétitif. Alors je me suis lancé dans le cinéma, car il n’y a pas de limites au cinéma. Il n’y a pas de formule ou de règles qui permettent aux cinéastes de créer leur propre univers, où ils peuvent jouer avec leurs personnages et les émotions. J’ai réalisé que je devais être sincère vis-à-vis du monde que je créais dans mes films. C’est pourquoi j’y ai apporté beaucoup de ma vie personnelle.
Le personnage du film s’appelle aussi Thien…
PTA : L’histoire de Thien pourrait me refléter : boire avec des amis, se faire masser, tourner et monter des vidéos de mariage, faire de la magie pour divertir des amis, être obsédé par un amour passé sans espoir, errer parfois dans la ville natale montagneuse à la recherche de souvenirs persistants… Mais je ne pense pas que ce soit un film autobiographique pour autant. Intégrer beaucoup d’éléments personnels était un processus naturel pour moi.
Peut-on le décrire comme un road movie mêlant réalisme et surréalisme, ou plus précisément onirisme ?
PTA : J’ai réalisé et appris l’existence de ces concepts lorsque j’ai regardé et eu la chance de « pouvoir ressentir » cela dans les films de grands réalisateurs comme Luis Buñuel, Bela Tarr… Concernant leur application dans le film, j’essaie d’abord de convaincre le public en l’entraînant dans une histoire réaliste et logique. Ensuite, je lui laisse le temps de se familiariser avec les personnages. Et une fois que les spectateurs se sont suffisamment imprégné des personnages, je les entraîne dans un monde intérieur plus profond, comme dans un sommeil « paradoxal ». Lorsque le rêve est complètement construit, je les amène plus loin encore dans le monde surréaliste. Nous sommes souvent hypnotisés par ce que nous pensons savoir, alors que nous ne le savons pas.
Le film nous donne parfois l’impression d’avoir un style documentaire. Est-ce intentionnel ?
PTA : Oui, c’était mon intention. Pour obtenir cet effet documentaire, j’ai utilisé les approches suivantes : des acteurs non professionnels et, si possible, des résidents locaux, des lieux réels et un éclairage aussi naturel que possible, des plans longs et des mouvements de caméra statiques, afin de créer une narration réaliste. Parfois, j’aime faire des recherches sur des documentaires et les adapter au film. Par exemple, la scène avec M. Luu : après avoir regardé par hasard un journal vidéo d’un homme rendant visite à M. Luu, qui a porté le voile pour son père auparavant, j’ai été attiré par la vie de cet homme et j’étais déterminé à en savoir plus sur lui. Mais intégrer l’histoire de la vie d’un acteur non professionnel comme M. Luu dans le film a été extrêmement difficile, d’autant plus qu’il ne pouvait mémoriser aucun texte. Il ne pouvait garder à l’esprit que ses souvenirs de la guerre, et ces souvenirs étaient assez désordonnés, vagues et sans suite. Nous avons dû répéter la scène pendant trois semaines pour que j’aie le temps de créer une histoire, avec des mouvements de caméra et une mise en scène correspondant au style du reste du film. Ce que j’aime dans cette scène, c’est l’ambiance et l’expérience personnelle de M. Luu à propos de la vie et de la mort ; depuis la guerre, il a consacré sa vie à envelopper les défunts. Sa façon de vivre et son optimisme en tant que survivant de la guerre sont ce que j’admire le plus.
Le film est principalement composé de longues prises, et les mouvements de caméra sont souvent très lents. Pourquoi ce choix artistique ?
PTA : L’approche consistant à utiliser de longues prises de vue et des mouvements de caméra lents correspond à une préférence, à un sens du cinéma qui m’est assez personnel. D’une part, j’aimais me lancer des défis ; d’autre part, je me suis rendu compte que moi-même et le public avions besoin d’un certain temps pour percevoir les images et le son, afin d’analyser ces facteurs et de les mémoriser pour voyager plus profondément dans le monde du personnage. Les mouvements lents et longs de la caméra créent des espaces qui permettent au public d’observer et d’attendre librement, en lui faisant oublier la présence de la caméra, de sorte que les surprises apparaissent naturellement dans le cadre.
Dans certaines scènes, vous avez synchronisé le temps réel avec le temps qui passe dans le film, quelle est la relation entre ces deux types de temps selon vous ?
PTA : Je pense que ces deux types de temps sont parallèles et qu’il s’agit de la synchronisation entre les battements de cœur du public et ceux du personnage principal du film. C’est basé sur le sentiment de corrélation que le public peut avoir avec le personnage, qu’il suit tout au long du film. Une fois que le public s’identifie au personnage, qu’il est immergé dans le voyage qui se déroule à l’écran et qu’il partage avec lui les mêmes battements de cœur, le temps réel disparaît. Le public vit alors réellement à l’intérieur du cadre et fait l’expérience du temps qui passe dans le film. Je pense que c’est aussi à ce moment-là que la frontière entre réalisme et surréalisme s’estompe.
Comment avez-vous travaillé avec votre directeur de la photographie, Dinh Duy Hung ?
PTA : Dinh Duy Hung et moi sommes les meilleurs amis du monde depuis l’enfance. Nous n’avons pas besoin de passer beaucoup de temps à communiquer car nous nous comprenons à travers le langage cinématographique. Nous partageons le même point de vue selon lequel la composition et les mouvements de caméra des scènes doivent être basés sur les lieux de tournage réels. Nous essayons d’être aussi minimalistes et naturels que possible dans chaque image. J’ai toujours eu le sentiment que le scénario final prendrait forme sur le plateau et y serait spontané. Nous avons donc passé beaucoup de temps à répéter et à expérimenter sur le plateau les mouvements de caméra et le cadrage des acteurs. Et j’ai proposé des changements appropriés pour le scénario en fonction du temps, de l’éclairage naturel, des matériaux, des rencontres et de la nature… beaucoup de choses doivent être prises en considération pour créer un mouvement de caméra satisfaisant pour le plan.
Pouvez-vous expliquer votre façon de filmer les acteurs ? Très souvent, la caméra se déplace ou s’ajuste avec les acteurs pour changer la valeur du cadre au sein d’un même plan. Quelle est votre approche dans la gestion de l’espace par rapport au placement des acteurs ?
PTA : Au début du processus de réalisation, j’avais l’ambition d’utiliser de longs plans et de limiter le nombre de plans et de scènes. Je me suis rendu compte que si j’utilisais beaucoup de longs plans avec des grands angles statiques et très peu de gros plans, le film aurait de beaux cadres mais l’expression des émotions des personnages en pâtirait. Cela risquait de perdre le public, qui ne saurait pas sur quoi focaliser son attention. Et la durée de 3 heures les découragerait également.
J’ai compris que les mouvements des acteurs et de la caméra devaient être en relation les uns avec les autres à chaque étape de l’histoire. Je devais trouver l’équilibre dans chaque plan, afin que la synchronisation des mouvements de la caméra et des personnages soit aussi naturelle que possible. Les points de départ et d’arrivée de chaque plan sont soigneusement cadrés. Parfois, j’ai ajouté quelques lignes ou apporté des modifications au scénario pendant le tournage pour tenir compte des limites ou des possibilités de mouvement des acteurs et de la caméra sur les lieux de tournage. Les gros plans apparaissent généralement à la fin des plans, lorsque les personnages ont suffisamment de temps dans le cadre. Ils peuvent évoquer les émotions les plus fortes dans la scène. En outre, ce mode d’expression m’a permis de créer des niveaux de contraste entre les personnages humains et l’environnement naturel, et d’ajouter plus de sens à l’univers de l’histoire.
Vous travaillez avec une petite équipe, qui est souvent composée d’amis. Est-ce que le fait de travailler avec des amis vous donne de la liberté ? Quels types d’avantages cela vous apporte ?
PTA : Oui, travailler avec une équipe d’amis m’a donné un vrai sentiment de liberté et nous avons beaucoup appris les uns des autres. Lorsque nous avons terminé Le film, ils m’ont dit que le tournage leur avait apporté beaucoup de connaissances et d’expériences qu’ils n’avaient pas eues sur d’autres projets. Cela m’a fait plaisir. Pour moi, chacun a ses propres forces et une énergie unique pour faire quelque chose d’extraordinaire. Un film réussit lorsque les personnes qui le réalisent ensemble donnent le meilleur d’elles-mêmes et se passionnent pour ce projet. D’autant plus que nous sommes des cinéastes non professionnels, notre jeunesse et notre envie d’essayer ou d’inventer de nouvelles méthodes nous amènent à repousser nos limites.
Dans ce film, nous pouvons remarquer votre souci de montrer le contraste entre l’urbain/moderne et le campagnard/traditionnel dans la société vietnamienne. Est-ce intentionnel ?
PTA : En fait, ce n’était pas mon intention. Je suis né et j’ai grandi sur les hauts plateaux de la région centrale du sud avant de m’installer à Saigon pour étudier et travailler. Le contraste est donc apparu naturellement alors que j’essayais de combiner les éléments de la culture, les points de vue et le rythme de vie des citadins et des ruraux. Je n’ai pas mis l’accent sur ce contraste, mais je me suis contenté d’observer et de m’ouvrir dans le film pour que le public puisse l’aborder facilement par le biais du cinéma. Mon objectif est que le public ait une expérience plus intime de la culture et des gens de chacune des régions, ce qui l’aide ainsi à voyager avec le protagoniste tout au long de son périple jusqu’à la fin du film.
La fin du film montre un homme imprégné des mythes et des rêves successifs qui brouillent la frontière entre imaginaire et réalité.
PTA : À la fin du film, Thien a peut-être trouvé «Tam». Ici, «Tam» est la propre âme de Thien, échouée et oubliée. Pour la retrouver, il doit se libérer de sa chair terrestre, ce qui est une grande lutte dans son monde intérieur. Mais je ne veux pas imposer mes propres opinions au public. Je veux qu’ils cherchent librement les réponses pour leur propre âme et qu’ils découvrent librement la soif spirituelle qui est en eux.
PROPOS RECUEILLIS PAR WANG MUYAN
Wang Muyan est un critique de cinéma chinois et membre du comité de sélection de la Quinzaine des cinéastes basé à Paris. Il écrit pour le magazine d’information chinois The Paper, collabore régulièrement à Film Comment aux États-Unis et écrit parfois pour des journaux français. Il a traduit en chinois BRESSON PAR BRESSON. Il a été membre du jury Screen international à Cannes et à Berlin.