Film soutenu

Le cinquième plan de LA JETÉE

Dominique Cabrera

Distribution : Les Alchimistes

Date de sortie : 05/11/2025

France | 2025 | 1h37

Le cousin de la réalisatrice, Jean-Henri, se reconnaît dans La Jetée de Chris Marker. Il est là de dos, avec ses parents sur la terrasse d’Orly dans le cinquième plan du film. Aucun doute, il reconnaît ses oreilles décollées. Et si c’est lui, il est le héros du film, enfant… Dominique Cabrera est immédiatement happée par cette enquête intime et historique ; quelle était la probabilité pour que Marker et les Cabrera choisissent ce même dimanche de 1962 pour se rendre sur la jetée d’Orly ?

Écriture et réalisation Dominique Cabrera · Avec la collaboration de Edmée Doroszlaï · Image Karine Aulnette · Montage Sophie Brunet, Dominique Barbier · Son François Waledisch · Montage son Elias Boughedir · Mixage Nathalie Vidal · Trucages Mariana Pottier · Décors Etna et ADP Olry · Étalonnage Magali Léonard · Musique Béatrice Thiriet, Elise Bertrand (violon), Oscar Turbant (mandoline) · Production Ad Libitum – Edmée Doroszlaï, Émilie Dudogon, Grégory Ghersy, Caroline Glorion 

Dominique Cabrera

Dominique Cabrera est née à Relizane, en Algérie dans une famille pied-noir. Après des études de lettres et de cinéma (IDHEC) en France, elle y retourne pour réaliser en 1991 son premier documentaire, sur des pieds-noirs devenus citoyens algériens : Rester là-bas. Puis elle s’intéresse aux banlieues dans Chronique d’une banlieue ordinaire, puis Une poste à la Courneuve en 1994, qui évoque les rapports entre des agents du service public et les habitants de la cité des 4000. En 1995 elle tourne un film autobiographique précurseur : Demain et encore demain et en 1996 passe à la fiction avec L’autre côté de la mer, suivi de Nadia et les Hippopotames avec Ariane Ascaride et Thierry Frémont, puis Le Lait de la tendresse humaine, et Folle Embellie en 2004 avec Miou-Miou et Jean-Pierre Léaud.
Elle adapte ensuite la série noire de Marc Villard Quand la ville mord et tourne Ça ne peut pas continuer comme ça ! une fiction politique librement inspirée de la crise de la dette. Elle réalise ensuite Corniche Kennedy, l’adaptation du roman de Maylis de Kérangal, et, en 2013, elle sort Grandir, son essai autobiographique multiprimé.
En 2019, en pleine crise des Gilets Jaunes et lors de la Marche contre les violences faites aux femmes, elle filme ces événements avec son téléphone portable et en fait deux courts documentaires : Notes sur l’appel de Commercy et Je marche avec #NousToutes.
Elle a récemment sorti Je ne lâcherai pas ta main, un court métrage à la mémoire des migrants disparus dans la Manche en novembre 2021, puis Bonjour monsieur Comolli et Un mensch, deux documentaires remarqués sur des hommes remarquables (Cinéma du Réel 2023).
Elle vient de tourner un nouveau film de fiction : Des femmes comme les autres avec Yolande Moreau, Helene Vincent et Eva Huault qui sortira en 2026.
Par ailleurs, Dominique Cabrera a enseigné à Harvard, à la Fémis et à la Sorbonne et joué au cinéma pour Marie-Claude Treilhou, Antony Cordier et Élise Girard.

FILMOGRAPHIE
2024 Le Cinquième plan de La Jetée
2023 Un mensch 
2023 Bonjour Monsieur Comolli 
2022Je ne lâcherai pas ta main (court métrage)
2019Je marche avec #NousToutes (court métrage)
2019 Notes sur l’appel de Commercy 
2013Lait de chèvre (court métrage)
2013Grandir 
2009Ranger les photos (court métrage)
2007Le Beau Dimanche
1997Demain et encore demain 
1994Un poste à La Courneuve
1993Rêves de ville (moyen métrage)
1993Réjane dans la tour (court métrage)
1992Rester là-bas (court métrage)
1992 Chronique d’une banlieue ordinaire
1990 Un balcon au Val Fourré
1988 Ici là-bas (court métrage)
1981J’ai droit à la parole (court métrage)

Entretien avec Dominique Cabrera

Pourquoi avoir choisi une salle de montage comme lieu central de votre film ?

J’avais un problème de mise en scène. Je me demandais comment j’allais pouvoir citer La Jetée, avec ses images en noir et blanc extrêmement denses, dans un film d’entretiens contemporain. Comment entrer et sortir de ce chef d’œuvre? J’ai revu le film de Chris Marker, 2084, court métrage de commande de la CFDT pour le centenaire du syndicalisme. Le film est tourné dans l’ombre d’une sorte de salle de montage avec les visages des monteuses et de témoins qu’il a puisé dans notre entourage de l’époque. J’ai fait proliférer cette idée, pour passer à une sorte de salle cerveau, de camera obscura, ou de chambre d’échos, où je pouvais à la fois convoquer des documents de natures variées, des images, du passé comme du présent, et des visages. Et ces visages seraient sur un fond suffisamment obscur pour me permettre de passer des images de La Jetée aux images de mon tournage. J’étais consciente que la projection était le sujet de mon film, et ce dès le point de départ : mon cousin croit se reconnaître et reconnaître ses parents dans le cinquième plan de La Jetée. C’est typiquement une projection ! Il projette et toute notre famille projette, que ce sont bien Angèle, Julien et Jean-Henri qui sont là, de dos, sur la photo. Faire des projections sur les visages des personnages, comme Marker, était pour moi une façon de faire exister cette idée, sans la formuler.

Le film commence d’une certaine façon par le petit bout de la lorgnette, et par cette simple question d’identification sur la photo. A partir de quel moment cet enjeu amusant pour la famille peut-il devenir l’un des moteurs du film ?

Je me suis tout le temps posé la question! Pourquoi cette question « amusante » est devenue pour moi une question artistique et presque vitale ? Mon hypothèse, c’est que j’ai été happée par cette histoire, parce

que Marker avait photographié ce plan à Orly, sur la jetée. Si ce plan avait été fait ailleurs, près de la Tour Eiffel, par exemple, comme dans Le Joli Mai, je pense qu’il n’y aurait pas eu de film. Mais Orly est toujours un lieu bouleversant pour moi. Le hasard extraordinaire, ce n’est pas seulement le fait que Marker ait filmé mon cousin, mon oncle et ma tante, mais qu’il les ait filmés à cet endroit précis, qui est l’endroit de ma deuxième naissance, après notre départ d’Algérie. Comme le lieu de l’arrivée en France, La Jetée est une espèce de vortex qui charrie énormément d’histoires. Il suscite des projections de tout le monde, parce que c’est un film qui a comme un vide au coeur. Et j’ai aimé tous ces rapprochements, ces coïncidences, ces miracles parfois. J’étais aux anges lorsque j’ai découvert que la personne qui monte sur les toits dans le premier plan du Joli Mai, était Hélène Chatelain, l’héroïne de La Jetée et la compagne de Marker à l’époque. Ou d’avoir constaté que le début des Ailes du désir de Wim Wenders, était une extension du premier plan du Joli Mai, même si je n’ai pas réussi à l’inclure dans le montage. Ce type d’écho, de lien dans l’histoire du cinéma et dans le chaos des personnes, m’enchante. On croit parfois vivre dans le vide ou la solitude. On se débat avec la page blanche. Et percevoir des liens entre les époques, les lieux et les personnes a quelque chose de poétique et rassurant.

La dimension familiale du film le rattache à vos essais autobiographiques, de Demain et encore demain à Un Mensch, magnifique déclaration d’amour à votre mari en fin de vie, en passant par Grandir, enquête sur la naissance sous X de votre mère en Algérie. Mais cette fois, la question de la filiation bascule quasiment dans le registre de la comédie. Est-ce que vous vous y attendiez et comment l’avez-vous traité au montage ?

Je savais que mes cousins avaient énormément d’humour, comme on le voit dans la démonstration de probabilités, et que j’aurais beaucoup de plaisir à les filmer. Mais je pense que le fait d’être dans cet espace qui est un peu en dehors de la réalité ou du réalisme et non pas chez eux, comme je l’avais d’abord expérimenté, a accentué ce penchant vers la comédie. On s’est retrouvé projetés dans un espace mental qui nous a aidé à mettre un peu à distance l’histoire familiale et les chagrins, tout en étant au coeur de la mémoire et de la réflexion. On pense à la salle de cinéma ou de théâtre, au cabinet de psychanalyste aussi, à un espace intermédiaire qui multiplie les ouvertures et aide à passer de la comédie au drame, de l’histoire politique à l’histoire personnelle et à l’intimité.

En contrepoint de cette comédie de la filiation, la confrontation directe aux images souligne également la douleur de la perte, en incluant des réflexions sur les différences entre l’image mouvante du cinéma, la voix seule et l’image fixe qui restent de l’être cher. Le film est aussi traversé par cette question du deuil et de la disparition…

La disparition et la mort sont au coeur de La Jetée. J’ai pensé que c’était aussi le sujet de mon film, le temps qui passe. Le souvenir qui me rattache au film date de plus de 50 ans… La petite fille qui arrive à Orly en 1962, est quelque part au fond de moi, mais elle a disparu. Mon père qui m’accompagnait a disparu, comme ma grand-mère. Les témoins directs du tournage ont presque tous disparu. Hélène Châtelain était encore vivante, mais elle perdait la mémoire et elle est décédée en 2020. J’ai cherché à m’approcher de la figure d’Hélène, à la fois dans les extraits choisis et dans les visages des femmes que j’ai filmées et que Marker a aimées, un peu comme dans Vertigo. Mais c’était aussi le sujet du film de préserver de l’effacement ce lien ténu qu’on pouvait avoir avec La Jetée. À un moment, je le dis : être dans La Jetée, c’est un peu comme apparaître dans un vitrail de Notre-Dame, c’est-à-dire accéder à une forme d’éternité. Un peu comme les mains négatives dans les grottes, qui sont à la fois si loin et si proches de nous. C’est sans doute la raison pour laquelle je fais du cinéma : pour préserver la présence. Quand j’étais enfant, mon père avait un petit magasin de photos. Il louait des projecteurs, il faisait du cinéma Super 8, et je pense que c’est ça qui m’a atteinte. Peut-être que mes films les plus réussis sont ceux qui sont au coeur de cette chose qui s’est imprimée pour moi. Ce film est au coeur de la disparition des images et des personnes, et en même temps de leur préservation.

Comment trouver la juste place pour traiter la dimension historique du rapport à la guerre d’Algérie ?

Je me suis souvenue que quand on allait à Orly, on allait regarder les autres pieds noirs arriver. C’est ce que raconte ma mère. C’est donc comme un retournement du champ-contrechamp. Quand on regarde cette image où mon oncle, ma tante et mon cousin supposés sont de dos, quelqu’un dit qu’ils sont en train de regarder vers l’avenir. Mais ils sont peut-être en train de regarder vers le passé…

Cette image pour moi s’associe à celle des pieds noirs qui regardent l’Algérie, même si en effet ils peuvent aussi regarder l’avenir, ce qui rejoint les voyages dans le temps de La Jetée. Ça me permettait de faire exister l’Algérie des deux côtés de la caméra, elle qui est si présente dans Le Joli Mai, que Marker tourne la même année. Et je la vois jusque dans les visages des témoins que j’ai choisis, de ma mère à Catherine Belkhodja, la dernière compagne de Marker. Et ça prend encore plus de sens quand on découvre des images inédites de Chris Marker filmant l’enterrement des 8 victimes du métro Charonne, en correspondance avec la séquence du Joli Mai.

Parmi les voies multiples explorées par le film, à partir de cette question de la reconnaissance indécise et de la disparition, il y a une sorte d’enquête pour cerner la figure même de Chris Marker, « l’ombre » dans le film et dans la vie. Pourquoi était-ce important de tirer également ce fil ?

Marker a été une sorte de parrain pour moi. Quand j’ai fait mon premier film, Chronique d’une banlieue ordinaire, produit par Iskra et Marker était là, dans l’ombre. Je me souviens qu’il envoyait des fax avec des chats. Et c’est lui qui a trouvé le titre anglais du film. Quand nous sommes allés à Besançon avec les groupes Medvedkine, j’ai été très impressionnée par son engagement, mais aussi par sa discrétion, par son attention délicate aux ouvriers. C’est quelqu’un qui m’a inspirée par sa personnalité, peut-être davantage encore que par ses films. Marker ne voulait pas être photographié. Il ne voulait pas raconter sa vie. J’ai voulu réaliser ce film qui parle aussi de lui, tout en respectant son désir de ne pas apparaître, et sans chercher à révéler ses secrets.

Ce film succède dans votre filmographie à un autre film sur le cinéma, Bonjour Monsieur Comolli. On peut avoir le sentiment qu’il s’agit de réfléchir, par-delà Marker, sur le statut de l’image et son interprétation, en dialoguant, par exemple, avec Blow up d’Antonioni.

C’est vrai que lorsqu’on grossit l’image d’Hélène Châtelain en ouverture du Joli Mai, on ne peut pas voir que c’est elle, on le déduit, on le suppose. Contrairement au texte, qui atteste d’un lieu de naissance, l’image, dans ce film, n’est jamais utilisée comme preuve. Par nature, l’image est polysémique et s’offre à des interprétations divergentes. Quand j’ai enfin eu accès à la planche contact de la photo du 5e plan, à la fin du tournage, je pensais que mon cousin dirait : Je ne reconnais pas ma mère… Et là, énorme surprise, il me dit : Ah oui, c’est elle ! Mais à côté d’elle, ce n’est peut-être pas mon père. Je me demande si ça n’est pas le tien ! Et quand je scrute la photo, c’est possible… Et il n’y a pas de réponse. Il y n’a que nos projections, et des fils qui peuvent être noués. Dans mon film précédent, Jean-Louis Comolli disait : ce qui est bien au cinéma, c’est que c’est toujours possible. Dans la vie, quand on meurt, on meurt. Ce que j’ai énormément aimé, en tournant Le cinquième Plan de La Jetée, c’est que même si presque tout le monde était mort, c’était encore possible de trouver des liens, de faire revivre Pierre Lhomme, par sa voix déposée sur mon répondeur. Ce sont ces liens qui nous sauvent. Et pour moi, c’est le génie de Marker d’avoir été comme un médium, à cause de son extrême retrait et de son extrême écoute du monde.

Propos recueillis par Stéphane Goudet


Florence Delay
À propos de Chris Marker

Il était une fois en France, au XXe siècle, un homme qui aimait disparaître.
Homme secret, caché par un nom qui n’était pas le sien, il ne voulait paraître qu’à travers son œuvre. Faussant compagnie à l’état civil, il s’était choisi un pseudonyme et n’avait conservé de ses prénoms que la moitié du premier. En tout trois syllabes. Ce nom rapide, bloqué par deux occlusives, ressemblait à sa diction. Une voix de braise.
« J’ai choisi un pseudo, Chris Marker, prononçable dans la plupart des langues, parce que j’avais l’intention de voyager. Rien de plus à chercher. »
En somme, un Passepartout utile à son Tour du monde, ou à son Tour du jour en quatre-vingts mondes. Du nom commun anglais dont il fit un nom propre – marqueur, pointeur, jalonneur ou joueur qui marque un but – on pourrait déduire un programme : il jalonna le monde, pointa ses conflits, marqua ses préférences. Peines perdues ! Une légende court selon laquelle il aurait choisi son nom de plume en référence au stylo qui n’écrit pas, mais coche, biffe et surligne : le Magic Marker Pen ! […] 
Le goût du secret appartient-il à l’esprit d’enfance? Le goût du secret multiplia ses noms comme autant de cachettes. C’était un homme à avoir une boîte postale pour qu’on ne sache pas où il habitait. Mais les aficionados le suivirent de la rue des Patriarches à la place Dauphine un loft prêté par sa chère Simone Signoret dans l’immeuble où elle habitait –, jusqu’à la rue Courat dans le 20e arrondissement de Paris. Il apparaissait au moment où on l’attendait le moins, quand on venait de recevoir, par exemple, une lettre ou une carte postale de lui postée à l’autre bout de la planète. Il disparaissait dès qu’on posait des questions, fuyait celles des journalistes, les apparitions programmées, les entretiens, lançait gaiement sur de fausses pistes, un jour né à l’Île-aux-Moines, un autre à Oulan-Bator, un jour Français d’origine russo-américaine, un autre prétendant aimer la radio plus que la littérature…
Il mettait autant de passion à photographier les visages qu’à dissimuler le sien. Dans les rares portraits (ou autoportraits?) qu’on a de lui il se cache derrière son Rolleiflex. Son crâne rasé, la finesse, la fermeté, l’impassibilité de ses traits donnaient l’impression d’un masque. « Le meilleur masque est le visage », pensait Nietzsche. Vrai pour lui, faux pour ceux et celles surtout, dormeuses ou éveillées, sur des barques ou dans les rues, dont il photographiait l’âme. La sienne appartenait à l’ordre de chevalerie. Il portait son visage comme un heaume.

Raymond Bellour
À propos de La Jetée

La Jetée a pu passer en 1962 pour le premier film de l’histoire du cinéma quasi exclusivement composé de photographies. Il est aussitôt suivi par d’autres (Salut les Cubains d’Agnès Varda, en 1963, puis, en 1965, le bouleversant Journal de Yunbogi de Nagisa Oshima qui sera un des complices de Marker dans Level Five). Mais, la même année 1962, un court métrage de quinze minutes, Album Fleischera, est réalisé par Janusz Majewski d’après un album de photos prises entre 1940 et 1944 en Pologne par un officier de la Wehrmacht. Destin commun de la guerre, du nazisme et des camps de la mort dont La Jetée se fait l’écho à travers ces voix chuchotées en allemand, dans les souterrains de Paris détruit, par les vainqueurs hagards de la Troisième Guerre mondiale s’abritant de la radioactivité disséminée sur la surface de la Terre. Destin voué à la fixité, l’irrémédiable de l’image. Comme si, par-delà les admirables trajectoires déployées par la caméra d’Alain Resnais à travers les baraquements d’Auschwitz dans Nuit et brouillard, dont Marker fut en 1955 aux côtés de Jean Cayrol un assistant discret, il fallait aussi rendre justice à l’immobilité fantastique des projections spectrales des corps atomisés sur les murs de Hiroshima. Et entrer par là dans un autre temps. David Rodowick a pu faire ainsi de La Jetée le film-symbole, oublié par Gilles Deleuze, du cinéma de l’image-temps que la fiction de Marker théorise (« la race humaine était maintenant condamnée, […] l’Espace lui était fermé, […] la seule liaison possible avec les moyens de survie passait par le Temps »).
Survie du cinéma voué désormais à un temps paradoxal à l’intérieur duquel son mouvement est menacé, sitôt qu’un film choisit de faire croire à la coïncidence impossible entre la photographie et le photogramme. Par là « photo-roman » plutôt que film, selon le générique (et devenu « ciné-roman » en 1992 dans le livre publié par Zone Books) – film autour duquel le cinéma chavire sur lui-même pour s’accomplir, se transformer. C’est la valeur d’annonciation de La Jetée. Ainsi ce film surcommenté est-il devenu film-matrice.

Source : Catalogue de l’exposition Chris Marker édité par la Cinémathèque française, 2018.