Film soutenu

Le rendez-vous de l’été

Valentine Cadic

Distribution : New Story

Date de sortie : 11/06/2025

France | 2025 | 77 min

Au cœur des Jeux olympiques de Paris 2024. Blandine, 30 ans, est venue de Normandie pour assister aux compétitions de natation et retrouver une demi-sœur perdue de vue depuis 10 ans. Habituée au calme et à la solitude, Blandine découvre une ville bouillonnante dont elle n’a pas les codes. Au fil des jours, la jeune femme fait des rencontres, se perd, hésite, tente de (re)tisser des liens et de naviguer au cœur d’un Paris enfiévré par cet événement hors normes…

Berlinale (2025) – Sélection Perspectives

Avec Blandine Madec · India Hair · Arcadi Radeff · Matthias Jacquin · Lou Deleuze · Béryl Gastaldello

Réalisatrice | Valentine Cadic · Écrit par | Valentine Cadic et Mariette Désert · Production exécutive | Arnaud Bruttin, Antoine Jouve et Masa Sawada · Producteur délégué | Côme Chobert-Passot · Productrice associée | Anne Pernod · Responsable de la production | Nicolas Novak · Directrice de la photographie | Naomi Amarger · Ingénieur du son | Louis Beaufort · Décors | Sarah Jane Morelli · Montage | Lisa Raymond · Compositeur | Saint DX · Première assistante réalisatrice | Romy Engels · Script | Pauline Leclerc et Kim Fino · Costumes | Lucille Betrancourt · Maquillage | Amélie Baboulenne · Cheffes machiniste | Margaux Chabert et Justine Andrieux · Chef électricien | Hugo Pagnier · Directrices de casting | Laure Cochener et Beatriz Coutreau · Montage son | Dimitri Kharitonnoff et Mathieu Barbier · Mixage | Olivier Goinard · Bruitage | Gilles Marsalet · Étalonnage | Vincent Amor · Régie générale | Agathe Chevrier

Valentine Cadic

Valentine Cadic est réalisatrice et comédienne, elle étudie à l’université Paris 8 en master Cinéma. En parallèle de ses études elle a notamment joué dans les films Ava réalisé par Léa Mysius et Nos batailles réalisé par Guillaume Sénez, tous deux sélectionnés à la Semaine de la Critique à Cannes. Elle est membre fondatrice de l’association Les Filmeuses créée en 2020. La même année elle réalise son premier court métrage, Omaha Beach, pour lequel elle a gagné le prix de meilleur premier film au Florence Film Award. Elle achève en 2022 son film de fin d’études La nuit n’en finit plus présenté au Festival Coté Court 2023 en compétition Essais – Art Vidéo. En 2022 elle réalise Les Grandes Vacances sélectionné pour concourir au César du Court Métrage de Fiction. En 2024, elle réalise son premier long-métrage, Le Rendez-vous de l’été durant les Jeux Olympiques de Paris.

FILMOGRAPHIE
2025 – Le Rendez-vous de l’été (long métrage)
2024 – La Saisonnière (court métrage)
2022 – La Nuit n’en finit plus (court métrage)
2022 – Les Grandes Vacances (court métrage)
2020 – Omaha Beach (court métrage)

Entretien avec Valentine Cadic

Le Rendez-vous de l’été est votre premier long-métrage. Il y a des points communs avec votre court-métrage Les Grandes Vacances, presque comme une suite dans laquelle le personnage joué par la comédienne Blandine Madec débarque de nouveau dans un endroit qui lui est inconnu et où sa solitude est confrontée à la foule et aux imprévus. Quel était le point de départ ?

Le point de départ était l’envie de faire un film pendant les Jeux olympiques. Effectivement, il y a des similitudes avec le court-métrage, comme un effet miroir car j’avais aussi envie de retravailler avec Blandine Madec. Pourtant, pendant l’écriture, je n’ai pas pensé à ce film, ni à en écrire une suite. Le personnage interprété par Blandine est aussi différent de celui des Grandes Vacances. Mais, on retrouve une forme de solitude et la même comédienne, ce qui permet aux deux films de se répondre.

À quel moment avez-vous eu envie de filmer pendant cette période particulière et unique des Jeux olympiques à Paris ? L’idée a-t-elle émergé au moment de la confirmation de l’événement dans la capitale en 2017 ?

Non, ce fut bien plus tard. Dans mes précédents court-métrages, j’avais déjà intégré des histoires de fiction dans des lieux et espaces qui accueillent des événements. Par exemple dans Omaha Beach, qui se déroulait pendant les reconstitutions du débarquement en Normandie, et dans Les Grandes Vacances, où nous avons tourné dans un véritable camping en activité en pleine saison estivale. Cela m’a paru intéressant d’inscrire une fiction dans un contexte exceptionnel. J’ai voulu comprendre comment l’événement sportif pourrait chambouler la vie des personnes qui ne sont pas directement concernées. Il y a d’abord eu une phase de recherches avec Mariette Désert ma coscénariste, pendant laquelle nous avons demandé à des sportifs qui avaient participé aux Jeux olympiques au Japon ou à Londres de nous expliquer comment cela se passait. Ensuite, j’ai commencé à écrire en anticipant ce qui pouvait se passer. J’avais en tête que, pendant le tournage, il y aurait des changements à faire et qu’il fallait s’adapter à ces imprévus. Une de mes sources d’inspiration pour ce tournage, ont été les photographies de Martin Parr, pour son regard décalé porté sur les foules.

Pouvez-vous nous parler de la préparation et du dispositif mis en place pour le tournage ?

Pour commencer, avec Mariette Désert, ma co-scénariste, nous nous sommes renseignées sur toutes les activités qui auraient lieu pendant les Jeux olympiques. Il y a eu un travail de préparation de mise en scène et de régie pour insérer notre tournage dans cet événement hors norme. Le plan de travail a été pensé pour tourner toutes les scènes liées aux Jeux olympiques sur la première quinzaine d’août. Nous voulions pouvoir profiter des Jeux paralympiques début septembre dans le cas où nous n’arrivions pas à tout filmer. Il fallait prendre en compte les contraintes d’accès, d’autorisation et de déplacements. Nous avions prévu une équipe assez réduite pour avoir la réactivité nécessaire et s’adapter au réel. Malgré cela, il y a bien eu des imprévus, comme cette scène où le personnage de Blandine rencontre un journaliste. Nous devions tourner pendant la course de natation qui a été annulée car la qualité de l’eau était mauvaise. La scène a quand même été intégrée car elle permettait d’avoir moins de monde autour et nous avons pu faire plusieurs prises. Nous nous adaptions en permanence mais comme nous étions bien préparés nous arrivions à naviguer entre les divers événements. Pendant le tournage, les dispositifs étaient différents pour chaque scène, que ce soit les moments « Jeux olympiques » ou les scènes en intérieur plus classiques. Pour les tournages au Club France, les gens devaient penser que nous étions une équipe de télévision.

Qu’est-ce qui vous intéresse dans le fait de se placer à la lisière du documentaire et de la fiction et de faire un film avec les contraintes que cela implique ?

Les imprévus amènent beaucoup de richesse au film. Par exemple, le fait de demander à des inconnus qui sont de passage s’ils peuvent jouer. La réalité est parfois plus forte que ce que l’on peut imaginer. Les touristes avaient des costumes incroyables, que l’on n’imaginerait pas dans un scénario. Dans mon premier film,en me servant des reconstitutions du débarquement, j’avais un immense décor de cinéma à ciel ouvert, avec des milliers de figurants.

Votre film s’inscrit dans une filiation directe avecle cinéma d’auteur français des années 2010 influencé par des réalisateurs comme Rohmer et Rozier. Quelle a été cette influence pour vous ?

C’est la période où j’ai découvert le cinéma qui me plaisait. J’ai commencé le cinéma en tant que comédienne. Je suis allée à la fac à Paris 8 en licence cinéma et c’est à ce moment-là que j’ai vu et adoré les films de Justine Triet, Guillaume Brac ou Claire Simon. Puis j’ai rencontré le cinéma de Rohmer, Rozier et Varda qui m’a aussi évidemment influencé.

Dans votre montage, vous alternez entre des séquences où le personnage de Blandine est immergée dans les festivités et des scènes intimes situées dans les hauteurs de la ville – le balcon de l’appartement de sa sœur ou le parc des Buttes Chaumont. Comment avez-vous construit ce contraste ?

L’idée c’était effectivement d’avoir un contraste entre des moments « Jeux olympiques » et des moments intimes, entre la « grosse histoire » qui se passe dans la ville et de petites histoires d’amour et de famille. Je voulais des instants suspendus comme des bulles, avant de retourner dans la foule. Avec Mariette Désert, nous avons travaillé cette idée de dualité. Chaque film a sa temporalité, mais j’aime bien quand il y a de l’humour et des choses plus profondes, et surtout que les personnages nous surprennent. C’était intéressant d’écrire à deux car cela permettait un vrai ping-pong. Nous écrivions, nous échangions, nous nous autorisions l’une ou l’autre à enlever, à ajouter des choses ou tout reprendre. C’était passionnant de travailler avec Mariette qui est une excellente scénariste.

L’actrice Blandine Madec apparaît comme un personnage alter-ego, une muse, comment vous êtes vous rencontrées et en quoi vous inspire-t-elle ?

Avec Blandine, nous nous sommes rencontrées il y a 8 ans sur un court-métrage dans lequel on jouait toutes les deux. Ensuite, je l’ai vu jouer au théâtre et j’ai eu envie de lui proposer un court-métrage. Je suis tombée sur un appel à projet d’une résidence qui s’appelle les 168 heures et j’ai postulé en proposant à Blandine de tenir le rôle principal. Pendant la résidence, j’ai trouvé qu’elle avait une vraie force d’incarnation et d’improvisation autour des scènes. Quand j’ai commencé à écrire le long-métrage, je lui ai demandé si ça l’intéressait et elle m’a répondu oui immédiatement. Elle incarne ce personnage un peu à côté et en même temps complexe voire difficile à cerner. Elle est très forte pour changer de tonalités en passant du rire au sérieux. Le personnage et la comédienne partagent le même prénom : mais c’est bien un véritable rôle de composition pour Blandine. Avec Mariette dans un premier temps, à l’écriture, puis avec Blandine, elle-même, dans son interprétation sur le plateau, nous avons essayé de trouver ensemble la juste tonalité décalée au personnage. La difficulté était d’éviter de construire un personnage déconnecté de son environnement tout en gardant le burlesque des situations. Soit un personnage drôle et touchant à la fois.

Qu’est ce qui vous intéressait dans le personnage de Blandine ? C’est un personnage féminin complexe, légèrement en décalage et en même temps qui se révèle très fort et ancré dans son époque. Quel était le moteur pour écrire ce personnage ?

La solitude de Blandine m’intéressait particulièrement, son regard seul, un peu perdu, plongé au cœur d’une foule et tout ce que cela apportait de découverte, de rencontres ou de comique de situation. Ce regard se fait le miroir de la société. Je voulais que le film s’amuse avec l’injonction à profiter du moment présent. C’est pourquoi nous avons utilisé des couleurs vives et un soleil brûlant pour montrer une forme de violence que Blandine subit sans vraiment y croire. J’aimais aussi l’idée qu’on ne sache pas tout d’elle immédiatement, mais qu’on la découvre et qu’elle s’affirme au fil des rencontres et discussions avec les autres. Au cinéma, la représentation des jeunes femmes solitaires est souvent associée à un destin tragique ou un danger permanent. L’envie d’utiliser la solitude comme un terrain d’exploration, de rencontres et de découvertes m’intéresse particulièrement. Avec Blandine, je voulais faire exister à l’écran ces femmes qui dépassent la trentaine sans répondre aux attentes de la société et qui ne cherchent pas à s’y conformer. Elle ne revendique, ni ne conscientise cette condition au début du film. Toutefois, dans ses prises de décision, elle ne craint pas cette solitude. La force et le comique du personnage résident dans ses maladresses, ses hésitations, dans son sens de l’observation, sa façon d’être un peu à côté, son rapport au monde décalé.

Pour le rôle de la sœur, India Hair était-elle une évidence ?

C’est la seule personne que j’ai rencontrée pour le rôle. Quand nous avons écrit le personnage, elle avait un côté un peu « cliché parisien » et on avait peur que ce soit un personnage un peu antipathique. Mes producteurs avaient déjà travaillé avec India et quand ils m’ont parlé d’elle, j’étais heureuse. Elle a lu le scénario puis nous nous sommes vues pour faire une lecture de quelques scènes. Avec India, ce personnage devenait sympathique. J’ai adoré travailler avec elle. C’est une actrice très généreuse, à l’écoute, forte de propositions et ça fonctionnait parfaitement avec Blandine.

Quelle est la part d’écriture et d’improvisation dans le film ? Et comment travaillez-vous ces dialogues avec vos comédiens ?

Nous avons fait des improvisations sur la base du scénario avec les comédiens avant le tournage. Ces séances de travail étaient un espace où nous pouvions ajuster les personnages, les nourrir de nouveaux éléments et discuter en amont des enjeux de chacun. Au tournage les acteurs étaient libres de changer des mots ou répliques en fonction de ce qui leur semblait être le plus naturel. Pour d’autres scènes, nous avions une marge d’improvisation autour du texte, notamment avec le personnage d’Alma, la fille de Julie, et tous les personnages secondaires.  Quand les improvisations s’éloignaient trop de la trame, nous nous recentrions sur le texte. Au moment du casting avec Laure Cochner, nous laissions les acteurs improviser pour être sûres qu’ils soient à l’aise avec cela et capable de s’adapter au tournage pendant un événement réel.

Vous êtes aussi comédienne, quel est votre rapport à la direction d’acteurs ?

J’ai expérimenté plusieurs tournages sur lesquels j’ai pu observer des réalisateurs et des méthodes de direction différentes. J’avais été marquée par le film Nos batailles de Guillaume Senez, dans lequel je jouais, car il ne nous donnait pas de dialogues. C’était uniquement de l’improvisation. Sa façon de diriger est à la fois hyper précise et sans texte. Je me suis nourrie de tous les cinéastes avec lesquels j’ai travaillé, c’était un peu comme un grand stage d’observation. En tant qu’actrice j’ai toujours eu de la curiosité pour le travail du réalisateur ou de la réalisatrice. J’ai aussi fait de la régie, ça m’a montré un autre aspect du tournage car, en tant qu’acteurs, nous avons une place à part, souvent éloignée de certains enjeux de fabrication. Puis, j’ai fait un stage en production. Quand j’ai commencé à faire mes court-métrages, toutes ces expériences m’ont permis de mieux les organiser.

Le son a une importance essentielle dans votre film, pouvez-vous nous en parler ?

J’étais très bien entourée pour le son du film également. Les ingénieurs du son et monteurs son allaient en sortie de stade pour enregistrer une bande sonore. Puis j’ai eu la chance de travailler avec Olivier Goinard pour le mixage. Il y avait plusieurs possibilités pour penser l’événement et comment nous allions le faire vivre au personnage en sachant qu’elle est hyper sensible. Le son était une matière avec laquelle nous avons pu nous amuser au tournage, au montage, et au mixage. D’un côté il y avait la difficulté des fanzones en raison du bruit de la foule que nous avons retravaillé en post-production. De l’autre, nous voulions également faire vivre l’été par la chaleur et les nuits solitaires en ville : le silence des rues lors des déambulations de Paris, le son hypnotique du scooter lors de la balade avec l’électricien.

La musique du film a été composée par le chanteur Saint DX. Comment s’est passée cette collaboration ?

J’aimais beaucoup sa musique, je l’avais vu en concert et un de mes producteurs m’a dit qu’il le connaissait. Aurélien (Saint DX) n’avait jamais fait de musique de film mais ça l’intéressait. Après avoir lu et aimé le scénario, il a été présent pendant tout le projet, en amont puis pendant le tournage. Dès la première version du montage, nous avons travaillé en collaboration. Il nous a fait des propositions et nous avons essayé différentes choses. Il y avait tout un univers musical à trouver. Il fallait aussi que ça colle avec le personnage de Blandine qui est toujours dans un entre-deux.

Il y a un personnage singulier que nous n’avons pas évoqué, la nageuse Béryl Gastaldello, apparaît comme un leitmotiv pour le personnage de Blandine et ponctue la narration du film. À quel moment est-elle arrivée dans le projet ? Béryl Gastaldello est arrivée au début de l’écriture. Je voulais que le personnage de Blandine suive le parcours d’une athlète. Après avoir fait des recherches, Mariette Désert m’a parlé d’elle. Je l’ai contactée sur Instagram, elle a accepté de me rencontrer et a été d’une grande générosité. Elle m’a raconté son parcours, son histoire et était très curieuse du projet. Cette rencontre m’a beaucoup marquée et a nourri l’écriture du film car c’est une des rares nageuses qui a communiqué publiquement sur les questions de santé mentale dans le sport. Elle a parlé de sa peur d’entrer dans l’eau et de ses tics.  Je trouvais intéressant que Blandine soit touchée par cette nageuse plus pour son courage de prise de parole et sa capacité de résilience que pour son palmarès. C’est aussi une manière de donner accès à un visage plus humain du sport de très haut niveau. Pendant le tournage, elle nous envoyait des vidéos qu’elle tournait avec son téléphone avant et après les compétitions. Béryl Gastaldello marque également le lien aux réseaux sociaux de Blandine, avec cette sensation étrange de se sentir proche de personnalités assez loin de nous en ayant accès à ce qu’ils partagent d’eux et de leur quotidien. Nous devions organiser le tournage en fonction d’elle et des épreuves auxquelles elle participait.