Angleterre – XIXème siècle. Heathcliff, un enfant vagabond, est recueilli par M. Earnshaw qui vit seul avec ses deux enfants, Hindley et Cathy, dans une ferme isolée. Heathcliff est bientôt confronté aux violences de Hindley, jaloux de l’attention de son père pour cet étranger. Le jeune garçon devient le protégé de Cathy. A la mort de M. Earnshaw, Cathy est courtisée par le fils de riches voisins, laissant peu à peu Heathcliff à la merci de Hindley. A l’annonce du prochain mariage de Cathy, Heathcliff s’enfuit. L’attachement fraternel qu’il vouait à Cathy se transforme alors en un amour obsessionnel.
Liste artistique
Cathy jeune femme Kaya Scodelario
Heathcliff jeune homme James Howson
Heathcliff enfant Solomon Glave
Cathy enfant Shannon Beer
Joseph Steve Evets
M. Linton Oliver Milburn
M. Earnshaw Paul Hilton
Nelly Simone Jackson
Hindley Lee Shaw
Frances Amy Wren
Isabella Linton Nichola Burley
Fiche technique
Réalisatrice Andrea Arnold
Scénario Andrea Arnold, Olivia Hetreed
Producteurs Robert Bernstein, Douglas Rae ,Kevin Loader
Montage Nicolas Chaudeurge
Directeur de la photo Robbie Ryan BSC
Décors Helen Scott
Son Nicolas Becker
Costumes Steven Noble
Andréa Arnold
Son premier film, Red Road, a remporté le prix du Jury à Cannes en 2006 ainsi que son deuxième film, Fish Tank, en 2009. Andrea Arnold a réalisé trois courts métrages. Wasp a remporté l’Oscar du meilleur court-métrage d’action en 2005. Dog et Milk ont tous les deux été sélectionnés à la Semaine de la Critique en 1998 et 2003.
Une adaptation différente
Le producteur Robert Bernstein de Ecosse Films avait depuis très longtemps envie d’adapter le roman d’Emily Brontë et avait d’ailleurs travaillé sur le scénario d’Olivia Hetreed avec plusieurs réalisateurs. « On déplace des montagnes en voulant adapter ce roman qui est certainement le roman le plus lu de la littérature anglaise et pour lequel chacun a sa propre opinion. On voulait innover, puisqu’il y a déjà eu diverses versions adaptées au cinéma et à la télévision. Il fallait que notre approche soit différente, sinon cela n’avait aucun sens. Nous avons rencontré Andrea qui, par coïncidence, avait toujours rêvé d’adapter Les Hauts de Hurlevent. Elle voulait s’approprier le roman. Il y avait quelque chose dans cette histoire qui lui parlait. »
« Je n’ai pourtant jamais aimé l’idée de faire des adaptations » explique Andrea Arnold. « Un livre a un langage tellement différent d’un film, il est complet en tant que tel. Je me suis étonnée en me lançant dans cette adaptation. Et quel livre ! A la fois gothique, féministe, socialiste, sado-masochiste, freudien, incestueux, violent et viscéral. Essayer de mêler tous ces éléments dans un film est un projet ambitieux et peut-être fou. Aucune adaptation ne pourrait rendre justice au roman. Mais pour moi, c’était évident, je n’avais pas le choix. J’avais l’idée en tête et rien ne pourrait l’en déloger. Même quand ça a été compliqué, je n’ai pas pu abandonner. »
« Quand j’étais enfant, j’ai vu le film avec Laurence Olivier et Merle Oberon. Je ne sais pas pourquoi, mais ce film m’a profondément touchée. J’ai lu le livre plus tard, à l’adolescence. J’ai été très surprise, parce que je n’y ai pas retrouvé l’histoire d’amour que j’avais gardée en tête. L’histoire telle que je la lisais était beaucoup plus sombre, cruelle et profonde. » Toutes les adaptations du roman sont concentrées sur la relation passionnée entre Heathcliff et Cathy. Les Hauts de Hurlevent entre ainsi dans la lignée des contes d’amour éternel. Mais plus que ça, c’est également une histoire d’extrême cruauté émotionnelle, de maltraitance physique, d’obsession dévorante et d’isolation totale. C’est une tragédie inévitable. Andrea Arnold ajoute : « Lorsque j’ai relu le roman des années après, j’ai ressenti beaucoup de compassion pour le personnage d’Heathcliff, l’étranger, l’envahisseur. J’avais peur pour lui, j’avais envie de le protéger. La façon brutale dont il a été traité, enfant, me révoltait. Et puis il grandit, il devient adulte. Son caractère est-il le produit de ses propres expériences ou est-ce en réalité sa vraie nature ? Cathy dit qu’elle est Heathcliff. Je pense plutôt qu’Emily Brontë est Heathcliff. D’ailleurs, nous sommes tous des Heathcliff. »
Robert Bernstein commente. « Nous avons innové en prenant des acteurs qui avaient l’âge des personnages. Andrea voulait que les enfants soient très présents à l’écran et aient une place très importante dans le film, ce qui est une approche très audacieuse et innovante. C’est ainsi que l’histoire évolue. A travers ce besoin obsessionnel que développe Heathcliff pour Cathy. La décision d’envisager cette relation presque exclusivement du point de vue d’Heathcliff est également très novatrice. L’authenticité et la véracité sont deux valeurs essentielles pour Andrea et on le ressent dans tous les aspects du film. Le réalisme est fondamental pour un film d’époque. On a cherché à faire un film provocant et on a réussi. »
Andrea Arnold le dit simplement : « Je devais faire ma version personnelle du livre. Même s’il est très connu, pour moi, il est très personnel et intime. Je ressens en moi les sentiments à vif de la jeune Emily en train d’écrire, seule dans sa chambre, laissant son imagination parler, tout en entendant le vent souffler au dehors. C’était une poétesse, elle a eu le courage de laisser parler sa voix intime. »
Une nature omniprésente
« Ce désir d’authenticité nous a tout naturellement conduits sur les terres sauvages de Swaledale dans le Nord du Yorkshire. C‘était l’endroit idéal pour tourner dans ces paysages désolés d‘automne. En Yorkshire ancien, « Wuthering » signifie « temps houleux. L’équipe de production était basée dans la petite ville de Hawes, ce qui a parfois rendu les trajets jusqu’au lieu de tournage compliqués. La maison en elle-même est très souvent imaginée comme étant une bâtisse gothique très imposante, alors qu’Emily Brontë la décrit comme une vieille ferme et non un grand manoir. »
D’après le producteur Kevin Loader : « Depuis le début, Andrea voulait une ferme isolée dans la campagne et non un manoir situé au sommet d’une colline, comme celui de Miss Haversham dans Les grandes Espérances de Charles Dickens. Dans le Yorkshire, les gens ne construisaient pas ce genre de bâtisse sur les collines. La maison de Linton, Thrushcross Grange, est typique des maisons cossues et confortables des familles riches du 18èmesiècle, alors que celle de la famille de Cathy, sur les Heights, est restée ancrée dans les ans, inchangée dans son manque de confort et sa sobriété. Il n’y a ni électricité ni eau courante, mais les prés tout autour sont encore exploités, cultivés. Le tournage des scènes dans les prés a été très difficile, nous étions confrontés au vent, à la pluie, à l’obscurité et à la rudesse des éléments. On y est à la fois isolé et proche du monde naturel. »
« La nature devait faire partie de mon film » ajoute Andrea Arnold. « Je n’avais aucun doute là-dessus, sans pouvoir vraiment l’expliquer. La nature peut être belle et rassurante, mais également brutale, égoïste, furieuse et destructrice. On en fait partie, on n’en est pas séparé, quelle que ce soit la façon dont on vit. Nous sommes des animaux, et pas toujours aussi en contrôle qu’on le pense. Heathcliff est une force de la nature. Nous le sommes tous. C’est pour cela que la nature devait être présente dans toutes les trames de l’histoire. »
Le son était également un élément fondamental et Andrea Arnold a choisi Nicolas Becker pour ajouter à l’image le son de la nature. « Je voulais qu’on entende tout : les animaux, le vent, les coups, les claques, les coups de fouet, les gémissements, les cris, les pleurs, la souffrance. »
Kevin Loader commente : « Nicolas a réussi à retranscrire ce qu’Andrea attendait. C’est l’histoire d’une personne marginale qui a été maltraitée et qui est obsessionnelle. Nicolas est quelqu’un de très moderne et par coïncidence, Les Hauts de Hurlevent est son roman préféré. Andrea voulait retranscrire une atmosphère vibrante, précise et intemporelle. Le paysage fait partie intégrante de l’histoire et il fallait absolument qu’on ressente la physicalité de ce monde tout en se sentant enfoncé dans cette boue. »
Le directeur de la photographie, Robbie Ryan « a été un héros de la caméra » ajoute-t-il. « C’est un génie. Comme Andrea, il est instinctif et n’a peur de rien. Il a souvent tourné, pratiquement immergé dans la boue. Andrea marche à l’instinct et sait travailler avec des acteurs non professionnels, parce qu’elle sait leur expliquer ce qu’elle attend d’eux, ce qui rend la réalité encore plus tangible. »
De nouveaux visages
« J’ai voulu retransmettre ce que j’avais ressenti en lisant le roman. La différence, l’étrangeté d’Heathcliff, et la jeunesse de tous les personnages » confie Andrea Arnold à propos du choix des acteurs. « Cathy n’a pas 19 ans lorsqu’elle meurt. J’ai choisi de travailler avec des débutants (ou même de vraies gens) et des acteurs professionnels, comme je le fais très souvent. On a choisi de prendre des débutants pour les habitants de Hurlevent et des professionnels pour ceux de Thrushcross Grange. Je voulais que Hurlevent ait un côté rude, indompté, propre aux éléments et masculin et que Thrushcross Grange soit plus soigné, féminin, chaleureux. »
Il y a eu toute une série d’ateliers pour auditionner les futurs acteurs. James Howson, qui interprète Heathcliff en jeune homme, est venu assister à un atelier avec un ami. Kevin Loader se souvient : « Il avait quelque chose de très particulier, de remarquable. Il a une présence incroyable, une dignité rare et il est très beau à l’image. On dirait un jeune Jimi Hendrix. » Des habitants de la région (des bergers et un dresseur de chevaux de course) ont accepté de jouer de petits rôles, ce qui renforce l’authenticité et a contribué à tisser des liens entre les acteurs et la communauté rurale.
« Le résultat est fidèle à l’esprit du roman. Nous avons tous été trompés par les versions mélodramatiques qui font de Hurlevent une histoire d’amour romanesque et fantastique, alors qu’en réalité c’est une sombre histoire d’obsession et de désespoir au destin tragique. »
Les Hauts de Hurlevent – un phénomène culturel
Depuis sa publication en 1847, cet unique roman d’Emily Brontë est un des ouvrages les plus lus au monde. Il a inspiré une multitude de créations artistiques (films, poèmes, ballets, opéras…) La première adaptation cinématographique a été réalisée en 1920 par A.V. Bramble, mais il ne reste aucune copie. Luis Buñuel en a fait une adaptation en 1954 (Abismos de Pasión) qu’il a tournée au Mexique. Dans Hurlevent, Jacques Rivette a replacé les personnages dans la campagne française des années 1930. Une adaptation de Yoshishige Yoshida, Arashi ga Oka, en 1988, se situe dans le Japon féodal. La version la plus connue est sans doute celle de William Wyler (1939), le grand classique d’Hollywood, avec Laurence Olivier et Merle Oberon.