Film soutenu

Like Someone In Love

Abbas Kiarostami

Distribution : Mk2 Diffusion

Date de sortie : 10/10/2012

France / Japon - 2012 - 1h49 - 1.66

Un vieil homme et une jeune femme se rencontrent à Tokyo. Elle ne sait rien de lui, lui croit la connaître. Il lui ouvre sa maison, elle lui propose son corps. Mais rien de ce qui se tisse entre eux en l’espace de vingt-quatre heures ne tient aux circonstances de leur rencontre.

Sélection officielle -Compétition – Festival de Cannes 2012

Fiche artistique
AKIKO Rin Takanashi / TAKASHI Tadashi Okuno / NORIAKI Ryo Kase / HIROSHI Denden / LE VOISIN Mihoko Suzuki / LA GRAND-MÈRE D’AKIKO Kaneko Kubota / VIEIL ÉTUDIANT Hiroyuki Kishi / NAGISA Reiko Mori / LE CHAUFFEUR DE TAXI Kouichi Ohori / LE MÉCANICIEN Tomoaki Tatsumi/ L’AMIE DE NAGISA Seina Kasugai

Fiche technique
Un film réalisé par Abbas KIAROSTAMI
Scénario original Abbas KIAROSTAMI
Assistante du réalisateur et interprète Shohreh GOLPARIAN
Scripte EdiShogo YOKOYAMA
Directeur de la photographie Katsumi YANAGIJIMA
Montage Bahman KIAROSTAMI
Chef opérateur du son Nobuyuki KIKUCHI
Montage son Reza NARIMIZADEH
Mixage Mohmmadreza DELPAK
Chef décorateur Toshihiro ISOMI
 

Abbas Kiarostami

Abbas Kiarostami est né le 22 juin 1940 à Téhéran en Iran. Très tôt intéressé par le dessin, il participe à dix-huit ans à un concours d’art graphique et le réussit. Il  suit des études aux Beaux- Arts tout en monnayant ses talents de graphiste, affichiste et réalisateur de spots publicitaires.
En 1969, il crée le département cinéma de l’Institut pour le développement intellectuel des enfants et des jeunes adultes. C’est dans ce cadre qu’il dirige ses premiers courts métrages.
Dès son premier film, LE PAIN ET LA RUE (1970), Abbas Kiarostami témoigne de sa réflexion sur le poids des images et le rapport du réalisme avec la fiction. Son sujet de prédilection, le monde de l’enfance, est décliné au fil d’une longue série de courts, moyens et longs métrages, durant lesquels il parvient à trouver un équilibre subtil entre la narration et l’approche documentaire. DEVOIRS DU SOIR (1989), son ultime regard sur l’enfance, est un bon exemple d’un cinéma chaleureux et poétique qui dénonce discrètement les pesanteurs de la société iranienne.
Avec CLOSE-UP (1990), une page semble tournée. En moins d’une semaine, le cinéaste réagit à un authentique fait divers et, avec la participation des protagonistes, en fait un prétexte de réflexion sur la mise en scène du réel. ET LA VIE CONTINUE (1992) et AU TRAVERS DES OLIVIERS (1994) achèvent une trilogie commencée avec OÙ EST LA MAISON DE MON AMI ? (1990), où les effets dévastateurs d’un tremblement de terre dans le nord de l’Iran servent de nouveau à rendre compte du mensonge du cinéma. LE GOÛT DE LA CERISE (1997) est l’oeuvre de la maturité et de la consécration. Le film, qui raconte l’obsession du suicide chez un homme de cinquante ans, est une ode à la liberté individuelle louée par la critique et dénoncée par les autorités religieuses iraniennes.
Le rythme lent et contemplatif, l’intrigue limitée, les références à la poésie persane tout comme à la philosophie occidentale font la marque de cet auteur profondément original. Son sens de l’improvisation s’appuie sur des scénarios très peu écrits, des comédiens amateurs, un montage qu’il assure lui-même. On en trouve un nouvel exemple avec LE VENT NOUS EMPORTERA (1999), histoire d’un groupe de citadins venus trouver – quelque chose dans un village reculé.
Depuis 2001, Kiarostami vit une histoire d’amour avec une petite caméra et ne travaille plus qu’en digital. Amené à prendre de plus en plus de liberté à l’aide de cette caméra-stylo, il a réalisé depuis plusieurs films de nature et de durée très différentes : ABC AFRICA (2001), TEN (2002),  FIVE (2003), 10 ON TEN (2004), ROADS OF  KIAROSTAMI (2005)…

Entretien avec Abbas Kiarostami par Laure Adler
Émission Hors-Champs sur France Culture (à écouter) le 12 septembre 2012


Nouvel éveil

Sans doute une certaine indécence discrète, insidieuse qui perçait dans COPIE CONFORME m’avait déjà étonné mais croyant avoir sûrement cerné l’œuvre d’un cinéaste que j’ai beaucoup fréquenté ces vingt-cinq dernières années, je ne m’attendais pas à ce nouveau film qui aujourd’hui dépasse mon appréciation pourtant considérable de l’œuvre d’un auteur, que certains se recommandant d’un pseudo modernisme simpliste commençaient peut être déjà à figer. Mais lui, Abbas, ne s’était pas assoupi et voilà qu’il me réveille, et nul doute beaucoup d’autres après moi, avec un film qui du coup le propulse en avant beaucoup plus loin…
presque subrepticement, LIKE SOMEONE IN LOVE transperce les êtres, fouaille les sentiments les plus intimes, encore secrets à ces êtres eux-mêmes, capte jusqu’au vertige le destin qui s’empare inextricablement de chacun d’eux, un destin qui semble les avoir jetés dans la même houle pour un instant plus tard les rejeter, transis, dans leur seule nudité. Cette houle que j’ai déjà ressentie ailleurs et qui a pu me happer, me porter, me déporter, m’effrayer et plus la frayeur s’emparait de moi, plus il me semble je devenais enfin lucide, devrais-je parler de la lumière noire qui permet de spectrographier les personnages et la vie en eux et autour d’eux.
plus le sentiment d’effroi et de lucidité se développe à la vision de LIKE SOMEONE IN LOVE, plus il devient comme opaque, mystérieux comme des films moins connus de Jacques Tourneur, THEY ALL COME OUT, CIRCLE OF DANGER, THE FEAR MAKERS, films si ténus et qui d’autant plus révèlent la singularité presque invisible de leur metteur en scène.
Mise en scène, spécificité cinématographique quasiment oubliée aujourd’hui au profit d’autres valeurs (?), de préjugés esthétisants bien vaseux, LIKE SOMEONE IN LOVE en serait une démonstration stupéfiante. on peut penser à la maîtrise de preminger, à son sommet mais il ne s’agit pas ou plus de démonstration ni de maîtrise, le film est là, concret, physique, si seulement physique, énigmatique jusqu’à l’évidence.
on en ressort en en sachant un peu plus de la vie. Abbas, je n’avais pas su voir venir ce film, je t’en remercie, je ne serai pas le seul…

Pierre Rissient


Sur le site internet du Cinéclub de Caen : 

De la pellicule film à la caméra video

« Ce n’est pas moi qui suis allé à la rencontre de la caméra digitale, c’est elle qui est venue me trouver, elle s’est imposée à moi » précise le réalisateur. Au départ, ce fut par accident, une bobine de pellicule 35mm pour clore Le goût de la cerise avait été endommagée au labo. Kiarostami a alors recours à la vidéo. Il renouvelle l’expérience pour le documentaire ABC Africa, qui achève de le convertir. Et il ne reviendra plus au support film avant Copie conforme.

« J’étais si fasciné par la liberté qu’éprouvaient les gens face à la caméra numérique que, progressivement, j’ai senti mon esprit se libérer de la caméra 35 et un lien irréversible se nouer entre le numérique et moi » explique Abbas Kiarostami. « Sans caméra numérique, comment aurais-je pu vous exprimer à travers un film l’émotion ressentie face au reflet de la lune dans un étang, simplement avec la lumière de la lune elle-même ? »

De même, un film comme Ten aurait été impossible à réaliser sans caméra numérique. Pour le millénaire qui commençait, Ten, avec ses 2 mini DV fixées dans l’habitacle d’une voiture en mouvement, provoqua une petite révolution esthétique. Par ailleurs, la place que Ten accordait aux femmes accentuait encore la portée politique du cinéma de Kiarostami. Et en Iran aujourd’hui, la vidéo numérique est plus que jamais un instrument politique. « Nous voyons ces jeunes qui s’emparent de leur téléphone portable et gardent des traces des événements actuels, qui deviennent des documents, des preuves » confirme le cinéaste. Mais le réalisateur tient à préciser : « Selon moi, la définition d’un film politique dépend du contexte, de la société en question. Dans un pays comme le nôtre, un film politique est un film qui instruit. Il fournit un terreau nécessaire à une compréhension plus profonde, à une prise de conscience du peuple. C’est cela un film politique, un film pérenne. Autrement, il s’agit de films partisans, de films de propagande. Je ne peux nier l’existence ou la fonction de ces films mais moi, je suis incapable de les faire. Je suis quelqu’un qui ne sait pas crier. »


Rencontre(s) avec Abbas Kiarostami