Film soutenu

Little palestine, journal d’un siège

Abdallah Al-Khatib

Distribution : Dulac Distribution (Sophie Dulac Distribution)

Date de sortie : 12/01/2022

Liban, France, Qatar - Arabe - 89 minutes

Suite à la révolution syrienne, le régime de Bachar Al-Assad assiège le quartier de Yarmouk (banlieue de Damas en Syrie), plus grand camp de réfugiés palestiniens au monde. Yarmouk se retrouve alors isolé et le réalisateur témoigne des privations quotidiennes, tout en rendant hommage au courage des enfants et des habitants du quartier.

Tanit d’or documentaire et Prix TV5MONDE / Journées Cinématographiques de Carthage 2021 – Grand Prix et Prix des Étudiants
Festival 2 Cinéma de Valenciennes 2021 / Prix du Jury Presse – Festival War on Screen 2021 / Prix interreligieux – Visions du Réel 2021 / Prix du Meilleur Film – Journées du Cinéma Palestinien 2021 / Prix du Meilleur Documentaire – Festival de Innsbruck 2021 / Prix du / Meilleur Documentaire – Festival de Yamagata 2021 / Prix du Public – Festival de Hambourg 2021 / Prix du Public – Festival de Vancouver 2021 / Mention du Jury – Festival São Paulo 2021 / Mention Spéciale du Jury – Festival de Guanajuato 2021

Réalisation et scénario Abdallah Al-Khatib Image Abdallah Al-Khatib, Basel Abdullah, Yahya Diaa, Mohamad R.M. Hamid, Majd M.A. Almassri, Mouayad Zaghmout, Qusai Abu Qasem • Conseiller artistique Ahmad Amro • Montage Qutaiba Barhamji • Montage son et mixage Pierre Armand • Étalonnage Michael Derrosset • Directrice de production Nora Bertone • Producteurs Mohammad Ali Atassi, Jean-Laurent Csinidis • Production Bidayyat for Audiovisual Arts, Films de Force Majeure

Film également soutenu par l’ACID


Abdallah Al-Khatib

Abdallah Al-Khatib est né en 1989 à Yarmouk. Il a étudié la sociologie à l’Université de Damas. Avant la révolution, il travaillait pour l’ONU comme coordinateur des activités et des bénévoles, ainsi qu’à l’UNRWA (Office de Secours et de Travaux des Nations Unies pour les réfugiés de Palestine dans le Proche-Orient) comme responsable du Centre de Soutien à la Jeunesse (Youth Support Center) de Yarmouk. Avec plusieurs amis, il a créé l’association d’aide humanitaire Wataad qui a porté des douzaines de projets dans plusieurs régions de Syrie, et en particulier à Yarmouk.
Il a participé à plusieurs films documentaires relatant la vie du camp, à des postes divers. Il est notamment un des cadreurs de Us Children of the Camp qui fit sa première à Visions du Réel en 2017. Il a également organisé des ateliers vidéo pendant le siège. La revue allemande Peace Green l’a identifié comme un des « peacemakers » 2014. En Suède, il a reçu le Per Anger Human Rights Award en 2016. Abdallah vit actuellement en Allemagne, où il a récemment obtenu le statut de réfugié politique.

Entretien avec Abdallah Al-Khatib

La plus redoutable prison de l’assiégé, c’est le temps

Pouvez-vous nous parler un peu de votre formation ? Avez-vous fait des études de cinéma ?
J’étudiais la sociologie à l’Université de Damas quand la révolution a éclaté. À présent, j’espère pouvoir terminer mes études ici, en Allemagne. La sociologie me fascine, et j’aimerais effectuer des recherches universitaires dans ce domaine, en particulier sur le camp de réfugiés de Yarmouk et la situation des Palestiniens en Syrie. Nous, les Palestiniens, sommes devenus l’objet de tant d’études que nous ne nous envisageons pas nous- mêmes en tant que chercheurs. C’est une position que je trouve infantilisante, comme si nous ne pouvions pas raconter nos histoires et nos réalités parce que nous ne possédons pas le langage ou les outils adéquats.

Quelle est votre relation avec la caméra, comment avez-vous commencé à filmer ?
Avant la Révolution Syrienne et le siège de Yarmouk, je n’avais jamais utilisé une caméra. Je travaillais à l’UNRWA (United Nations Relief Works Agency), dans des programmes de développement et de soutien à la jeunesse. La Révolution a tout changé, le rôle de chacun a été transformé par l’urgence politique. Hassan Hassan, mon ami proche, s’est mis à filmer dès le début des événements. Lorsqu’il a décidé de quitter le camp après l’intensification du siège, il m’a confié sa caméra. La toute première séquence que j’ai filmée a été son départ : nous étions tous les deux sur nos scooters, en train de discuter. Puis il a tenté de franchir clandestinement le checkpoint, et il s’est fait arrêter par les forces du régime syrien qui l’ont torturé à mort (NB : Hassan Hassan est un des protagonistes du film d’Axel Salvatori-Sinz, Les Chebabs de Yarmouk). Hassan était parti, et j’avais gardé sa caméra. Je ne savais pas comment l’utiliser, mais je me sentais le devoir de filmer et de documenter notre quotidien et les crimes commis par le régime syrien contre les Palestiniens. J’ai commencé à filmer et à accumuler des séquences, mais je me suis abstenu de les mettre en ligne et de les faire circuler, ne sachant pas comment, ni quand ni qui pourrait les utiliser. Je n’avais pas le sentiment que ces séquences m’appartenaient, parce qu’elles contenaient des réalités et des histoires des personnes vivant en état de siège. Ma seule préoccupation était qu’elles soient utilisées dans un contexte qui rende justice à la souffrance de ces gens. Je filmais sans imaginer qu’un jour j’envisagerais d’en faire un film. Je ne savais pas que je survivrais au siège. Après avoir quitté Yarmouk, à chaque étape de mon déplacement d’un lieu à l’autre, et même après avoir atteint le nord de la Syrie et être entré clandestinement en Turquie, je n’ai conservé aucun des disques durs, de peur qu’ils ne soient confisqués ou détruits. Je les avais confiés à des amis qui les ont acheminés en lieu sûr. Ce n’est qu’à mon arrivée en Allemagne que j’ai pu voir le contenu des disques et que j’ai commencé à travailler sur l’écriture et le montage du film.

Donc vous n’aviez aucun des disques durs quand vous avez quitté le camp. Mais vous aviez gardé la
caméra ?

Oui, j’avais gardé la caméra. J’ai continué à filmer jusqu’à ce que j’arrive en Turquie. C’est là que nous nous sommes séparés, quand j’ai décidé de partir pour l’Allemagne. Il était logique que je ne garde pas la caméra d’Hassan et qu’elle continue d’être utilisée par ceux qui restaient dans le nord de la Syrie.

Quel est votre rapport à la caméra aujourd’hui ?
Je vis maintenant à Berlin. J’ai acheté une caméra et je me retrouve à filmer tout le temps. Il y a une
cigogne qui se pose tous les jours devant ma fenêtre, c’est comme si j’avais un rendez-vous quotidien pour la filmer. Peut-être que la principale raison pour laquelle je filme autant aujourd’hui est qu’il était difficile de le faire pendant le siège. Des caméras étaient disponibles, mais nous devions être très économes, sûrs de ce que nous allions filmer, car nous étions limités par la durée de vie des batteries, la capacité de stockage des cartes-mémoire et du disque dur. Les coupures de courant intempestives rendaient le chargement des batteries difficile, et la mise en ligne du matériel impossible.

Je voudrais vous parler de la scène avec les enfants qui ramassent et mangent des herbes dans un champ. Les aviez-vous remarqués auparavant ou bien êtes-vous tombé sur eux par hasard ?

Seule une séquence du film a été mise en scène : celle où l’on me voit appeler ma mère depuis la rue. Celle-ci, j’ai demandé à un ami de la filmer. À cette exception près, aucune des scènes n’a été préparée avant d’être filmée. Je prenais la caméra et je me promenais sans but précis. Je n’étais pas très conscient des choix que je faisais pour filmer telle ou telle scène. Dans l’une des dernières scènes du film, on voit Tasnim, la petite fille, en train de ramasser des herbes et en arrière-plan, on entend le bruit des bombardements. Certains de mes amis ont pensé que nous avions ajouté cet effet en postproduction. Or le son est réel, un bombardement avait lieu à ce moment-là. La scène a été filmée à la sortie du camp, près de la ligne de démarcation où affrontements et bombardements étaient fréquents. La plupart du temps, les gens évitaient de s’y rendre parce qu’ils avaient peur des explosions et des balles de sniper. J’avais moi-même très peur lorsque je traversais cette zone avec ma caméra. J’ai vu cette jeune fille, accroupie dans les herbes, qui semblait indifférente au vacarme des bombes autour d’elle. Elle ramassait des herbes calmement, avec soin, et les mettait dans le sac à côté d’elle. J’ai trouvé la scène étonnante, alors j’ai décidé de m’approcher avec ma caméra pour lui parler. Ce n’est qu’après avoir visionné les images que j’ai réalisé que c’est elle, en réalité, qui avait mené la conversation entre nous.

Qu’en est-il de la scène dans la cour de récréation avec les enfants qui courent vers la caméra ? Vous leur demandez de quoi ils rêvent, et leurs réponses sont si dures malgré leurs yeux rieurs et innocents. Pensez-vous qu’ils «jouaient» devant la caméra ou qu’ils étaient si proches de vous qu’ils n’y prêtaient même pas attention ?
J’avais une relation spéciale avec ce groupe d’enfants. J’étais leur entraîneur de football et je les voyais tous les jours, bien que je ne sache pas vraiment jouer au football moi-même. En fait, nous avons perdu tous nos matchs, puis le tournoi ! Mais nous avons noué des liens profonds d’affection et de confiance. La confiance fut la clé de notre relation, à mon avis. La caméra était toujours avec moi dans la cour de récréation, et j’ai filmé la plupart de nos échanges, ce qui a renforcé la confiance qu’ils avaient en moi et nous a permis de développer une certaine intimité. La spontanéité et la puissance de cette scène s’expliquent par le fait que la réalisation d’un film n’était pas le but premier de nos échanges. Nous étions là pour jouer, et la présence de la caméra était accessoire.

J’aimerais vous interroger sur la perception du temps pendant le siège, d’abord en tant que temps vécu, puis sur sa transformation en tant que temporalité du film. Comment avez-vous réussi à transformer cette expérience vécue en une forme cinématographique aussi authentique ? Dans l’expérience vécue du siège, les jours de la semaine restent-ils les mêmes ? Par exemple, le vendredi reste-t-il le même ou perd-il sa signification ?
J’ai écrit un texte sur mon expérience du siège qui s’intitule « Les Quarante règles du siège ». La toute première règle concerne spécifiquement le temps. Parce que le siège bouleverse la temporalité. La notion de journée change. Une journée ne se définit plus par le lever et le coucher du soleil, mais par votre première et dernière bouchée de nourriture. En état de siège, les gens ne se réfèrent plus aux salutations habituelles du matin ou du soir, ils demandent plutôt : « Qu’as-tu mangé aujourd’hui ? ». Peu importe que l’on soit vendredi ou samedi. Les déplacements sont liés à la recherche de nourriture, le temps y devient donc également lié. Le temps en état de siège est long et morbide. La journée ne se termine pas toujours, à moins que vous trouviez de la nourriture. Dès lors que vous en trouvez, le temps paraît moins long. Alors que le siège s’intensifiait, j’ai écrit : « Je ne vois pas de fin au siège au-delà de ma propre mort, et aucune fin à ma mort au-delà du siège. » Ce que je voulais dire, c’est que je ne trouvais plus de sens à la vie en dehors de cet endroit. Et même si je parvenais à en sortir, quelque chose en moi resterait assiégé et lié à des souvenirs qui refusent d’être effacés. Je me souviens, par exemple, de la semaine de mon arrivée en Turquie. Mes amis étaient surpris que je continue à utiliser la lumière de mon téléphone portable. J’avais perdu le réflexe d’allumer la lumière, d’appuyer sur l’interrupteur. J’avais également oublié la sensation banale de prendre une douche avec de l’eau chaude sans que personne n’attende à la porte ou ne me fasse signe de ne pas utiliser trop d’eau. Ou le fait d’ouvrir un réfrigérateur et d’y trouver de la nourriture, parce qu’à Yarmouk, nous utilisions les réfrigérateurs comme placards pour ranger les vêtements et autres objets.

Pouvez-vous nous parler de la façon dont les relations humaines ont évolué pendant le siège ? Par exemple, votre mère, Oum Mahmoud, a cesséd’être une femme au foyer et a consacré son temps à s’occuper des personnes âgées dans le camp. Le siège a provoqué deux types de changement :un changement social, bouleversant les relations des gens entre eux, et un changement personnel, psychologique, impliquant la relation de chaque personne à elle-même.
Sur le plan social, le changement a été radical, faisant ressortir les aspects les plus durs de chacun, les plus sombres et les plus mauvais, mais parfois les plus nobles et les plus généreux. Par exemple, un homme qui vendait clandestinement une boîte de lait en poudre pour cent dollars pouvait également être l’homme qui se précipitait pour sauver une enfant abandonnée par ses parents lorsqu’ils fuyaient leur maison dévastée. L’instinct de survie a prévalu sur nos comportements habituels. Il a dicté qui vivrait et qui mourrait.Moi-même, je n’étais pas innocent, il m’arrivait de commettre de petits actes mesquins dont j’ai honte aujourd’hui. N’ai-je pas mangé une boîte de thon tout seul en m’abstenant de la partager avec mes amis ? Si, je l’ai fait. Leur ai-je révélé ce secret ? Évidemment que non ! Je ne l’avoue qu’aujourd’hui. Et je suis certain que tous mes amis ont fait des choses du même genre pendant le siège. En fin de compte, nous sommes tous humains et nous ne pouvons pas porter de jugement de valeur sur ceux qui ont vécu ce siège. Pour en revenir à ma mère, je ne pense pas que son rôle ait véritablement changé pendant le siège. Elle a plutôt repris le rôle qu’elle avait été contrainte d’abandonner pour devenir mère et s’occuper de notre famille. Pendant la révolution palestinienne, ma mère était une combattante de la liberté. Le mariage l’a transformée en femme au foyer, puis larévolution syrienne et le siège de Yarmouk lui ont permis de retrouver sa place dans la sphère publique. Elle regagné ce qui lui avait été retiré en devenant femme au foyer. Ma mère n’était pas la seule dans ce cas : des dizaines de femmes palestiniennes ont pu reprendre leur rôle « public ». Une conséquence inattendue et positive d’un moment monstrueux.

Comment le siège vous a-t-il changé personnellement ? Vous a-t-il inspiré une sensibilité artistique ou cinématographique particulière ?
IIl ne fait aucun doute que ce travail documentaire était important pour nous tous, voire fondamental, et je n’étais pas la seule personne avec une caméra à Yarmouk. Mais j’avais aussi une certaine sensibilité à l’égard des scènes et des personnes que je filmais, et des événements que je documentais. Par exemple, je ne suis jamais allé filmer les victimes de bombardements, ou le cadavre décharné d’une personne morte de faim, et ce, malgré la portée qu’aurait pu avoir ce genre d’images pour illustrer le quotidien dans le camp : les bombardements, la famine, la mort. J’ai sciemment choisi de ne pas filmer cela et de ne pas vendre mes images aux médias ou aux chaînes d’information. Je ne le faisais pas pour devenir cinéaste, je ne savais pas ce que cela signifiait. Je ne suis jamais allé au cinéma. À Yarmouk, il n’y avait qu’un cinéma, et je me suis frayé un chemin dans ses ruines seulement en 2015 pour fuir l’État Islamique. Ce que je peux dire avec le recul, c’est que je faisais attention à ne pas porter atteinte à la dignité des gens que je filmais à Yarmouk. Je n’étais pas pleinement conscient de ce choix à l’époque, mais il y avait quelque chose en moi qui m’empêchait de filmer certaines scènes. En bref, j’avais envie de documenter l’expérience humaine de manière poétique, dans toutes ses contradictions, plutôt que de documenter des crimes de guerre et de monter des dossiers pour violation des droits de l’homme. Après mon arrivée en Allemagne, j’ai étudié et beaucoup lu sur le cinéma, pour assimiler les connaissances, les « outils », nécessaires au travail sur le matériau du film. Un an après mon arrivée, j’étais en mesure de l’envisager comme un cinéaste, de composer des scènes et donner au film sa structure narrative. Les producteurs m’ont aidé, tout comme le monteur Qutaiba Barhamji. J’ai pu profiter de son expérience, de son intelligence et de sa distance par rapport aux événements. J’ai eu la chance de toujours pouvoir faire les derniers arbitrages, non parce qu’il s’agit de mon histoire et de mon expérience mais parce qu’il s’agit de mon film, et que j’en porte la responsabilité.

En revenant au film et à la distance que vous avez prise par rapport aux images, avez-vous eu besoin de temps ou d’un soutien psychologique avant de commencer le montage du film et de visionner à nouveau ces images ? Aviez-vous envie de les revoir ou aviez-vous le désir d’oublier ?
Je n’ai pas revu ces images avant d’arriver en Europe, au moment où j’ai commencé à travailler sur le film. Pendant toute la durée du siège, nous n’avions ni le luxe ni les moyens de revoir les images que nous avions tournées car le temps était compté et l’électricité rare. Lorsque j’ai commencé à travailler sur le film, il m’a été difficile de visionner certaines séquences, mais en même temps, c’était émouvant. J’avais la chance de revoir des gens qui avaient été tués. Je les aime et ils me manquent. Ce fut un bonheur de voir des images d’eux. La véritable difficulté pour moi n’était pas de voir des images cruelles ou dures,mais plutôt de couper des images et des scènes où figuraient des personnes qui comptaient à mes yeux, mais qui n’avaient pas leur place dans le film. Parfois, j’avais l’impression de les trahir, car mon histoire et celle de ma mère finissaient par prendre le dessus sur celles de mes amis. Mais au cours des deux années, j’ai compris que je ne pouvais pas couvrir tous les événements de Yarmouk et du siège, que je faisais un film sur l’expérience humaine, la mienne et celle de ma mère, et qu’à travers cela, je pouvais peut-être faire la lumière sur ce qui s’est passé dans le camp, sans avoir à raconter toute son histoire. Je ne pense pas que le but du film soit de retracer toute l’histoire de Yarmouk, de ses habitants et de sa destruction, car le cinéma permet de poser des questions plutôt que d’apporter des réponses.

Je pense que dans ce film, vous avez réussi à résumer l’expérience d’un siège à l’ère moderne, avec ses technologies et ses outils, l’utilisation d’une caméra digitale, des disques durs, les organisations humanitaires internationales, les avions de guerre qui bombardent dans l’indifférence générale. En regardant le film, j’ai senti que c’était l’histoire de ce qu’est un siège. Il pourrait s’agir du siège de Varsovie, ou du siège de Sarajevo, malgré l’importance de la problématique spécifique des Palestiniens de Yarmouk. Est-ce pour cela que le cinéma est important ? Pour sa capacité à produire, à partir d’une réalité particulière, un témoignage qui s’ouvre sur le monde entier ?
Pour être honnête, cette question était très présente pendant la post-production. Pour moi, cet endroit a disparu ; il a été détruit, ses habitants ont été déplacés, leur retour n’est plus possible. Par conséquent, le film n’a pas été fait pour mettre fin au siège d’un lieu qui, au fond, n’existe plus. L’idée était d’essayer de produire un film qui transforme cette expérience particulière du siège, qui concerne la mémoire et la souffrance des gens de Yarmouk, en une expérience universelle du siège, qui aurait pu avoir lieu n’importe où dans le monde et avoir un sens pour n’importe qui.

Propos recueillis par Rasha Salti