Film soutenu

Magellan

Lav Diaz

Distribution : Nour Films

Date de sortie : 31/12/2025

Portugal, Espagne, France, Philippines, Taiwan | 2025 | 2h43

Magellan, navigateur portugais épris de liberté, se rebelle contre l’autorité du Roi qui refuse de soutenir ses rêves d’exploration.
Porté par une soif insatiable de découvrir les confins du monde, il convainc la Couronne espagnole de financer une expédition audacieuse vers les terres mythiques de l’Est.
Mais le voyage se transforme en un périple éprouvant : la faim, les tempêtes et les mutineries mettent l’équipage à genoux. Lorsque Magellan atteint enfin les îles de l’archipel malais, l’explorateur idéaliste s’efface pour laisser place à un conquérant obsédé par la domination et la conversion, provoquant des soulèvements violents qui commencent à lui échapper… Ce n’est pas le mythe de Magellan, mais la vérité de son voyage.

Festival de Cannes 2025, Cannes Première

Liste artistique
Gael García Bernal Ferdinand Magellan |Ângela Azevedo Beatriz | Amado Arjay Babon Enrique | Ronnie Lazaro Raja Humabon | Hazel Orencio Reyna Juana | Tomás Alves Francisco Serrao | Bong Cabrera Raja Kulambo | Baptiste Pintaux Father Dela Reina

Liste technique
Ecrit et réalisé par Lav Diaz | Directeurs de la photographie Artur Tort, Lav Diaz | Chef décorateur Lav Diaz | Direction artistique Isabel Garcia & Allen Alzola | Montage Artur Tort, Lav Diaz | Costumes Célia Fernandes, Kim Perez | Son Emmanuel Bonnat, Cecil Buban | Effets spéciaux Arnaud Chelet | Production Rosa Filmes, Andergraun Films, Black Cap Pictures, Lib Films | Coproduction El Viaje Films, Volos Films, Ten17P, Ultramarina Filmes, ARTE | Ventes internationales LUXBOX | Distributeur France Nour Films

Lav Diaz

Lav Diaz est un réalisateur, scénariste, producteur et monteur philippin, né en 1958 aux Philippines. Connu pour ses films longs métrages au format épique, souvent dépassant les cinq heures, il explore des thèmes liés à l’histoire politique et sociale des Philippines, le traumatisme collectif, la lutte pour la justice, et la résilience humaine.
Diaz est considéré comme l’un des principaux représentants du slow cinema, un style caractérisé par des plans fixes, un rythme contemplatif et un engagement profond avec le temps et l’espace. Depuis 1998, il a réalisé dix-huit films et remporté de nombreuxprix internationaux, dont le Léopard d’or de Locarno (From What is Before, 2014), l’Ours d’argent de la Berlinale (Berceuse pour un sombre mystère, 2016) et le Lion d’or de Venise (La Femme qui est partie, 2016).
Magellan marque son retour en sélection officielle au Festival de Cannes pour la première fois depuis Norte la fin de l’Histoire en 2013.

FILMOGRAPHIE

2025 – Magellan
2024 – Phantosmia
2023 – Essential Truths of the Lake
2022 – Quand les vagues se retirent 
2020 – Genus Pan 
2019 Halte 
2018 Lakbayan, coréalisé avec Brillante Mendoza et Kidlat Tahimik
2018 La Saison du diable 
2016 – La Femme qui est partie 
2016 – Berceuse pour un sombre mystère
2014 – Storm Children: Book One
2014 – From What Is Before 
2013 – Norte, la fin de l’histoire 
2012 – An Investigation on the Night that Won’t Forget 
2012 – Florentina Hubaldo, CTE
2011 – Elegy to the Visitor from the Revolution 
2011 – Century of Birthing
2009 – Visitors 
2009 – Butterflies Have No Memories
2008 – Melancholia
2007 Death in the Land of Encantos 
2006 – Imahe nasyon
2006 – Heremias, Book One: The Legend of the Lizard Princess
2004 – Evolution of a Filipino Family 
2002 – Hesus the Revolutionary
2002 – West Side Kid 
1999 – Burger Boys
1999 Naked Under the Moon 
1998  Criminal of Barrio Concepcion  

Entretien avec Lav Diaz

La genèse du projet

J’ai toujours rêvé de réaliser un film sur Magellan. En tant que Philippin, l’arrivée de Magellan sur nos côtes représente le premier « contact » avec l’Occident… un événement fondateur qui a marqué le début d’une nouvelle ère pour nous. Lorsque j’ai rencontré Joaquim Sapinho, il est venu avec une proposition de film. Il m’a envoyé des livres, mais étant donné que Magellan était portugais, le destin semblait déjà tracé : nous allions concrétiser ce vieux rêve.
Puis, il a intégré Albert Serra au projet, que je connaissais déjà, et tout s’est mis en place. Nous avions le Portugal et l’Espagne pour raconter l’histoire. Plus tard, mon ami Paul Soriano nous a rejoints, apportant avec lui les Philippines. J’étais prêt à entamer ce voyage… Gael nous a rejoints peu de temps après.

Contre-champ de Magellan

Mon sujet, c’est l’Histoire philippine. De notre point de vue, les protagonistes de cette histoire sont Humabon, le roi, et Lapu-Lapu, le chef qui a tué Magellan. Lapu-Lapu est le grand héros de notre histoire. Pourtant, je suis convaincu qu’il n’était rien d’autre qu’une création de Humabon.
Après avoir lu de nombreux ouvrages et recoupé les faits, un bon enquêteur trouverait ce personnage très discutable.
Les événements ne coïncident pas. Je pense que le film prendra une dimension révisionniste, d’une certaine façon.
Je trouve intéressant de défier les clichés établis. Notre plus grand problème aux Philippines, c’est la fabrication de mythes. On pourrait dire que cela a commencé avec la création de cette figure, Lapu-Lapu. Personne ne l’a jamais vu, il n’a vraisemblablement jamais existé.
Aujourd’hui, cette mythologie nourrit les démagogues. Nous avons eu Marcos Senior, le dictateur. Plus récemment, Duterte. Ils sont devenus des dirigeants grâce à cette mythification. C’est un modèle d’organisation sociale. Vivre dans le monde réel avec ces mythes est difficile, car nous sommes constamment dupés.

Magellan comme modèle

Magellan a toujours été le paradigme de l’explorateur, le modèle pour quiconque veut aller au-delà du monde connu, comme les astronautes. La saga de Magellan, son périple, reste une référence. Mais Magellan est aussi un modèle pour ceux qui cherchent à découvrir de nouvelles possibilités. Comme dans le cinéma, où l’on croit encore pouvoir repousser les limites du médium, Magellan regardait le monde en déclarant : « Nous trouverons bien quelque chose qui n’avait encore jamais été découvert. » C’est le rêve romantique qui conçoit le paradis sur Terre comme une grande découverte à accomplir. Magellan savait qu’il ne pourrait pas devenir roi, mais il pouvait trouver un endroit quelque part où réaliser ses rêves, ses ambitions.
Il était en avance sur son temps, tout comme Vasco de Gama et les autres explorateurs, car ils savaient qu’il demeurait de nouvelles frontières à franchir.
Pour moi, c’est aussi la vocation du cinéma. On peut toujours aller plus loin. Je suis convaincu que si l’on continue de repousser les frontières du cinéma, on découvrira quelque chose de nouveau, de plus pertinent. Il faut détruire les murs de la peur pour découvrir de nouveaux horizons. Nous pouvons encore trouver des îles d’or quelque part.

Beatriz, l’épouse

Il y avait aussi Beatriz, l’épouse de Magellan. Elle n’est qu’une note de bas de page dans les récits historiques : trois lignes, quatre lignes tout au plus. Cela nous donne donc une certaine liberté pour construire quelque chose autour d’elle et la relier profondément à Magellan. Beatriz est essentielle à la manière dont Magellan envisageait l’exploration du monde, car elle a toujours été en lui, dans son cœur, dans son âme. Je pense que Beatriz représente l’âme de Magellan. Beatriz et les enfants, bien sûr. Je crois qu’il nourrissait ce rêve d’avoir une vie de famille, au retour de l’expédition.
C’était comme une promesse, un rêve : amener sa propre famille aux Îles d’Or. Je pense qu’il a toujours eu cette idée à l’esprit. Peu importe à quel point il est devenu orgueilleux vers la fin, je crois que le rêve le plus simple et le plus pur de Magellan était de voir un jour sa famille réunie. C’est le mystère des gens qui voyagent : ils veulent s’intégrer dans une autre société, découvrir un autre univers, mais en même temps, ils veulent aussi apporter leur propre vision du monde.
Le film aura une version de neuf heures, dans laquelle toute l’histoire de Beatriz sera révélée.

Conversion

Il y a aussi cette idée de rencontre, de premier contact, et de ses effets durables. Aujourd’hui, 80 % des Philippines sont encore catholiques, et en fait, la plus grande icône religieuse du pays est le Santo Niño, apporté par Magellan. Nous célébrons le Santo Niño dans de nombreuses régions, preuve que son influence est encore prégnante.
Toute la conversion a commencé avec le Santo Niño. La scène dans mon film où le fils de Humabon est guéri est une reconstitution d’un événement réel, tiré du journal de Pigafetta. La conversion a vraiment débuté lorsque la reine de Cebu, l’épouse de Humabon, s’est mise à prêcher l’authenticité du Santo Niño, affirmant qu’il avait vraiment le don de guérison. C’est la véritable raison pour laquelle la conversion de toute l’île de Cebu s’est faite en seulement quatre jours.

Plans séquences et direction d’acteurs

Je souhaite filmer l’Histoire. Pour cela, il est essentiel de filmer les gens. C’est pourquoi j’aime mélanger acteurs professionnels et non-professionnels. J’ai travaillé avec certains des plus grands acteurs des Philippines. Un acteur professionnel peut véritablement s’adapter à ce qui se passe : il possède les outils, la technique, la maîtrise de l’espace et de l’environnement.
Mais un acteur non-professionnel, par son naturel parfois maladroit, crée une tension unique. Cette nervosité, ces réactions brutes face à l’improvisation, apportent une authenticité saisissante.

Gael

Gael est un acteur exceptionnel, habitué à évoluer dans tous les médiums : théâtre, télévision et cinéma. Ce qui m’a frappé, c’est sa capacité à s’adapter à ma méthode de travail. À un moment donné, il s’est simplement laissé porter par le flux. Gael s’est profondément identifié à Magellan, à cet homme conscient de sa propre mortalité. J’ai le sentiment que le film a pris une dimension plus spirituelle que je ne l’avais imaginé au départ, en particulier dans le dernier acte, lorsque Magellan accède à une compréhension plus profonde de la vie.