Une grande famille turbulente se réunit dans une petite ville de Long Island pour ce qui pourrait être le dernier réveillon de Noël dans la maison familiale. Alors que les célébrations battent leur plein, marquées par des retrouvailles hautes en couleurs, traditions parfois fantasques et autres querelles générationnelles, deux jeunes cousines profitent du chaos pour s’enfuir dans la froide nuit d’hiver et faire de cette fête la leur.
Festival de Cannes 2024 – Quinzaine des Cinéastes
Festival du Cinéma Américain de Deauville – Compétition officielle
Emily Mathilda Flemming • Officer Gribson Michael Cera • Michelle Francesca Scorsese • Sergeant Brooks Gregg Turkington • Lynn Elsie Fisher • Splint Sawyer Spielberg • Kathleen Maria Dizzia
Réalisation Tyler Taormina • Scénario Tyler Taormina, Eric Berger • Image Carson Lund • Montage Kevin Anton • Musique Ollie White, Tom Stanford • Direction artistique Erik Lund • Costumes Kimberly Odenthal • Décors Paris Peterson • Casting Margo Chester •
Producteurs Tyler Taormina, Krista Minto, David Croley Broyles, Duncan Sullivan, Michael Cera, Michael Davis Kevin Anton, Eric Berger, David Entin, Rob Rice • Producteurs Délégués Jeremy Gardner, Joseph Lipsey IV, Brock Pierce, Jason Stone, Hannah Dweck, Ted Schaeder • Production Omnes Films



Tyler Taormina
Tyler Taormina est un réalisateur, scénariste et producteur basé à Los Angeles, en Californie. Il est l’un des principaux membres du collectif Omnes Films. Il a notamment réalisé Ham on Rye et Happer’s Comet, qui ont tous deux été salués par la critique.Plusieurs projets produits par Taormina devraient être présentés en 2024, notamment Noël à Miller’s Point et Eephus de Carson Lund, sélectionnés à cette Quinzaine des Cinéastes, ou encore No Sleep Till d’Alexandra Simpson, qui a reçu la Mention Spéciale à la Semaine de la Critique à Venise et Los Capítulos Perdidos de Lorena Alvarado, présenté à Locarno et au FID.
Fimographie
2024 – Noël à Miller’s Point
2022 – Happer’s Comet
2019 – Ham on Rye
2019 – Some Do it, Other’s Don’t
Invitation du programmateur
Avec ce troisième long métrage, Tyler Taormina impose sa voix singulière dans le paysage du cinéma indépendant américain, terme souvent galvaudé, mais tout à fait pertinent ici, le réalisateur œuvrant au sein du passionnant collectif Omnes Films (à qui l’on doit aussi Eephus, également soutenu par le GNCR). On retrouve ici les ambiances nocturnes si identifiables dont Taormina a le secret, mais il ajoute à son cinéma une dimension satirique en reprenant et en tordant le genre si typiquement américain du film de Noël. Il surcharge ses cadres d’objets, de lumières et surtout de personnages, faisant évoluer, lors de cette soirée de Réveillon, une quarantaine de convives. Le grand talent du réalisateur est de parvenir à faire exister chacun d’eux (on retrouve ce même art du croquis chez Carson Lund – ici chef opérateur – dans Eephus) sans jamais s’appesantir, toujours par petites touches. On ne saisit pas tout des intrigues et de ce qui se trame. On sent qu’il y a un avant et un après à cette soirée, on est comme un élément rapporté qui déboule dans une grande famille et qui essaie de suivre les conversations et de savoir qui est qui. C’est enivrant, joyeux, on est assaillis de visages, de voix, de mets et d’objets. Puis Taormina nous emmène ailleurs, aux côtés de ces adolescents qu’il sait si bien filmer, pour une virée nocturne qui nous rappelle les meilleurs moments de Ham on Rye et Happer’s Comet.
OLIVIER BITOUN – Association Cinéphare
Omnes Films
Omnes Films est un collectif basé à Los Angeles comprenant plusieurs réalisateurs américains tels que Carson Lund, Tyler Taormina, Jonathan Davies ou Michael Basta, et s’étend à l’international avec d’autres cinéastes comme Lorena Alvarado et Alexandra Simpson.
Depuis 2018, leurs films sont des oeuvres passionnées, ambitieuses et réalisées entre amis, chacun travaillant sur le projet des autres, privilégiant l’atmosphère à l’intrigue.
Ils se sont donnés pour mission de combler un vide dans le cinéma moderne en défendant un cinéma original, art & essai, qui étudie les différentes formes de déclin culturelle au XXIe siècle.
CONVERSATION AVEC TYLER TAORMINA
Tout d’abord, pouvez-vous me parler un peu de vous ? Ce projet semble très autobiographique.
J’ai grandi à Long Island et je viens d’une très grande famille italo-américaine qui organise depuis cinquante ans un réveillon de Noël comme celui du film et l’une de mes motivations était de raviver les souvenirs que j’en avais. J’ai étudié l’écriture pour la télévision au Emerson College. À l’époque, mon objectif était de réaliser une émission de télévision pour enfants, comme celles qui m’ont inspiré sur Nickelodeon dans les années 90. Peut- être le prochain Hey Arnold ! Ou plutôt The Adventures of Pete and Pete, car j’avais un faible pour les films en prises de vue réelles. Au début de la vingtaine, je suis tombé amoureux des films européens. Curieusement, j’ai l’impression que mon travail se situe à mi-chemin entre le Nickelodeon des années 90 et le cinéma européen des années 60.
J’ai l’impression que l’on ne fait plus autant de films de Noël qu’avant. Qu’est-ce qui vous a poussé à réaliser un film de Noël ? d’autant plus aujourd’hui ?
Avec mon partenaire d’écriture Eric Berger, nous trouvions que Noël était l’excuse parfaite pour lancer le projet que nous avions en tête. En discutant des fêtes de fin d’année et en pensant avec nostalgie et humour aux membres de nos familles, très vite, nous avons réalisé la splendeur de cette fête. Les moindres détails spécifiques à la décoration de Noël renforcent cette idée et notamment l’immense besoin qu’ont les Américains de décorer leur maison. Nous voulions nous éloigner des modes de narration traditionnels afin de faire exister cette idée de Noël, de la famille, des amis, des souvenirs.
Ce projet se concentre moins sur une structure d’intrigue conventionnelle que sur une série de vignettes. Pouvez- vous décrire comment vous avez découvert ce style ?
La découverte de ce style n’a pas été le fruit d’un effort conscient. J’ai simplement suivi ce qui m’excitait et provoquait ma curiosité. Même en tant que spectateur, je me sentais obligé de revenir à certains films : Les Vacances de M. Hulot, Slacker, Mystery Train, Le Chant des saisons, Nowhere, Elephant… ces films m’ont électrisé parce qu’ils privilégient l’ambiance et l’environnement au détriment de la narration traditionnelle. Je ne sais pas exactement pourquoi cela me parle, mais voici ma meilleure hypothèse. Très tôt dans mon parcours, j’ai réalisé que lorsque l’on passe d’une personne à l’autre, ou même aux animaux et aux paysages dans un film, l’ambiance et l’environnement changent, le personnage principal devient la caméra. La caméra devient une créature curieuse qui veut en savoir plus sur ce monde, qui veut s’imprégner de toute la vie qu’elle peut. C’est ce que je ressens en général, et plus particulièrement lorsque je réalise ces films.
Vous aimez les films choraux. Le casting est un véritable exploit pour ce film. Pouvez-vous nous parler de son processus ?
Pour le casting nous avons d’abord regardé des centaines de milliers de photos et demandé aux personnes qui nous intéressaient de faire une vidéo, soit en lisant une scène, soit en nous racontant simplement sa vie. En parallèle, les producteurs ont appelé toutes les personnes que nous connaissions pour leur demander : « Avez-vous un cousin, un ami, un voisin qui pourrait être intéressant devant une caméra ? Il n’est pas nécessaire d’avoir une expérience d’acteur. En fait, il serait même préférable qu’ils n’en aient pas. » Certains d’entre eux se sont révélés remarquables, comme Francesca Scorsese ou Maria Dizzia qui étaient des amies d’amis. Nous avons fait participer la cousine de ma mère ou la grand-tante d’un ami. Dans le film, j’apprécie vraiment l’interaction entre les non-acteurs et les acteurs, non seulement à l’écran, mais aussi dans leur manière de s’inspirer mutuellement. La familiarité est quelque chose de réconfortant dans ce film, entre la musique, le papier peint, les traditions, les accents. Tout cela est très important pour moi. Même le titre est en quelque sorte tiré de Sesame Street, en raison du sentiment de nostalgie qu’il me procure.
Au milieu du film, on se rend compte que c’est peut-être la dernière fois que la famille que l’on observe passe Noël ensemble. Comment en êtes-vous arrivé à cette histoire ? Vient-elle d’une expérience personnelle ?
Il y a le sentiment omniprésent, chez de nombreux Américains, d’une fin imminente. Entre la crise climatique et l’ère du « Make America Great Again », il y a un sous- texte constant de perte et de disparition. Mais ce n’est qu’une partie du problème. De nombreuses personnes de ma génération me disent que leurs traditions familiales ont commencé à changer en raison de la réorganisation de leur famille. J’ai certainement pensé à tout cela en écrivant et en réalisant ce film. Je pense que ce qui m’a le plus intéressé dans la vente de la maison familiale, c’est qu’elle éveille en nous un sentiment existentiel : c’est comme si, au lieu de nous faire simplement rire, on se rendait compte de l’instant présent. Une fois que nous savons que c’est leur dernière fois, nous pouvons ressentir ce que le personnage de Jimmy Stewart ressent à la fin de La Vie est belle – nous pourrons revoir tous ces cadeaux ! toutes ces personnes merveilleuses et toute la joie de notre vie. La plupart du temps, nous passons complètement à côté de ça.
Environ une demi-heure après le début du film, on voit des bonbons jetés sur une table. Le langage visuel avec lequel vous avez travaillé m’a immédiatement fait penser à une publicité de Noël, comme pour celle de M&Ms. Vous jouiez avec les visuels publicitaires des années 2000 ?
Oui, mais pas la publicité des années 2000. En fait, l’un des principaux points de référence pour Carson Lund, mon directeur de la photographie, Paris Peterson, le concepteur de la production, et moi-même, est la publicité des années 50 de Coca-Cola. Nous aimons cette esthétique chaleureuse et mièvre. Nous avons voulu combiner ce look avec les premiers films en couleur de Douglas Sirk et Vincente Minnelli. Nous voulions que tout émane de ce sentiment de chaleur et de magie, des variations de lumière qui jouent sur des visages doux et chaleureux – en fait, l’esthétique du film a été conçue pour ressembler à un câlin réconfortant par une nuit froide. Et ces publicités nous ont montré comment faire naître ce sentiment. Après tout, elles sont à l’origine de la façon dont le monde moderne se représente Noël.
Y avait-il une intention de subvertir le style des publicités ?
Je n’ai jamais eu l’intention de subvertir ou d’utiliser une quelconque couche d’ironie dans les juxtapositions que j’utilise dans mon film. Je considère mes films comme postmodernes dans la mesure où, que nous en soyons conscients ou non, nous incarnons constamment des références culturelles dans notre vie quotidienne. Elles sont profondément ancrées en nous. Imaginez-les dans ce contexte, comme une couche de vêtements d’hiver que nous portons chaque fois que nous sortons. C’est avec ces références que nous vivons dans notre société. Je m’intéresse davantage à la manière dont ce conditionnement esthétique et culturel se crée en nous, alors même que nous vivons dans un contexte totalement différent, celui du monde réel, rempli de toutes sortes d’émotions. Nous sommes des Américains, nourris par le romantisme de la publicité, et je suis un Américain profondément romantique. En même temps, j’aborde un monde désordonné et compliqué avec ces idéaux enfouis en moi, c’est quelque chose qui m’intrigue. Le doux-amer est quelque chose que je ne peux pas m’empêcher d’incorporer dans mon travail. C’est trop présent en moi. Tout comme l’amour que je porte à ces références culturelles que j’utilise. Je pense que j’ai peut-être un os sentimental hypertrophié.
Comment voyez-vous la musique dans le film ?
La musique a commencé à jouer un rôle dès la conception du film – la page de titre de notre scénario contenait un lien vers une liste de lecture Spotify, et le scénario contenait des repères pour chacune des chansons. Je suis convaincu que l’on ne peut saisir pleinement le contexte des scènes sans ces morceaux. La musique est fortement inspirée par Kenneth Anger, dont le travail a marqué l’un des moments de synchronisation musicale clé de mon premier long métrage, Ham on Rye, en particulier la version de « Dream Lover » de Kustom Kar Kommandos. Cette fois-ci, c’est Scorpio Rising qui nous a vraiment interpellés, lors de la genèse du projet. Je pense que la musique que nous avons choisie correspond parfaitement à ce film, parce qu’il s’agit de musique de Noël sans être de la musique de Noël, vous voyez ? On ressent l’esprit festif des fêtes rien qu’en écoutant de la pop des années soixante. Peut-être parce beaucoup d’artistes que nous associons à cette époque ont ensuite créé certaines des chansons de Noël les plus emblématiques que nous écoutons en boucle chaque année. J’aime beaucoup cette musique, non seulement pour cela, mais aussi parce que les paroles expriment un amour maniaque et frénétique : « Je te désire tellement que je t’ai perdue. » « Qu’est-ce que je vais faire sans toi ? ». Je me pâme en pensant à ces paroles – et à la façon dont ces personnes chantent si désespérément – a fortiori, dans mon film, dans le contexte d’une mère qui perd en influence sur sa fille adolescente ou d’un cousin qui peine à se tenir droit.
Vous êtes membre d’Omnes Films, un collectif émergent basé à Los Angeles. J’ai entendu certains parler de la « nouvelle vague d’Omnes ». Pouvez-vous nous parler de votre implication dans ce groupe et de ses objectifs ?
Une nouvelle vague ? Attends un peu. (rires) Nous nous sommes tous rencontrés à Boston pendant nos études de premier cycle. À l’époque, il y avait un grand intérêt pour le cinéma, surtout de la part des autres. En fait, je n’ai découvert le cinéma que quelques années après avoir obtenu mon diplôme. Ce qui nous réunissait alors, c’était la musique. Nous étions tous dans des groupes, nous enregistrions de longs albums et nous donnions des concerts parfois trois soirs par semaine. Nous enregistrions tous sur les disques des autres. Ce n’est pas très différent aujourd’hui. Je pense que ce qui nous a rapprochés, ce sont nos goûts similaires en matière de musique et d’humour. Cela, et le fait que nous ayons tous eu une éducation banlieusarde très similaire, en dehors des grandes villes américaines. La compréhension et le langage commun entre nous sont assez troublants. Le financement de nos projets au cours de notre première vague (d’environ trois longs métrages) était essentiellement le suivant : si vous voulez faire un film, trouvez l’argent, même si vous devez l’investir vous-même, et nous vous aiderons à vous répartir les tâches. Eephus et Noël à Miller’s Point marquent la vague suivante de nos projets, où nous avons utilisé le succès de nos œuvres initiales pour collaborer avec des investisseurs privés avec lesquels nous avons ressenti une connexion créative. J’aime cette méthode, elle m’a apporté une grande liberté créative, nécessaire pour les types de films que nous réalisons. Beaucoup de confiance aussi, une confiance qui remplace la pression.
Pouvez-vous nous parler de votre fascination pour les comédies teen movies ? Allez-vous continuer à explorer cette voie ?
Le prochain film qu’Eric et moi allons écrire est une comédie teen movie se déroulant dans un lycée. Nous allons travailler dans un registre complètement différent, c’est une comédie farceuse, et ce n’est pas du tout un film sentimental. Je pense qu’il y a encore beaucoup à explorer dans le monde des adolescents. C’est une période tellement cruciale de la vie. Pour moi, c’est à ce moment-là que j’ai commencé à comprendre ce monde et prendre conscience que j’étais vivant. Mais pour mes futurs projets, je voudrais probablement m’éloigner de ce registre, et, comme ce que fait Noël à Miller’s Point d’une certaine façon, explorer les écarts générationnels et les comparaisons d’âge. Je vois le casting comme une sorte de continuum, vous savez, où un personnage évolue en un autre, puis un autre, comme s’ils incarnaient tous des variations d’eux-mêmes. Je pense souvent à ce concept de « point de saturation », que mon amie de longue date Kim Odenthal, la costumière, m’a présenté. Lorsque nous étions adolescents, elle a remarqué que nos parents n’écoutaient que la musique de leur jeunesse. Elle nous a expliqué que « c’est à cause du « point de saturation » : lorsque vous arrivez à un certain moment de votre vie, vous avez entendu toute la musique que vous voulez entendre, et vous vous mettez alors écouter la musique de l’époque précédente ». Et c’est incroyablement vrai pour tous les adultes de ma vie. Ce concept me bouleverse. Je pense qu’en travaillant avec ces différents groupes d’âges, j’ai l’occasion d’étudier ce moment où les choses se perdent, ce qu’elles gagnent et quel est le prix à payer pour vieillir chaque jour. J’espère que je n’atteindrai jamais mon point de saturation !