Un dimanche d’été. Le sirocco souffle sans relâche sur Palerme quand Rosa et Clara, en route pour célébrer le mariage d’une amie, se perdent dans la ville et débouchent dans une ruelle étroite : Via Castellana Bandiera. Au même moment, une autre voiture conduite par Samira, dans laquelle est entassée la famille Calafiore, emprunte la ruelle dans le sens opposé.
Ni Rosa ni Samira, vieille femme têtue, n’ont l’intention de faire marche arrière.
Enfermées dans leurs voitures, les deux femmes s’affrontent dans un duel silencieux, le regard plein de haine, sans boire ni manger, sans dormir jusqu’au lendemain. Plus obstinées que le soleil de Palerme et plus dures que la férocité des hommes autour d’elles. Puisque, comme dans tout duel, c’est une question de vie ou de mort…
Avec : Rosa EMMA DANTE • Clara ALBA ROHRWACHER • Samira ELENA COTTA • Saro Calafiore RENATO MALFATTI • Nicolo DARIO CASAROLA
Réalisation EMMA DANTE Casting EMMA DANTE, ALBA ROHRWACHER, ELENA COTTA, RENATO MALFATTI, DARIO CASAROLO, CARMINE MARINGOLA, SANDRO MARIA CAMPAGNA Production MARTA DONZELLI, GREGORIO PAONESSA, MARIO GIANANI, LORENZO MIELI, ELDA GUIDINETTI, ANDRES PFAEFFLI, MARIANNE SLOT Scénario EMMA DANTE et GIORGIO VASTA LICIA EMINENTI Image GHERARDO GOSSI Montage BENNI ATRIA Décors EMITA FRIGATO Cadre CLARISSA CAPPELLANI Costumes ITALIA CARROCCIO Régie CINZIA CASTANIA Son PAOLO BENVENUTI et SIMONE PAOLO OLIVERO Mixage BENNI ATRIA, FRANÇOIS MUSY, Direction de production ROCCO MESSERE, MARCO SERRECCHIA Post-‐production IRMA MISANTONI Une production VIVO FILM, WILDSIDE, VENTURA FILM, SLOT MACHINE Et RAICINEMA En coproduction avec RSI RADIOTELEVISIONE SVIZZERA, SRG SSR Avec le soutien de EURIMAGES / MINISTERO PER I BENI E PER LE ATTIVITÀ CUTURALI – DIREZIONE GENERALE CINEMA DFI UFFICIO FEDERALE DELLA CULTURA UFC Avec le soutien de REGIONE SICILIANA-ASSESSORATOTURISMO SPORT SPETTACOLO,SICILIAFILMCOMMISSION, SENSICINEMA E En collaboration avec ISTITUTO LUCE CINECITTÀ En partenariat avec BNL-GRUPPO PARIBAS COFINOVA 9
Emma Dante
Née à Palerme en 1967, Emma Dante explore le thème de la famille et
de la marginalisation à travers le langage poétique de la tension et de
la folie, toujours avec une pointe d’humour. Metteur en scène de théâtre
formée à l’Accademia Nazionale d’Arte Drammatica « Silvio D’Amico » à
Rome, elle crée la « Compagnia Sud Costa Occidentale » à Palerme en
1999. Ses spectacles ont été joués sur les scènes les plus prestigieuses
d’Europe (La Scala de Milan, Festival d’Avignon, Théâtre du Rond Point,
Opéra Comique, La Monnaie de Bruxelles, …) et récompensés par des prix
prestigieux. En 2009, elle a inauguré la saison à la Scala de Milan en
signant la mise en scène et les costumes de « Carmen » de Bizet dirigé
par Daniel Barenboim.
En avril 2012, elle a débuté à Paris avec la « Muta di Portici » à
l’Opéra Comique en coproduction avec « La Monnaie » de Bruxelles, sous
la direction d’Alain Guingual, un immense succès critique et au théâtre.
Son spectacle, « Le Sorelle Macaluso », a été présenté au Festival d’Avignon en 2014.
Depuis 2001, elle a mis en scène les spectacles suivants
: -‐MPALERMU -‐ CARNEZZERIA -‐ MEDEA FROM EURIPIDES -‐ LA
SCIMIA -‐ VITA MIA -‐ MISHELLE DI SANT’OLIVA -‐ CANI DI
BANCATA -‐ IL FESTINO -‐ LE PULLE (joué au théâtre du Rond-Point à
Paris, en coproduction avec le Théâtre National de la Communauté
Française de Bruxelles), une opérette amorale dont les personnages sont
cinq prostituées (pulle en palermitain) et quatre travestis.
Elle a aussi publié Carnezzeria, Trilogia della family siciliana, Trilogia degli occhiali (2011) et l’histoire illustrée pour les enfants, Anastasia, Genoveffa e Cenerentola (2011), Gli alti e bassi di Biancaneve (2012).
Via Castellana Bandiera est son premier roman, publié en Italie en 2008.
Filmographie
« Via Castellana Bandiera
est une rue dans laquelle deux femmes s’affrontent dans un duel. Le
blocage de Rosa est mental et le barrage du voisinage une question de
principe. Chacun pourrait passer, dépasser les barrières et être libre ;
mais personne ne le fait. Les rapports deviennent indissolubles, les
pactes incassables. D’un côté se trouve l’entrée d’un espace où vit tout
un camp, une société, une famille ; de l’autre il y a Rosa, son
histoire d’amour instable et la falaise au bout de la rue. La pierre
angulaire est une vieille femme. Samira. Elle
ne parle pas. Elle est au-‐dessus. Telle un monolithe, un
brise-‐lames. Comme des hiéroglyphes gravés dans la pierre. Sa cachette
est la voiture où elle trouve refuge. Pour toujours. La vie ne suit pas
un chemin balisé et Via Castellana Bandiera est une tranche de vie. » Emma Dante, août 2013
ENTRETIEN AVEC EMMA DANTE
Pourquoi avez vous imaginé ce duel entre deux femmes ?
La métaphore est une figure déjà présente dans mon théâtre. A travers cette histoire, j’essaye de représenter une forme d’immobilité, une situation où rien ne change. Même si cette histoire est liée à Palerme, je tente aussi de raconter ma vision du monde.
Quels sentiments émergent dans leur défi ?Ces deux femmes s’obstinent, tenaces et bornées mais confrontées à l’autre, elles commencent à faire le point sur elles mêmes, sur leur vie, à se redécouvrir. En quelque sorte, les vrais ennemis s’apprécient, la haine les élève. Face à l’autre, on ne peut que le regarder dans les yeux, l’observer, et reconnaître aussi la partie sombre qui est en nous.
Dans cette obstination à ne pas céder, y a-t-il un élément de folie ?
Bien sûr, c’est une folie provoquée par l’environnement, le paysage non seulement physique
– la rue, la poussière, la chaleur étouffante, la lumière aveuglante –
mais aussi le paysage humain, celui de cette famille éclatée. Saro
Calafiore est un père dominant, c’est lui le vrai adversaire face aux
deux femmes.
C’est aussi une histoire de trois femmes de générations et
milieux sociaux très différents. Un couple homosexuel face au monde
archaïque et fermé de la famille de Samira.
Rosa et Clara forment un couple et j’aime l’écart d’âge qui existe dans
ce couple. Mais je voulais éviter d’afficher une relation homosexuelle
comme une fuite de quelque chose, notamment l’absence de l’homme. Face à
elles, Samira est une femme âgée qui vient d’un village où les
traditions sont très ancrées : elle a souffert, a perdu sa fille mais
elle reste très solide.
On continue à se focaliser sur des questions sociétales d’un autre âge,
alors qu’on devrait se concentrer sur les vrais problèmes qui touchent
notre société contemporaine. La lutte des femmes n’est pas terminée, la
société est encore patriarcale, les homosexuels sont encore marginaux et
la mafia est toujours une plaie…
Il y a quelque chose de personnel dans cette histoire ?
Je parle de ce que je connais. Palerme est ma ville et je pars d’ici
pour raconter mon histoire. Le Sud est une sorte de petite tour
d’observation sur le monde, mais ce film n’est pas un film
« local ». Il parle d’un état de l’être et non d’un lieu géographique.
Vous avez réellement vécu dans la rue Castellana Bandiera pendant des années.C’est vrai, et il s’agit pour moi d’un lieu physique et mental.
A la fin du film, Rosa comprend qu’en réalité elle ne s’était pas
perdue, elle s’est retrouvée. J’ai vécu dans cette rue pendant dix ans,
et ce film a été pour moi peut-‐être aussi une occasion de me
retrouver.
Nous avons tourné dans la vraie rue, mais nous avons rajouté des
éléments de décors et déplacé un mur, pour que la rue puisse
graduellement, mais de façon imperceptible, s’élargir. Toutefois,
bien que l’espace s’ouvre et permette donc de dénouer l’embouteillage,
l’attitude des personnages ne change pas, parce que l’obstacle est
mental. Nous avons tous une tendance à déformer les choses…
Quelle est la métaphore derrière la Via Castellana Bandiera ?
Cette rue, Via Castellana Bandiera, pour moi est celle qu’on voit à la
fin du film, et pas au début… Chacun fait l’expérience de ce
qu’il voit. Nous ne savons probablement plus observer les choses,
nous les voyons de manière biaisée, nous voyons un espace restreint où
il n’y a plus la place pour personne, alors que cet espace est
suffisamment vaste pour tout le monde.
Finalement, cette rue, cet espace, libère ces trois femmes …
C’est une rue qui finit dans le vide.
Le précipice à la fin de la rue est présent, mais on ne ressent pas
encore la chute. C’est un moment très particulier de notre
histoire, l’humanité est au bord du gouffre, mais on n’arrive
même pas à tomber. L’hypothèse de la chute serait plus constructive,
pour mieux se relever. Mais je pense que, comme dans le film, nous
sommes dans une impasse.
Pourquoi avez vous décidé de passer au cinéma ? Pourquoi ne pas raconter la même histoire sur une scène de théâtre ?Cela
a été un passage naturel, car pour cette histoire j’avais besoin de la
poussière, de la rue, de la chair, de la lumière naturelle que le
théâtre ne pouvait pas me donner. En réalité, mon ambition sécrète était
de faire un western, deux ennemis qui s’affrontent : le volant est le
pistolet, le levier de vitesse la gâchette. Et la rue est un monde à
part, ça ne ressemble même pas à Palerme, ça pourrait être le Mexique ou
un lointain pays du sud. Ca ne pouvait se faire qu’au cinéma. Cela a
été une expérience intense mais extraordinaire, qui a aussi impliqué les
habitants du quartier.
J’ai utilisé la même méthode que celle que j’applique dans mes mises en
scène pour le théâtre. J’ai fait des répétitions pendant un mois et
demi avec ma compagnie de théâtre, les acteurs professionnels et les
acteurs non professionnels, comme Renato Malfatti qui joue Saro
Calafiore. J’ai eu la chance de travailler avec des collaborateurs
exceptionnels, c’était essentiel.
UN TOURNAGE AU CŒUR DE PALERME
La ville de Palerme est le personnage principal du film : la mer, le Mont Pellegrino, la petite
église de San Ciro à Maredolce, Capo San Gallo, Villa Igiea, le
cimetière de Santa Maria dei Rotoli au bout de l’impasse Via Castellana
Bandiera. La ville, son implosion, son attrait, est au cœur du travail
d’Emma Dante et c’est la raison pour laquelle, malgré les difficultés
auxquelles elle s’est retrouvée confrontée pour développer son
travail artistique, elle a choisi de ne jamais quitter Palerme.
L’objectif de la production était de créer la plus grande résonance possible sur le territoire et d’avoir la participation la plus large possible de la ville et de ses habitants.
Le repérage a confirmé la possibilité de filmer dans la vraie « Via Castellana Bandiera ». Située sur le versant du mont Pellegrino, c’est la rue où Emma Dante a vécu pendant de nombreuses années, en plus d’être le lieu qui a donné l’idée du film.
Dans un décor entièrement naturel, une partie mobile d’environ 80 mètres de long a été construite d’un côté de la rue pour reproduire les conditions de tournage en studio mais dans une vraie rue au cœur de Palerme.