Marius est un jeune père divorcé. Sa fille de cinq ans vit désormais chez son ex-femme. Cet éloignement est un déchirement. Alors Marius se fait une joie de passer quelques jours à la mer avec la petite quand son tour de garde arrive. Mais ce dimanche-là, rien ne se passe comme prévu.
Avec : Serban Pavlu Marius • Sofia Nicolaescu Sofia • Mihaela Sirbu Otilia • Gabriel Spahiu Aurel • Tamara Buciuceanu-Botez Coca • Stela Popescu La mère de Marius • Alexandru Arsinel Le père de Marius
Réalisation Radu Jude • Scénario Radu Jude, Corina Sabau • Image Andrei Butica • Montage Catalin F. Cristutiu • Son Dana Bunescu, Simone Galavazi • Direction artistique Augustina Stanciu • Costumes Augustina Stanciu • Décors Elsje de Bruijn • Production Ada Solomon • Co-Production Stienette Bosklopper, Gabi Antal
Radu Jude
Né
en Roumanie en 1977, Radu Jude est diplômé en réalisation de
l’Université des Médias à Bucarest et signe plusieurs courts métrages
parmi lesquels Lampa cu căciulă (The Tube with a Hat, 2006) et Alexandra (2006). Son premier long métrage, La Fille la plus heureuse du
monde (Cea mai fericită fată din lume), remporte le prix CICAE à Berlin en 2009.
Il réalise ensuite Papa vient dimanche (Toată lumea din familia noastră) – Prix du public et Prix d’interprétation pour Mihaela Sirbu à Entrevues en 2012, ainsi que deux courts métrages, O umbră de nor (Shadow of a Cloud, 2013) et
Trece și prin perete (It Can Pass through the Wall, 2014), tous deux sélectionnés à la Quinzaine des Réalisateurs à Cannes.
Son film suivant, Aferim! (2015) remporte l’Ours d’argent de la meilleure mise en scène à Berlin.
En 2016, Radu Jude a aussi mis en scène Les Scènes de la vie conjugale d’Ingmar Bergman au Théâtre National à Timișoara.
Filmographie
2006 Lampa cu caciula (cm)
2007 Dimineata (cm)
2007 Alexandra (cm)
2009 La Fille la plus heureuse du monde (mm)
2011 Film pentru prieteni
2012 Papa vient dimanche
2013 Shadow of a Cloud [cm]
2014 It can pass through The Wall [cm]
2015 Aferim !
2016 : Coeurs cicatrisés
2019 : Peu m’importe si l’histoire nous considère comme des barbares
ENTRETIEN AVEC RADU JUDE
D’où vous est venue l’idée du film ? Cette histoire est-elle personnelle ? J’ai réalisé un court métrage, Alexandra, qui traitait du même thème et j’ai senti le besoin d’explorer cette situation plus en profondeur. Cela a peut-être également à voir avec des événements plus personnels… Je m’intéresse beaucoup aux motivations profondes qui poussent une personne à agir, pourquoi restent-elles le plus souvent obscures à ses yeux ? Le roman de William Saroyan, A Day in the Afternoon of the World, a été aussi une source d’inspiration. Sans rien emprunter à son contenu, je voulais retrouver l’humanité qui le traverse. Quoi qu’il en soit, il est clair que l’interaction entre les membres d’une famille aux relations bancales offre un canevas formidable pour comprendre de quoi sont faits les êtres humains. Je reste par ailleurs obsédé par une réplique d’un personnage d’Anton Tchekhov : « L’état naturel de l’homme est d’être ridicule. » Je pense que mon film suit les pas de cette maxime. Et le fait que j’ai lu Tchekhov bien après avoir fini le film ne change rien à cette vérité !
Comment s’est déroulé l’écriture du scénario ? J’ai écrit le scénario avec une romancière, Corina Sabau, car j’avais besoin d’un point de vue féminin. Nous avons tout écrit ensemble – dialogues, histoire, structure – en pensant tout le temps à l’essai d’Eric Rohmer, Pour un cinéma parlant. Ensuite, j’ai fait le choix de concentrer la plus grande partie de l’histoire dans un lieu unique, à savoir l’appartement. C’était au départ un choix économique qui s’est peu à peu imposé comme une évidence dramaturgique.
Avez-vous écrit certains personnages pour des acteurs en particulier ? Ou tout s’est-il décidé au moment du casting ? Depuis le début je voulais travailler avec l’acteur qui incarne Marius, Serban Pavlu (qu’on a pu voir, entre autres, dans Terminus Paradis de Lucian Pintilie et La Mort de Dante Lazarescu de Critsti Piuiu, NdT). C’est un excellent acteur très impliqué dans son travail. Comme son personnage, Serban parle très rapidement dans la vie de tous les jours, et je voulais absolument garder cette impulsion pour le film. Dans un premier temps, sachant que les personnages étaient les mêmes que ceux d’Alexandra, je me suis dit que j’allais faire appel au même casting, comme une suite un an plus tard. Mais le temps qu’a demandé le financement du film a nécessité que je change l’actrice qui interprétait la fillette – elle avait trop grandi. Du coup, j’ai décidé de changer tous les acteurs, à l’exception de Serban, qui restait une évidence pour le rôle de Marius. En ce qui concerne Mihaela Sirbu, qui interprète le personnage d’Otilia, la mère de Sofia, j’avais envie de travailler avec elle depuis que j’ai commencé à faire du cinéma. Je l’avais vue dans des pièces de Neil LaBute, mais c’est seulement pour ce film que nous avons eu la chance de faire cause commune. Outre le fait que ce soit une excellente actrice, elle a apporté quelque chose de très spécial au film : elle a une apparence « éduquée ». Certaines des personnes qui avaient lu le scénario pensaient que les personnages ne pouvaient qu’être des beaufs illettrés – puisque les intellectuels sont gracieux en toutes circonstances. Mais ils se trompent sur toute la ligne. Et j’ai décidé de leur prouver qu’ils avaient tort.
Et pour le rôle de Sofia, comment cela s’est-il passé ? J’ai auditionné à peu près mille fillettes. J’ai cherché dans les jardins d’enfants. Les parents de Sofia (dont c’est aussi le prénom dans la vie, NdT) sont des gens très intelligents et très ouverts. Et ce sont aussi des cinéphiles. Je l’ai vue un certain nombre de fois, et elle m’a convaincu qu’elle était faite pour le rôle. Même si j’avais peur de son âge et de sa fragilité. Pendant le tournage, elle a été aussi professionnelle que des acteurs confirmés. Elle apprenait ses dialogues par cœur, et savait même ceux des autres comédiens. Et pour le plus grand « plaisir » de sa famille, elle a commencé à avoir de sacrées réparties de retour chez elle. Elle nous a également fait part d’idées très astucieuses que nous avons gardées lors du montage final.
Papa vient dimanche mélange exorcisme et satire. Pendant sa vision, on rit beaucoup jusqu’au moment où l’émotion nous étreint. Etait-ce l’un des buts que vous poursuiviez ? Je voulais faire un film dans lequel les personnages parlent en permanence, dans lequel les mots ne servent pas qu’à faire avancer l’histoire, mais existent pour eux-mêmes en tant qu’objets cinématographiques. Je ne crois pas dans ce cliché qui voudrait que les seuls films dignes de ce nom soient ceux qui ignorent les mots. Les mots peuvent trouver une place dans un film et tous les films parlants ne sont pas des pièces de théâtre déguisées. Ophüls, Ozu et toute une pléiade d’autres réalisateurs l’ont prouvé bien avant moi.
Quels sont vos réalisateurs roumains favoris ? J’admire tout particulièrement Mircea Daneliuc (Les Escargots du sénateur). Mais je dois beaucoup aussi à deux autres réalisateurs dont j’ai été l’assistant, Cristui Piuiu et Radu Muntean (Mardi, après Noël). Quant aux metteurs en scène de ma génération, je me sens proche de Corneliu Porumboiu (Policier, Adjectif) et Andrei Ujica (Autobiographie de Nicolas Ceausescu).
Quels sont les réalisateurs et/ou les films étrangers qui vous influencent ? Maurice Pialat et John Cassavetes. J’aime beaucoup le mélange de ridicule et de sérieux dans leurs œuvres et, concernant plus particulièrement Pialat, sa vision un peu cynique de l’humanité – une vision que je partage aussi parfois.
Quels sont vos nouveaux projets ? J’espère pouvoir tourner prochainement un nouveau court métrage sur un prêtre de Bucarest qui doit entendre la dernière confession d’une femme mourante. Je suis en train d’en écrire le scénario avec Florin Lazarescu. Et nous travaillons aussi sur un drame en costumes situé au début du XIXème siècle et inspiré par une loi absurde existant à l’époque. J’adorerais arriver à recréer cette ère dans chaque détail quotidien car c’est une des choses formidables que le cinéma peut faire.