Film soutenu

Paradis

Alexander Abaturov

Distribution : Jour2fête

Date de sortie : 30/08/2023

France - 2022 - 1h28 - Documentaire - 2 :39 :1 (SCOPE) - 5.1

À l’été 2021, une vague de chaleur et une sécheresse exceptionnelle provoquent des incendies géants qui ravagent 19 millions d’hectares dans le nord-est de la Sibérie. Dans cette région, au cœur de la taïga, le village de Shologon se voile d’un épais nuage de fumée. Les cendres noires portées portées par le vent propagent des nouvelles alarmantes : la forêt est en feu et les flammes approchent. Abandonnés par le gouvernement, livrés à eux-mêmes, les habitants doivent s’unir pour combattre le Dragon.

Cinéma du Réel 2023, film d’ouverture

Réalisation Alexander Abaturov • Scénario Alexander Abaturov • Photographie Paul Guilhaume • Montage Luc Forveille, Alexander Abaturov • Son Myriam René, Sorin Apostol, Frédéric Buy • Musique Benoît de Villeneuve, Benjamin Morando, Delphine Malausséna, Les Percussions de Strasbourg • Étalonnage Christophe Bousquet • Production Petit à Petit Production • Producteurs Rebecca Houzel (productrice déléguée), Alexander Abaturov, Luc Peter • Coproduction SIBÉRIADE, Intermezzo Films, ARTE France Cinéma • Avec la participation de Canal +, ARTE France • Avec le soutien de The Creative Europe – Media Programme of the European Union, Image/Mouvement du Centre national des arts plastiques, Brouillon d’un rêve de la Scam, Fonds d’aide à l’innovation audiovisuelle du Centre national du cinéma et de l’image animée (CNC), la Région Sud Provence-Alpes-Côte d’Azur en partenariat avec le CNC, la Région Ile-de- France en partenariat avec le CNC, Procirep – Angoa, SACEM, Visions du réel, Succès Passage Antenne, SRG SSR

Alexander Abaturov

Alexander Abaturov est né en 1984 en Russie. Diplômé de l’Université de Gorki, il devient journaliste après ses études. En 2010, il vient en France et rejoint le Master Réalisation documentaire de Création à l’école documentaire de Lussas. En 2013, il réalise son premier film documentaire, LES AMES DORMANTES sélectionné dans de nombreux festivals et primé au Festival Cinéma du Réel (Prix de L’Institut français). En 2018, il réalise LE FILS, son premier long métrage documentaire, est sélectionné, entre autres, à la Berlinale, au Cinéma du Réel… PARADIS est son second long métrage documentaire.


INVITATION DE L’EQUIPE DU GNCR

Paradis a tout de l’enfer sur Terre. Dans les contrées lointaines de la Sibérie, un village résiste, encerclé par les feux de forêt. Abandonnés par le pouvoir central de Moscou qui se trouve à des milliers de kilomètres du danger, les habitants tentent de ralentir le feu. Des hommes du village, peu équipés, disparaissent dans un manteau de fumée orangée semblable à un décor de Blade Runner 2049. Au fond, le film touche au spectaculaire. On ne cesse de se demander comment font les hommes pour sortir indemnes de leur parcours, notamment lors d’une longue séquence filmée à travers le pare-brise d’un vieux tracteur qui avance au milieu des flammes, sans aucune visibilité. Le geste du réalisateur est puissant par la manière dont il nous fait pénétrer dans les entrailles de la « bête de feu ». Ces séquences spectaculaires, garanties sans effets spéciaux, alternent avec des séquences au village où les habitants guettent la menace à venir. Ils observent la fumée et le sens du vent, s’informent par la radio, les conversations WhatsApp et par les cartes en temps réel. Lorsque le maire du village et son équipe scrutent les cartes forestières, elles se métamorphosent presque en plans de tactiques militaires. Or, ici, l’ennemi est non-humain et insaisissable. La force du film réside dans le changement d’échelle qu’il opère (cartes topographiques, prises de vue aériennes par drone et prises de vue à hauteur d’homme au pied des arbres carbonisés) et qui nous fait prendre conscience de l’étau qui se resserre progressivement autour du village. Les habitants, impuissants, ne peuvent qu’attendre la pluie salvatrice qui arrive à la fin du film comme un soulagement. Le happy end n’est que provisoire et le compte à rebours continue au-delà du film, jusqu’à la catastrophe à venir.

Alice Monin – Chargée de mission – GNCR


ENTRETIEN AVEC ALEXANDER ABATUROV

.

Comment est née l’idée du film ?

L’idée m’est venue au cours de l’été 2016 alors que je travaillais sur mon film LE FILS. Nous filmions le rituel du solstice d’été, avec un grand feu. C’était la dernière séquence du tournage. Il me semble que PARADIS en était la suite naturelle. Quand l’idée a surgi en 2016, je ne m’y suis pas attelé tout de suite, car je devais d’abord terminer LE FILS. Ensuite ont suivi plusieurs années de recherches et de réécritures du projet. J’ai préparé pendant longtemps ce film qui mijotait, mutait, se transformait dans ma tête. Mon idée de départ n’avait rien de très précis, mais je savais que je voulais parler des incendies et des feux de forêt sous leur forme extrême. Ce qui m’intéressait n’était pas tant de filmer des pompiers professionnels que de raconter l’histoire de gens ordinaires luttant contre les feux de forêt. Lors de mon voyage en Yakoutie (ou république de Sakha), j’ai été témoin des efforts des locaux dans la lutte contre les incendies, parce qu’on les avait abandonnés à leur sort et laissés se débrouiller seuls. Cela m’a beaucoup impressionné.

En 2019 et 2020, j’ai fait des repérages en Sibérie ; le tournage en lui-même a eu lieu l’année suivante. J’ai pu me rendre en Sibérie, en Yakoutie, malgré les différents confinements et la pandémie. Et c’est en juillet 2021 que notre équipe est allée filmer sur place. Ça n’a pas été facile, car les restrictions liées au COVID-19 étaient encore en vigueur, mais nous avons réussi à faire le voyage et nous sommes restés à Shologon pendant 4 semaines environ.

Comment avez-vous découvert le village de Shologon où se déroule l’histoire ?

Un feu de forêt est une créature imprévisible. On ignore quand, où et comment il va se propager, car il se déplace sans arrêt, ce qui ajoute une inconnue à l’équation. Cette imprévisibilité nous donnait vraiment l’impression de courir après le Dragon. C’est sans doute cet aspect qui présentait le plus grand défi, car je ne pouvais rien contrôler. Alors nous avons mis en place une stratégie. Après avoir défini un secteur très large touché par la sécheresse et la canicule (les principaux facteurs aggravants des feux de forêt), nous nous sommes concentrés sur un petit village pour y chercher des personnalités intéressantes et y suivre les événements.

Des journalistes locaux nous ont donné des informations sur certains lieux dans la région. C’est l’une des journalistes, Elena, qui m’a parlé de Shologon. Plusieurs villages étaient menacés par les incendies, mais je n’étais pas en quête de la zone la plus exposée au danger. Ce qui m’intéressait, c’était l’endroit lui-même. Sa description de Shologon m’a intrigué : elle m’a raconté que c’était le plus petit village de la région, que la route n’allait pas plus loin. On y trouve aussi bien des personnes âgées que des jeunes qui se teignent les cheveux. L’ambiance y est ancestrale, avec un goût d’éternité, et en même temps il a une dimension très futuriste.

Vous avez parlé du feu comme d’une créature imprévisible. Dans le film, de nombreux habitants du coin le voient comme une entité bien vivante. Certains l’appellent même le Dragon. Le feu rugit, traverse les bois et échappe sans cesse aux humains. Pourriez-vous nous raconter comment cette vision des choses a orienté vos choix artistiques en tant que réalisateur, ainsi que le montage du film ?

Je me souviens avoir été touché par la manière dont les gens du coin parlaient d’un feu de forêt. Le feu dort la nuit, il s’éveille, il s’enfuit, nous allons l’attraper. Il était toujours là et on en parlait constamment : de ça, de « lui », de cet être vivant. À mes yeux, c’est une merveilleuse manière de percevoir le monde qui nous entoure, d’appréhender le feu. Si l’émotion que cela a provoqué chez moi se retrouve dans le film, c’est tant mieux.

Le feu est aussi un personnage du film. Je voulais éviter de me montrer trop explicite dans ma représentation d’un feu de forêt. Je ne souhaitais pas verser dans le sensationnalisme en recourant trop souvent aux images dramatiques d’un incendie géant – bien qu’elles ne soient pas complètement absentes du film. Ce qui m’aiguillonnait, c’était de créer la présence du feu, le sentiment d’une menace grondant derrière la fumée, toujours plus proche. Quand on sait qu’il est là, qu’on le sent, mais qu’on ne perçoit pas encore l’immensité des flammes dans leur totalité.

Le son est aussi une manière d’aborder l’univers du film. Comment vous êtes-vous servi du son pour façonner cette expérience sensorielle fascinante, celle d’être encerclé par un feu omniprésent sur le point de vous rattraper, comme lors d’une catastrophe imminente ?

J’adore travailler avec le son, c’est certainement l’un des aspects que je préfère dans la fabrication d’un film. J’y consacre énormément de temps, et c’était formidable de pouvoir collaborer avec Myriam René sur ce projet. Je dis toujours que l’image est le corps d’un film, tandis que le son est son âme, son esprit. On ne peut ni le voir ni le toucher ; pourtant, il a quelque chose de tangible et on doit pouvoir le sentir. L’une des décisions importantes sur le film a été de ne pas utiliser de musique dans les scènes de danger. Quant au son du feu lui-même, au lieu de l’enregistrer en direct, Myriam l’a sculpté. L’enregistrement sur place n’aurait fait entendre que des craquements et des grondements. Il est difficile de capter le bruit du feu (ou du vent), on reste prisonniers du micro qui nous pose des limites. Alors on a sculpté le son.

Pour la musique et pour le personnage du dragon, nous avons travaillé avec les musiciens des Percussions de Strasbourg, qui jouent de mille et une façons avec toutes sortes d’instruments à percussion. Sans vouloir trop en révéler, je peux vous dire qu’en frottant des instruments d’une certaine manière, on obtient une vibration, un grondement des membranes. Ces effets sonores sont presque aussi imprévisibles que les feux de forêt eux-mêmes.

Avec ces vibrations des membranes des tambours, nous voulions évoquer quelque chose de physique. Je me souviens très bien du moment de l’enregistrement à Strasbourg, quand j’ai entendu ces sons pour la première fois. Rien que d’en parler, j’en ai la chair de poule. J’ai pensé à ce moment-là : « Ça y est, on tient notre Dragon ! » Après l’avoir mis en boîte avec d’autres créations sonores des Percussions de Strasbourg, trois musiciens et compositeurs français, Benoît de Villeneuve, Benjamin Morando et Delphine Malausséna, ont pris le relais. On a appelé le résultat du « futurisme tribal ». C’est là que la magie a commencé.

J’ai décidé de ne pas utiliser de musique traditionnelle yakoute ni de chant de gorge. Notre choix s’est porté sur les tambours et les instruments à percussion. C’est un patrimoine partagé : dans le monde entier, les humains ont toujours joué des percussions. Elles existent partout, dans toutes les cultures. Tout comme le feu, qui a permis à l’humanité d’être ce qu’elle est. L’usage de musique traditionnelle ou « ethnique » me paraissait trop attendu. L’idée n’était pas de poser un regard exotique sur les personnes filmées, mais de montrer ce que nous avons en commun avec elles.

Les habitants semblent avoir un rapport particulier à la nature, fait d’affection et de patience. Ils ne cherchent pas à dompter les feux de forêt en les éteignant à tout prix, mais plutôt à les tenir à distance jusqu’à l’arrivée de la pluie. Ils comprennent, sans doute, l’impossibilité d’en venir complètement à bout avec les ressources et les effectifs dont ils disposent. Pourtant, on a la sensation que leur conception du monde joue aussi un rôle. Pourriez-vous nous donner votre avis sur la question, et nous dire comment vous avez traduit cette impression dans le film ?

En Yakoutie, il ne fait aucun doute que le lien avec la nature n’a pas été rompu. Ils sont païens et animistes. Loin du christianisme, de l’islam ou du bouddhisme, la première forme de religion était l’animisme. C’est une croyance selon laquelle, dans la nature, chaque chose est un être vivant ; l’être humain n’y a rien d’un petit dieu qui contrôle tout, il n’est qu’un élément dans un grand tout. De nos jours, avec le développement des sensibilités écologiques, il y a un certain retour à cette vision des choses (toutes proportions gardées), selon laquelle tout fait partie du vivant, y compris nous, les êtres humains.

Par ailleurs, il faut comprendre que les habitants n’ont pas forcément choisi ce rôle de protecteurs de la forêt. Ils ont fait de leur mieux pour l’endosser, parce qu’il n’existait aucun système fonctionnel permettant d’enrayer la propagation des incendies et de les étouffer quand il était encore temps. La population a dû se mobiliser seule pour défendre sa terre natale parce que l’État l’a abandonnée. À la crise écologique s’ajoute une gestion gouvernementale calamiteuse, qui reflète bien l’approche coloniale que Moscou a toujours eue envers certaines régions comme la Sibérie.

Il faut aussi songer qu’avec la crise climatique galopante, les règles du jeu ont changé. Les approches et méthodes ancestrales ne sont plus forcément adaptées pour affronter la catastrophe. Les feux de forêt peuvent-ils jouer un rôle régénérateur pour les écosystèmes ? D’une certaine manière, ils ont toujours fait partie du cycle de la vie ; mais aujourd’hui, sous la pression des activités humaines, ils se sont mués en force destructrice. Désormais, il y a tout simplement trop d’incendies, et les étés sont bien trop longs pour une région comme la Sibérie. Chaque année, c’est la sécheresse et si ce n’est pas la sécheresse, les inondations qui sont l’autre face d’une même situation. Alors, oui, les feux de forêt font partie d’un cycle naturel, mais l’équilibre a été brisé, et pour beaucoup d’habitants, c’est toute leur existence qui est en jeu. Je ne suis pas spécialiste en sciences de l’environnement, mais j’imagine que la planète et la nature trouveront toujours un moyen de s’adapter au changement. Pour les êtres humains, c’est une autre histoire. Dans notre cas, sauver la planète signifie aussi tenter de protéger notre civilisation.

Le tournage a dû vous placer dans des situations périlleuses lorsque vous accompagniez les volontaires qui luttaient contre les feux.

Oui, et je sentais le poids de cette responsabilité. Avec moi se trouvaient Paul Guilhaume, notre directeur de la photo, avec notre assistant caméra et notre ingénieur du son : en tout, quatre personnes pour filmer pendant l’été. Évidemment, ce n’était pas sans risques. On a tourné en deux fois pendant l’été, puis on est revenus au cours de l’hiver pour faire des prises de vues supplémentaires. Je me souviens de ma joie en retrouvant Vassia, l’un des protagonistes du film. Nous avons discuté du tournage de l’été précédent en buvant du thé. À un moment donné, en échangeant un regard, nous avons pris conscience du danger de certaines situations à l’époque. C’était seulement avec le recul qu’on prenait pleinement la mesure de ce qu’on avait traversé.

Pour beaucoup de non-Russes, l’existence de « zones de contrôle » est difficile à concevoir. On apprend que ces zones sont des territoires éloignés ou peu habités, où les autorités ne sont pas obligées d’intervenir en cas de feux de forêt, si le coût pour les éteindre dépasse celui des dommages estimés. En Yakoutie, dans le nord-est de la Sibérie, ces « zones de contrôle » représentent plus de 80 % du territoire.

Moscou voit certaines régions, et en particulier de la Yakoutie et de la Sibérie, comme des gisements à exploiter. Depuis très longtemps, le gouvernement accapare les ressources, point final. Après l’ouverture au capitalisme, la situation s’est encore dégradée, puisque c’était désormais une question d’argent, de budget, de coût des opérations.

C’est la novlangue [imaginée par George Orwell dans son roman 1984] portée à son paroxysme : l’État fédéral russe invente des termes qui sont exactement l’inverse de ce qu’ils désignent dans la réalité. On ne contrôle rien du tout dans une « zone de contrôle » : c’est une zone hors de contrôle. Une telle hypocrisie revient à se moquer de nous. Il y a de quoi enrager.

Au début du film, la détresse de la population locale est présentée par le biais d’informations sur les « zones de contrôle » en Russie. Le documentaire y revient dans sa conclusion, comme s’il s’agissait d’une toile de fond, de la racine du problème, sans jamais devenir l’histoire principale.

C’était précisément mon objectif. J’explique ce que sont les « zones de contrôle » russes pour faire comprendre la situation des habitants de Shologon face à la désertion d’un gouvernement qui les laisse gérer seuls des incendies dévastateurs. Mais l’histoire que je veux raconter, c’est celle de l’humanité incroyable des gens qui s’unissent devant une épreuve commune, celle des personnes qui protègent leur foyer pour ainsi dire à mains nues. *

* À la fin du film, on apprend que les incendies ont consumé 19 millions d’hectares en Russie pendant l’été 2021, et que 90 % des incendies venaient des « zones de contrôle ». Pour la première fois, on a vu des cendres voler jusqu’au pôle Nord.

Une telle inaction gouvernementale en Russie se traduit-elle par un traitement médiatique biaisé des incendies ? L’ampleur et la rigueur du travail journalistique en sont-elles affectées ?

C’est particulièrement vrai ces dernières années, mais ça fait déjà une vingtaine d’années que ça dure, depuis que Poutine, qui est à la tête d’un véritable groupe criminel organisé, et ses complices, ont pris le contrôle des médias pour en faire un instrument de propagande. Quand les incendies se sont déclarés au mois de mai et se sont poursuivis en juin et jusqu’à la mi-juillet, les pouvoirs publics n’ont pas spécialement réagi. La colère des gens a fini par atteindre un pic. Les autorités régionales, qui sont censées représenter les citoyens, ont alors commencé à faire semblant d’agir contre les incendies (à grands coups d’uniformes militaires et de discours patriotiques sur la lutte contre les flammes).Cela, seulement parce que Moscou leur a ordonné de calmer le jeu face à la colère populaire, afin de pouvoir continuer comme si de rien n’était. Et encore, il a fallu un mois et demi d’incendies pour obtenir une réaction de leur part.

Pour moi qui suis originaire de Novossibirsk en Sibérie, j’ai remarqué qu’en général, l’opposition est beaucoup plus forte dans cette partie du pays, en raison des différences de mentalités, de cultures. C’est aussi sans doute l’éloignement de Moscou qui permet aux gens d’être en phase avec leur terre. Par ailleurs, on utilise des méthodes modernes pour obtenir et échanger des informations, et ça concerne tout le monde, pas seulement les jeunes. Dans le village de Shologon, tous les habitants sont membres d’un groupe Whatsapp et chacun est libre de s’y exprimer. Quand je suis arrivé dans cette région reculée en Yakoutie avec le projet d’y tourner un film sur leur situation, notre équipe a été reçue à bras ouverts. Les gens voulaient que quelqu’un s’empare de ces questions, parce qu’ils se sentaient livrés à eux-mêmes.

Pour finir, pourquoi ce titre « Paradis » ?

Selon moi, l’endroit où nous vivons est notre paradis. La vie en Sibérie est peut-être plus rude qu’ailleurs, mais c’est notre paradis et nous n’en avons pas d’autre. Il n’y a pas de solution de secours. C’est tout ce que nous avons. Le paradis, ce n’est pas un lieu imaginaire auquel on aspire. Non, c’est là où on est. C’est l’ici et le maintenant. Mais le paradis est aussi fragile et peut se transformer en enfer.