Un jeune couple annonce son mariage lors d’un dîner entre amis.
Les réactions de chacun vont révéler des failles sentimentales jusque-là inexprimées au sein du groupe.
Avec : Ryuta OKAMOTO Tomoya • Aoba KAWAI Kaho • Nao OKABE Kenichiro • Kiyohiko SHIBUKAWA Takeshi • Fusako URABE Takako
Réalisateur Ryûsuke Hamaguchi • Scénario Ryûsuke Hamaguchi • Société de production Tokyo University of the Arts • Producteurs délégués Satoshi Fujii • Directeur photo Yûichi Yuzawa • Montage Ryôko Yamamoto
Ryûsuke Hamaguchi
Le réalisateur Ryûsuke Hamaguchi est né en 1978. Après avoir obtenu son diplôme d’Art en mars 2003 à l’Université de Tokyo, il travaille en tant qu’assistant réalisateur pour le cinéma et la télévision pendant trois ans. Il étudie ensuite à la Graduate School of Film and New Media à la Tokyo University of Arts et obtient son master de cinéma en mars 2008. PASSION, son projet de fin d’études, est très bien reçu par ses professeurs, notamment par le réalisateur Kiyoshi Kurosawa, et est même acclamé au Festival International de San Sebastian, ainsi qu’au Tokyo FILMeX en 2008. Depuis, il ne cesse de réaliser des films. Cela inclut tout d’abord THE DEPTHS (2010), puis trois documentaires co-réalisés avec Ko Sakai, SOUND OF THE WAVES, VOICES FROM THE WAVES et STORYTELLERS, dont les deux premiers donnent la parole à des victimes du grand tremblement de terre au Japon. Puis il signe un film de quatre heures INTIMACIES (2012) et TOUCHING THE SKIN OF EERINESS (2013) avec Shota Sometani. SENSES (2015), son premier film de fiction en 3 ans, lui permet de s’affirmer sur la scène internationale grâce à sa sélection à Locarno, où un prix d’interprétation sera décerné pour l’ensemble de ses actrices. Trois ans plus tard, il est présent au Festival de Cannes en Sélection Officielle avec ASAKO I&II (2018).
CONVERSATION AVEC RYÛSUKE HAMAGUCHI
EXTRAITS D’UN ENTRETIEN AVEC OLIVIER PÈRE, DIRECTEUR DE L’UNITÉ CINÉMA D’ARTE
PASSION est votre premier film. Qu’est-ce qui vous a amené vers le cinéma et comment avez-vous choisi cette vocation ?
Je ne saurais pas dire quand j’ai fait mes débuts en tant que
réalisateur… J’ai pendant longtemps réalisé des films auto-produits,
cela est venu naturellement. Cependant, je n’étais pas un grand
cinéphile, ma cinéphilie s’est développée à l’université lorsque j’ai
intégré le club de cinéma où j’ai rencontré le grand critique, Shigehiko
Hasumi, qui m’a beaucoup influencé. J’ai subi, au début, une pression
silencieuse de mes camarades, car j’avais l’impression d’avoir beaucoup
de retard. Alors je me suis empressé de le rattraper
dans les cinémas de Tokyo où j’ai découvert des centaines de films,
européens notamment, mais aussi américains. Une rétrospective de John
Cassavetes en 2000 m’ad’ailleurs beaucoup marquée et je me souviens
qu’Husbands (1970) a accéléré mon processus de création.
L’industrie du cinéma japonais est très différente de
l’industrie française. À côté des films à gros budgets, beaucoup de
jeunes réalisateurs font des films avec très peu de moyens et arrivent à
les diffuser dans les salles au Japon et dans les festivals. Comment
cette économie parallèle vous a-t-elle permis de continuer à créer ?
Je me demande encore comment j’ai réussi à continuer à faire des films
aussi longtemps et avec si peu de moyens. Je crois que, rapidement, j’ai
eu pas mal de films à mon actif ce qui a attiré l’attention. J’ai
notamment eu la chance de pouvoir présenter mon travail lors d’une
rétrospective en 2012. Il y a effectivement deux courants au Japon : les
grosses productions et les films indépendants, courants d’autant plus
marqués par l’impulsion du numérique dans les années 2000, sans quoi
PASSION n’aurait pas existé. A ce momentlà,on a réalisé qu’il n’y avait
plus de films de moyenne envergure. Résultat, la tradition qui voulait
qu’un réalisateur qui commençait avec un film indépendant et
auto-produit pouvait ensuite accéder à la réalisation de films du «
milieu » a presque disparu.
PASSION, fait preuve déjà de maitrise et d’ambition. En
France ou en Europe, il y a une tradition un peu autobiographique de
raconter son expérience, ses souvenirs, souvent à travers un rapport à
l’enfance, à la jeunesse. Avec vous, on a l’impression que vous avez
cherché à appliquer, des théories et réflexions à un groupe humain, pour
y éclore une analyse qui relève de l’intime … On y devine aussi
l’esquisse de ce que sera SENSES.
Il y a forcément des éléments issus de mes souvenirs dans PASSION,
cependant j’ai essayé de m’en détacher. À l’époque, j’avais 29 ans et je
n’avais pas beaucoup d’expériences sentimentales ni en techniques de
cinéma. J’ai donc basé ma réflexion à partir de ce que j’observais,
j’étais notamment passionné de séries. PASSION est donc né de
l’interprétation d’un sentiment. Il m’est d’ailleurs arrivé qu’un
journaliste français rapproche mon film à l’écriture d’une série,
j’avais répondu alors que je n’en regardais pas, j’avais un peu honte
(rire). Pourtant c’était la vérité, je regardais beaucoup de séries qui
traitaient d’histoires d’amour de jeunes hommes et femmes. J’étais
également passionné par des cinéastes tels qu’Éric Rohmer ou Jean
Grémillon, capables de mettre en scène le quotidien et sa fantaisie.
Quelle influence a eu Kiyoshi Kurosawa sur votre travail, lui qui a été votre professeur à l’université ?
Quand je suis entré à l’université, je n’étais pas particulièrement fan
de son cinéma. En suivant ses cours et séminaires pendant près de deux
ans, j’ai pourtant fini par développer un attrait particulier vis-à-vis
de cette forme d’hyper-réalisme très stylisé, où le réalisme prend
justement des allures de fable… L’influence de son oeuvre sur mon
travail a donc été forte. On se retrouvait d’ailleurs avec quelques
camarades autour d’un café dans des moments où il se livrait tout
particulièrement. J’ai appris notamment à accepter que la caméra ne soit
qu’un appareil qui enregistre la réalité et donc influencé par
celle-ci. En regardant les films de Kiyoshi, j’ai appris également que
la mise en scène doit pousser le spectateur à se poser des questions et
que la fiction doit le faire douter pour approfondir sa relation avec
l’œuvre du réalisateur.
Fait à Paris le 22 février 2019