Passion de Ryusuke Hamaguchi
Film soutenu

Passion

Ryûsuke Hamaguchi

Distribution : Art House

Date de sortie : 15/05/2019

Japon - 1h55 - 2008

Un jeune couple annonce son mariage lors d’un dîner entre amis.
Les réactions de chacun vont révéler des failles sentimentales jusque-là inexprimées au sein du groupe.

Avec : Ryuta OKAMOTO Tomoya • Aoba KAWAI Kaho • Nao OKABE Kenichiro • Kiyohiko SHIBUKAWA Takeshi • Fusako URABE Takako

Réalisateur Ryûsuke Hamaguchi • Scénario Ryûsuke Hamaguchi • Société de production Tokyo University of the Arts • Producteurs délégués Satoshi Fujii • Directeur photo Yûichi Yuzawa • Montage Ryôko Yamamoto

Ryûsuke Hamaguchi

Le réalisateur Ryûsuke Hamaguchi est né en 1978. Après avoir obtenu son diplôme d’Art en mars 2003 à l’Université de Tokyo, il travaille en tant qu’assistant réalisateur pour le cinéma et la télévision pendant trois ans. Il étudie ensuite à la Graduate School of Film and New Media à la Tokyo University of Arts et obtient son master de cinéma en mars 2008. PASSION, son projet de fin d’études, est très bien reçu par ses professeurs, notamment par le réalisateur Kiyoshi Kurosawa, et est même acclamé au Festival International de San Sebastian, ainsi qu’au Tokyo FILMeX en 2008. Depuis, il ne cesse de réaliser des films. Cela inclut tout d’abord THE DEPTHS (2010), puis trois documentaires co-réalisés avec Ko Sakai, SOUND OF THE WAVES, VOICES FROM THE WAVES et STORYTELLERS, dont les deux premiers donnent la parole à des victimes du grand tremblement de terre au Japon. Puis il signe un film de quatre heures INTIMACIES (2012) et TOUCHING THE SKIN OF EERINESS (2013) avec Shota Sometani. SENSES (2015), son premier film de fiction en 3 ans, lui permet de s’affirmer sur la scène internationale grâce à sa sélection à Locarno, où un prix d’interprétation sera décerné pour l’ensemble de ses actrices. Trois ans plus tard, il est présent au Festival de Cannes en Sélection Officielle avec ASAKO I&II (2018).

CONVERSATION AVEC RYÛSUKE HAMAGUCHI

EXTRAITS D’UN ENTRETIEN AVEC OLIVIER PÈRE, DIRECTEUR DE L’UNITÉ CINÉMA D’ARTE

PASSION est votre premier film. Qu’est-ce qui vous a amené vers le cinéma et comment avez-vous choisi cette vocation ?
Je ne saurais pas dire quand j’ai fait mes débuts en tant que réalisateur… J’ai pendant longtemps réalisé des films auto-produits, cela est venu naturellement. Cependant, je n’étais pas un grand cinéphile, ma cinéphilie s’est développée à l’université lorsque j’ai intégré le club de cinéma où j’ai rencontré le grand critique, Shigehiko Hasumi, qui m’a beaucoup influencé. J’ai subi, au début, une pression silencieuse de mes camarades, car j’avais l’impression d’avoir beaucoup de retard. Alors je me suis empressé de le rattraper
dans les cinémas de Tokyo où j’ai découvert des centaines de films, européens notamment, mais aussi américains. Une rétrospective de John Cassavetes en 2000 m’ad’ailleurs beaucoup marquée et je me souviens qu’Husbands (1970) a accéléré mon processus de création.

L’industrie du cinéma japonais est très différente de l’industrie française. À côté des films à gros budgets, beaucoup de jeunes réalisateurs font des films avec très peu de moyens et arrivent à les diffuser dans les salles au Japon et dans les festivals. Comment cette économie parallèle vous a-t-elle permis de continuer à créer ?
Je me demande encore comment j’ai réussi à continuer à faire des films aussi longtemps et avec si peu de moyens. Je crois que, rapidement, j’ai eu pas mal de films à mon actif ce qui a attiré l’attention. J’ai notamment eu la chance de pouvoir présenter mon travail lors d’une rétrospective en 2012. Il y a effectivement deux courants au Japon : les grosses productions et les films indépendants, courants d’autant plus marqués par l’impulsion du numérique dans les années 2000, sans quoi PASSION n’aurait pas existé. A ce momentlà,on a réalisé qu’il n’y avait plus de films de moyenne envergure. Résultat, la tradition qui voulait qu’un réalisateur qui commençait avec un film indépendant et auto-produit pouvait ensuite accéder à la réalisation de films du « milieu » a presque disparu.

PASSION, fait preuve déjà de maitrise et d’ambition. En France ou en Europe, il y a une tradition un peu autobiographique de raconter son expérience, ses souvenirs, souvent à travers un rapport à l’enfance, à la jeunesse. Avec vous, on a l’impression que vous avez cherché à appliquer, des théories et réflexions à un groupe humain, pour y éclore une analyse qui relève de l’intime … On y devine aussi l’esquisse de ce que sera SENSES.
Il y a forcément des éléments issus de mes souvenirs dans PASSION, cependant j’ai essayé de m’en détacher. À l’époque, j’avais 29 ans et je n’avais pas beaucoup d’expériences sentimentales ni en techniques de cinéma. J’ai donc basé ma réflexion à partir de ce que j’observais, j’étais notamment passionné de séries. PASSION est donc né de l’interprétation d’un sentiment. Il m’est d’ailleurs arrivé qu’un journaliste français rapproche mon film à l’écriture d’une série, j’avais répondu alors que je n’en regardais pas, j’avais un peu honte (rire). Pourtant c’était la vérité, je regardais beaucoup de séries qui traitaient d’histoires d’amour de jeunes hommes et femmes. J’étais également passionné par des cinéastes tels qu’Éric Rohmer ou Jean Grémillon, capables de mettre en scène le quotidien et sa fantaisie.

Quelle influence a eu Kiyoshi Kurosawa sur votre travail, lui qui a été votre professeur à l’université ?
Quand je suis entré à l’université, je n’étais pas particulièrement fan de son cinéma. En suivant ses cours et séminaires pendant près de deux ans, j’ai pourtant fini par développer un attrait particulier vis-à-vis de cette forme d’hyper-réalisme très stylisé, où le réalisme prend justement des allures de fable… L’influence de son oeuvre sur mon travail a donc été forte. On se retrouvait d’ailleurs avec quelques camarades autour d’un café dans des moments où il se livrait tout particulièrement. J’ai appris notamment à accepter que la caméra ne soit qu’un appareil qui enregistre la réalité et donc influencé par celle-ci. En regardant les films de Kiyoshi, j’ai appris également que la mise en scène doit pousser le spectateur à se poser des questions et que la fiction doit le faire douter pour approfondir sa relation avec l’œuvre du réalisateur.
Fait à Paris le 22 février 2019