Le destin d’une famille s’écoule au rythme de la nature, du cycle des saisons et de la vie d’un fleuve.
Semaine de la critique – Cannes 2019 – Film de clôture
Avec : Qian Youfa Youfu • Wang Fengjuan Fengjuan • Sun Zhangjian Youjin • Sun Zhangwei Youhong • Zhang Renliang Youlu • Zhang Guoying A-Ying • Du Hongjun Mum • Peng Luqi Gu Xi • Zhuang Yi .Jiang Yi • Sun Zikang Kangkang • Dong Zhenyang Yangyang • Zhang Lulu Lulu • Mu Wei Wang Wei
Fiche technique • Réalisateur Gu Xiaogang • Scénariste Gu Xiaogang • Montage Liu Xinzhu • Image Yu Ninghui, Deng Xu • Décors Zhou Xingyu • Musique Dou Wei • Costumes Wang Lina • Son Li Danfeng, Ma Cong • Consultant artistique Mei Feng • Chef de production Li Jia • Chefs de production associés Bai Yali, Zhou Jiansen • Producteurs délégués Huang Xufeng, Zhang Qun • Producteurs Song Jiafei, Suey Chen, Ning Xiaoxiao, Liang Ying • Producteurs associés Yang Xiaopeng, Yu Yongyang, Zhang Qiang, Wang Lei
Gu Xiaogang
Gu Xiaogang est né à Fuyang petite ville rattachée à la municipalité de Hangzhou. Lors de ses études universitaires en Design de Mode et Marketing, il s’intéresse à la réalisation de films documentaires. Son premier long métrage, « Séjour dans les Monts Fuchun », a été tourné au cours de quatre saisons pendant deux ans. Il est sélectionné comme film de clôture de La Semaine de la Critique, au Festival de Cannes 2019. Ce film est le premier d’une trilogie.
NOTE D’INTENTION DU RÉALISATEUR
Durant l’été 2016, je suis retourné dans ma ville natale faire
des recherches pour nourrir mon écriture. Dans mon souvenir, Fuyang
était une petite ville tranquille et peu inspirante. Mais plus j’y
séjournais, plus j’étais surpris par les transformations constantes qui
s’y produisaient. Cet endroit humble est submergé par des
bouleversements sociaux et économiques. En effet, la ville vient d’être
intégrée à la municipalité de la ville de Hangzhou où s’est tenu le
sommet du G20 en 2016. J’ai compris que j’avais de la chance d’assister à
cette transformation immense et émouvante de la ville. Portée par ces
courants, ces vagues de changement, chaque personne, chaque famille est
profondément reliée avec son environnement qui affecte inévitablement le
monde intérieur de chacun. C’est leur quotidien que le film révèle peu à
peu, comme on déroulerait une peinture contemporaine, que
j’intitulerais « Séjour dans les Monts Fuchun ».
Gu Xiaogang
ENTRETIEN AVEC GU XIAOGANG
Ceci est votre premier long-métrage. Pouvez-vous nous le présenter en quelques mots ?
En un instant, chaque rivière, chaque montagne, chaque homme, chaque femme est doté de dignité et de grâce.
Quelle est l’idée de départ ? Le film a-t-il directement à voir avec le célèbre tableau « Séjour dans les Monts Fuchun » ?
Mes parents possédaient un restaurant à l’endroit où fut peint le
tableau. Mais la rénovation et la démolition de la ville ont contraint
mes parents à finir leur carrière comme simples gérants de ce
restaurant. Au départ, je voulais écrire une histoire qui commémorerait
leur vie et ce restaurant. Je suis donc revenu dans ma ville natale afin
d’y faire des recherches. Lorsque je me suis remis à vivre dans cette
ville, j’ai constaté l’ampleur des mutations, ce
qui a développé mon inspiration et m’a conduit à écrire une toute autre
histoire. La Chine et l’Occident ont leur propre esthétique artistique.
Rien n’est mieux ou moins bien, il y a simplement des différences. La
peinture occidentale cherche à exprimer l’espace, tandis que la peinture
de paysage traditionnelle chinoise tente de capter le passage du temps
afin de garder la trace de quelque chose d’universel : l’éternité du
temps et l’infinité de l’espace. Pour ce faire, il sacrifie parfois
volontairement d’autres éléments, tels qu’une représentation réaliste
des ombres et des lumières. Huang Gongwang, le peintre de « Séjour dans les Monts Fuchun »,
ajustait constamment le point central de son tableau et construisait
divers angles afin de créer une expérience visuelle complète et unifiée.
Parfois ses points de vue se situent dans le ciel, parfois sur la
terre, parfois dans la forêt. Il est totalement affranchi des chaînes de
la peinture bi-dimensionnelle. Les anciens déroulaient ces tableaux,
lentement, dans un mouvement allant de droite à gauche. Le déroulement
permet d’observer, au fur et à mesure, davantage d’images et de scènes.
C’est un peu comme un film.
Où êtes-vous né ?
Là où se déroule le film : à Fuyang, ma ville natale. Bien qu’elle ne
soit qu’une petite ville du sud-est de la Chine, elle possède une grande
richesse historique et culturelle. Le célèbre écrivain et poète Yu Dafu
est originaire de cette région. Comme Huang Gongwang, il a créé une
littérature inspirée des paysages de cette province. Aujourd’hui, Fuyang
est devenu un district de Hangzhou, la capitale de la province du
Zhejiang. La ville accueillera également les Jeux asiatiques de 2022.
Comment s’est déroulée l’écriture ?
L’écriture est très similaire à la réalisation d’un documentaire. Je
suis comme une caméra humaine qui collecte des informations. L’écriture
est comme le montage, sauf qu’en l’absence de matériel, je peux créer le
mien. Par le biais du cinéma, j’essaye de mettre la tradition au
présent, sous une forme empirique, au lieu d’en faire un symbole, ou
quelque chose de rétrograde. C’est naturel, amusant, revigorant et
stimulant pour l’esprit. Mon professeur de calligraphie disait : « Ici,
nous apprécions les choses occidentales, modernes, sauvages et en pleine
croissance, mais nous pouvons également laisser nos esprits reposer
dans une ère idéale. »
Comment avez-vous produit le film ? Est-il difficile de nos jours de produire un film indépendant en Chine ?
Notre film fut tourné en deux ans. Au début nous avons eu beaucoup de
difficulté à trouver une société de production, car beaucoup craignaient
la longueur du tournage, étalé sur quatre saisons,
en particulier avec un réalisateur dont c’était le premier film.
Moi, je savais que la ville était en pleine mutation. Je ne pouvais pas
attendre. Alors, aussitôt le scénario terminé, j’ai commencé à tourner
avec très peu d’argent, qui venait principalement de mes amis ou de
prêts. La première année, nous avons remporté des prix en argent
comptant dans le cadre de l’aide à projets de certains festivals. La
deuxième année, j’ai rencontré Factory Gate Films qui m’aaidé à
rembourser ma dette et qui est devenue notre société de production. Nous
avons terminé le tournage un an plus tard, avec Qu Jing Pictures et ma
société Chu Xiao Films.
Comment avez-vous choisi vos interprètes, sur quels critères ?
J’ai choisi principalement des personnes originaires de la région. Ce
sont ma famille et mes amis, ainsi que des locaux repérés dans la rue.
Je suis persuadé que chaque kilomètre de paysage, chaque personnage, une
fois représenté à l’écran, y gagne de la dignité, au fil du temps.
Avez-vous imaginé des scènes précises ?
Lorsque j’écrivais le scénario je m’inspirais de la vraie nature de ces
personnages. Puis l’histoire s’est étoffée. Durant le tournage, le
scénario a évolué, en fonction de l’évolution des situations, et du jeu
de chacun.
Le tournage a donc eu lieu sur une longue période ?
L’histoire se déroule sur une année, il fallait donc tourner sur un an,
afin que les personnages et les paysages évoluent selon les saisons.
Mais, à cause des problèmes financiers et à cause du rythme éreintant
pour les acteurs, j’ai finalement décidé d’étaler le tournage sur deux
ans.
Avez-vous rencontré des difficultés particulières ?
La plus grande difficulté restait le financement. En dehors de cela,
comme c’était mon premier film, j’étais très idéaliste au départ. Mais
face aux difficultés, il faut se confronter à la réalité. La passion
risque constamment de s’user. Nous avons emprunté de l’argent à des amis
pour terminer le tournage de l’été. Avant de rembourser la dette, nous
avons commencé à nous préoccuper du tournage de l’automne. J’ai fait de
mon mieux pour survivre au tournage d’automne, mais à peine terminé, le
tournage d’hiver et de printemps débutaient. J’étais désespéré. La
première année fut une véritable bataille avec le film.
Quand nous ne tournions pas, nous nous préparions pour la prochaine
étape tout en restant en relation avec les acteurs, tout en priant
chaque jour que tout le monde soit en sécurité et heureux. Nos acteurs
avaient tous un travail. Par exemple, quand un pêcheur tournait, il
prenait le temps de livrer du poisson à ses clients. Si nous avions
besoin de lui, nous devions attendre qu’il revienne sur le lieu de
tournage. Et comme le cycle de tournage était très long, certains
acteurs étaient psychologiquement épuisés. Nous avons fait beaucoup
d’efforts pour maintenir leur enthousiasme tout au long du tournage.
Heureusement, avec l’aide de ma famille, le soutien de l’équipe de
production et de l’équipe, tout s’est très bien fini.
Ce film est le début d’une trilogie ?
Oui, ce film en est le premier volume. Dans l’introduction de ce
premier film, j’ai mis un indice qui concerne « La rivière du Printemps
rejoint la mer de la Chine de l’Est à Qiantang ». Pour les films
suivants, d’abord, il y aura un changement de décor, car nous irons le
long du fleuve Yangtsé, faisant ainsi apparaître une nouvelle ville dans
ce grand tableau qu’on déroule. Les films suivants raconteront de
nouvelles histoires. Certains des personnages du premier film pourraient
être développés dans la nouvelle histoire du second. Cela ressemble
beaucoup à la célèbre peinture chinoise : « Le long de la rivière
pendant le festival de Qingming ». Cette peinture de cinq mètres de long
montre l’aspect urbain de l’ancienne capitale chinoise et les
conditions de vie des habitants de toutes les classes à cette époque. On
y voit toutes sortes de gens, de plantes, d’animaux et de
constructions. Il y a tellement de détails sur cette toile que vous
pouvez passer des jours devant sans en faire le tour.