Film soutenu

Showing Up

Kelly Reichardt

Distribution : Diaphana

Date de sortie : 03/05/2023

A quelques semaines du vernissage de son exposition, le quotidien d’une artiste et son rapport aux autres. Le chaos de sa vie va devenir sa source d’inspiration…

En Compétition – Sélection Officielle – Festival de Cannes 2022

Avec Michelle Williams, Judd Hirsch, Amanda Plummer, John Magaro

Kelly Reichardt

Cinéaste indépendante, plutôt à contre-courant, Kelly Reichardt est la fille d’un officier de police et d’une mère employée de l’Agence fédérale de lutte anti-drogue. Elle s’est tout d’abord passionnée pour la photographie, découvrant celle-ci à travers l’objectif que son père utilisait pour photographier les scènes de crime. En 1988, elle s’installe à New York. Ses débuts au cinéma datent de 1989 : elle est directrice artistique pour le film L’Incroyable Vérité (The Unbelievable Truth) de Hal Hartley. Puis elle collabore, en 1991, à la réalisation du film de Todd Haynes : Poison. Elle tourne en 1995 son premier long métrage, River of Grass, et obtient trois nominations aux Independent Spirit Awards ainsi que le Prix du grand jury au festival de Sundance. C’est avec Old Joy (2006), son deuxième film, que Kelly Reichardt acquiert en Europe un début de reconnaissance. Wendy et Lucy (2008), sélectionné dans la sélection Un certain regard au Festival de Cannes 2008, et le western très atypique La Dernière Piste (Meek’s Cutoff, 2010) confirment la prédilection de Kelly Reichardt pour un cinéma pastoral minimaliste.
Une rétrospective de l’œuvre de la cinéaste a eu lieu au Museum of Modern Art de New York à l’automne 2017.
Ses films ont été projetés à la Biennale du Whitney (2012), au Film Forum, au Festival de Cannes, dans la catégorie “Un Certain Regard,” à la Mostra de Venise, au Festival de Sundance, au Festival Viennale, au Festival de Berlin, au Festival de Toronto, au Festival de Rotterdam, au BFI London Film Festival. Plusieurs rétrospectives lui ont été consacrées : Anthology Film Archives, Pacific Film Archive, Museum of the Moving Image, Walker Art Center, American Cinematheque de Los Angeles, European Touring Retrospective (The American Landscape: The Films of Kelly Reichardt). Elle enseigne comme artiste en résidence au Bard College. L’ouvrage ReFocus: The Films of Kelly Reichardt lui a été consacré.

Filmographie

Courts et moyens métrages
1999 : Ode (moyen métrage) et scénariste
2001 : Then a Year (moyen métrage)
2004 : Travis (moyen métrage)

Longs métrages
1994 : River of Grass,
2006 : Old Joy,
2008 : Wendy et Lucy (Wendy and Lucy)
2010 : La Dernière Piste (Meek’s Cutoff)
2014 : Night Moves
2016 : Certaines femmes (Certain Women)
2019 : First Cow
2022 : Showing Up


AUX ORIGINES DU PROJET

La plupart des films de Kelly Reichardt se passent dans l’Oregon. Showing Up se déroule donc à Portland, une ville célèbre pour son style de vie bohême, sa contreculture, sa « bizarrerie » revendiquée et son “American Dream“ chimérique bien à elle.
Mais l’histoire n’a pas réellement commencé à Portland. Kelly Reichardt et Jonathan Raymond ont d’abord entamé un film sur l’artiste canadienne du vingtième siècle Emily Carr ; ils s’intéressaient en particulier aux années durant lesquelles l’artiste avait été tellement accaparée par ses chambres d’hôtes qu’elle avait totalement arrêté la peinture. La réalisatrice et son co-scénariste adoraient l’idée de consacrer un biopic à une artiste qui fait tout sauf de l’art. Mais lors d’un voyage en Colombie-Britannique, ils se sont rendu compte que le nom et les statues à l’effigie d’Emily Carr étaient omniprésents dans la province. « Nous avons été découragés en voyant que Carr était devenue une véritable icône. Nous n’avions aucune envie d’écrire sur une artiste extrêmement connue » explique Reichardt.

Les choses ont alors pris une tournure inattendue. « Pendant ce séjour, nos deux familles ont traversé une crise » explique la réalisatrice. « Nous avions du mal à nous concentrer sur le moment, ce voyage avait tout l’air d’une perte de temps, mais avec le recul, ce qui s’est produit a en fait nourri le scénario de Showing Up. »
Cette accumulation de distractions est soudain devenue le cœur même de ce qu’ils voulaient raconter. « Nous nous sommes concentrés sur notre propre univers, sur les artistes dans notre vie, passée et présente » explique la réalisatrice. Son co-scénariste ajoute : « Kelly et moi avions envie de nous éloigner de la rage de ces dernières années, d’écrire une histoire sur une chose que nous aimons, et nous aimons tous les deux les arts visuels. »
Tout en réfléchissant au scénario, Reichardt a réalisé deux courts-métrages consacrés à des artistes : le premier sur Michelle Segre, dans son atelier du Bronx, et le second sur Jackson Hutchins, dans son atelier de céramique à l’Université de Californie. « C’était pour moi une façon de faire des recherches sur la pratique artistique dans ce qu’elle a de concret, sur une journée-type dans un atelier » explique la cinéaste.
En explorant différentes pistes pour cerner l’identité de Lizzy, Reichardt et Raymond se sont replongés avec délectation dans les films de comédie des années 1970. « Nous avons pensé au genre de comédies qui ne se font plus beaucoup aujourd’hui, qui reposent sur un humour de situation assez délicat, comme dans les films d’Elaine May, » explique Raymond. « L’histoire de Showing Up n’est pas toujours très joyeuse, mais nous ’avons abordée sous l’angle de la comédie. »

Les co-scénaristes ont notamment revu A Bigger Splash de Jack Hazan, un documentaire teinté de fiction sur le peintre David Hockney. Reichardt explique : « Ce que j’adore dans le film d’Hazan, c’est le moment où l’agent d’Hockney se plaint qu’il a gâché six mois de son temps pour finalement peindre A Bigger Splash en deux semaines. Hockney lui répond que ces deux semaines n’auraient jamais eu lieu sans ces six mois passés à glander et à faire la fête. »
Il s’agit de tirer de cet univers, des doux-dingues qui le peuplent et des réactions de Lizzy face à ces personnes, des indices sur qui elle est et sur les raisons qui l’ont conduite à ce moment charnière. La réalisatrice explique ainsi les détours, tantôt inévitables, tantôt choisis, de Lizzy : « Chez certaines personnes, l’angoisse et le stress sont nécessaires pour se mettre au travail. La plupart des artistes que je connais se mettent dans des états pas possibles pour créer. »


LIZZY

Le temps d’une semaine chaotique, la réalisatrice nous montre comment Lizzy enchaîne les journées de stress et les nuits de triomphe dans le garage transformé en atelier où elle réalise ses œuvres.
Michelle Williams explique : « Je pense que quiconque a déjà essayé de créer quelque chose ex nihilo se reconnaîtra aisément dans cette histoire. Elle parle d’une personne qui tente de surmonter de nombreux obstacles, intérieurs et extérieurs, de faire tomber les barrières qui l’empêchent de faire ce qu’elle aime, car la vie semble toujours contrecarrer ses plans. »
Interpréter Lizzy, qui est de presque tous les plans du film, représentait un véritable défi, car il fallait que le personnage s’ouvre au spectateur, alors même qu’elle rechigne à laisser ses proches accéder à son intimité. Dès le départ, Kelly Reichardt a pensé à Michelle Williams, une actrice-caméléon quatre fois nommée aux Oscars, pour le rôle. Les deux femmes collaborent régulièrement : Michelle Williams a notamment joué dans Wendy et Lucy (Wendy and Lucy), dans La Dernière piste (Meek’s Cutoff) et dans Certaines Femmes (Certain Women).
Au début du projet, Reichardt a été frappée par la ressemblance entre Michelle Williams et la sculptrice Lee Bontecou, avec sa coupe à la Jeanne d’Arc, son sourire malicieux et sa grande maîtrise de soi. « C’est toujours utile de trouver une personne réelle, pas nécessairement très connue, mais qui permet de se projetervisuellement. Les photographies de Bontecou en train de travailler dans son atelier m’ont aidée à imaginer Michelle dans le rôle de Lizzy. Comme une petite graine qui n’avait plus qu’à germer. »
Pendant le tournage, Michelle Williams a montré à Kelly Reichardt des choses qui ont enrichi et complexifié personnage de Lizzy. « Michelle me surprend toujours par la manière dont elle trouve à chaque fois de nouvelles façons d’utiliser son corps » s’enthousiasme la réalisatrice. « Mais aussi par sa voix, son rythme et sa façon d’interagir avec les animaux ; c’est là qu’on se rend compte qu’elle est une actrice incroyablement ouverte et réceptive. »
Entre l’actrice et la cinéaste, point de formalités. Quand la réalisatrice a un rôle à lui proposer, l’actrice explique que : « Kelly m’envoie simplement un texto du style : « J’ai un truc pour nous, t’es dispo ? ». Avant même d’avoir lu quoi que ce soit, je dis toujours « oui », car c’est un tel honneur non seulement de travailler avec elle, mais aussi d’accumuler les expériences toutes les deux. Après quatre films ensemble, j’ai l’impression que notre collaboration est l’une des plus importantes contributions que j’apporterai au cinéma. »
Williams a trouvé le mélange de sollicitude et d’irritabilité chez Lizzy très intrigant. Elle aime particulièrement le fossé qui existe entre la façon dont Lizzy se perçoit et la façon dont les autres la perçoivent. « Je crois que Lizzy se voit comme une personne généreuse, qui aide les autres, alors que ses proches la trouvent sans doute agaçante » s’amuse Williams.
« Quand je vois un film terminé, je me rends compte que Kelly a encore une fois développé des idées complexes qui m’avaient totalement échappées. Ce qu’il y a d’unique dans son cinéma, c’est que le récit est à la fois conscient et inconscient. Si l’on sent tient aux faits, Showing Up raconte l’histoire d’une artiste qui prépare une exposition tout en s’occupant de sa famille. Mais il y a aussi tous ces éléments inconscients que Kelly apporte avec sa façon si particulière de cadrer, de monter les images, et de voir la vie. »
Michelle Williams a été émue par les sculptures de femmes, de Cynthia Lahti ; elle les considère comme une façon pour Lizzy d’exprimer quelque chose d’instinctivement joyeux, qu’elle ne peut pas extérioriser autrement. « Les filles que crée Lizzy sont expressives, amusantes et libres » explique la comédienne. « Les couleurs sont audacieuses et inattendues, et ce que je trouve vraiment intéressant, c’est que tout cela ne ressemble pas du tout à Lizzy. Mais les sculptures lui permettent d’incarner tout ce qu’elle veut, elle n’est pas limitée par son enveloppe corporelle, et elle a le droit de jouer dans cet espace libre et créatif. » « Nous avons envoyé un énorme bloc d’argile et des outils à Michelle à New York » explique la réalisatrice « et Cynthia Lahti a appris à Michelle Williams à travailler l’argile par le biais de cours à distance sur internet. »