Ta'ang de Wang Bing
Film soutenu

Ta’ang

Wang Bing

Distribution : Les Acacias

Date de sortie : 26/10/2016

Hong-Kong - Chine - France / 2016 / 2h27

Les Ta’ang, minorité ethnique birmane, sont au cœur d’une guerre civile à la fron- tière chinoise. Depuis début 2015, de violents conflits ont contraint des milliers d’enfants, de femmes et de personnes âgées à s’exiler en Chine. Le film suit la vie quotidienne de ces réfugiés.

Réalisation WANG BING • Image WANG BING, SHAN XIAOHUI Montage ADAM KERBY,  WANG BING Son EMMANUEL SOLAND Consultant artistique ZHU ZHU Producteurs MAO HUI WANG YANG Co-producteurs WANG JIA, FRANCESCA FEDER, DANIÈLE PALAU • Producteur délégué  WANG DI • Producteurs associés NICOLAS DE LA MOTTE, SYLVIE FAGUER, LIANG YING • Production CHINESE SHADOWS, WIL PRODUCTIONS

Wang Bing

Né à Xi’an (Chine), dans la province du Shaanxi, en 1967, Wang Bing a étudié la photographie à l’Ecole des Beaux Arts Lu Xun puis le cinéma à l’Institut du Cinéma de Pékin (1995).
Il débute sa carrière de cinéaste indépendant en 1999 avec le tournage au long court de A l’ouest des rails.

Filmographie

2003 A L’ouest des rails (Tiexi qu / 铁西区 )
Festival du film de Montréal 2004 – Grand Prix du Jury Documentaire
FID Marseille 2003 – Prix du Meilleur Documentaire
Festival des 3 continents 2003 – Montgolfière d’or du Jury Documentaire
Doc Lisboa 2002 – Grand Prix

2007 L’Etat du monde (film collectif) / segment Brutality factory (Baoli Gongchang)
Festival de Cannes 2007/ Quinzaine des réalisateurs

2007 Fengming, Chronique d’une femme chinoise (He Fengming 和凤鸣)
Festival de Cannes 2007 – Sélection officielle
FID Marseille 2007 – Compétition internationale – Prix Georges de Beauregard
Festival international du film de Toronto 2007 – Sélection officielle

2008 Crude Oil (Yuan You / 原油)
Festival international du film de Rotterdam 2008
FID Marseille 2008

2008 L’Argent du charbon (Tong Dao  通道)
Cinéma du Réel 2009

2009 L’Homme sans nom  无名者
Doc Lisboa 2010
Etats généraux du film documentaire de Lussas 2010

2010 Le Fossé (Jia Bian Gou  夹边沟)
Festival du film de Venise 2010 – Compétition
Festival international du film de Toronto 2010 – Sélection officielle

2012 Seules – Dans les montagnes du Yunnan (Gudu  孤独)
Festival international du film de Rotterdam 2012
Festival Black Movie – Prix de la Critique

2012 Les trois soeurs du Yunnan (San Zimei  三姊妹)
Festival de Venise 2012 – Prix Orizzonti
Festival des 3 continents 2012 – Montgolfière d’or / Prix du Public
Festival Doc Lisboa – Best Film Award
Festival de Fribourg – Best Film Award/ Don Quijote Award/ Prix Oecumenique du Jury

2013 À la folie ( ‘Til Madness Do Us Part) (Feng Ai  疯爱)
Festival de Venise 2013- Hors compétition
Festival des 3 continents 2013 – Montgolfière d’argent

2017 Madame Fang (方 绣 英 )
Festival de Locarno 2017 – Pardo d’Or

2017 15 Heures (15 小 时 )
Dokumenta Kassel 2017

ENTRETIEN AVEC WANG BING

Ta’ang a été filmé pendant que vous travailliez à un autre film. Qu’est-ce qui vous a incité à changer de projet ?
Le film précédent racontait l’histoire de très jeunes enfants chinois quittant leur domicile pour aller travailler à Shanghai. En suivant certains d’entre eux, nous sommes arrivés à la frontière entre la Chine et la Birmanie, dans la province de Yunnan, alors même que la guerre venait de commencer. J’ai rencontré des femmes fuyant avec leurs enfants et j’ai décidé de filmer les réfugiés. A ce mo- ment-là, il n’y avait personne sur place pour les aider : ni ONG ni qui que ce soit d’autre. Nous n’étions absolument pas embarqués avec les forces gouvernementales et le fait de filmer s’est tout de suite avéré extrêmement dangereux.

Que voulez-vous dire ?
Il y avait des soldats, des bandes, des trafiquants de drogue et des criminels qui profitent du dés- espoir des gens. Ils savaient tous que nous n’avions pas les autorisations nécessaires pour filmer et ils ont essayé de nous faire renoncer par tous les moyens possibles. De plus, les réfugiés avaient du mal à accepter la présence de la caméra : bon nombre d’entre eux avaient peur d’être filmés et c’est pourquoi nous avons essentiellement filmé la nuit et non pas à la lumière du jour. Lorsque nous sommes arrivés au camp, nous ne nous sommes pas mis à filmer tout de suite. Nous étions égale- ment assez tendus, très inquiets de la situation autour de nous et nous nous posions des questions sur la façon de procéder. Nous nous demandions comment filmer ces gens, comment les cadrer et ainsi de suite. Peu à peu, nous avons noué une relation avec certains d’entre eux, nous avons fait connaissance et trouvé une manière de continuer.

Vous avez suivi les réfugiés dans différents endroits. Lesquels ?
Nous avons filmé dans deux camps de réfugiés : Maidhe et Chachang. Dans ces deux camps, la si- tuation des réfugiés changeait constamment. De nouvelles personnes ne cessaient d’arriver. Cer- taines d’entre elles tentaient de pénétrer plus avant sur le territoire chinois. D’autres changeaient d’endroit pour travailler, faire la récolte de canne à sucre pour les paysans chinois.
Au camp de Chachang, nous avons rencontré Jin Xiaoman et Jin Xiaoda, ayant fui leur village avec leurs enfants et quelques personnes âgées. Comme les autres, elles ont peur. Elles sont préoccupées en permanence du sort de leurs maris restés en Birmanie. Elles ont tout perdu. Elles aimeraient donner davantage à leurs enfants, mais ne parviennent pas à gagner suffisamment d’argent.

L’équipe comprenait combien de personnes ?
Trois. Le producteur, l’opérateur et moi.

La plupart des réfugiés sont des femmes et des enfants. C’est à travers leurs yeux que l’on découvre le déroulement des faits et leur ressenti.
Les hommes restent à l’arrière pour s’occuper de leurs maisons, de leurs biens et des personnes
âgées qui n’avaient pas la force de se déplacer. Ce sont les femmes qui sont chargées de sauver les enfants de la guerre.

Vous avez parlé de votre choix de filmer la nuit. Etait-il uniquement destiné à protéger les réfugiés ?
L’image des gens regroupés autour d’un feu revêt également une forte dimension théâtrale. On se trouve presque en mesure de mettre en scène des paroles. Cette image évoque une dimension orale et collective, à savoir l’histoire de leur vie qu’ils racontent à ce moment-là, une dimension que j’ai voulu intégrer au film. De plus, la nuit, l’atmosphère était plus intime. Je repense à la sé- quence où les femmes discutent dans le champ de maïs et que je trouve particulièrement belle. Dans la salle de montage, nous avons dû faire des choix : je disposais de nombreuses heures de matériel filmé, particulièrement durant les premiers jours, lorsque la situation était plus calme. Dès que le conflit s’est durci, nous avons été soumis à toutes sortes de pression. Je voulais retourner vers ces femmes, mais cela n’était plus possible.

Votre présence dans le film est déclarée. A certains moments, les réfugiés vous regardent et semblent s’adresser directement à vous. Pourquoi ce choix de ne pas se cacher ?
Je me demandais constamment si la caméra risquait d’ennuyer ces gens qui vivaient une tragédie aussi terrible. J’ai décidé de conserver les moments où ils me regardent car cela s’est passé de cette manière et surtout parce que c’est lié à mon rôle de réalisateur. Pour faire face à ce type de réalité, il est nécessaire de se remettre soi-même en question, d’être concentré et de respecter la personne qui se trouve en face de vous. Je n’aurais pas pu agir différemment.

Extrait d’une interview réalisée par Cristina Piccino à Berlin (Il Manifesto, 23 février 2016)