Film soutenu

Trilogie BILL DOUGLAS – Réédition

Bill Douglas

Distribution : UFO Distribution

Date de sortie : 31/07/2013

Grande-Bretagne - DCP - Format image 1.33 - Mono

RÉÉDITION RESTAURÉE DE LA TRILOGIE soutenue par le GNCR en juin 1997

My Childhood (1972 – 48 minutes) En 1945, dans un village minier d’Ecosse, un garçon de 8 ans vit avec sa grand-mère et son frère. Passant le plus clair de son temps seul, il noue une amitié forte avec un militaire allemand retenu prisonnier dans un camp. Mais le soldat doit bientôt quitter le village. Ce premier épisode relate la première étape de la vie d’enfant de Bill Douglas, organisée autour de sa grand-mère maternelle.

My Ain Folk (1973 – 55 minutes) A la mort de leur grand-mère, les deux frères sont séparés de force. Tommy, le plus âgé, est emmenéà l’orphelinat. Démarre alors cette seconde périodede l’enfance du cinéaste, où Jamie est recueilli par sa grand-mère paternelle et son oncle. Il continue de vivre dans la solitude, subit la violence et le rejet des adultes. Un regard d’enfant sur le monde, où tout est sensations et immédiateté, filmé avec la conscience du cinéaste adulte.

My Way Home (1978 – 1h12) Jamie vit un moment en orphelinat, comme son frère, puis retourne chez sa grand-mère. Devenu adolescent, il travaille un temps à la mine puis chez un tailleur. Ensuite il part pour l’Egypte faire son service militaire. Il y rencontre Robert, un jeune homme qui devient son ami et l’aide à s’ouvrir à la vie.

My Childhood
Stephen Archibald JAMIE –  Hughie Restorick TOMMY –  Jean Taylor Smith LA GRAND MÈRE –  Karl Fiesler HELMUTH – Bernard McKenna Mr BROWN – Paul Kermack Mr KNOX
Scénario et réalisation Bill Douglas -Image Mick Campbell – Son Bob Withey Montage Brand Thumin – production BFI Production Board – Producteur Geoffrey EvansStephen Archibald

My Ain Folk
Stephen Archibald JAMIE – Hughie Restorick TOMMY – Jean Taylor Smith LA GRAND MÈRE – Bernard McKenna Mr BROWN – Paul Kermack Mr KNOX – Helena Gloag Mrs KNOX
Scénario et réalisation Bill Douglas – Image Gale Tattersall – Son Peter Harvey – Montage Peter West – production BFI Production Board – Producteur Nick Nascht

My Way Home
Stephen Archibald JAMIE – Joseph Blatchley ROBERT – Jean Taylor Smith LA GRAND MÈRE – Paul Kermack Mr KNOX – Jessie Combe AGNES – William Carroll ARCHIE

Scénario et réalisation Bill Douglas – Photographie Ray Orton – Son Digby Rumsey – Montage Mick Audsley – Production BFI Production Board – Producteurs Richard Craven, Judy Cottam

Restauration effectuée par le British Film Institute à partir de négatifs 35 mm et 16 mm. La technologie MTI et HD-DVNR a été utilisée pour minimiser les poussières, débris et rayures lors du transfert en Haute Définition. Le son en Mono d’origine est également restauré.

Bill Douglas

Bill Douglas fait partie de ces cinéastes que l’histoire n’a pas retenus. Dure loi de l’arbitraire des critiques et des distributeurs, cet oubli est sûrement l’un desplus injustes qu’il nous ait été donné de remarquer. Quand il décède d’un cancer en 1991, à l’âge de 54 ans, le Royaume-Uni voit s’éclipser l’un de ses grands réalisateurs, de ceux qui laissent une empreinte indélébile dans la mémoire des spectateurs. Méconnu, bien qu’apprécié par ses pairs, il aura toujours dû se battre pour financer ses films. Les difficultés qu’il a rencontrées pour tourner expliquent pourquoi sa filmographie ne comporte que 4 moyens et longs métrages, et de nombreux courts métrages.
Bill Douglas naît en 1934 à Newcraighall, un petit village touché de plein fouet par la crise minière. De son enfance marquée par le labeur et la pauvreté, il tirera la matière pour sa Trilogie. Sa seule échappatoire à cette grisaille est « l’autre monde » qu’il découvre dans un cinéma de quartier. Il paye ses billets grâceaux consignes de bocaux de confiture. « Je détestais la réalité. Bien sûr, je devais aller à l’école, de temps en temps. Et je devais rentrer à la maison pour faire ce que chacun a à y faire. Mais le prochain film à voir et comment entrer dans la salle étaient mes seules préoccupations. »
Bill fait son service militaire dans la Royal Air Force en Egypte. Il y rencontre celui qui restera son ami tout au long de sa vie, Peter Jewell. De retour en Grande-Bretagne, ils restent en contact. Ils prennent un appartement quand Bill déménage à Londres à la fin des années 50 pour se consacrer à l’écriture et jouer la comédie en intégrant la Theater Works hop Company, dirigée par Joan Littlewood. Il obtient quelques succès à la télévision et au théâtre, mais il trouve le rôle de sa vie en tant que réalisateur. Il réussit à intégrer la London Film School en 1968 et reçoit son diplôme avec les honneurs en 1970, tout en réalisant de remarquables court-métrages tout au long de ses études.
La même année, il obtient 4.500£ du British Film Institute et retourne à Newcraighall pour y tourner MY CHILDHOOD (1972), le premier volet de ce qui deviendra ensuite une trilogie, avec MY AIN FOLK (1973) et MY WAY HOME (1978) – une trilogiequi remportera un grand succès dans les festivals internationaux ainsi qu’auprès de la critique. En la réalisant, il dit avoir voulu partager avec d’autres une expérience sur sa famille. Ce bouleversant récit nous raconte le douloureux passage de l’enfance à l’adolescence de Jamie, dans la pauvreté d’un village minier écossais de l’immédiat après-guerre, jusqu’à son départ, dans les années50, pour l’Egypte, à la découverte de son identité. Bill Douglas développe dès son premier film une esthétique particulière, très personnelle. A travers ce travail stylisé sur le noir et blanc, cette économie de mots, cette expressivité des visages, il retrouve la puissante beauté des grands films muets. Chaque plan est travaillé telle une image du passé sortie d’un rêve, évocation d’un souvenir très aigu, et, bien que son ambition n’ait pas été de faire un film social, le besoin qu’a eu le cinéaste de dire précisément toute la vérité sur cette époque inscrit son œuvre dans l’histoire du cinéma britannique, aux côtés des premiers films de Ken Loach et de Stephen Frears.
Malgré le succès d’estime remporté par la Trilogie, Bill Douglas rencontre des difficultés à financer ,son projet suivant et doit trouver d’autres moyens de gagner sa vie. A partir de 1978, il enseigne à la National Film and Television School, où il sera une figure marquante pour les élèves. Ce n’est qu’en 1987 que sort ce qui sera son dernier film, COMRADES,une fresque épique de 3 heures sur le martyre d’ouvriers agricoles tentant de créer unsyndicat dans l’Angleterre du 19e siècle.

BILL DOUGLAS propos sur :

LE TRAVAIL DE L’ECRITURE
« Je ne sais pas vraiment ce que je vais écrire à l’avance. Je mets le papier dans la machine à écrire et j’écris une ébauche de dialogues, l’atmosphère. La scène prend le dessus et les dialogues en découlent. Quand j’écris une scène, par exemple avec mon grand-père assis à table, ou n’importe quoi d’autre, du moment que ça fonctionne pour moi, je suis totalement dans l’atmosphère de la pièce alors même que je suis à mon bureau. Je sais d’où je viens et je le porte en moi.
Je n’ai pas cessé d’être écossais en venant habiter à Londres.
Toutes les atmosphères, les sensations, les odeurs sont restées avec moi. Ensuite, le résultat me paraît authentique ou non. Ce qui m’amène à écrire plusieurs versions. J’écris d’un seul jet une première version. Puis je recommence en me basant sur cette première version. Je ne corrige pas la première, je réécris entièrement une deuxième version en ajoutant ou supprimant des éléments. Ça évolue. Puis je recommence une troisième fois jusqu’à ressentir que l’idée de départ est bien là. Je travaille de longues heures d’affilée. Cela m’aide, car il est important pour moi, quand j’écris la trentième page, d’avoir bien à l’esprit le contenu de la première page – sinon je peux perdre le fil. C’est ma méthode. Je me lance à 9 heures le matin et termine vers 18 heures, sans pause, sans manger, sans même une tasse de thé, pour bien garder l’esprit général en tête. Si je bloque, je ne mets pas de point mais une virgule, je laisse mon travail ouvert. Je fais d’autres choses et c’est ainsi qu’une idée me vient. Cela me permet d’y revenir le lendemain matin à 9 heures.»

LE TOURNAGE
« Quand j’essaie de recréer une atmosphère, l’atmosphère d’une pièce, c’est son odeur qui remonte en moi. Et quand je vois l’acteur qui joue mon grand-père, je l’hypnotise pour qu’il le devienne véritablement. Il estassis là, je m’approche, je regarde dans la caméra, et je cherche à nouveau ces sensations qui étaient en moi lorsque j’écrivais. Je regarde le dispositif dans l’œil de la caméra et je perçois ce qu’on en attend : on ne s’attend pas à ce que je filme partout, mais plutôt que je sache parfaitement ce que je fais, que j’aie lesidées claires, que je sois décidé. Et j’aime quand j’ai pris une décision, quand je sais exactement qu’il faut commencer par un gros plan, enchaîné par un plan d’ensemble, puis que ça se termine par quelqu’un qui sort en fermant la porte, dans une ambiance tendue. Je ne fais donc que recréer ce que j’avais réellement ressenti à l’époque, quand il y avait des larmes, je versais moi aussi des larmes en recréant cette atmosphère. Je suis vraiment repassé par toutes ces sensations. D’une certaine manière, je suis tous les personnages à la fois, je suis obligé de faire remonter toutes ces émotions. Et si je ne ressens rien, alors je sais que c’est faux, que ça ne marchera pas. Et au montage, j’espère qu’on arrive à faire sentir tout cela. »

LES ACTEURS
Professionnels et amateurs
« Il y a une différence très nette entre les professionnels et les amateurs. Je pense que plus l’acteurest célèbre, plus il semble éloigné, distant. Il peut devenir terriblement lisse. Il peut donner l’impression d’avoir toujours bien dormi et d’être très apprêté. Il est beaucoup plus intéressant de regarder des personnes qui vivent tout simplement leur vie. Elles portent les difficultés de la vie sur leur visage.
Je ne veux pas nécessairement que les problèmes de la vie soient sur leur visage mais la vie laisse ces traces dont ils ne semblent pas se soucier. Ils n’essayent pas de les effacer ou de les cacher. Lesacteurs, eux, ont tendance à les dissimuler. Chez eux, on doit chercher en dessous, à l’intérieur. On doit lesamener à avoir confiance en nous. Je trouve que les amateurs font confiance immédiatement.
Les acteurs se font beaucoup de soucis si on ne leur donne pas le scénario à lire, ils aiment le lire et construire leur personnage. S’ils ne peuvent passe raccrocher au script, ils deviennent terriblement instables. Certains passent derrière mon dos et tentent de mettre leur nez dans le scénario d’un membre de l’équipe technique. J’ai eu pas mal de difficultés avec ça. Mais une fois que j’ai acquis leur confiance et qu’ils comprennent que je ne suis pas là pour les tourner en ridicule, tout s’arrange.
Je suis même allé jusqu’à dire : “Si vous n’aimez pas les rushes, si vous n’aimez pas ce que vous voyez, je n’utiliserai pas les scènes.” C’est en fait en disant cela que je gagnais leur confiance et savais qu’ils ne demanderaient jamais à voir les rushes. »

Stephen Archibald : JAMIE
Hughie Restorick : TOMMY

« Je voulais aller dans une école pour mon casting. Il y a beaucoup d’écoles à Edimbourg mais j’ai choisi la plus proche de mon village. J’étais assis en train d’attendre le bus pour me rendre dans cette école. J’ai vu deux garçons faisant l’école buissonnière, deux amis. Ils sont venus vers moi alors que je fumais une cigarette, et l’aîné m’a demandé : “J’peux avoir une taffe, monsieur ?” J’ai répondu : “Je suis désolé mais tu es bien trop jeune.” Je ne leur ai pas demandé de rester, j’étais obnubilé par l’idée de trouver les enfants pour le film. J’étais plutôt élégant car je devais rencontrer le directeur de l’école et que je voulais faire bonne impression, petit budget ou non. Puis ces deux garçons se sont assis à côté de moi. Le plus jeune ne disait rien et le plus vieux me bombardait de questions auxquelles je répondais. Et tout d’un coup, j’ai réalisé que c’était eux. Pas besoin d’aller plus loin. Je leur ai demandé s’ils voulaient jouer dans un film. Ils voulaient connaître l’histoire et savoir combien ils seraient payés. D’un coup de tête, j’ai répondu : “4 £ par semaine et ne vous préoccupez pas de l’histoire.” Je les ai vus bondir à la perspective que leur offrait cette fortune. Je leur ai demandé leur nom et je me suis dit, c’est bon, je ne vais jamais les revoir. Ils ont disparu au coin de la rue et j’ai pensé, mince, c’est vraiment eux que je veux pour mon film ! »
 


STEPHEN ARCHIBALD – L’alter ego de Bill Douglas à l’écran

Stephen Archibald naît en 1959 dans une banlieue d’Edimbourg. Il rencontre Bill Douglas à un arrêt de bus et décroche le rôle de Jamie, le double de Bill Douglas. A Douglas, il dit : « Bill, c’est un film sur ta vie ? » Douglas répondant par l’affirmative, il dira : « Je suis content de ne pas être toi. » Et pourtant son enfance défavorisée est à bien des égards semblable à celle de Bill. Helen Crummy, qui joue l’institutrice dans MY CHILDHOOD, décrit Archibald comme « l’enfant le plus abimé que j’aie jamais vu. Même enfant il avait souvent l’air d’un petit vieillard déprimé ». Le travail d’Archibald sur les films de Bill Douglas représente la période la plus heureuse de sa vie. Lui et Hughie Restorick (Tommy) se lançaient à corps perdu dans les tournages. Bill sera comme un mentor pour Stephen : « Il était extra. Un homme fantastique. Il n’était pas qu’un réalisateur, il était aussi un professeur. » Après la trilogie, Archibald tentera de continuer à jouer. Mais aucun rôle ne lui sera offert par la suite. Bill voudra lui donner un rôle dans COMRADES mais Stephen est en prison au momentdu tournage. Il meurt en 1998 à l’âge de 38 ans, victime de la drogue, de malnutrition et sans doute de violences. Quant à Hughie Restorick, il s’était déjà donné la mort quelques années plus tôt.
 


« Son équipe travaillait pour lui dans la douleur. Je le pense littéralement. Je n’ai jamais vu des gens aussi malheureux que sur un tournage de Bill Douglas. Il faisait faire aux gens ce qu’il voulait obtenir, dans un lien étroit avec la dépression. Tout le monde devenait vraiment très déprimé sur son plateau, mais c’était une forme de dépression très particulière. Dans une dépression normale, les gens se bloquent et n’arrivent pas à atteindre leurs objectifs.
Alors qu’avec Bill, elle les transcendait. Ils ont produit leur meilleur travail pour lui. Ce n’était peut- être pas de la dépression à proprement parler. Du chagrin, de la douleur. Il faisait en sorte que tout le monde soit connecté à ses propres chagrins si bien qu’il n’y avait vraiment aucune joie à faire ces films. Je me souviens de Peter Harvey, l’ingénieur du son, disant qu’il aurait pu l’étendre avec un coup de poing mais qu’il était totalement terrifié par Bill.
La terreur qu’il suscitait chez les autres était propre à chacun, une terreur enfouie au plus profond de l’enfance, car ce qu’a réussi à faire Bill, et de manière extraordinairement courageuse et héroïque, c’est de vivre ses propres fêlures les plus primitives. Il ne demandait jamais plus aux autres qu’à lui-même. Il travaillait avec son équipe de cette façon, la seule qui lui permette d’obtenir une vision homogène, de tournage en tournage, avec des techniciens souvent inexpérimentés. Réussir à obtenir cette vision singulière, cette continuité, de tournage en tournage, est extraordinaire, on ne réalise pas à quel point. Car une fois que vous êtes parvenu à faire quelque chose, tout le monde pense que c’était facile. »