17 ans après la prise d’otages du théâtre Dubrovka, l’une des tragédies majeures du 21ème siècle dans l’histoire de la Russie, Natalia, revient à Moscou pour organiser une soirée commémorative pour les familles des victimes de l’attentat d’octobre 2002. Pourquoi s’est-elle retirée dans un monastère depuis si longtemps ? Pourquoi sa fille la rejette-t-elle ? Quel est le but de sa démarche ?

Festival de Venise 2020 – Giornate degli Autori
Cottbus – Prix du meilleur film
Caire IFF – Prix du meilleur réalisateur et de la meilleure actrice
Séville – The New Wave Award

Natasha Natalya Pavlenkova • Vera Natalya Potapova • Galya Kseniya Zueva • Directeur du théâtre Yan Tsapnik

Scénario et réalisation Ivan I. Tverdovskiy • Image Fedor Glazachev • Montage Ivan I. Tverdovskiy • Musique originale Sten Sheripov• Décors Vanya Bowden • Costumes Helena Litvinyuk • Une production Vega Film, Ark Pictures, NAFTA Films, REASON8 Films, Revolver • Producteurs Katerina Mikhaylova, Konstantin Fam, Egor Odintsov • Co-Producteurs Ilya Medovyy, Diana Mikita, Denis Krupnov, Anna Krupnova, Paolo Maria Spina

Ivan I. Tverdovskiy

Ivan I. Tverdovskiy est un scénariste/ réalisateur russe né à Moscou le 29 décembre 1988. Il est diplômé de l’Institut de cinématographie Gerasimov de Moscou en 2011. Il a réalisé les documentaires As if Waiting for Bus (2009), Pianism (2012) et Space Dog(2013) qui lui ont valu une belle reconnaissance.Il a aussi réalisé les longs-métrages Classe à Part (2014), Zoologie (2016) et L’Insensible (2018) qui ont connu tous eu une belle reconnaissance en Russie.Ils ont aussi participé à plus de nombreux internationaux dont Karlovy Vary, Toronto, San Sebastian, Busan, Göteborg, Londreset bien d’autres. CONFÉRENCE est son quatrième film.

Filmographie

2020 : Conférence
2018 : L’Insensible
2016 : Zoologie
2014 : Classe à Part

NOTE D’INTENTION

CONFÉRENCE est l’histoire d’une famille fragile qui a pour toile de fond l’une des tragédies majeures du 21ème siècle dans l’histoire de la Russie. Le film est une tentative de créer un reflet cinématographique de ces événements tragiques. Cela commence comme une histoire familiale privée mais qui, au final, va bien au-delà.

Explorer la nature de la peur est mon principal objectif dans le film. Le personnage de Natasha semble prendreles participants de la soirée commémorative en otages, encore une fois, afin de se souvenir et revivre en détail ce terrible moment de sa vie. Va-t-elle surmonter la peur et trouver un moyen d’avancer ?
Ivan I. Tverdovskiy

ENTRETIEN AVEC LE RÉALISATEUR

L’une des plus grandes tragédies russes du XXI^ème siècle

Je suis né à Moscou et cela a été l’un des souvenirs les plus intenses de mon enfance. Mes parents connaissaient de nombreuses personnes impliquées dans cet événement tragique. Et donc, plus tard, j’ai été confronté aux souvenirs de ces circonstances. J’ai alors réalisé que ce terrible épisode devait être raconté.

Ne pas oublier, pour ne pas répéter les mêmes erreurs

C’est bien cela car dans mon film, parmi les personnages principaux on peut distinguer ceux qui veulent se souvenir et ceux qui ne veulent pas. En écrivant le scénario, j’ai rencontré beaucoup de personnes qui ont vécu cet événement tragique, et j’ai donc été témoin de ces différentes attitudes. Le titre du film lui-même, CONFÉRENCE, fait référence à ce fait : ceux qui souhaitent raconter de manière très détaillée comment ils ont vécu ces jours-là, puis ceux qui ont réussi à ne se souvenir que de brefs fragments.

Entre réalité et fiction

Pour moi, il était essentiel, en racontantcette histoire, de garder une sorte de distance. En fait, les histoires racontéessont des histoires vraies, mais dans le film elles sont jouées par des acteurs. Seuls Filipp et Roman, deux des jeunes hommes, ont réellement vécu cette prise d’otage quand ils étaient enfants. Maintenant, ils sont des comédiens. En développant le film, j’ai senti qu’un certain détachement était important, pour éviter un esprit de type documentaire. Précisément pour rendre, plus fidèlement, la peur ressentie par les personnages dans le cadre de ces terribles événements qui ont choqué tout le monde. Le cadre est le théâtre Dubrovka, qui a sa propre atmosphère inhabituelle. Actuellement, ce bâtiment est utilisé pour des spectacles pour enfants. Ce qui a un certain impact, c’est que la salle est la même qu’à l’époque, avec les mêmes sièges… Il y a donc une sorte d’ambiance de l’époque, qui est captée dans le film. Pour moi, préserver cet esprit était essentiel.

Le personnage de Natasha

Le personnage de Natasha réunit otage est allée vivre dans un couvent de nombreuses années plus tard, mais elle n’y est pas allée à cause de ce qui s’est passé. Le chemin de sa vie l’a probablement amenée à faire ce choix. Et la partie sur les deux femmes qui s’échappent des toilettes est vraie. On pourrait dire que les différents témoignages ont été fusionnés dans le personnage de Natasha. J’ai créé un conte composé des différents récits que j’ai récoltés.

Le tournage dans le théâtre

On pourrait dire que je suis une méthodeclassique : je répète d’abord avec les comédiens, puis, je filme. Quant à cette scène spécifique, la présence de Filipp et Roman était importante. Ces deux jeunes comédiens étaient des enfants à l’époque, ils ont réellement vécu cette expérience. Ainsi, la présence de ces deux hommes a permis d’exprimer la tension des événements telle qu’elle s’est exprimée à l’écran.

La reconstitution avec des mannequins gonflables

Lorsque nous avons participé à ces soirées commémoratives, nous avons remarqué qu’elles sont généralement peu fréquentées. De là, est née l’idée d’utiliser ces mannequins gonflables pour créer une sorte de reconstitution de ce que cela aurait été. Émotionnellement, cela a fonctionné car à un certain moment, vous commencez à percevoir ces mannequins comme un terroriste ou une personne décédée ou une personne qui a survécu mais qui n’est pas physiquement là.

La réaction du public russe

Les films que je fais ne sont pas destinés au grand public. Le public russe se tourne vers le cinéma de divertissement. Je suis donc certain, comme pour mes films précédents, que mon film sera regardé à un moment où le public voudra le voir. Je compare mes films à l’art contemporain, qui est une entité presqu’intemporelle qui accueille ses spectateurs à un moment où ils ressentent le besoin de pouvoir le voir.

Propos recueillis par Vittoria Scarpa et Mazzino Montinari pour Cineuropa

RETOUR SUR LA PRISE D’OTAGES DU THÉATRE DE MOSCOU

Le 23 octobre 2002, au théâtre Doubrovka de Moscou, une quarantaine de terroristes tchétchènes prennent en otage 912 spectateurs pendant la comédie musicale Nord-Ost.

Les hommes armés, dirigés par Movsar Baraïev, neveu du commandant de la milice rebelle tchétchène tué l’année précédente, ont menacé d’exécuter les otages si les forces russes n’étaient pas immédiatement retirées de la Tchétchénie.

Les terroristes avaient en leur possession plus de 100 kg d’explosifs, environ 100 grenades, 3 bombes lourdes, 18 fusils d’assaut Kalachnikov et 20 pistolets.

Environ 90 personnes ont réussi à fuir le bâtiment ou à se cacher. Le quatrième jour de la prise d’otages, à 5h30, les forces spéciales russes ont introduit un agent chimique inconnu dans le système de ventilation du bâtiment et ont donné l’assaut

Juste après l’assaut, Vladimir Poutine a déclaré : « Nous avons fait l’impossible. Nous avons sauvé des centaines de vies, oui des centaines de personnes. Nous avons montré que la Russie ne peut pas être mise à genoux. Mais maintenant, je veux avant tout m’adresser aux parents et aux proches de ceux qui sont morts. Nous n’avons pas pu sauver tout le monde. Nous demandons pardon. »

Beaucoup plus tard, le gouvernement déclare qu’au cours de l’opération tous les terroristes ont été tués et que 128 otages sont morts : 123 à cause du gaz dont 5 enfants, et 5 abattus par les terroristes.

En 2010, selon un sondage, 74 % des Russes ne font pas confiance à la version officielle du gouvernement.