Film soutenu

Zahori

Mari Alessandrini

Distribution : Norte Distribution

Date de sortie : 06/07/2022

Suisse, Argentine, Chili, France - 2021 - 1h45 - 2.39 SCOPE - 2K - 5.1 - DCP

La steppe de Patagonie est balayée par un vent gris… Mora veut devenir « gaucho », chevauchant les plaines sur sa monture. Elle se rebelle contre l’école et s’affirme contre ses parents, deux suisses italiens qui tentent de se construire une nouvelle vie dans cet ailleurs, sans bien y parvenir. Un lundi matin alors qu’elle doit retourner à l’école, accompagnée de son petit frère Himeko, Mora va se perdre loin dans la steppe pour aider son seul ami Nazareno, un vieux gaucho Mapuche qui a perdu sa jument, Zahorí.

Locarno international film festival 2021 – Cineasti del presente
Locarno international film festival 2020 – Pardo 2020, pour la production du film, au meilleur projet suisse.
Cinelatino Toulouse 2022 – Compétition Officielle

Avec : Lara Tortosa Mora • Santos Curapil (Nazareno) • Cirilo Wesley Himeko • Sabine Timoteo La mère • Pablo Limarzi Le père • Federico Luque Oncle Steph • Colo Susini Eddy • Carol Jones Selva • Francisca Castillo Perla • Michael Silva Le gardien de nuit

Réalisatrice Marí Alessandrini • Scénario Marí Alessandrini • Directeur de la photographie Joakim Chardonnens • Montage Marí Alessandrini • Décors Anna Carolina Vergara • Costumes Maria Sol Muñoz • Produit par Juan Maristany, Dominga Sotomayor, Valentina Novati, Omar Zúñiga Hidalgo, Linda Diaz, Nadejda Magnenat

Mari Alessandrini

Marí Alessandrini a grandi en Patagonie. Très jeune elle a commencé à travailler dans la photographie, les arts scéniques et le cirque contemporain, voyageant en Amérique du Sud & du Nord. À l’âge de 26 ans, elle quitte l’Argentine pour étudier le cinéma en Europe. Marí est diplômée en réalisation cinéma et en arts visuels à la HEAD à Genève.

Marí Alessandrini a réalisé plusieurs courts-métrages et documentaires sélectionnés dans des festivals internationaux et centres d’art. Elle a été choisie par la Cinéfondation du Festival de Cannes pour développer son premier long métrage ZAHORI qu’elle a tourné dans la steppe de Patagonie. Le film a remporté Le Pardo “The Films After Tomorrow” de Locarno Film Festival, sélection suisse.

ENTRETIEN AVEC LA RÉALISATRICE

Pouvez-vous nous parler de votre parcours et de la naissance du projet de Zahorí ?

Je suis originaire de Patagonie. La ville où j’ai grandi s’appelle Bariloche, elle se situe à la frontière entre les montagnes et la steppe. Les montagnes et les forêts représentent le visage fertile et aisé de la Patagonie, en opposition à la steppe. Quand j’étais enfant, la steppe était très difficile d’accès, encore plus qu’aujourd’hui, même s’il n’y a toujours pas beaucoup de routes pour y accéder et que tout y est délaissé par le gouvernement. Je suis allée pour la première fois dans l’internat que l’on voit dans le film pour jouer une pièce de marionnettes, je faisais alors partie d’une troupe de théâtre itinérante. A l’époque, je faisais également un peu de photographie et j’ai fait mes premiers portraits noir et blanc en prenant en photo des enfants de cet internat. Cette école isolée au milieu du désert et ces gens qui vivaient dans une réalité parallèle pourtant située si proche de chez moi m’ont vraiment impressionnée et interrogée. Depuis, j’ai continué à y aller régulièrement avec mon appareil photo, pour rendre visite aux gens, pour voir d’autres écoles, participer à leurs fêtes populaires, et explorer de nouveaux territoires possibles.

Mora s’inspire-t-elle de vous ?

Partiellement. J’ai puisé dans mes souvenirs d’enfance, mon rapport à l’école, le besoin pressant que j’avais de m’échapper, le désir de liberté, d’être dehors, de vivre et d’apprendre des choses en lien avec la nature. J’ai longtemps évolué seule ou dans des bandes de garçons où je me retrouvais être la seule fille. Le chemin que j’empruntais pour aller à l’école est l’endroit où j’estime avoir réellement grandi. Mais le film est aussi nourri par ma vie d’adulte. Il y a une part de moi chez les parents de Mora, j’ai vécu ce défi de « construire une maison moi-même dans la nature », avec peu de moyens. J’ai expérimenté cette vie en décalage culturel, la pression et la difficulté que ce choix crée.

Comment s’est déroulé l’écriture de Zahorí ?

Je suis partie de mes souvenirs, certes, de mes expériences, mais je voulais aussi ancrer le film dans une steppe plus contemporaine. J’ai effectué plusieurs séjours sur place pour faire des recherches, j’ai réalisé deux court-métrages documentaires avec les enfants dans l’internat et Felisa, une vielle dame Mapuche. J’ai parcouru la Patagonie pour le casting, un long processus qui m’a permis de vivre avec ses habitants et faire évoluer le scénario au quotidien. Dès le début, l’histoire que j’imaginais avait plusieurs voix : l’histoire de Mora était liée à celle de Nazareno, à la steppe, au cheval, aux parents, aux irruptions des missionnaires… ces vies parallèles et ces pauses au sein de l’histoire de Mora me semblent nécessaires pour la comprendre plus profondément et pour offrir une vision riche de la steppe, lieu qui regorge de belles excentricités.

Quelles sont vos influences artistiques pour ce film ?

Mes influences proviennent principalement de la Patagonie, mais aussi de mes différentes origines : argentine, italienne et russe. Pour Zahorí, je me suis principalement inspirée de la musique et de la littérature gaucho… sa prose, sa poésie. Il y a un minimalisme et un esprit désinvolte dans l’attitude, le chant et l’écriture gaucho (exclusivement masculine, malheureusement), que j’ai décidé de mêler à un style plus éclectique et auquel j’ai voulu donner une voix « féminine et gaucha ». Quant au prénom «Nazareno» c’est une référence au film «Nazareno cruz y el lobo» (1975) de Leonardo Fabio et d’un cheval que je montais quand j’étais enfant.

Et en terme de cinéma, certains éléments peuvent faire penser aux premiers films de Kiarostami ?

Kiarostami est en effet un réalisateur que j’apprécie énormément et qui quelque part m’encourage, me stimule. La relation artistique que je ressens avec lui est peut-être liée au désert, à ses personnages solitaires, à leurs conditions de vie minimalistes ; et sans doute je me retrouve aussi dans la narration de ses premiers films, proche de la fable. Je n’ai volontairement pas d’éléments représentatifs de son influence dans mon film, ce sont peut-être certaines coïncidences spirituelles.

Vous avez fait le choix de filmer en scope, pourquoi ? Est-ce un hommage au western ? Mais un western qui semble résolument féministe si vous assumez l’hommage…

Avec le format scope, il y a tout de suite un espace pour mettre en scène la relation des humains au paysage, teintée d’une dimension mythique qui me semble essentielle. Les paysages de la steppe sont omniprésents dans Zahorí, toujours liés à l’intime des personnages, leurs rapports sociaux, leurs émotions… Certains vivent en harmonie avec cet environnement, d’autres y restent étrangers – les missionnaires – ou en conflit – les parents. Le scope est un format majeur du western, mais ce genre a beaucoup mis en scène la conquête d’un territoire par des hommes blancs, généralement à travers l’extinction, la soumission de peuples autochtones, l’oppression des femmes ou par la domestication, l’esclavage des chevaux. J’ai imaginé Zahorí comme un western avec une approche plus féministe et anticoloniale, oui… Mora s’émancipe de l’oppression sociale et trouve sa propre voie grâce à son amitié avec Nazareno. Elle a la force, la capacité et la volonté de s’affirmer malgré les moments difficiles à l’école et les rapports compliqués avec ses parents. On pourrait dire que c’est un hommage au changement, du western classique vers un western qui lutte pour la diversité. En somme, un western à l’envers : l’amitié essentielle entre une jeune fille « occidentale » et un vieil Indien. La libération de Mora – tant dans sa relation intime à la steppe qu’à Zahorí – remplace le thème de la conquête de l’Ouest.