Film soutenu

Entrée du personnel

Manuela Frésil

Distribution : Shellac

Date de sortie : 01/05/2013

59 minutes – DCP – 16/9 – Dolby Stéréo – Couleur

L’abattoir est loin de tout, tout au bout de la zone industrielle.Au début, on pense qu’on ne va pas rester.Mais on change seulement de poste, de service.On veut une vie normale.Une maison a été achetée, des enfants sont nés.On s’obstine, on s’arc-boute.On a mal le jour, on a mal la nuit, on a mal tout le temps.On tient quand même, jusqu’au jour où l’on ne tient plus.C’est les articulations qui lâchent. Les nerfs qui lâchent.Alors l’usine vous licencie.A moins qu’entre temps on ne soit passé chef, et que l’on impose maintenant aux autres ce que l’on ne supportait plus soi-même. Mais on peut aussi choisir de refuser cela.
Entrée du personnel a été réalisé à partir de récits de vie de salariés et de scènes tournées dans de grands abattoirs industriels, sous la surveillance des patrons.

Festival International du Documentaire (FID) – Grand prix de la compétition nationale 
Filmer le travail – Prix spécial du public
Crossing Europe Festival de Linz – Mention spéciale du jury
Cinémambiente – Prix du meilleur moyen-métrage

Aves les voix de : Anne Caillère, Mimi Alice Diop, Steve Tientcheu, Nadine Marcovici, Catherine Vuillez et Mounir Margoum
Avec la présence à l’écran : des militants syndicaux CGT et CFDT salariés des abattoirs. Michel Gravoil, Florence Muller, Emilie de Preissac, Eléonore Saintagnan et Steve Tientcheu

Réalisatrice : Manuela Frésil. Assistant :Edie Laconi. Image : Jean-Pierre Méchin. Montage : Marc Daquin. Montage son et mixage : Benjamin Rosier. Production :Ad Libitum. Production déléguée :Catherine Bizern et Dominique Cabrera. Production exécutive : Françoise Guglielmi. En coproduction avec Mil Sabords, Télénantes et Yumi Productions. Avec la participation de la Région Haute-Normandie, Centre national du cinéma et de l’image animée, Ministère de la Culture et de la Communication – Direction générale des patrimoines – Mission du Patrimoine Ethnologique. Avec le soutien de la Région des Pays de La Loire, Conseil général des Côtes d’Armor, l’ANGOA et de la PROCIREP-Société des Producteurs, l’Institut de Recherches et d’Etudes des Salariés Agricoles (IRESA FNAF CGT).

Manuela Frésil

Avant de devenir réalisatrice, Manuela Frésil a commencé sa carrière cinématographique en tant que scénariste de fictions et de documentaires dans les années 90. Elle écrit plusieurs fictions : « Traverser le jardin » (1993), « Seconde Épouse » (1992) et « La Femme de mon mari » (1994) où elle s’intéresse aux conditions des femmes africaines immigrées à Paris.
À partir de 1992, elle réalise des documentaires. Avec « Notre campagne »en 2000, elle tente de démystifier la vie paysanne puis elle aborde en 2003 dans « Si loin des bêtes » la problématique de l’élevage industriel où la vie des animaux, comme celle des éleveurs, n’est plus qu’un rouage du système de production. Enfin en 2008, elle écrit le scénario du projet « Abattoir » où elle revient vers cet univers à travers les conditions de travail dans les grands abattoirs industriels d’Europe. Le texte de ce documentaire qui a fait l’objet d’une mise en scène théâtrale à Poitiers, devient en 2011 « Entrée du personnel » qui deviendra également un film reprennant le même titre, sortie en mai 2013. Grand Prix de la Compétition Française du FIDMarseille, ce documentaire lui permet d’achever ce cycle autour des conditions de travail et des conditions d’élevage animal.
Parallèlement, elle enseigne le cinéma dans plusieurs écoles et anime, dans les années 2000, des ateliers vidéo avec notamment Le GREC (Groupe de Recherches et Essais Cinématographiques). Dans le cadre de ces ateliers, elle réalisera en 2004 avec des malades psychotiques « 7 plus un épilogue » ou encore « Voisine(s) », en 2008, qui sont des lettres vidéo écrites par des femmes africaines immigrées à Paris.

NOTE D’INTENTION

À l’origine de ce projet, il y a l’expérience sidérante de la visite d’un abattoir industriel, le plus grand de Bretagne. Je voulais voir l’outil, les procédures par lesquelles l’industrie agro-alimentaire qui nous nourrit, transforme les bêtes en viande. Le choc a été rude, et dans un premier temps, je n’ai vu que les bêtes. Sept heures du matin, des centaines de cochons sont serrés là, les uns contre les autres. Ils attendent sous des brumisateurs, pour être détendus. Par groupe de quinze ou vingt, ils avancent vers la machine à tuer, passant successivement de parcs en parcs, à chaque fois plus étroits. Ils arrivent trois par trois dans le couloir de contention, puis deux par deux, un par un. Au bout du parcours, une porte se lève, comme une guillotine. Le rendement est de 800 à l’heure, un toutes les quatre secondes et demi, 7 000 par jour, 1 500 000 par an. D’un coup de couteau, le saigneur tranche les carotides. Il répète ce geste 3 500 fois au cours de sa journée de travail. Les cochons devenus porcs continuent d’être agités de soubresauts nerveux et impressionnants. Le tapis avance. Plus loin, un autre ouvrier accroche chaque carcasse par la patte arrière droite à la chaîne. Les voilà entraînées dans l’usine. Plus loin, il y a les désosseurs qui retirent les os de la viande, et des ouvriers qui retirent les tendons et les dernières traces de gras, et tout au bout il y a la mise en barquettes.
A chaque fois, des gestes répétés plusieurs centaines de fois par heure. Les hommes et femmes indifférenciés, recouverts des pieds à la tête d’une tenue identique, blanche, comme une armée de clones vouée au travail à la chaîne. Car un abattoir, c’est d’abord une usine. Longtemps cette évidence est restée pour moi une étrangeté. L’abattage de masse sidère, le fonctionnement de la chaîne sidère ; tout concourt à ne plus pouvoir rien penser de ce que l’on voit.
La rumeur dit que travailler là-bas, « c’est terrible ». Terrible… bien sûr, cela ne peut pas rien faire de tuer tant de bêtes. Ce « terrible » je l’attribuais au fait de donner tant de fois la mort dans la journée. Je voulais parler de ça avec ceux qui y travaillent. Mais au cours de mes visites j’étais accompagnée d’un « cadre ». Les « opérateurs » – qu’en d’autres temps, on appelait les ouvriers – rivés aux machines, ne me regardaient pas et ne semblaient même pas me voir. Alors pour pouvoir leur parler, j’ai proposé une réunion dans le local du syndicat. J’ai été étonnée : ils sont venus nombreux de plusieurs usines de la région. Des usines qui tuent des porcs, des usines qui tuent des vaches, des abattoirs de volailles. J’avais en tête mes questions de morale, mais ils m’ont répondu en me racontant leur vie au travail. Ils m’ont raconté comment le geste de tuer, dépecer, couper, désosser, répété et répété, use leur propre corps. J’étais particulièrement frappée et émue quand ils m’expliquaient les gestes qu’ils faisaient sur la chaîne de découpe, et qu’ils se prenaient comme exemple. Ils me disaient « Il faut couper le tendon là, entre ces os là… » en me montrant leur épaule, leur bras, leur dos. Ce n’était pas de la mort des bêtes dont ils me parlaient, ni de leur propre dégoût, ni de la viande. Mais de choses plus concrètes, plus précises et plus douloureuses encore : le cauchemar de leur vie à l’usine.
Le travail à la chaîne rend malade. Ce n’est certes pas une spécifi cité de l’industrie agro-alimentaire. Mais à l’abattoir, c’est un fait avéré, les ouvriers tombent malade plus souvent et plus rapidement. Les corps des animaux sont démembrés par la chaîne de production ; celui des hommes aussi. Les ouvriers souffrent de là où l’on coupe les bêtes. Et c’est pour parler de cette violence qu’ils étaient venus me rencontrer. Une femme n’arrêtait pas de pleurer. Elle parlait de la bosse de « calcaire » qui s’était formée sur son épaule et de sa main qu’elle ne pouvait plus serrer. Elle parlait de son licenciement et de son invalidité Au début, on pense qu’on ne va pas rester. Mais on change seulement de poste, de service. On veut une vie normale. Une maison a été achetée, des enfants sont nés. On s’obstine, on s’arc-boute. On a mal le jour, on a mal la nuit, on a mal tout le temps. On tient quand même, jusqu’au jour où l’on ne tient plus. C’est les articulations qui lâchent. Les nerfs qui lâchent. Alors l’usine vous licencie. À moins qu’entre temps on ne soit passé chef, et que l’on impose maintenant aux autres ce que l’on ne supportait plus soi-même. Mais on peut aussi choisir de refuser cela.
ENTREE DU PERSONNEL a été réalisé à partir de récits de vie de salariés et de scènes tournées dans de grands abattoirs industriels, sous la surveillance des patrons. à jamais. Elle parlait de son désespoir, elle disait : « je sais que je ne peux plus travailler mais je n’arrive pas à accepter que je ne pourrai plus jamais travailler, alors qu’il me manque encore 20 ans à travailler ». Elle avait 40 ans et en paraissait 60. Assis en face de Rozenn, il y avait Yves. Il regardait Rozenn pleurer. Il disait : « l’abattoir maintenant c’est le bout. C’est là où on va lorsqu’on ne peut plus travailler ailleurs. On ne peut pas imaginer comment travailler, ça pourrait être pire… »
Les ouvriers avaient accepté que je les enregistre, mais exigé que leurs témoignages restent anonymes, par peur des représailles. Le récit de leur vie au travail était bouleversant, troublant, insoupçonné. Souvent ils me disaient que la mort des bêtes ne leur faisait plus rien, qu’ils s’y étaient habitués. Mais je les entendais aussi parler de leurs cauchemars, des images qui revenaient après le travail, pendant leur sommeil, comme si la mort des bêtes les rattrapait… Mais au-delà des histoires et des situations individuelles se dessinait une issue tragique, un destin commun : tous ces ouvriers étaient, ou finiraient, usés. Usés jusqu’à l’os. Je suis allée dans d’autres usines où j’ai fait d’autres entretiens. À chaque fois, j’ai été touchée par la précision des mots, des phrases, des expressions que les gens employaient : leur corps était aliéné par la chaîne, par la répétition des gestes, mais leur parole exprimait la conscience de cette aliénation.
Ils pensaient leur condition et dans la brutalité de la situation qu’ils décrivaient, il n’y avait plus rien d’humain que cette parole-là, seul signe tangible de leur résistance…
Au-delà du vertige que produit le lieu de l’abattoir, l’enjeu central de ce fi lm, est bien la question du travail. Pour en rendre compte il faut mettre en rapport la chaîne, ce qu’on en voit, ce qu’on peut en filmer, avec cette parole des ouvriers. Le film se construit autour de ces deux pôles. D’un côté, la rationalité et la modernité de l’usine à viande, le trouble produit par ce mode de transformation du vivant en matière inerte et consommable ; et de l’autre, le récit par les ouvriers de ce travail qui les détruit.


POÏETIQUE* D’UNE CONSTRUCTION DOCUMENTAIRE

PAR CAROLINE ZÉAU, MAÎTRE DE CONFÉRENCES – UNIVERSITÉ PICARDIE JULES VERNE

*La poïétique a pour objet l’étude des potentialités inscrites dans une situation donnée qui débouche sur une création nouvelle.

Le dispositif principal d’Entrée du personnel articule ensemble deux niveaux de récits : celui de l’image (et du son) et celui des paroles. Et cette dichotomie, réconciliée par la cohérence formelle du film, témoigne des conditions de production de l’une et des autres.
A l’origine, Manuela Frésil s’est demandé « comment faire ? » : pour évoquer l’expérience du travail à la chaîne dans une usine d’abattoir en dépit du contrôle de l’image et avec le souci éthique de ne pas nuire aux travailleurs qui témoignent et aux cadres qui lui ont permis de voir. Comment faire pour mettre en relation, dans une perspective cinématographique, l’image encadrée et la parole anonyme ? La première étape fut bien sûr la rencontre et l’écoute des témoignages qui ont déplacé le point de vue initial de la cinéaste : du corps de l’animal vers celui de l’ouvrier.
Une soixantaine de témoignages ont été recueillis, enregistrés à la condition de l’anonymat car les ouvriers savent quelles sont les conséquences possibles de cette parole rendue publique. Livrés par des hommes et des femmes de tous âges, ces récits ont fini par révéler la conscience d’un sort commun de l’ouvrier d’abattoir, un destin collectif qui, à l’issue d’une réduction chimique, a fourni l’ossature d’un récit reconstitué à partir des paroles dites.
Ainsi, l’enjeu était-il de restituer leur récit dans une temporalité qui dépasse celle du présent du tournage pour rendre compte de la transformation qui résulte de l’expérience de l’abattoir, ce que le travail fait du travailleur à l’échelle d’une vie. De cette nécessité résulte la construction d’un texte, constitué de sept récits – quatre femmes, trois hommes – et monté à partir du matériau brut de la parole transcrite dans le respect rigoureux du mot et de la syntaxe. Tout en traçant les contours de personnages distincts – hommes ou femmes, avec ou sans enfants, d’âges différents – les récits s’emboîtent, se passent le relais, dans une alternative solidaire au travail à la chaîne, pour raconter le destin commun de l’ouvrier d’abattoir. Au-delà de la justification artistique, cette approche apparemment paradoxale – transformer le réel à des fi ns documentaires – se trouve ici légitimée par le problème de l’anonymat qui interdit le principe d’identifi cation. Chaque personnage du film est façonné par le montage de plusieurs témoignages mais chaque phrase entendue par le spectateur a réellement été dite. Plus ou moins conscient du dispositif, il est rendu sensible à cette tension entre le fictionnel et le factuel : l’association des images et du texte résiste à son attente d’une adéquation entre un corps et une voix, mais l’authenticité saisissante du langage signale l’inscription vraie de la parole en amont du film. L’effet de distanciation ainsi produit est renforcé par l’interprétation du texte, dit par des comédiens qui ne dépassent pas totalement le registre vocal de la lecture. La vitesse de celle-ci semble rythmée par celle du travail à la chaîne dans une système de mimétisme entre la caméra, les voix et la machine. A chaque personnage correspond une voix qui revient, de loin en loin, tout au long du film, et que le spectateur bientôt reconnaît ; mais le visage qu’il peut lui associer varie.
Là encore, la méthode employée répond à un impératif éthique : se saisir d’une parole sans l’usurper. Le plus souvent, la voix over accompagne les images du travail d’abattoir ; mais à quelques reprises – à la plage, dans le local syndical – le corps de l’interprète surgit, l’énonciation est ainsi rendue visible, l’instance du discours, tel un choeur antique, s’incarne, soulignée par l’artificialité des gestes et des postures.
Trois jeunes femmes sont installées sur la plage, vaquent à leurs loisirs puis s’adressent, frontalement, à la caméra pour dire chacune comment elles s’accommodent de l’usine, la troisième mimant de ses deux mains la mécanique du travail en disant : « Une fois qu’on a appris le geste, on est comme des machines. »
A contrario, deux exceptions sont faites à l’interprétation et à l’asynchronisme du corps et de la voix : deux hommes et une femme qui témoignent en son direct et à visage découvert. Ainsi alors qu’ils valident par ce qu’ils disent et par leur ancrage manifeste dans la réalité de l’usine l’histoire qui nous est racontée, leurs propos se trouvent symétriquement « emblématisés » par le dispositif qui les encadre.
Le montage de ces récits opère une série de déplacements du spectateur qui, à l’instar de la réalisatrice qui avait dû ajuster son point vue au contact des ouvriers, voit démenties les idées préconçues qui forment sa perception de la condition de l’ouvrier d’abattoir. Témoignage après témoignage, ces déplacements se résument ainsi : on peut être jeune, avoir un métier, venir là par choix « à cause de la mer » Il n’est pas question d’ennui, de cerveau, il est question de muscles : « L’usine pour moi c’était une changement radical (…). En coiffure, tu te muscles vachement les mains, mais pas les poignets » On peut aimer ce métier : « Il y a des gens qui aimaient ça, moi par exemple, j’aimais ça »
On s’habitue à côtoyer la mort même si on en rêve la nuit : « Celui qui est en tuerie, il fait des cauchemars, c’est obligé, tu as toujours le contact de cette bête qui va venir se faire tuer. Mais on s’y fait, on fait notre boulot, on n’y pense pas » etc.

Corrélativement, cette construction fait émerger les représentations sous-jacentes au discours et qui expriment principalement l’assimilation de l’homme à la machine ou à l’animal (ou les deux) et l’écartèlement de la personne.
Ce dernier motif traverse tous les récits et confirme l’idée du « partage de soi » énoncée par Jacques Gabillon dans Chronique d’un été. C’est d’abord le partage de la vie en deux temps distincts, étrangers l’un à l’autre, celui du travail et celui du loisir : « Quand il fait beau l’été après le boulot, je vais à la plage ». C’est aussi le choix entre la santé physique (si on s’en tient au salaire) et le confort matériel (si on force la cadence pour gagner la prime). C’est la partage entre l’avant et l’après : « Mon mari dit que j’ai changé. Je suis devenue indifférente aux autres » ; entre deux vies, avant et après le licenciement pour invalidité : « Une qui vient de finir. Une qui commence. » Conscient de ce qu’il sacrifie, chacun à sa manière se dit écartelé, coupé en deux comme une carcasse. Ce rapprochement entre l’homme et l’animal est un autre fil conducteur de ces récits enchâssés : « Là, moi je suis aux épaules. »
« Je rêvais de la chaîne, mais c’est plus les cochons qu’étaient pendus, c’était les êtres humains. C’est la viande qui fait ça. […] je veux pas devenir comme eux.
Ca m’est arrivé, j’étais dans le bureau moi quand ça m’est arrivé. […] vous avez le chef, qui voit les intérimaires arriver, et qui dit à un autre chef : “Voilà de la chair fraîche…” »
« Parce que vous ne savez pas si vous aurez une main en moins. »
« C’est un os de son bras qui est mort, un métacarpe. » Etc.

Enfin, l’assimilation de l’homme avec la machine : « Tu es trois à ce poste-là » ; « on est comme des machines ». Une femme (une ouvrière) confirme en son direct et en mimant les gestes qui remplacent les mots, trouent la parole : Toujours un moment de… quand même, d’aller chercher… déjà… de… En plus on a toujours un mouvement de… non seulement les bras, mais les mains… Parce qu’on a le couteau.

Plus loin, l’homme devient un hybride de la machine et de l’animal : On est cassé parce que notre machine à nous elle est… ou alors il faudrait qu’ils nous clonent. C’est ça il faudrait qu’ils arrivent à faire évoluer nos articulations en fonction des gestes qu’ils nous demandent de faire. […] Je me dis que ce n’est pas possible de continuer d’amener les gens à être des clones, des bêtes dans leur tête. […] on n’est pas des robots. Parce que quand on est robot, on n’est pas que robots, on est des humains.

Un homme, un ancien contremaître, dit au sujet des conséquences destructrices de la mécanisation de la chaîne : Tout d’un coup, on s’est retrouvé à se dire, et ben c’est comme Charlot […] ça va être plus pratique, et puis si ça va trop vite, on arrêtera le bouton […].

La machine détruit l’humain comme le montre Les Temps modernes (Modern Times, 1936), mais quand le marché et la machine s’emballent, Charlot, lui est assez libre pour « arrêter le bouton » et partir, quitte à partir en vrille… Même si Charles Chaplin, sans paroles ou presque, est parvenu à offrir l’une des représentions les plus marquantes de l’aliénation du travailleur de l’ère industrielle, il est encore en-deçà de la réalité.