Au travers de la lutte des agriculteurs de l’est de la Belgique pour leur survie, Il a plu sur le grand paysage formule un poème cinématographique sur la Culture paysanne aujourd’hui menacée de disparition… Neuf agriculteurs nous disent ce qu’ils ont sur le cœur…
Scénario et réalisation Jean-Jacques Andrien • Produit par Yasmine Kassari – Les Films de la Drève (Belgique) • Image Yorgos Arvanitis • Prise de son Jean-Jacques Andrien • Montage Cédric Zoenen, Isabelle Dedieu et Gilles Volta • avec la collaboration de Marc Bastien pour le montage son • Assistanat post-production Thierry Baivier • Musique Henryk Gorecki – Symphony N°3 OP 36 • Mixage Gérard Rousseau • En coproduction avec la RTBF- Unité de Programmes Documentaire (Wilbur Leguebe) et de ARTE G.E.I.E (Carine Bratzlavsky et Nadine Zwick) • Avec l’aide Du Centre du Cinéma et de l’Audiovisuel de la Communauté française de Belgique et des télédistributeurs wallons
Du Service Public de Wallonie, Direction générale de l’Agriculture des Ressources naturelles et de l’Environnement
De la Commission européenne – Direction Générale Agriculture et Développement Rural
De la BRF
Jean-Jacques Andrien
Filmographie de Jean-Jacques Andrien
2012 – IL A PLU SUR LE GRAND PAYSAGE LM (Doc)
Rencontres cinéma de Manosque 2014
1988 – AUSTRALIA
Prix de la meilleure photographie au Festival de Venise 1989. Prix
Femina du meilleur film belge de l’année 1989. Prix pour la meilleure
photographie, Festival de Gand 1990. Sélections Venise 89, Toronto,
Chicago, Londres, Québec, Rouen Noranda (Canada), Le Caire, Calcutta,
Belgrade, Cleveland, Santa Barbara, Los Angeles, Viarregio, etc.
1984 – MÉMOIRES (Doc) – 55 minutes
Ducat d’Or du Jury international à la 33e Semaine Internationale de
Films de Mannheim (1984). Sélections aux festivals de Montréal (1984),
Gent, Orléans, Paris (Cultura Latina), Venise (Mostra 1985), Strasbourg,
,Marseille, Lussas, Beaconsfield, Würzburg, etc.
1981 – LE GRAND PAYSAGE D’ALEXIS DROEVEN
Mention spéciale du jury du Festival International de Berlin 1981.
Grand Prix du Festival des Films du monde rural (Aurillac 1982). Prix de
la Fédération Française des ciné-clubs (Prades1981). Prix André Cavens
de l’Union de la Critique Cinématographique de Belgique, meilleur film
belge 1981. Prix Femina du meilleur film belge 1981. Sélections :
Festival internationaux de Londres (1981), Figueirada Foz, Hyères,
Strasbourg, Gent, Barcelona, Bologna, LosAngeles (Filmex1982), Hong
Kong, Toronto, Roma, Cambridge, Pezenas, Ouagadougou, Orbetello,
Bergamo, Toulouse, Lille, Laval, Troïa, Würzburg, etc.
1975 – LE FILS D’AMR EST MORT !
Grand prix (Léopard d’Or) du Festival de Locarno, 1975. Prix André
Cavens de l’Union de la Critique Cinématographique ,de Belgique,
meilleur film belge 1976. Prix de l’ACCT (Agence de Coopération
Culturelle et Technique) à Paris pour le meilleur scénario de la
francophonie. Sélections : Festival de Londres, Téhéran, Belgrade, Los
Angeles (Filmex 1976), Sydney, Adelaïde, Naples, Hof, Chicago, New
Delhi, Thessaloniki, Cannes (semaine d’Art et essai au Festival
International 1977), Dusseldorf, Wurzburg, Festival des premiers films
SRF Paris 1992, etc.
1972 – LE ROUGE , LE ROUGE ET LE ROUGE (cm)
Premier Prix au Festival du Court Métrage à Grenoble (1972). Premier
Prix de la catégorie court-métrage de fiction au Festival National du
Film belge de Knokke (1972). ,Sélections : Festivals de Cannes
(Quinzaine des réalisateurs), Cracovie, Oberhausen, Melbourne, New
Delhi, etc.
PRODUCTIONS de Jean-Jacques Andrien
2004 – L’ENFANT ENDORMI de Yasmine Kassari
Ce film a obtenu plus de cinquante distinctions dans les festivals
internationaux dont celui du Meilleur film européen à la Mostra de
Venise 2004 décerné par la CICAE.
2001 – LYNDA ET NADIA (cm) Fiction – 15 minutes de Yasmine Kassari
2000 – QUAND LES HOMMES PLEURENT (Doc) – 56 minutes de Yasmine Kassari
Prix du meilleur documentaire des cinémas du Sud du festival Vues
d’Afrique – Montréal. Sélections ACDOC du Forum du Festival de Cannes
2000, Commended for the Bazil Wright prize 2001 du Royal Anthropological
Institute of Great Britain – Londres. Sélectionné à une quarantaine
d’autres festivals internationaux.
1995 – CHIENS ERRANTS, (cm) de Yasmine Kassari
Prix C.I.R.T.E.F. du meilleur court métrage des pays du Sud (Festival
International de Namur 1995). Prix du meilleur court métrage du festival
international du court métrage de Turin 1996.
COPRODUCTIONS de Jean-Jacques Andrien
1991 – PARFOIS TROP D’AMOUR le premier film de long métrage de Lucas Belvaux
1988 – LA MÉRIDIENNE de Jean-François Amiguet
Sélection officielle du Festival de Cannes 1988 – Quinzaine des réalisateurs.
1988 – HOPPLA ! (Doc) de Wolfgang Kolb avec Anne Teresa De Keersmaeker
1986 – GENESIS de Mrinal Sen
Sélection officielle en compétition au Festival de Cannes 1986.
Filmographie
ENCLOS ET VASTITUDES Par Jean-Jacques ANDRIEN
J’ai vécu trois années (de 1977 à 1980) à Aubin-Neufchâteau, non loin
de Liège en Belgique, pour écrire le scénario du film de long-métrage
de fiction
intitulé Le grand paysage d’Alexis Droeven que j’ai réalisé en
1981. Comme pour mes films précédents, il s’agissait d’écrire un film
de fiction à partir de mon observation de la réalité.
L’histoire de ce film était celle d’un jeune agriculteur qui se demande
au moment de la mort de son père s’il va, oui ou non, reprendre la
ferme familiale.
A ce moment-là (de 1977 à 1980), l’agriculture vivait les premiers
bouleversements profonds causés par les excédents, notamment laitiers,
qui se sont développés après la mise en place de la Politique agricole
commune (PAC). On était à la veille de l’installation des quotas
laitiers (qui eut lieu en 1984).
Trois années d’enquêtes m’avaient été nécessaires pour l’écriture de ce
scénario. Trois années où j’avais visité toutes sortes de fermes,
fréquenté plusieurs familles d’agriculteurs, enregistré un grand nombre
de manifestations collectives (réunions d’agriculteurs, conflits
linguistiques – nous sommes à la frontière entre la Province de Liège et
la Flandre –, fanfares de village, ventes publiques, rituels religieux,
enterrements, mariages, etc.) de l’endroit où j’habitais, en
élargissant mon cercle d’enquête jusqu’à une limite au-delà de laquelle
il me semblait basculer dans d’autres réalités socioculturelles. C’est
ainsi que j’avais pu tracer très précisément le cadre géographique dans
lequel je souhaitais inscrire le récit de ce film.
Ce cadre est celui de la région de l’est de la Belgique que l’on nomme « le Pays de Herve ». Le grand paysage d’Alexis Droeven,
c’est le paysage de ce pays-là. Un paysage fait de prairies doucement
vallonnées s’étalant à perte de vue, au milieu desquelles surgissent
quelques fermes isolées. Enclos et vastitudes.
Trente ans après, je reviens dans ce Paysage.
Revisitant les mêmes lieux, les mêmes fermes, retrouvant les complices de mon film précédent Le grand paysage d’Alexis Droeven, je découvre une nouvelle réalité, une réalité où les changements redoutés l’ont emporté sur la continuité désirée :
• la population active agricole est passée de 5% à moins de 1,5% alors
que l’échelle des exploitations qui sont restées, a fortement augmenté
(de 30 à 50%) ;
• je constate chez les agriculteurs une forte dépendance envers les machineries, les investissements, les banques…
• la ville s’est profondément infiltrée dans le paysage qui, à certains
endroits, s’est modifié au point de s’effacer avec la disparition de
ceux-là même qui l’ont travaillé. Et, avec la diminution du
nombre d’agriculteurs, je constate une désagrégation de la cohérence de
la communauté villageoise, une perte du lien social : disparition des
épiceries, boulangeries, cafés, fanfares locales, etc.
Ces changements profonds, ces fractures, ces ruptures et aussi
l’effacement de ce que ce paysage contenait en soi d’unique et
d’irremplaçable (l’alternance réfléchie de vergers et d’immenses
étendues de prairies délimitées par des haies basses) pour un autre dont
on ne discerne pas encore la figure (comme sur la toile du peintre qui a
effacé un dessin pour y esquisser un autre), m’interpellent, et je
décide alors de réaliser un documentaire sur cette nouvelle situation
intitulé Il a plu sur le grand paysage. La pré-préparation (l’enquête et les repérages) du film Il a plu sur le grand paysage
a véritablement démarré en 2007, les tournages de certains
évènements (assemblées d’agriculteurs, manifestations agricoles) ont été
réalisés en 2009 – l’année de la crise laitière –, et le tournage
principal en 35 MM (mes rencontres avec les agriculteurs) d’octobre 2010
à début janvier 2011.
Aujourd’hui, l’agriculteur européen doit faire face aux règles de la
PAC (Politique agricole commune), de l’OMC (Organisation Mondiale du
Commerce) et bientôt du GMT (Grand Marché Transatlantique). Des règles
de plus en plus difficiles à vivre et soumises à des changements
incessants.
« Nous vivons aujourd’hui dans un monde d’une immense
insécurité économique. Pour mon père, ce n’était pas pareil et
j’imagine que pour le sien, ce l’était encore moins ! » (un jeune agriculteur du Pays de Herve, en 2007)
En trois générations d’agriculteurs, nous sommes passés d’un état où la
maîtrise de la capacité de production dépendait de la bonne
connaissance des contraintes locales, à une situation dans laquelle les
contraintes de production locales sont soumises aux lois du marché
mondial de rentabilité maximale. Ce qui a transformé l’agriculteur,
autrefois autonome et maître de sa situation, en une sorte de salarié
complètement dépendant et coupé de sa propre Culture.
Ce qui fait dire à ce jeune agriculteur du Pays de Herve : « La
logique économique que nous vivons aujourd’hui agit sur nous d’une façon
telle que nous nous déconnectons du monde dans lequel nous vivons. Nous
en arrivons à nous irréaliser de plus en plus (…) J’ai l’impression de
vivre dans l’absurde. Sans passé auquel me référer et sans futur
dans lequel espérer ».
Le passé étant devenu obsolète et le futur étant à ce point sombre et
incertain, l’agriculteur du Pays de Herve vit aujourd’hui dans un état
d’inquiétude permanent. Il flotte. Il est comme en état de suspension « Il ne fonctionne que pour survivre »
me dit l’épouse de l’un d’eux. Certains se suicident. ,Aujourd’hui,
l’agriculture est traversée par une crise historique, sans doute la plus
grave qu’elle ait jamais vécue.
On peut y voir le symptôme d’une crise beaucoup plus large qui touche l’ensemble de la société occidentale.
Pour John Berger1 « Ce n’est plus seulement
l’avenir des paysans qui est en jeu dans cette continuité. Les forces
qui aujourd’hui, presque partout dans le monde, éliminent ou détruisent
la paysannerie représentent la contradiction de la plupart des
espoirs contenus autrefois dans la notion de progrès historique. »
Le vif du sujet du film, il est là, dans ncette crise
existentielle résultant de crises beaucoup plus larges qui touchent
l’ensemble de la société occidentale.
C’est « l’humain » qui m’a, d’emblée, intéressé dans ce sujet, cette
problématique existentielle résultant de situations économiques et
politiques saisies dans leur historicité. Ce sont des parcours de vie
que j’ai voulu filmer, des parcours de « combattants », de « survivants
», pour aller vers une interrogation ontologique.
Dans ce
film, il ne s’agit pas tant d’un tableau d’un monde révolu ou finissant,
que de montrer des gens pris dans un processus de survie. Des gens qui
ne cessent de se battre pour survivre.
Filmer les
inquiétudes, les peurs de l’inconnu et du vide, la colère et le désarroi
mais aussi les rêves et les combats de ceux pour qui l’avenir a
toujours été un chemin étroit à travers une étendue indéterminée.
1 John Berger est né à Londres en 1926. Il vit en France, dans un village de Haute-Savoie, depuis le début des années 70. Écrivain engagé, scénariste, critique d’art, John Berger est l’auteur d’essais et de romans. Ont paru aux Editions de l’Olivier : Qui va là ?, King, Photocopies, et G. Il a été co-scénariste avec Alain Tanner du film Le Milieu du monde et de La Salamandre. Il a réalisé pour la BBC une série d’émissions intitulée Voir le voir. Il écrit régulièrement dans le Monde diplomatique
LA POSITION DU FILMEUR
Quels sont mes rapports avec les lieux et les gens de ce film ?
Mes parents sont originaires du Pays de Herve, de familles
d’agriculteurs. Je suis petit-fils d’agriculteurs. Enfant et adolescent,
j’habitais à Verviers, la ville principale de cette région ; j’ai passé
le plusclair de mon temps libre dans les fermes de mesgrands-parents,
de mes oncles, non pas en « vacancier » mais en travailleur au même
titre que mes cousins, fils d’agriculteurs et futurs agriculteurs. On
travaillait le matin et nous étions libres de jouer l’après-midi jusqu’à
la traite du soir à laquelle nousparticipions également.
Mon père était l’aîné de neuf enfants, le seul garçon à ne pas avoir
repris de ferme. Il est devenu « peintre portraitiste » de
profession. C’est par mon père que j’ai appris dès mon plus jeune âge
aussi bien les choses de l’image que celles du monde agricole ; c’est
lui qui m’a initié à ses réalités, à voir, à aimer et à respecter la
Culture paysanne. J’ai pratiqué toutes sortes de travaux dans la ferme :
depuis la traite des vaches, le nettoyage des étables, l’alimentation
du bétail, l’écrémage, l’épandage, le ramassage et la rentrée des foins,
la cueillette des fruits (hautes tiges), la vente des fruits à la criée
de Tongres…
Lorsque je suis revenu en 1977 dans le Pays de Herve pour l’écriture du scénario du Grand paysage d’Alexis Droeven,
j’ai repris durant quelques semaines ce travail dans une ferme où l’un
de mes oncles venait de décéder. Ce fut pour moi l’expérience
d’une agriculture beaucoup plus industrialisée (pipe-lines à la place
des pots trayeurs et des cruches / réfrigérateur / grilles…) que celle
que j’avais connue enfant mais il n’y avait pas encore la rupture
identitaire que je ressens aujourd’hui.
Mes rapports à ces lieux et leurs habitants ne sont pas simples. Je ne
suis pas paysan. Je suis cinéaste et je viens de Bruxelles où je m’étais
installé pour étudier et pratiquer le cinéma. Je suis devenu pour les
gens d’ici une sorte d’étranger même si l’on sait que ma famille est une
famille d’agriculteurs de la région, que j’y ai réalisé Le grand paysage d’Alexis Droeven et
que je suis revenu vivre dans le pays. Mon origine familiale et mon
statut de cinéaste créent vis-à-vis de ces gens, à la fois un lien et
une barrière. Une barrière parce que je ne suis pas paysan. J’ai donc
voulu, dès le départ de ce projet, qu’il y ait une sorte de contrat
implicite entre moi et ces gens que je voulais filmer afin qu’un échange
puisse se produire ; que ce film soit aussi le leur sans qu’il y ait
instrumentalisation. Ce qui m’a amené à les associer à l’écriture du
film et au tournage dans un débat permanent sur des propositions que je
leur faisais et qu’ils me faisaient, mais où la décision finale me
revenait nécessairement. Un groupe de travail a été créé dès le départ
de l’écriture de ce film.
L’acte de réaliser un film documentaire est une approche
d’un moment donné de l’expérience humaine à comprendre et à
transmettre à partir d’un point de vue précis.
Ce travail implique un double mouvement : être suffisamment proche de
ce moment donné afin de pouvoir le vivre et le comprendre, et
suffisamment loin pour pouvoir l’analyser, se positionner par rapport à
lui et le relier.
Mouvements d’approche et de recul, de partage et de réflexions, un
travail sur les distances en fonction des liens et des différences afin
d’atteindre ce centre de gravité commun où s’effectue
l’évidence d’appartenir à un même monde humain. C’est là, dans cette
oscillation, que je situe ma position de filmeur.
LE TOURNAGE
Les supports
Le film a été tourné sur pellicule négative couleur 35MM – Kodak Vision
3 et en Son stéréo (Nagra 4S). Ce sont les « pinceaux » avec lesquels
j’ai toujours peint mes films. Je souhaitais tourner ce film en 35MM et
pas en numérique :
1. afin d’obtenir une image (et un son) de la meilleure qualité
possible en résolution et en dynamique, afin de restituer le plus
fidèlement possible la finesse des lumières, la subtilité chromatique
des intérieurs des fermes, des différents moments de la journée selon
les saisons, afin aussi de pouvoir capter les expressions les plus
infimes – car retenues – d’un visage, d’un regard, les détails
lointainsd’un paysage… Etre dans le concret des chosesdu monde paysan.
L’image numérique restant selon nous (nous sommes en 2010) une image
aux valeurs standardisées, encore trop peu sensibles aux nuances que
nous voulions capter.
2. afin de pouvoir travailler la profondeur de champ(travailler
l’espace, les rapports avant-plan / arrière- plan comme le requiert le
sujet de ce film qui confronte des nappes de passé avec le présent). La
gestion de la profondeur de champ, c’est une question de système de
captation. Dans le 35MM les grains d’argent se déplacent différemment
d’un photogramme à l’autre ; « c’est cela qui permet la recomposition
mentale à partir d’un échantillonnagede valeurs de couleur, et c’est
l’aléatoire du grain qui crée la profondeur » (Caroline Champetier).
3. afin de ne pas utiliser d’éclairage additionnel (même compensatoire)
dans des lieux souventtrès exigus et où il n’est pas question de
modifier l’emplacement d’un meuble ou d’éblouir un protagoniste ou un
animal… La grande sensibilité de cette pellicule 35, sa dynamique, le
permet.
4. afin de constituer une mémoire vivante de la vie quotidienne de ces
gens; c’est à dire de pouvoir disposer d’un support résistant au temps
pour réaliser soit d’autres copies 35MM, soit du DCP, des DVD ou des
Blue Ray. Les données numériques ne se conservent que pendant un temps
limité (unequinzaine d’années ?), contre cent ans au minimum pour la
pellicule argentique.
L’équipe
Le directeur photo / cadreur : Yorgos Arvanitis qui a travaillé sur la plupart de mes films et ceux de Théodoros Angelopoulos.
Moi-même, à la prise de son en même temps que la réalisation. Yasmine Kassari, productrice, qui a assuré les fonctions de régisseur et d’assistante à la réalisation. Michel Baudour pour les prises de vue des deux assemblées d’agriculteurs et la manifestation de Ciney (l’épandage dans un champs de 4 millions de litres de lait).
L’intérêt de cette formule d’équipe réduite est la minimalisation maximale du dispositif de tournage : peu de personnes sur le tournage, pas de matériel d’éclairage (il n’y a pas une seule lampe ajoutée à l’éclairage existant ; tout y a été filmé en éclairage naturel), pas de machinerie, etc. afin de créer un maximum de liberté (de paroles et d’actions) lors des prises de vues.
L’agriculture en difficulté en Europe : chronique d’une restructuration qui n’en finit pas*
Fermeture des exploitations et perte d’emplois :
Chaque jour, depuis 10 ans, 61 exploitations disparaissent en France, 39 en Allemagne, 4,5 en Belgique (9 exploitations tous les 2 jours). En 2010, la Belgique comptait encore 42 900 exploitations contre 62 000 en 2000. 80 900 personnes y étaient employées soit, environ 30% de moins que 10 ans plus tôt. Le nombre d’exploitations, en France, passe de 663 000 en 2000, à 490 000 en 2010. Cette diminution s’accompagne également d’une perte de 22% des emplois dans le secteur.
Sur la même période, le nombre d’exploitations a diminué de 24% en Italie, 29% aux Pays-Bas et 36% en Allemagne.
L’emploi agricole dans l’UE 28 a diminué de 25 % entre 2000 et 2009,
correspondant à la perte de 3,7 millions d’emplois à temps plein. La
baisse s’échelonne entre 3 % en Grèce et 55 % en Estonie.
Perte de revenus
Cette restructuration ne consolide pas le développement des autres
exploitations comme prévu par la PAC. Elle s’accompagne d’une perte de
revenu toujours plus grande pour les familles.
L’enquête réalisée en Belgique en 2010 révèle que 40% des agriculteurs
wallons et 32% des agriculteurs flamands n’ont plus de liquidités. Ce
qui signifiequ’ils vont soit devoir vendre une partie de leur
patrimoine, qui est aussi leur outil de travail, soit avoir recours à
des prêts de courte durée et donc plus onéreux.
En 10 ans, les coûts de production ont augmentés de 40% et les prix de vente seulement de 6,6%.
En 2008 et 2009, 25% des agriculteurs wallons ont travaillé 12 à 14h
par jour pour obtenir un revenunégatif. Ils n’étaient que 5,3% en 2001.
En France, 27% des exploitations ont un résultat négatif (avant
rémunération de l’exploitant et avant impôts) entre 2009 et 2010. Ils
n’étaient que 10% de 2000 à 2007. En Allemagne, on constate que 10% des
exploitations sont surendettées et 50% sont confrontées à une perte du
capital propre (y compris les 10% surendettées).
Multifactorialité des difficultés et accélération du processus de précarisation
En 2010, le Réseau de Solidarité Européen1,
constitué d’associations d’aide aux agriculteurs, actif depuis de
nombreuses années dans le secteur, fait les mêmes constatations dans
divers pays européens : « Le travail d’accompagnement a beaucoup
changé au fil du temps. Nous avons tous constaté l’aspect multifactoriel
des difficultés tant au niveau économique qu’humain et l’accélération
du processus de précarisation :
• Volatilité des prix de vente et accroissement permanent des coûts de production.
• Prise de risque accrue et moindre maîtrise de l’activité professionnelle.
• Durcissement des conditions de financement des exploitations.
• Technicité, complexité du métier, contraintes administratives et de mise aux normes.
• Faiblesse ou absence de revenu avec éventuellement un endettement important.
• Complexité des situations mêlant des problématiques d’ordre
personnel, familial, patrimonial, économique, juridique, fiscal,
social,…
• Diminution de l’âge moyen des personnes en difficultés financières (47 ans).
• Augmentation de la taille des exploitations familiales en difficulté.
Tous les modèles d’exploitations familiales sont concernés. On ne peut
plus parler d’un seul modèle d’exploitation familiale qui fonctionnerait
car aucune d’entre elles n’est à l’abri de la fluctuation des
prix, d’une crise sanitaire, d’un accident du travail ou de la vie. Si
les exploitations fragilisées étaient il y a 10 ou 15 ans celles qui
éprouvaient des difficultés à se moderniser, nous constatons aujourd’hui
que font appel à nos associations des exploitations en
plein développement ou récemment installées. »
* Données récoltées par Agricall Wallonie.
1 Le réseau de Solidarité Européen est constitué par Agricall Wallonie (Belgique-Wallonie), Solidarité Paysans (France), B.A.G (Allemagne), Bäuerliches Sorgentelefon (Suisse), Boeren op een Kruispunt (Belgique- Flandre).