Dans une petite ville perdue d’Islande, un commissaire de police en congé soupçonne un homme du coin d’avoir eu une aventure avec sa femme récemment décédée dans un accident de voiture. Sa recherche de la vérité tourne à l’obsession. Celle-ci s’intensifie et le mène inévitablement à se mettre en danger, lui et ses proches. Une histoire de deuil, de vengeance et d’amour inconditionnel.
Avec : Ingvar Sigurdsson Ingimundur • Ída Mekkín Hlynsdóttir Salka • Hilmir Snær Guðnason : Olgeir • Björn Ingi Hilmarsson Trausti • Elma Stefanía Ágústsdóttir Elín • Sara Dögg Ásgeirsdóttir épouse d’Ingimundur
Réalisation Hlynur Pálmason • Scénario Hlynur Pálmason • Direction photo Maria von Hausswolff • Montage Julius Krebs Damsbo • Production Design Hulda Helgadóttir • Costumes Nina Grønlun
Hlynur Pálmason
Il a commencé sa carrière dans les arts visuels, avant de se tourner vers le cinéma en poursuivant ses études à la Danish National Film School, dont il est sorti diplômé en 2013 avec le court métrage primé Un peintre. Le premier long métrage de Pálmason, Winter Brothers, a fait sa première mondiale en compétition officielle au Festival de Locarno en 2017, où il a remporté quatre prix. Il a ensuite été vendu dans plus de 20 territoires et a connu un grand succès dans les festivals, où il a gagné plus de 30 prix. Un jour si blanc est son second long métrage.
Filmographie
2019 Un jour si blanc
2017 Winter Brothers
2014 Seven Boats [cm]
2013 Un peintre [cm]
2012 Un jour ou deux [cm]
HLYNUR PÁLMASON
PAR MARTA BAŁAGA
Vous ouvrez le film avec la citation : « Quand tout est si
blanc qu’on ne peut plus faire la différence entre la terre et le ciel,
les morts peuvent nous parler, à nous qui sommes vivants ». Ce qui m’a
tout de suite fait penser qu’il s’agissait d’une histoire de fantôme,
celle d’un homme qui recherchait la vérité sur sa femme disparue.
Je crois que je suis attiré par les choses qui me semblent mystérieuses
et j’entretiens de ce fait une certaine ambiguïté. Les choses qui sont
cachées sont pleines de possibilités et stimulent l’imagination. Je
pense que les principaux moteurs dans le travail sont la passion et le
désir d’explorer l’inconnu.
Il y a dans le film des moments étranges, comme l’émission de télé pour enfants qui dure assez longtemps. Pourquoi ?
Je ne trouve pas que ce soit tellement étrange, comparé à ce qui passe à
la télé ou à ce que les gens regardent sur leur téléphone. Je crois que
la scène fait écho à des choses que le film explore, mais d’une façon
ludique. Il y a un proverbe chinois que j’aime bien : « Plus on connaît
une chose, moins elle nous semble étrange ».
Est-ce que vous utilisez souvent le genre comme point de
départ, pour ensuite vous en éloigner et raconter votre propre histoire ?
Je n’ai jamais pensé aux films de genre, je m’y connais d’ailleurs très
peu. Je ne sais pas si je suis très conscient d’où va le film, mais
pour moi Un jour si blanc est un film sur deux types d’amour. L’amour
que vous éprouvez pour vos enfants ou vos petits-enfants, qui est
simple, pur et inconditionnel, et puis un autre type d’amour – celui que
vous éprouvez pour votre conjoint, votre amoureux, votre femme… C’est
un sentiment complètement différent, plus complexe, intime, animal et
relativement unique, que vous n’éprouvez pour personne d’autre.
Dans le film, on n’en apprend pas beaucoup sur son épouse –
il n’y a pas de flashback, juste quelques brèves évocations – elle reste
une sorte de fantasme.
Je voulais qu’elle soit présente dans le film, mais pas à travers des
flashbacks ou quoi que ce soit de trop sentimental. Je voulais qu’elle
soit évoquée et présente à travers des objets, des images et la cassette
vidéo. De cette manière, j’ai l’impression que je laisse plus de place à
l’imagination, qu’on peut projeter nos propres images et sentiments sur
elle, et qu’elle reste mystérieuse. Les moments avec elle ont une
grande importance dans le film, d’autant plus qu’ils sont très
ponctuels, je ne voulais surtout pas abuser de sa présence à travers des
flashbacks sentimentaux ou trop d’informations. La vie est mystérieuse
et nous nous efforçons de l’accueillir.
La bande son reflète cela. Quels types de sentiments
vouliez-vous qu’elle suscite ? Parce qu’elle semble suggérer que quelque
chose va mal tourner, pratiquement depuis le début.
Je voulais que la musique corresponde au tempérament du film, qu’elle
soit belle et brillante au début, pour sombrer naturellement dans
quelque chose de plus sombre et mystérieux. Ça a été passionnant de
travailler avec la musique d’Edmund Finnis. Je suis très fan de son
travail et je trouve que sa musique fonctionne merveilleusement bien
avec le montage son. Elle donne de l’air à la bande son et le film donne
de l’air à sa musique, je trouve que ces deux éléments se mettent
parfaitement en valeur, sans jamais s’étouffer.
Vous aviez déjà travaillé avec Ingvar Sigurdsson sur Un Peintre
(2013), votre film de fin d’études à l’École Nationale de Cinéma du
Danemark. Qu’est-ce qui vous a fait repenser à lui, en particulier pour
ce rôle ?
J’ai adoré travailler avec Ingvar sur mon film de fin d’études et j’ai
senti qu’il y avait des tas de choses qu’on pouvait explorer ensemble.
C’est pourquoi j’ai écrit et développé Un jour si blanc en
pensant à lui et en parlant régulièrement avec lui. Ingvar est un acteur
très physique, mais en même temps très présent émotionnellement, et
c’est un formidable collaborateur. Il a une compréhension profonde de la
manière dont il faut bouger, se déplacer, avec des gestes naturels que
la caméra peut capter. Il est techniquement très bon, tant sur la
gestuelle que sur le dialogue, et ça me donne une immense liberté
d’écriture, y compris pour des scènes longues et complexes, des
scénarios souvent difficiles à mettre en oeuvre. Il s’est investi à 100%
dans le projet, il a été très présent et très impliqué émotionnellement
et c’est vraiment ce que j’attends de mes plus proches collaborateurs.
Nous
n’avons pas encore parlé de sa relation avec sa petite-fille, un des
personnages les plus importants du film. Comment avez-vous vu ces
deux-là interagir, et leur interaction évoluer ?
Sa petite-fille est la prunelle de ses yeux, elle représente l’amour
inconditionnel qu’on éprouve pour ses enfants et ses petits-enfants. Un
amour simple, pur et qui a presque un pouvoir de guérison sur le
protagoniste. C’était très important pour moi de prendre plaisir à être
avec eux et de les voir être ensemble de manière si naturelle.
C’est
intéressant de voir que, bien que très entouré par sa famille,
Ingimundur n’en est pas moins très seul dans sa douleur. Qu’est-ce qui
vous a attiré dans ce deuil, qui bout de plus en plus, pour finir
quasiment par exploser ?
Aimer, c’est être susceptible de connaître une grande perte. Ingimundur
a perdu quelqu’un qu’il aimait, qu’il adorait, et voilà que quelque
chose… un sombre doute s’immisce en lui et l’amène à remettre en
question ce qu’ils partageaient. Quand quelqu’un est dans ce genre
d’état, dans un moment de fragilité, vous le découvrez souvent dans ce
qu’il a de plus humain. C’est ce que je voulais explorer.
Au lieu de chérir ses souvenirs, c’est presque comme s’il
essayait de les saboter. Pourquoi décide-t-il de découvrir la vérité ?
C’est un périple qui ne peut pas lui apporter la paix, si ?
Je crois qu’ils ont dû avoir une relation particulièrement forte, qui
fait qu’il n’a pas vraiment le choix. Chacun des spectateurs est libre
de penser que cette recherche peut lui apporter la paix, ou qu’elle ne
fait que le blesser. J’espère que le film est ouvert à l’interprétation,
donc ça dépend beaucoup de la personne qui le regarde. Je crois que
tous les films ou autres oeuvres d’art que j’aime sont ouverts et
respectueux de l’interprétation de chacun. C’est probablement le cas
pour l’art en général.
Vous aviez déjà exploré le sentiment d’isolement dans Winter Brothers.
Qu’est-ce qui vous attire chez ces « caractères forts et silencieux »,
si réticents à s’ouvrir ? Et, tandis que ce premier film était décrit
comme « une histoire sur le manque d’amour », celui-ci semble traiter de
la destruction progressive d’un amour, curieusement par la personne
même qui l’éprouve.
Je trouve Emil, le protagoniste de Winter Brothers, très différent
d’Ingimundur dans Un jour si blanc. Mais peut-être que, d’une certaine
manière, ils se sentent tous les deux délaissés, insatisfaits, je ne
sais pas. Emil manque d’amour, d’être vu, regardé par quelqu’un, voulu
et désiré. Ingimundur est abandonné à son chagrin, ses doutes et sa
colère. Je pense qu’Un jour si blanc est à la fois une histoire d’amour
et de haine, parce que les pensées les plus belles sont souvent proches
des plus sombres. Les gens que vous aimez le plus sont parfois
confrontés à vos pires côtés et la frontière entre l’amour et la
détestation est très ténue.
Il y a des scènes qui
montrent le temps qui passe, en particulier autour de la maison. Mais en
ce qui le concerne, le temps semble s’être arrêté. Il est quasiment
incapable d’avancer. Pouvez-vous nous en dire plus sur le temps qui
passe dans votre film ?
Pour moi, le cinéma est avant tout une affaire de rythme, une
composition faite d’images, de sons, de mouvements, de musique, de
dialogues, etc. Ma collaboration avec mon monteur Julius Krebs Damsbo
est très importante pour moi et c’est à ce moment-là qu’on plonge
véritablement dans le film et qu’on trouve son rythme et son atmosphère.
Observer la maison qu’Ingimundur construit participe pleinement au
processus de deuil. Il s’agit du temps qui passe, mais aussi de rester
occupé et de ne pas perdre la tête. On sent le temps qui passe, on voit
les saisons qui se succèdent et le climat qui change, le jour et la
nuit, le froid et la chaleur, la beauté et la brutalité. Je voulais que
le prologue exprime l’écoulement du temps. Quand cette femme est morte,
elle a laissé son mari avec ses sentiment de chagrin, de colère et de
doute. Le film est une sorte de diatribe, un poème de haine à sa femme
qu’il ne réussit pas à mettre en pièces. D’une certaine manière, il est
comme une blessure ouverte incapable de guérir ou d’aller de l’avant.