Le film documentaire DAVID LYNCH : THE ART LIFE est un portrait inédit de l’un des cinéastes les plus énigmatiques de sa génération.
De son enfance idyllique dans une petite ville d’Amérique aux rues sombres de Philadelphie, David Lynch nous entraîne dans un voyage intime rythmé par le récit hypnotique qu’il fait de ses jeunes années.
En associant les oeuvres plastiques et musicales de David Lynch à ses expériences marquantes, le film lève le voile sur les zones inexplorées d’un univers de création totale.
Réalisation Jon Nguyen, Rick Barnes, Olivia Neergaard-Holm
Producteurs Jon Nguyen, Jason S., Sabrina Sutherland
Co-producteur Marina Girard-Muttelet
Directeur de la photographie Jason S.
Montage Olivia Neergaard-Holm
Musique Jonatan Bengta, David Lynch
Montage son Philip Nicolai Flindt
Jon Nguyen, Rick Barnes, Olivia Neergaard-Holm
JON NGUYEN
Réalisateur et producteur américain vivant à Copenhague, Jon Nguyen est
un fervent admirateur de David Lynch, qu’il suit et filme depuis
plusieurs années. Il réalise le documentaire Behind the scenes pendant le tournage de Inland Empire en 2005. Il collabore par la suite au documentaire « Lynch » avant de produire The Interview Project pour l’Allemagne. Avec David Lynch: The Art Life, il boucle une trilogie sur le maître.
OLIVIA NEERGAARD-HOLM
Diplômée de la National Danish Film School, Olivia
Neergaard-Holm a travaillé comme monteuse sur de nombreux projets
danois et internationaux : documentaires, clips musicaux, films
publicitaires et longs-métrages de fiction. Son premier essai à
l’écriture est un succès puisqu’elle signe en 2015 le scénario de «
Victoria » de Sebastian Schipper. Avec les différents matériels à sa
disposition, c’est un at ypique travail de montage qu’elle effectue pour
David Lynch : The Art Life.
« Un soir, j’ai rencontré le veilleur de nuit de la morgue. Je lui ai dit » j’adorerais venir voir ”. Je suis entré dans la chambre froide, et il a fermé la porte derrière moi.
J’étais donc là, assis sur le sol, et il y avait tous ces lits. Tous ces gens morts, des cadavres tout autour de moi.
Et… je suis juste resté là. C’était étrange.
Ce qui traverse l’esprit, c’est qu’on se demande quelle est l’histoire de chacun d’eux.
Quelle est leur histoire ? Qui ils étaient,ce qu’ils faisaient,comment sont-ils arrivés là. Ça fait réfléchir. Et… ça fait imaginer des histoires ». DAVID LYNCH
ENTRETIEN AVEC Jon Nguyen, réalisateur
(entretien mené par Hannah Ewens pour Vice)
En 2006, Da vid Lynch rechignait à donner des interviews. Comment l’a vez-vous convaincu ?
Sur le documentaire « Lynch » en 2007, je me rappelle qu’on voulait lui
poser beaucoup de questions. Et c’était évident à son attitude que ça
le mettait mal à l’aise ou que ça ne l’intéressait pas de répondre. Au
bout d’un moment, il a simplement dit : « Suivez-moi et, à la fin du
tournage, vous saurez de quoi parle le film. » Et puis on a compris
qu’il était toujours réticent. Quand on a eu fini, je me souviens que
son ami Jason a dit : « Je pense que David arrive à un âge où il va sans
doute vouloir partager certaines histoires. Revenons dans deux-trois
ans et nous verrons bien ce qu’il en pense. » Quand il a eu sa fille,
qui a maintenant trois ans et demi ou quatre ans, on l’a recontacté en
lui disant que c’était une occasion de lui raconter ses histoires
d’enfance et il a trouvé que c’était une super idée.
Pouvoir approcher Lynch dans son intimité est tellement rare.
Vous êtes avec lui dans son sanctuaire, avec sa fille qui gambade
autour…
David est quelqu’un de très secret qui a un petit cercle d’amis
proches, et je pense vraiment que si Jason n’avait pas été là pour faire
exister ce projet, s’il n’y avait pas eu cette amitié et cette
confiance entre eux, rien de tout cela ne serait arrivé. Vous ne pouvez
pas sortir de nulle part et faire en sorte que David s’ouvre à vous de
cette façon. Ce n’est pas une personne facile à interviewer. La plupart
du temps, c’est lui qui oriente la conversation. Ces entretiens ont eu
lieu durant les week-ends, et il y en a eu environ vingt-cinq, étalés
sur trois ans. Jason vivait sur la propriété de David, et David lui
passait un coup de fil le week-end pour dire : « J’ai une heure de
libre, est-ce que vous voulez passer ? » On s’installait, on branchait
un micro, et c’était comme discuter avec un vieux copain.
J’ai été étonnée de voir à quel point sa vie d’artiste est solitaire.
Dans le film, on le voit parfois écrire, parce qu’il travaille sur Twin Peaks
à ce moment-là. Mais, la plupart du temps, il est dans son studio en
train de peindre. Je collectais les images jour après jour et je me suis
dit : « Tout ce que tu montres, c’est David en train de peindre. » Jason m’a dit : « Jon, tout ce que David fait, c’est peindre, du matin au soir.
» Bien sûr, lorsqu’il fait un film, il sort pour tourner. Mais en
dehors de cela il ne fait rien d’autre. Il ne fait même pas son café
lui-même, à part le week-end. Je disais : « Est-ce qu’on pourrait avoir des plans de lui en train d’arroser les plantes ? » Jason répondait : « Je vais demander.
» Mais David ne se laissait filmer en train de faire des choses
triviales que s’il les faisait vraiment. Il ne faisait jamais semblant
pour la caméra. Il se trouve que c’est tout ce qu’il fait : du matin au
soir, il est dans son studio et il travaille encore et encore, c’est
comme ça depuis qu’il est enfant. Il ne fait rien d’autre, c’est un
artiste pur et dur.
Lynch est tellement secret … Quel format d’entretien avez-vous adopté ?
Chaque entretien était différent. Il parlait de ses grands-parents, de leurs histoires, de toute sa famille. Mais on a remarqué qu’il y avait un fil rouge tout au long de l’histoire : sa découverte de l’art. Il faisait de la peinture au doigt et, à la fin du lycée, il avait déjà peint dans six ou sept ateliers différents.
Ses parents étaient aussi d’un soutien incroyable. J’adore
l’anecdote sur le fait que sa mère ne lui donne pas de livre de
coloriage comme à ses frères et soeurs, parce qu ’elle perçoit sa
passion pour l’art.
Elle a clairement perçu quelque chose d’unique chez lui, un potentiel.
Je ne suis pas sa mère, je ne sais pas ce qu’elle a vu, peut-être qu’il
gribouillait et que c’était quelque chose que les autres ne faisaient
pas. Son père aussi a eu une très grande influence sur lui. David dit
que son père lui a fait découvrir le monde caché sous l’écorce. Le
moment qui m’a surpris, c’est cette scène dans le documentaire où il
raconte qu’il emmène son père à la cave pour lui montrer ses expériences
bizarres. [Il fait pourrir des fruits et des animaux pour observer leur
évolution et son père est si horrifié par ce qu’il voit qu’il dit à
David qu’il ne devrait pas avoir d’enfants.] Je ne sais pas si son père
sait qu’il a été l’influence principale de David sur ce genre de choses.
Il
y a de nombreuses anecdotes étranges sur son enfance que l’on peut
facilement rattacher à son style et à son oeuvre. Parmi celles qui sont
frappantes il y a celle où, enfant, il joue dehors tard le soir et une
femme traverse la rue à côté de lui, complètement nue.
Quand j’ai entendu cette histoire, ça m’a rappelé la scène dans Blue Velvet. Et quand il voit Bob Dylan enconcert et dit « il était si petit sur scène », ça m’a rappelé le vieux couple dans Mulholland Drive
– quand ils sortent du sac. Dans beaucoup de ses oeuvres la radio est
présente et, dans le documentaire, il raconte son départ à l’université :
après avoir dit au revoir à son père, il est resté cloîtré dans sa
chambre pendant deux semaines, sans en sortir du tout. Il a juste écouté
la radio jusqu’à ce que les piles soient mortes. Ça m’a beaucoup
marqué.
Il sous-entend qu’après avoir fait cet te expérience de la solitude, cela ne l’a jamais quitté.
Oui. J’imagine qu’il souffrait d’une certaine agoraphobie, et ça s’est
clairement renforcé avec le temps. Il venait d’une petite ville de
l’Amérique profonde et s’est soudain retrouvé à Philadelphie. C’était
deux semaines environ après les émeutes raciales qui y ont eu lieu, dans
une ville déchirée par la guerre, complètement détruite, ravagée. Il a
toujours dit que Philadelphie avait eu une influence décisive sur son
oeuvre et sa vie.
A-t-il aimé le film ?
Oui. Nous avons fait le film à partir de tous les fragments qu’il nous a
confiés. Il nous a donné accès à ses albums de famille et à tous ses
tableaux, et puis nous avons visité son studio et sa maison et fait les
entretiens. Nous ne sommes pas allés rencontrer de personnes
extérieures, nous n’avons inclus que les éléments qu’il a accepté de
nous donner. Il a même choisi le nom.