Aujourd’hui, en Algérie, trois histoires, trois générations. Mourad, un promoteur immobilier, divorcé, sent que tout lui échappe. Aïcha, une jeune fille, est tiraillée entre son désir pour Djalil et un autre destin promis. Dahman, un neurologue, est soudainement rattrapé par son passé, à la veille de son mariage. Dans les remous de ces vies bousculées qui mettent chacun face à des choix décisifs, passé et présent se télescopent pour raconter l’Algérie contemporaine.
SÉLECTION OFFICIELLE – UN CERTAIN REGARD, FESTIVAL DE CANNES 2017
Avec : Mourad Mohamed Djouhri • Lila Sonia Mekkiou • Djalil Mehdi Ramdani • Aïcha Hania Amar • Le père d’Aïcha Chawki Amari • Dahman Hassan Kachach • La Femme Nadia Kaci • Le frère Samir El Hakim • Avec la participation de Aure Atika
Scénario Karim Moussaoui et Maud Ameline • Image David Chambille • Ingénieur du son Arnaud Marten • Montage Thomas Marchand • Assistant mise en scène Franck Morand • Second assistant mise en scène Hassen Ferhani • Scripte Elsa Melquioni • Décors Hamid Boughrara • Costumes Maya Ben Chikh El Fegoun • Casting Abdelmadjid Kellou • Chorégraphe Georgia Ives • Mixeur Andreas Henke • Coproduit par Jaber Debzi •Coproduit par Nicole Gerhards • Produit par David Thion et Philippe Martin • Une production Les films Pelléas • Une coproduction Prolégomènes, Niko film, Arte France Cinéma, Mk2 Films, CADC • Ce film a été soutenu par Eurimages • Avec la participation de l’Aide aux cinémas du monde, l’Aide à la coproduction franco-allemande, Centre National du Cinéma et de l’Image animée, Institut français, Arte France • Avec le soutien de la Fondation Gan pour le Cinéma
Karim Moussaoui
Né en 1976, Karim Moussaoui est l’auteur de trois courts métrages, et d’un moyen métrage Les jours d’avant particulièrement remarqué (sélections aux festivals de Locarno, Clermont-Ferrand, Brive, Premiers Plans – Grand Prix) – et finaliste aux César dans la catégorie « Meilleur film de court métrage »). Il est membre fondateur de l’association culturelle de promotion du cinéma Chrysalide à Alger. Il a également été responsable de la program mation cinéma à l’institut français d’Alger pendant plusieurs années. Le scénario de son premier long-métrage En attendant les hirondelles a été développé dans le cadre de la résidence de la Cinéfondation du Festival de Cannes et des Ateliers d’Angers. Karim Moussaoui est lauréat 2016 de la Fondation Gan pour le Cinéma.
Filmographie
2017 EN ATTENDANT LES HIRONDELLES
2013 LES JOURS D’AVANT [mm]
2006 CE QU’ON DOIT FAIRE [cm]
2005 NOIR SUR BLANC [cm]
2003 PETIT DÉJEUNER [cm]
ENTRETIEN AVEC KARIM MOUSSAOUI
La genèse du film ?
À l’orée du 21ème siècle,
l’Algérie sort d’une décennie sanglante dont les traumatismes sont
encore vivaces aujourd’hui. De nouveaux modes de vie et de pensée
s’installent et nous vivons, en quelque sorte, sans nous soucier de
l’avenir, sans perspectives, dans un état d’amnésie heureuse. Mais ce
système atteint vite ses limites. Une certaine détresse qui persistait
en nous, figée dans le temps, ressurgit. C’est dans ce contexte que j’ai
voulu que les histoires de mon film évoluent. Trois histoires dont
l’action se situe au temps présent, et qui vont se déployer sur une
seule semaine, en différents lieux du pays. Le scénario est porté par
une série de portraits d’hommes et de femmes aux prises avec la vie, le
quotidien et l’Histoire récente de l’Algérie.
Ce sont des personnages ordinaires qui vivent une vie ordinaire. Les événements auxquels ils sont confrontés sont imaginaires mais vraisemblables, inspirés par mon observation personnelle. Il ne s’agit pas ici pour moi de décrire la société, mais d’évoquer les aspects qui m’interpellent : l’endroit même où le cours du changement est bloqué. J’ai tenté d’examiner tous les possibles auxquels nous sommes confrontés, et comment nous pouvons être créateurs de nos multiples vies.
Pourquoi ce découpage en trois récits ?
Pourquoi
trois histoires ou je pourrais dire pourquoi seulement trois histoires ?
Parce qu’à travers les récits que j’ai choisi de mettre en image, je
voulais traverser le pays dans toute sa diversité. Diversité de milieux
sociaux : du couple bourgeois (Mourad) à la famille modeste (Aïcha), de
la femme « émancipée » (Rasha et Lila) à la femme « traditionnelle »
(Aïcha, pour autant en révolte, en souffrance), l’homme aisé ayant du
vécu (Mourad) au jeune idéaliste (Djalil) ou à celui dont l’obsession
est de gravir les échelons sociaux (Dahman).
Cette multiplicité des personnages, avec, en marge des récits, des digressions qui révèlent ou suggèrent d’autres situations possibles, me permet d’embrasser les questions majeures qui m’interrogent dans mon pays. Les traiter en une seule histoire aurait constitué une singularité, tandis qu’en trio ils dessinent un regard global effaçant ainsi une éventuelle idée d’exception.
Justement, quels sont les personnages que vous mettez en scène ? Qu’attendent-ils ?
Je
mets en scène des choix de vie en faisant se côtoyer l’aspiration à une
vie meilleure – à travers le désir, la volonté, la stratégie – et
l’accomplissement ou non de cette aspiration. Il s’agit également de
représenter les relations entre hommes et femmes, la place de chacun au
sein de la société. Mourad et Lila forment un couple « moderne » dans un
environnement conservateur ; Mourad et Rasha, un couple mixte. Djalil
et Aïcha, issus de la classe moyenne, se rencontrent, se perdent,
impuissants face à leurs désirs. La femme violée, délaissée d’abord par
la famille puis par les amis et le groupe social, attend d’un homme
qu’il reconnaisse son enfant « bâtard » pour que celui-ci obtienne des
droits comme tous les autres citoyens : avoir une identité, aller à
l’école et travailler. Elle cherche à donner un père à son fils car la
législation algérienne ne permet pas à un enfant né sous X d’avoir un
nom ni une identité.
Tous ces personnages sont empêchés ou s’empêchent de faire
les choix de vie qu’ils désirent. Les trois situations soulignent le
risque qu’il y a à renoncer à ce qui est « dans l’ordre des choses ».
Même si c’est contrecoeur, à l’encontre de leurs rêves ou simplement de
leurs principes.
Cela
aboutit au constat de l’impasse d’une situation qui a trop duré, le
résultat d’un système de fonctionnement et de pensées paradoxales.
Les personnages semblent se confondre avec les paysages, les décors, avec l’Algérie toute entière…
Pour
suggérer que nous disséquons un territoire, le récit nous a conduits du
nord vers le sud du pays. Mes personnages évoluent dans des paysages
toujours en mouvement : la banlieue et le centre-ville d’Alger, les
vastes terres semi-arides des Aurès, les routes aménagées à la va-vite
en relais à la faveur des récentes constructions autoroutières. Dans
différents décors aussi : un intérieur bourgeois, un appartement
modeste, un hôpital, un hôtel ordinaire, une boîte de nuit, une baraque
dans un bidonville… Autant de lieux suffisamment divers pour rendre
compte de l’Algérie d’aujourd’hui.
Je ne cherche ni à enlaidir ni à embellir les lieux ou les personnages, ni surtout à souligner tel ou tel détail qui conforterait, des préjugés ou clichés. J’ai voulu que mon regard, soit une observation dynamique, agissante, parfois poétique, mais jamais définitivement tranchée.