Fortuna, jeune Éthiopienne de 14 ans, est accueillie avec d’autres réfugiés par une communauté de religieux catholiques dans un monastère des Alpes suisses. Elle y rencontre Kabir, un jeune Africain dont elle tombe amoureuse. C’est l’hiver et à mesure que la neige recouvre les sommets, le monastère devient leur refuge mais aussi le théâtre d’événements qui viennent ébranler la vie paisible des chanoines. Ceux-ci vont-ils renoncer à leur tradition d’hospitalité ? Parviendront-ils à guider Fortuna vers sa nouvelle vie ?
OURS DE CRISTAL DU MEILLEUR FILM , GENERATION COMPETITION 2018 – 68ème Berlinale
GRAND PRIX DU JURY INTERNATIONAL DE GENERATION 14PLUS, GENERATION COMPETITION 2018 – 68ème Berlinale
Avec : Kidist SIYUM BEZA • Bruno GANZ • Patrick D’ASSUMÇAO • Assefa ZERIHUN GUDETA • Yoann BLANC • Pierre BANDERET • Simon ANDRÉ • Philippe GRAND’HENRY • Stéphane BISSOT
Idée originale Claudia GALLO, Germinal ROAUX • Scénario et dialogues Germinal ROAUX • Collaboration à l’écriture Claudia GALLO, Claude MURET • Chef opérateur Colin LÉVÊQUE • Son Jürg LEMPEN, Emmanuel SOLAND, Roman DYMNY • Montage Sophie VERCRUYSSE, Jacques COMETS • Décors Ivan NICLASS • Costumes Geneviève MAULINI • Production exécutif Jean-Marie GINDRAUX • Production Ruth WALDBURGER, Vega Production • En coproduction avec Anne-Laure GUÉGAN, Géraldine SPRIMONT, Need Productions • En coproduction avec Rts Radio Télévision Suisse, Françoise Mayor ; Srg Ssr, Sven Wälti ; Proximus – Tanguy De Keyser • Avec la participation de Cinéforom, L’Office Fédéral de la Culture (OFC) et le soutien de la Loterie Romande • Avec l’aide du Centre du Cinéma et de l’Audiovisuel, de la Fédération Wallonie-Bruxelles • Avec le soutien du Tax Shelter du Gouvernement Fédéral Belge et d’Inver Tax Shelter, Succès Cinéma, Suissimage, Succès Passage Antenne, Filmmaker Award du Zurich Film Festival
Germinal Roaux
Germinal Roaux (né le 8 août 1975 à Lausanne) est un photographe et cinéaste franco-suisse autodidacte.
Son travail est exclusivement tourné vers le noir et blanc. Photographe
reporter depuis 1996 pour différents magazines, il reçoit en 2000 le
Premier Prix Suisse des Médias, pour une série de reportages photo
traitant de l’autisme chez l’enfant et l’adulte, exposée au Musée de
l’Élysée de Lausanne. En 2003, il réalise son premier film documentaire Des tas de choses.
Un film sur l’intégration des handicapés mentaux dans notre société,
sélectionné au Festival International du cinéma documentaire Visions du
Réel à Nyon. Germinal Roaux écrit et réalise Icebergs en
2007, qui remporte le Prix du Meilleur Espoir au Festival international
du film de Locarno ainsi que le Prix de la Relève Suissimage SSA pour
le meilleur court métrage suisse de l’année aux 43e Journées de
Soleure. La même année Germinal Roaux débute un journal photographique
expérimental qui traite du passage de l’adolescence à l’âge adulte Never Young Again,
qu’il publie chaque mois sur internet. Au fil des ans, ce travail
photographique s’est étoffé et comporte aujourd’hui des milliers de
clichés qui font désormais partie des archives de la Bibliothèque
Nationale Suisse. En 2012, Germinal Roaux écrit et réalise son premier
long métrage pour le cinéma Left Foot Right Foot avec
l’acteur argentin Nahuel Perez Biscayart. Le film remporte le Bayard
d’Or du Meilleur Premier long métrage au FIFF de Namur 2013, le Prix du
Jury au Festival International du Film de Palm Springs, ainsi que le
Prix du Cinéma Suisse 2014 dans trois catégories : Meilleure
Photographie, Meilleure interprétation dans un second rôle et Prix
Spécial de l’Académie. En 2016, il écrit et réalise son deuxième long
métrage Fortuna qui traite de la vie des
réfugiés mineurs non accompagnés avec une jeune actrice éthiopienne
Kidist Siyum Beza et l’acteur suisse Bruno Ganz. Le 24 septembre 2016 à
Zurich (Suisse), l’actrice américaine Uma Thurman et le Jury du Festival
du Film de Zurich lui remettent le Filmmaker Award 2016 pour son projet
Fortuna
Filmographie
2018 FORTUNA (Long Métrage)
Ours de Cristal du Meilleur Film
68ème Berlinale – Génération Compétition 2018
Grand Prix du Jury International de Generation 14 plus
68ème Berlinale – Génération Compétition 2018
Séléctionné au 16° Festival International du Film sur les Droits Humains de Genève 2018
2013 LEFT FOOT RIGHT FOOT (Long Métrage)
Bayard d’Or pour la Meilleure Première OEuvre au FIFF de Namur 2013
Official Selection First Film World Competition
Montreal World Film Festival 2013
Sélection Officielle “Special Screening” au Festival du Film de Zurich 2013
Jury Special Mention International Competition 2014 Palm Springs (USA)
Prix du Cinéma Suisse 2014 pour le Meilleur Second Rôle
Prix du Cinéma Suisse 2014 pour Meilleure Photographie
Prix du Cinéma Suisse 2014 – Prix de l’Académie (costumes)
2007 ICEBERGS (court métrage fiction)
Prix du Meilleur Espoir au Festival International du Film de Locarno 2007
Official Selection TriBeCa Film Festival New York (USA) 2008
Prix de la Relève Suissimage SSA pour le Meilleur Court Métrage 2008
2003 DES TAS DE CHOSES (film documentaire)
Compétition Officielle Festival Visions du Réel Nyon 2004
Prix du Meilleur Film Étranger Festival du Film de Dakar 2004
Prix du Cinéma Suisse (nomination) 2005
Chère Mer Méditerranée,
toi qui t’étires du détroit de Gibraltar à l’Ouest, jusqu’aux entrées des Dardanelles et du canal de Suez à l’Est,
toi qui as connu Socrate et Platon,
toi la généreuse, qui depuis toujours as nourri les hommes,
toi qu’on appelle littéralement « mer au milieu des terres » –, en latin mare medi terra –,
toi qui nous enveloppais de tes eaux tièdes et turquoises lorsque nous étions enfants,
toi la bienveillante qui pris part à nos premières amours adolescentes,
toi qui nous berçais de tes clapotis enchanteurs une nuit d’été quand nous découvrions la Grande Ourse et la Voie lactée,
toi qui toujours as été lien entre l’Afrique et l’Europe, toi « Notre
Mer », – Mare Nostrum –, comme te nommaient les Anciens, tu es devenue
depuis quelque temps,
depuis trop longtemps déjà, l’endroit où tes enfants meurent d’avoir rêvé d’une vie meilleure.
Aujourd’hui, tes eaux limpides sont tachées de sang, la peur a contaminé tes côtes,
des corps lourds, sans nom ni visage, reposent en toi, leurs âmes désorientées errent sous l’écume de tes houles assassines.
Comment est-ce possible ? Que s’est-il passé ?
Comment supporter d’assister impuissant aux dizaines de milliers de morts disparus dans tes bras ? Comment supporter cela ?
Je devine pourtant que tu n’y es pour rien, et que c’est nous, les hommes, qui avons fait cela.
Qu’avons-nous fait ? Quel est ce monde ?
Y a-t-il quelque chose que je puisse faire ?
C’est sans doute par ces premières questions qu’a débuté l’écriture de Fortuna.
Il était nécessaire de faire quelque chose, d’essayer tout du moins.
J’ai cherché sans hystérie ni démagogie la façon dont nous pourrions nous élever.
Humblement, avec les outils de l’artiste et ceux du cinéma, j’ai tenté
de créer l’espace d’une réflexion. J’ai rassemblé patiemment les
témoignages de jeunes mineurs non accompagnés, de réfugiés, de
religieux, d’éducateurs. J’ai essayé de comprendre quels étaient les
souffrances et les enjeux de notre société actuelle face aux questions
de la migration. Je ne pense pas avoir trouvé de réponses. Mais j’ai
souhaité que ce film puisse nous rassembler autour d’idées qui cherchent
à unir plutôt qu’à diviser. Avec la poésie, d’essayer d’inspirer plutôt
que d’affirmer.
« Poésie » dans sa racine grecque veut dire « faire ». Un jour,
quelqu’un demanda à Paul Valéry « Ça veut dire quoi votre poème ? », et
Paul Valéry répondit « Ça ne veut pas dire, ça veut faire ! »
Modestement, c’est cela aussi que j’essaie de faire. Un cinéma qui aurait l’ambition de « faire » plus que de dire.
Germinal Roaux
Germinal Roaux, poète de cinéma, a imposé, avec ses trois premiers films, un nouveau regard sur la réalité contemporaine et une écriture immédiatement personnelle, fixée dans le noir et blanc. Dès son premier court métrage, Des tas de
choses (2003), évoquant la situation d’un handicapé mental dans notre société, l’émotion était au rendez-vous : « 28 minutes de grâce absolue ; un supplément d’âme », écrivait alors Pierre Assouline dans Le Monde. En 2007, Icebergs , abordant le mal-vivre des ados en banlieue, décrochait le prix du Meilleur Espoir au Festival International du film de Locarno, avant d’être primé à Soleure. Quant à son premier
long métrage, Left Foot Right Foot (2013), nouvelle tranche de vie juvénile intense oscillant entre amour lancinant et dérive autiste, il a cumulé les récompenses suisses et internationales.
2018 marque une nouvelle avancée pour le réalisateur quadra, avec Fortuna , invité au Festival de Berlin dans la section Génération, en février, et programmé au Festival des Droits Humains de Genève, en mars. En cours de montage, sur la base d’un « rough cut », Germinal Roaux a déjà été récompensé, par le Filmmaker Award 2016, au Festival International du Film de Zürich, d’une somme de 60 000 euros pour la finalisation de son film.
ENTRETIEN AVEC GERMINAL ROAUX
Quelle a été la genèse de Fortuna ?
Mes projets de cinéma démarrent toujours avec une rencontre dans la vraie vie. Pour Left Foot Right Foot,
c’était la découverte de ces jeunes filles qui se prostituent
occasionnellement pour s’acheter des fringues de luxe. Cela m’a
questionné sur notre société et le monde du paraître. Pour Fortuna ,
ça a commencé avec ma compagne comédienne, Claudia Gallo, qui a été
engagée à Lausanne par le CREAL (Centre de ressources pour élèves
allophones) afin d’encadrer des enfants roms qui traînent dans la rue.
De fil en aiguille, on lui a demandé de s’occuper de mineurs non
accompagnés, que j’ai rencontrés à mon tour et dont les histoires m’ont
bouleversé, notamment le récit d’une jeune adolescente tombée enceinte
pendant son exil, qui préfigure celui de Fortuna . La situation de ces
jeunes exilés était si déchirante, leurs récits si forts et courageux
qu’il me fallait parler d’eux, faire quelque chose. Nous sommes tous
désarmés devant ce qui se passe en Europe, en Méditerranée avec les
traversées cauchemardesques auxquelles on assiste sur nos écrans et par
nos radios, sans pouvoir aider. C’est terrible de se sentir impuissant
devant tant de souffrance. Toutes ces réflexions nées de mes rencontres
avec ces jeunes m’ont appelé à écrire l’histoire de Fortuna.
Durant les premiers mois d’écriture, j’ai fait des recherches ;sur
l’accueil des réfugiés en Suisse et c’est là que j’ai découvert que,
pour pallier le manque de place dans les centres de requérants, des
frères du monastère d’Einsiedeln en avaient accueilli chez eux. Du coup,
cela a résonné en moi et m’a donné envie de situer le film à l’hospice
du Simplon, j’aimais ce lieu que je connaissais pour y avoir déjà fait
des photos. Ma rencontre avec les chanoines du Simplon a été
déterminante dans l’écriture du projet Fortuna.
Mois après mois mes carnets de notes se sont remplis comme un herbier,
une collection d’idées et de mise en relation qui ont fini par aboutir à
un projet de long métrage.
Comment êtes-vous passé de celui-ci à la réalisation ?
J’avais commencé à écrire un traitement d’une trentaine de pages, puis
je suis allé voir la productrice Ruth Waldburger. Elle a tout de suite
été intéressée et m’a dit : on y va. Et quand Ruth dit qu’on y va, on y
va vite. J’avais un délai de trois mois pour déposer un dossier à Berne,
afin d’obtenir les fonds d’aide à l’écriture. Ainsi me suis-je attelé
au scénario, que j’ai élaboré en collaboration avec ma compagne dont la
connaissance du sujet sur le terrain a été une aide précieuse tout comme
le soutien de mon ami Claude Mure. Ensuite tout est allé très vite…
Comment s’est passé le casting ?
Le casting a été un long travail, d’abord en Suisse. J’avais au départ
assez envie d’impliquer des mineurs non accompagnés dans ce projet,
avant de rapidement me rendre compte que ce serait impossible pour des
raisons émotionnelles évidentes. Le premier casting helvétique ne m’a
pas révélé LA perle. Je voulais en effet une jeune fille qui venait
juste d’arriver en Europe, encore marquée dans sa voix et dans son corps
par ses origines africaines. Les jeunes filles que l’on rencontrait ici
s’étaient rapidement adaptées à notre mode de vie occidental et avaient
souvent perdu tout de leurs racines. Par la suite, avec l’aide d’une
directrice de casting nous avons fait des recherches à Paris, puis en
Afrique de l’Ouest, également restées vaines. Sur les recommandations de
Ama Ampadu, une amie productrice, j’ai proposé à Ruth Waldburger
d’aller faire le casting à Addis-Abeba où, durant une dizaine de jours,
nous avons testé une centaine de garçons et de filles devant la caméra,
et c’est là que je suis tombé sur Kidist, LA Fortuna que je cherchais,
une orpheline qui parlait un peu d’anglais et avait tenu un petit rôle
dans le film éthiopien Lamb de Yared Zeleke, primé à Cannes en
2015. Kidist Siyum Beza m’a tout de suite impressionné par sa présence,
et la force qui émanait de sa fragilité tenant notamment à sa foi
profonde. Elle rayonne : on la sent du côté de la vie malgré sa
tristesse. Quant au garçon, Assefa Zerihun Gudeta, qui n’était pas prévu
au casting, je l’ai rencontré parmi les nombreux curieux qui nous
tournaient autour. Il avait fait un peu de théâtre, et sa présence
incroyable m’a tout de suite saisi.
Et comment Bruno Ganz est-il entré dans le projet ?
J’ai pensé à lui déjà en cours d’écriture, car il me fallait un acteur
de sa stature pour porter le rôle du chanoine « supérieur ». Or, depuis Les ailes du désir de
Wim Wenders, qui m’a donné envie de faire du cinéma, j’admirais Bruno
Ganz pour son mélange de solidité et de douceur. J’en ai donc parlé à
Ruth Waldburger, nous lui avons envoyé le scénario, qui l’a beaucoup
intéressé, et notre première rencontre a été marquée par une belle
discussion. Il posait beaucoup de questions, sensibilisé aussi par le
fait qu’Angela Merkel venait d’accueillir environ un million de
réfugiés. Or, travailler avec lui m’impressionnait beaucoup, et je ne
savais pas trop comment allait se faire la greffe entre cet immense
comédien et une débutante. Avec la jeune Kidist, je ne voulais surtout
pas risquer d’abîmer ce qu’elle pouvait amener d’elle-même à son
personnage de Fortuna et pour cette raison j’ai décidé de ne jamais lui
donner le scénario. Nous avons travaillé en partie sur l’improvisation
ou plus exactement sur l’adaptation du dialogue au langage propre des
deux acteurs éthiopiens, avec l’aide précieuse d’une interprète
amharique. De son côté, Bruno Ganz exigeait la stricte interprétation
d’un texte dont il garantissait de ne pas toucher une virgule. Deux
façons bien différentes d’appréhender le travail et de construire les
personnages du film.
Comment le tournage s’est-il passé avec les requérants figurants ?
Le tournage, qui a duré 37 jours, entre avril et mai 2016, a été une
expérience unique, qui a culminé au cours d’un souper commun, le soir du
tournage de la descente de police à l’hospice du Simplon, réunissant
les acteurs et les figurants amateurs d’origines variées – requérants
venus de divers centres d’accueils ou familles de roms –, l’équipe
technique et les chanoines, plus tous ceux qui nous ont aidés d’une
façon ou de l’autre, soit 80 personnes environ qui ont beaucoup parlé
entre elles, ce soir-là, de religion ou de questions liées à l’asile.
Dans l’ensemble, le tournage du film, qui aurait pu tourner à la
catastrophe du fait de la rigueur des conditions, coincés que nous
étions à plus de 2000 m d’altitude et par un froid glacial, a vraiment
été une réussite et une aventure collective marquante pour tous.
Comment cela s’est-il passé avec les « vrais » chanoines ?
Tout au début, je les ai sentis un peu réticents à accueillir une
équipe de tournage, en tout cas pour certains d’entre eux, puis ils ont
lu le scénario, en ont beaucoup parlé entre eux et ensuite nous ont
hébergés et aidés avec beaucoup de bonne volonté et de chaleur.
Qu’en est-il pour vous de la question spirituelle, très importante dans le film ?
J’ai voulu rendre, surtout, un climat. Le contexte y portait
évidemment. Pour la scène centrale, que j’ai beaucoup réécrite,
s’agissant d’un débat contradictoire entre cinq chanoines parlant de
l’accueil en invoquant à la fois leur vocation et leurs réserves par
rapport à la société et ses lois, j’ai eu plusieurs entretiens avec des
religieux pour essayer de mieux les comprendre et de m’identifier à eux.
À cet égard, alors même qu’il montrait une certaine appréhension à
endosser ce rôle, Bruno Ganz, extraordinaire de vérité dans le film, a
véritablement porté le personnage du moine convaincu du rôle évangélique
fondamental de l’accueil, en contraste avec ses frères plus empêtrés
dans leurs histoires d’église. Il est d’ailleurs plus question d’une
quête d’humanité que de religion…
Tout ça en noir et blanc. C’était obligé ? Ruth Waldburger n’a pas froncé les sourcils ?
Du point de vue artistique, Ruth Waldburger m’a laissé une très grande
liberté. Quant au noir et blanc, c’est ma langue, et ça l’est de plus en
plus. Cela me semble le médium idéal pour raconter les histoires telles
que je les conçois. On pourrait en parler longuement, même du point de
vue philosophique, avec le jeu de l’ombre et de la lumière, et je crois
que le spectateur est engagé de façon très différente devant un film en
noir et blanc. Le cinéma peut nous ramener à une expérience du temps
présent et c’est cela que je recherche. Mon souci est de rendre le
spectateur actif, de lui donner un rôle, de l’inviter à réfléchir sur
des questions essentielles de notre condition humaine. La vraie
difficulté de l’écriture cinématographique c’est de réussir à écrire
l’histoire non pas de l’extérieur comme si on l’observait, mais de
l’intérieur comme si on la vivait et permettre à chaque spectateur de
voir son propre film en lien avec son propre vécu. Un film devrait
pouvoir s’écrire dans le regard de celui qui le regarde.
Enfin, la conclusion de Fortuna reste ouverte…
La fin n’est pas une fin, mais le début de la nouvelle vie de Fortuna,
,devenue femme. C’est une conclusion ouverte qui offre différentes
interprétations et qui permet surtout de faire résonner le dernier long
discours de Bruno Ganz sur la question du choix. J’ai d’ailleurs
remarqué que la compréhension de la fin différait aux yeux d’un homme et
d’une femme, l’un et l’autre ,interprétant des signes différents en
fonction d’une différence d’approche, mais je ne vous en dis pas plus…