Holy Field Holy War dénonce l’usage de l’agriculture intensive ainsi qu’une forme d’invasion industrielle connue sous le nom de « fracturation hydraulique ». Le film permet au spectateur d’être témoin et de ressentir les problèmes auxquels font face les fermiers polonais. Il faut bien comprendre que les compagnies multinationales en Pologne sont des envahisseurs, pour la plupart invitées par le gouvernement… Elles sont venues pour tirer profit. Que laisseront-elles ?
Partout dans le monde, les petits agriculteurs sont menacés. Leur lutte pour survivre se fait loin des caméras et des médias. En Pologne, un pays où plus de 60% de la surface est occupée par l’agriculture, de nouveaux acteurs sont en compétition pour s’accaparer les terres. Ce qui se passe en Pologne est un avertissement à prendre au sérieux.
PRIX DU GNCR AU FID – MARSEILLE 2013
Auteur-Réalisateur Lech Kowalski • Image Lech Kowalski • Son Emmanuel Soland • Montage Lech Kowalski • Production / Diffusion Revolt Cinema, Fp Multimédia • Participation CNC • Organisme Détenteur ou Dépositaire Revolt Cinema
Lech Kowalski
Filmographie
2013 Holy Field Holy War (1h 45 min)
Compétition internationale FID, France
Compétition Officielle Abu d’Abhi, Emirats Arabes Unis
Compétition Officielle festival de film européen à Séville, Espagne
[Prix Georges de Beauregard international – FID]
[Prix du groupement national des cinémas de recherches – FID]
[Prix Marseille espérance – FID]
2013 Drill Baby Drill / La Malédiction du gaz de schiste (84 min)
Première au Sénat français/ multiples projections au Parlement
Européen/ Projection au COP19 de Varsovie.
Compétition Green Doc Sheffield, UK, International documentaries
competition / CinemAmbiente – Environmental Film Festival, Turin, Italie
Cinema Planeta, Mexique / Krakow International Film Festival, Pologne
CrossRoads Graz, Austriche / Incredible festival, Bad-Saarow en
Allemagne/ Riviera Maya Film Festival, Mexique,/ Glimmerglass Film
Days à Coopertown USA / DOCSDF, Mexico, Mexique/ Bath Film Festival,
Bath, Angleterre / Tournée de salles cinéma et alternatives en Angleterre/etc.
2012 Cuts on http://cuts.creative.arte.tv/ 30 heures de performances d’artistes filmées pour la (pré)ouverture du Palais de Tokyo pour ARTE Créative.
2011 www.besider.fr Site élaboré avec les élèves de la FEMIS, Paris
2010 The End Of The World Begins With One Lie (62 min)
2009 Police
Force Ouvrière (12 min) Contribution au film collectif ‘Outrage et
Rébellion’. Diffusion sur le site informatif médiapart.fr
2008-2009 http://www.camerawar.tV 79 courts-métrages documentaires de 1 à 30 minutes
2008 History On My Arms (27 min)
Vom In Paris (22 min)
One Two (11 min)
Unfinished 82 (64 min)
What happened in New Orleans (31 min)
2007 Winners and Losers (75 min)
2005 A l’Est du Paradis /East of Paradise (110 min)
Journal d’un homme marié /Diary of a Married Man (22 min)
2003 Charlie Chaplin à Kaboul (Charlie Chaplin in Kabul) (60 min)
Salle Comble à Malalai (Full House In Malalai) (90 min)
Camera Gun (29 min)
Hey Is Dee Dee Home (63 min)
2002 On Hitler’s Highway (81 min)
Maverik Award du Gimme Shelter Festival à Athenes
2001 Born To Lose (the last rock and roll movie) (104 min)
2000 The Boot Factory (88 min)
1997 Punk, Rap, Grunge : a series of short for the Rock and Roll Hall of Fame The Robert Johnson Story, Fan , Alan Freed
1997 Under Underground (3 X 60min)
1991 Chico and the People (20 min)
1991 Rock Soup (81 min)
1984 Gringo (87 min)
1984 Breakdance Test (6 min)
1981 D.O.A. (A right of passage) (90 min)
1979 The Smugglers (90 min)
1978 Walter and Cutie (25 min)
Holy Field Holy War : critique du FID – MARSEILLE
La tension monte constamment jusqu’à un point culminant dans Holy Fied Holy War.
Les premières séquences du film nous font progressivement découvrir une
région agricoletrès localisée – située non loin de la frontière
ukrainienne, dans l’Est de la Pologne –, où les vieilles méthodes
persistent obstinément (on voit un homme âgé faucher son champ), où la
vie se déroule selon un rythme méditatif constant. Aucune évocation de
la fracture hydraulique : la principale cause de mécontentement parmi
les
personnes interviewées par Kowalski, c’est l’intrusion alarmante des
techniques industrielles agricoles modernes. Tout ceci est présenté
comme le rush vers la « modernisation » d’un pays membre de l’Union
européenne particulièrement accueillant pour les multinationales « Les
lois ne s’appliquent pas pour eux ! », dit l’une des personnes
interviewées en faisant la moue. « Ils ont même acheté le prêtre ! »
Avec audace, Kowalski attend jusqu’à plus de la moitié du film pour
introduire ce qui en sera le principal sujet. On observe d’inoffensifs
petits drapeaux rouge plantés par Chevron, multinationale et géant
pétrolier, sur toutes les terres agricoles alentours pour indiquer
l’emplacement des forages-tests préliminaires. Le degré de notification
et de consultation est assez peu clair (« Ils m’ont dit de signer,
alors j’ai signé », soupire une femme âgée), mais l’arrivée bruyante
de gros camions dans cette zone bourdonnante et bucolique déclenche des
mécontentements qui révèlent une franche colère. Quand les premiers
tests ont pour corollaire des craquements, pas seulement dans la terre
mais aussi sur les murs des maisons des fermiers, la litanie des
complaintes enregistrées par la camera de Kowalski – lequel
est clairement perçu comme un interviewer sympathique, qui inspire
confiance – se transforme en torrent.
La partie finale, la meilleure, montre l’arrivée d’un représentant de
Chevron en Pologne à un meeting communal précisément organisé pour
expliquer les plans de la multinationale et dissiper les plaintes des
résidents. La surprenante incapacité de cet homme corpulent, et tout
sourire, à parler un tant soit peu le polonais, tout comme sa confiance
aveugle dans une forme de discours prémâché, et insipide, vouent sa
présentation à l’échec dès le début… et ses contorsions de malaise
offrent un spectacle à la fois délicieux et embarrassant. Après une mise
en place délibérément lente d’une heure, dont les apparentes longueurs
sont naturellement voulues, la trame inquisitrice du film trouve
un filon en or avec cette rencontre explosive. Kowalski montre comment
cette communauté divisée peut se rassembler contre un ennemi commun et
poser des ;questions d’une rare pertinence en matière de
démocratie locale, surtout à une époque où le pouvoir
transfrontalier des multinationales s’amplifie (« Pourquoi personne ne
nous a rien demandé ? », dit un fermier avec insistance).
Nul doute que Kowalski est plutôt pro David que Goliath, depuis ses
débuts, quand il chroniquait la scène punk newyorkaise. Le réalisateur a
toujours été attiré par les outsiders, les laissés pour compte, les
marginaux et les exploités. Il explique d’ailleurs que, dans ce
nouveau film, il considère les paysans comme la composante du «
nouvel underground ». Pratiquement aucune tentative de comprendre la
perspective de Goliath, ici, ni d’analyser ce débat épineux du point de
vue adverse, pas plus que d’écouter ceux qui voient les
bénéfices potentiels pour l’économie de la Pologne et de l’Europe. On
retrouve là, évidemment, la veine traditionnelle, passionnée, des
essayistes et des documentaristes polémiques. C’est le genre même de ce
cinéma qui l’impose.
Le mirage du gaz de schiste PAR THOMAS PORCHER
Le gaz de schiste, c’est quoi ?
Le gaz de schiste est un gaz piégé dans des roches compactes à très grande profondeur (2 000 à 3 000 mètres sous terre). ,Pour pouvoir le sortir, il est donc nécessaire d’avoir recours à la technique de la « fracturation hydraulique » qui consiste à fracturer la roche à l’aide de grandes quantités d’eau – 12 à 30 millions de litres d’eau par fracturation – injectées à forte pression et mélangées à plusieurs produits chimiques. Or, bien qu’utilisée massivement aux Etats-Unis, cette technique reste très controversée, notamment à cause des risques de pollution. À cela s’ajoute tous les problèmes liés à l’exploitation du gaz de schiste pour les populations avoisinantes. Plusieursarticles scientifiques ont montré les effets négatifs : nappes phréatiques polluées en Pennsylvanie, baisse du prix de l’immobilier, augmentation du nombre de séismes, risques pour la santé…
Le miracle économique promit par les lobbies.
Malgré tout, les lobbies des compagnies pétro-gazières ont décidé de travailler l’opinion pour imposer l’exploitation des gaz de schiste en Europe. Pour atténuer les risques de la fracturation hydraulique, il fallait mettre dans la balance lesgains économiques de l’exploitation comme les créationsd’emplois, le retour de la compétitivité ou l’indépendance énergétique. Des arguments d’autant plus audibles par les gouvernements que l’Europe traverse l’une des crises les plus graves de son histoire. Pourtant, ce que les lobbies qualifient de « révolution énergétique américaine » est en réalité une dangereuse« ruée vers l’or » avec comme seul impératif le forage intensif, pour assouvir les profits de quelques-uns au détriment de l’intérêt général. Aujourd’hui, aux Etats-Unis, un nouveau puits est foré toutes les douze minutes et c’est ce modèle que certains cherchent à imposer en Europe.
La révolte des citoyens
Alors partout en Europe, des citoyens, fermiers, chasseurs, chanteurs, cinéastes, enseignants, retraités, de gauche comme de droite, vivant à Zurawlow (Pologne), Balcombe (Royaume-Uni), Alès (France) ou Pungesti (Roumanie) ont décidé de dire« non » au gaz de schiste. Dans leur combat, ils se sont retrouvés face à des compagnies au chiffre d’affaire libellé en milliards d’euros, pouvant s’acheter les faveurs des politiques, au niveau local comme à Bruxelles. Mais certains mouvements ont réussi et aujourd’hui, la fracturation hydraulique est interdite en France et en Bulgarie. D’autres continuent le combat. En tant qu’économiste, je me suis attaché dans mon livre à montrer que le gaz de schiste était un mirage d’un point de vue économique surtout si l’on prend en compte les spécificités de l’Europe. Une partie de mon ouvrage porte sur les effets pour les populations avoisinantes. Dans le film de Lech Kowalski, les images remplacent les mots et valent mieux que n’importe quelle théorie économique. En faisant un parallèle avec l’agriculture industrielle, il montre la clairvoyance de fermiers polonais qui, confrontés à la violence et au mépris de grands groupes pétro-gazier ou agroalimentaire, décident de se révolter. Dans ce film, on comprend bien comment la mondialisation, que certains de nos experts ont tant chéri malgré les ravages qu’elle faisait dans des contrées plus lointaines, est en train de se retourner contre nous.
Thomas Porcher est docteur en économie, professeur
en «Marché des matières premières» à l’ESG Management School et
enseignant en «Economie et géopolitique de l’énergie»
à l’université Paris-Dauphine. Il est l’auteur du livre Le mirage du gaz de schiste (éd. Max Milo).
Être paysan. PAR JOSÉ BOVÉ
Être paysan, comme je l’ai toujours dit, est un mode de vie
plus qu’un métier. Les saisons passent, les choses à faire varient au
fil des saisons. Les années se succèdent toutes différentes les unes des
autres, hier trop pluvieux, demain trop sec. Une inquiétude toujours un
peu présente. Va-t-il pleuvoir alors qu’il faut rentrer le foin ?
L’agnelage va-t-il bien se passer ? Est-ce que le prix du lait ne va pas
chuter ? Mais également cette sérénité de pouvoir s’arrêter, quand on
le souhaite, au milieu d’un champ et de s’engloutir dans les souvenirs
et s’émerveiller de la beauté des paysages, et rêver son avenir.
Dans Holy Field Holy War Lech Kowalski use de sa caméra comme
le poète de sa plume. Il donne sa place au temps et laisse monter peu à
peu l’inquiétude de ces femmes et de ces hommes polonais qui voient
leurs villages et leurs communautés mises en danger par l’arrivée d’une
agriculture industrielle productiviste massive qui dépasse leur
entendement. « Des fermes avec plus de 1 000 vaches, des porcheries avec
20 000 cochons ». Tout cela paraît impossible, et pourtant cette
réalité s’est installée avec son cortège de pollution et de dégâts de
toutes sortes. Les gens de ces campagnes sont désemparés par cette
vague qui les submerge, qui les emporte, qui les inquiète. « De quoi
sera fait le monde de demain ? », se demande le paysan qui ramasse les
abeilles mortes après avoir bu l’eau d’une flaque contaminée par des
pesticides. Les préoccupations de ces hommes et de ces femmes sont
celles de l’écologie et du respect de l’environnement.
L’arrivée des camions de vibreurs de Chevron, à la recherche de gaz de
schiste, au milieu de ces villages détruit littéralement les fondations
de ces gens. Leurs maisons sont fendues. Leur rêvessont lézardés, leur
désarroi est total. Loin de se laisser abattre, ils décident de
combattre Chevron, cette firme américaine dont ils ne connaissaient pas
l’existence. J’ai rencontré une délégation de ces paysans en juin 2011
qui sont venus me voir à Varsovie parce qu’ils savaient que je devais
rencontrer Donald Tusk, le Premier ministre polonais. Ils m’ont demandé
de lui remettreune lettre de doléance. La lutte ne faisait que
commencer. Les années des dirigeants de Chevron sont rythmées par la
publication des rapports financiers trimestriels. Celles des paysans
embrassent toute une vie. De la caméra de Lech Kowalski jaillit cette
contradiction frontale entre deux mondes, celui où le temps c’est de
l’argent et celui où le temps c’est la vie.
ENTRETIEN AVEC LECH KOWALSKI, ZURAWLOW, JUILLET 2013
Pourquoi vous êtes-vous intéressé aux changements de l’agriculture en Pologne dans Holy Field Holy War ?
Nous avançons à grands pas vers un point de non-retour. Nous exploitons
les ressources de la terre à un rythme plus effréné que jamais. Mon
rôle en tant que réalisateur est de raconter des histoires qui évoquent
ce moment de l’Histoire, alors que nousnous rapprochons de ce point de
non-retour. Les auteurs doivent faire réagir les gens, les réveiller au
lieu d’être égocentriques. Mais d’un autre côté, le journalisme vieillit
et se fatigue, les journalistes ne font plus leur travail. Les médias
grand public sont contrôlés par ces mêmes multinationales qui exploitent
la planète. Je me suis toujours intéressé aux marginaux, à ceux que
l’on met de côté. Les agriculteurs sont menacés : j’entends par là les
vrais agriculteurs, les petits exploitants qui cultivent les produits
les plus sains. J’ai parcouru la Pologne en voiture pendant presque un
an et j’ai fini par trouver un champ qui correspondait parfaitement à ce
que j’avais imaginé. J’ai alors commencé à tourner Holy Field Holy War.
Le film aborde différents problèmes liés aux
multinationales de l’agro-business, comment avez-vous réfléchi à la
structure d’ensemble et au montage ?
J’ai appris à filmer la nature, les agriculteurs et les animaux. Je
filmais donc tout cela quand j’ai compris que les champs qui ont attiré
mon attention sont le reflet d’une génération d’agriculteurs qui les ont
travaillés. Ces terres, magnifiques, ont été créées par le peuple.
Chaque étendue de terre a sa propre personnalité, tout comme les
personnes qui les ont cultivées. Le rythme du film ne correspond pas au
rythme de la nature car ces lieux ont été remodelés par l’homme. Nous
n’avons pas affaire à une nature sauvage. Un champ peut paraître
ennuyeux mais beaucoup de choses s’y passent : c’est en apprenant à
l’observer que j’ai compris comment construire mon histoire. Dans chaque
partie du film, on trouve des indices qui conduisent à un paroxysme. Je
ne voulais pas d’un mélodrame monté de façon artificielle. Je
souhaitais que les images et les sons fassent avancer l’histoire et que
le film soit construit de manière à permettre aux spectateurs d’observer
librement, plutôt que de leur dicter la façon de le faire ou sur quoi
focaliser leur attention. Chaque partie du film contient des détails
minimes qui font avancer l’histoire.
Dans Holy Field Holy War, nous entendons la
parole d’agriculteurs mais sans commentaires de votre part sur le
contexte. Pouvez-vous me parler de ce choix ?
Je souhaitais qu’il y ait aussi peu de paroles que possible dansle
film, jusqu’à la dernière séquence qui repose sur ce qui est dit. Les
agriculteurs sont silencieux quand ils travaillent dans les champs. Je
voulais rendre ce silence théâtral. Je ne voulais pasd’une voix off qui
guide les spectateurs. Ce sont les images, le spanoramiques et les
inclinaisons de la caméra qui font progresser l’histoire dans le film.
Qu’apporterait un commentaire ? C’est pour ça qu’il n’y en a pas. Je ne
voulais pas d’un commentaire qui détruise le film. Je voulais créer une
tension, une impression de découverte, un désir de savoir ce qui va se
passer. C’est tout. La trame du film est simple : que se passe-t-il
ensuite ?
Comment s’est passé le tournage en équipe réduite ?
Avez-vous eu des difficultés pour filmer certains sites comme dans la
séquence avec Exxon ?
J’aime filmer des choses qui se déroulent dans la réalité.
Les événements suivent une chorégraphie naturelle et j’aime participer à
cela plutôt que de manipuler la réalité. Je ne peux pas échapper à la
manipulation mais je peux la réduire au minimum et c’est en travaillant
seul qu’on a le plus de chances d’être libre de filmer ainsi. L’aventure
du tournage fait partie de ma vie. Je vis pour ces instants. Ce n’est
pas uniquement un moyen de gagner ma vie. Je me plonge entièrement dans
l’histoire. Dans une large mesure, mes films parlent aussi de moi. La
société Chevron ne voulait pas que je filme ses activités. Elle souhaite
opérer à huis clos. J’ai donc dû m’immiscer dans ses activités et je
lui ai fait jouer un rôle symbolique. Chevron représente les vieilles
méthodes utilisées sur cette planète. Nous ne pouvons pas continuer avec
ces techniques et ces philosophies. J’ai eu des rapports conflictuels
avec les employés de Chevron mais pas au point de me sentir en danger.
Pouvez-vous nous parler de votre approche politique du cinéma ?
Je progresse à l’intérieur de mon cinéma. Vous pouvez le qualifier de
cinéma d’investigation mais pas dans le sens premier du mot. Il s’agit
plutôt d’un cinéma curieux. Je veux en savoir plus sur le monde des
agriculteurs et de l’énergie et sur l’état de la planète. Je ne suis pas
militant. Mon travail consiste à raconter ma propre histoire en
m’impliquant dans quelque chose qui était au départ éloigné de ma
réalité et qui en fait maintenant partie. Je suis deplus en plus engagé
et je réalise plus de films sur ces questions.
Ceci est dû au fait que j’ai beaucoup appris en travaillant sur Holy Field Holy War et que ces connaissances suscitent une plus grande curiosité. J’ai également réalisé un autre film par la suite qui s’appelle la Malédiction du gaz de schiste.
Vous avez tourné un autre film en même temps, la Malédiction du gaz de schiste, pouvez-vous nous dire comment les deux films se croisent ?
Vers la fin du tournage de Holy Field Holy War, on m’a
demandé de faire un film pour la télévision, pour Arte, sur la
fracturation hydraulique et le gaz de schiste. J’ai donc interrompu mon
travail sur Holy Field Holy War et je suis allé en Pologne et
en Pennsylvanie pour tourner le film suivant. J’ai finalement terminé le
second film en premier. Les deux histoires se déroulent dans l’est de
la Pologne, dans un endroit que l’on appelle « les poumons » de
la Pologne.
Avez-vous vu le film de Gus Van Sant, Promised Land (2012), sur le même problème ? Dans ce cas, quelle est votre impression sur la version hollywoodienne de ce sujet ?
J’aime les débuts de Gus Van Sant mais Promised Land est un film
inachevé. Les réalisateurs ont fait de leur mieux mais ils
ne connaissaient vraiment pasassez le sujet. Et il a fallu qu’ils
ajoutent une histoire d’amour. Hollywood fait partie du système des
grosses multinationales, c’est suffisant pour vous donner une idée de ce
que je pense de tout ce qui vient d’Hollywood.
La séquence de la réunion avec les agriculteurs avec
un représentant de Chevron par rapport au gaz de schiste est importante
dans Holy Field Holy War.
La réunion entre les agriculteurs et Chevron est
extrêmement emblématique. Elle ne pourrait absolument pas être
filmée aujourd’hui car Chevron ne le permettrait jamais. La
société Chevron pensait qu’elle pourrait s’installer en Pologne et
faire comme bon lui semblait, mais elle se heurte à une résistance
de plus en plus forte, bien que le gouvernement soutienne
entièrement l’exploitation du gaz de schiste en Pologne. La
confrontation entre Chevron et les agriculteurs traduit notre conscience
collective. En voyant cette scène, les spectateurs suivent un
cheminement qui leur permettra de comprendre qu’une chose effrayante est
en train de se produire sur notre planète.
Quelle est la situation aujourd’hui concernant la lutte des agriculteurs avec “Occupy Chevron” ?
La société Chevron est revenue à l’endroit même où j’ai tourné Holy Field Holy War et la Malédiction du gaz de schiste pour y créer un site de forage. Cette fois-ci, elle est mieux préparée et plus déterminée à y arriver. Mais les agriculteurs sont encore plus déterminés à lutter. Et, à présent, le monde observe ce que Chevron fait subir à ces agriculteurs : une guerre des médias a éclaté. Il est difficile de prédire ce qui va se passer, mais je pense que ce qui se déroule en ce moment sur ce champ est l’une des plus importantes batailles entre les vieilles méthodes d’exploitation de la planète et une nouvelle volonté collective de stopper ces activités industrielles terroristes. Les agriculteurs élèvent la voix. Quant à la société Chevron, elle poursuit ce qu’elle ne peut cesser de faire. Une guerre que l’on appelle “Occupy Chevron” s’intensifie. J’aimerais poursuivre cet entretien mais je dois aller retrouver des personnes venues de Lettonie pour soutenir et aider les agriculteurs dans leur combat contre les attaques des grosses multinationales sur la planète.
Propos recueillis par Olivier Pierre