Li Xuelian et son mari Qin Yuhe simulent un divorce pour obtenir un second appartement. Six mois plus tard, Qin se marie à une autre femme. Abandonnée et bafouée, Li se lance dans une quête de justice qui va durer des années. Un portrait satirique de la Chine d’aujourd’hui à travers le combat d’une femme déterminée à faire valoir ses droits.
Avec : Li Xuelian Fan Bingbing • Zhao datou Guo Tao • Wang Gongdao Da Peng • Mayor Ma Zhang Jiayi • Zheng Zhong Yu Hewei
Réalisation Feng Xiaogang • Scénario Liu Zhenyun • Image Luo Pan • Décors Han Zhong • Costumes Han Zhong • Son Wu Jiang • Montage Chang Suk Ping William Musique originale Du Wei • Production Beijing Sparkle Roll Media Corporation, Huayi Brothers Media Corporation, Beijing Skywheel Entertainment Co., ltd., Huayi Brothers Pictures Ltd., Zhejiang Dongyang Mayla Media Co., ltd.
Feng Xiaogang
Né
en 1958 à Pékin, Feng Xiaogang est un des réalisateurs chinois les plus
appréciés des spectateurs, notamment grâce à ses comédies noires en
prise avec le quotidien des gens ordinaires.
Durant les années 2000, il a réalisé des films toujours plus ambitieux et novateurs, comme le film d’action A World Without Thieves (2004), les films d’époque Le Banquet (2006) et Héros de guerre (2007), la comédie romantique If You Are the One (2008) et le film catastrophe Aftershock (2010). Ses films A Sigh (2000) et Back to 1942 (2012)
ont respectivement remporté les prix du meilleur film aux festivals du
film du Caire et de Shanghai. Il a également été sacré meilleur
réalisateur trois fois à la prestigieuse cérémonie des Cent Fleurs. En
2016, Feng innove à nouveau avec sa comédie noire I Am Not Madame Bovary.
PROPOS DE FENG XIAOGANG
Adaptation littéraire
I Am Not Madame Bovary est l’adaptation du livre de Liu
Zhenyun, Je ne suis pas une garce, qui raconte sur un ton satirique
l’histoire de Li Xuelian, une villageoise a priori ordinaire. Après
avoir perdu son procès pour annuler son divore face à son ex-mari Qin
Yuhe, elle se rend à Pékin chaque année afin de prouver que leur divorce
était blanc. Elle souhaite également réhabiliter sa réputation, après
que son ex-mari l’a accusée en public d’être une « Pan Jinlian », une
femme débauchée.
Le film met en avant les transformations qu’endure la société chinoise
tandis que son système judiciaire en pleine mutation et auparavant très
dépendant du pouvoir politique, tente de faire respecter la loi jusqu’à
l’absurde. Li Xuelian tente de gagner son combat contre son ex-mari en
exploitant toutes les possibilités administratives à sa disposition,
et découvre ainsi à quel point la loi influence les sociétés modernes.
Feng Xiaogang, à propos du livre : « J’ai toujours apprécié les romans
de Liu Zhenyun. Beaucoup d’auteurs écrivent des romans pessimistes sur
la Chine d’aujourd’hui, mais Liu traite son sujet avec humour, ce qui le
rend plus authentique (…) Il y a le comique verbal, le comique de
situation, et l’humour satirique qui souligne la morale d’une histoire. I am not Madame Bovary recourt à l’humour satirique. »
L’augmentation soudaine des divorces en Chine
En 2013, le gouvernement central de Chine annonce l’adoption d’une
loi instituant une taxe de 20 % sur les plus-values à la vente d’un
logement qui n’est pas résidence principale.
Dès lors, des propriétaires ont brusquement décidé de vendre leur
deuxième logement, entrainant une hausse de mise en vente des biens d’au
moins 20% à Pékin. Mais surtout, nombre de couples ont décidé de
divorcer temporairement sur les conseils de leurs banquiers pour
échapper au couperet fiscal. Les économies réalisées pouvaient atteindre
des dizaines de milliers d’euros (centaines de milliers d’Yuan).
Selon le Shanghai Daily, cela a entraîné quatre fois plus de demandes de
divorces dans la capitale. Pour tenter de remédier à cette augmentation
soudaine, des responsables ont notamment mis en garde les épouses
contre des maris qui pourraient profiter de cette situation pour
divorcer pour de bon.
Pan Jinlian, la femme débauchée
Pan Jinlian est un personnage mythologique qui a conspiré avec son amant pour assassiner son mari, et est utilisé aujourd’hui pour désigner une femme indigne, infidèle ou débauchée. Ainsi, le titre original du film est Je ne suis pas Pan Jinlian (Wo bu shi Pan Jinlian), en référence au personnage mythologique auquel Li Xian est comparée. Le titre international a été changé en I Am Not Madame Bovary, en référence à l’héroïne de Flaubert, qui incarne dans les sociétés occidentales l’archétype de l’épouse indigne.
Note technique
Les scènes contrastées ne sont pas très éclairées, et conservent une
couleur destinée à se rapprocher des peintures de la dynastie Song qui
ont servi de modèles. Quand une scène très contrastée est éclairée, les
objets sombres au centre du cercle peuvent en altérer la forme.
Le cercle ne permet pas de gros plans, qui s’apparentent alors à des
images prises via un télescope. Enfin, les plans à l’épaule sont
impossibles : le sujet doit en effet être centré dans la moitié
inférieure du cadre circulaire. L’esthétique ainsi créée est
complètement novatrice. Feng et Luo n’ont utilisé que des lentilles de
50mm, 35mm et 25mm, après avoir longtemps envisagé de n’utiliser qu’un
seul type de lentilles durant tout le tournage. Et puisque les jump cuts
risquent de briser la géométrie du cadre, il est également nécessaire
de réduire le nombre de plans au strict minimum.
Le cadre circulaire n’est pas seulement une référence à la peinture
traditionnelle chinoise ; il donne aussi l’impression au spectateur
d’espionner chaque scène.
Et il permet également d’insister sur le hors champ, sur tout ce qui
reste circonscrit hors du cercle, créant de nombreuses combinaisons
visuelles possibles. Comme le personnage de Li Xuelian, les spectateurs
sont ainsi désorientés par le manque d’informations que leur transmet
l’image.
Le cadre circulaire du film
Feng Xiaogang : « Le cadre de I Am Not Madame Bovary
est circulaire, et crée un sentiment de distance et d’aliénation. Les
spectateurs observent l’action de façon plus objective, et ressentent
d’autant plus la douleur humaine suggérée derrière l’absurdité et
l’humour du film. Les peintures de la dynastie Song étaient le plus
souvent des paysages peints à même des parchemins. On ne pouvait pas
raconter une histoire si spécifiquement chinoise autrement qu’avec un
style visuel immédiatement assimilable à notre culture (…) Lors du
repérage, les décors étaient chaotiques, sans aucun sens de la
composition. En tant que cinéaste et ancien peintre, ça me dérangeait.
Composer chaque plan au sein d’un cercle lui a permis de circonscrire
les éléments inutiles, de recentrer le regard du spectateur sur les
personnages. »
Pour prouver que cette approche radicale était techniquement viable,
l’équipe de Feng Xiaogang a réalisé un échantillon de dix minutes de
plans fixes, et a expérimenté le cadre avec la lumière du jour et de la
nuit, des scènes d’intérieur et d’extérieur. Après des discussions avec
l’auteur du roman et scénariste du film Liu Zhenyun, Feng Xiaogang a
accepté de filmer à partir de deux cadres distincts : circulaire et
1:1.66, deux formats qui requièrent des techniques de composition
complètement différentes.
LE LIVRE QUI A INSPIRE FENG XIAOGANG
JE NE SUIS PAS UNE GARCE, Liu Zhenyun
éditions Bleu de Chine, Gallimard
Liu a toujours déclaré que Je ne suis pas une garce est un roman qui explore l’absurdité de la vie quotidienne des chinois. Il ne s’intéresse pas seulement au procès, mais à tout ce qui le sous-tend. Le roman s’ouvre sur une entrevue entre Li Xuelian, jeune femme du peuple, et un juge. Li Xuelian, divorcée, est prête à tuer son ex-mari si l’on refuse de l’aider à prouver que le divorce était un faux. Divorce il y a eu, pourtant ; par ailleurs, la jeune femme ne souhaite guère vivre de nouveau maritalement. Situation ubuesque et pourtant bien réelle. Mais de cette réalité, qu’en est-il ? Li Xuelian désire-t-elle se venger ? Obtenir réparation de ce qu’elle a vécu comme une profonde injustice ? Faire entendre et reconnaître la parole bafouée, l’accord tacite que son mari a renié ? Je ne suis pas une garce serait tragique, voire pathétique, si Liu Zhenyun ne nous livrait ici un roman déconcertant, incisif, enlevé à grands traits d’humour, jusqu’à l’ultime pirouette d’un épilogue inattendu.