La région sauvage de Amat Escalante
Film soutenu

La région sauvage

Amat Escalante

Distribution : Le Pacte

Date de sortie : 19/07/2017

MEX., DNK., FRA., ALL., NOR., SUI.2016 - 1h39 - 1.66 (DCP 1.85)

Alejandra vit avec son mari Angel et leurs deux enfants dans une petite ville du Mexique. Le couple, en pleine crise, fait la rencontre de Veronica, jeune fille sans attache, qui leur fait découvrir une cabane au milieu des bois. Là, vivent deux chercheurs et la mystérieuse créature qu’ils étudient et dont le pouvoir, source de plaisir et de destruction, est irrésistible…

LION D’ARGENT DU MEILLEUR RÉALISATEUR – MOSTRA DE VENISE 2016

Avec : Ruth Ramos Alejandra • Simone Bucio Veronica • Jesús Meza Angel • Eden Villavicencio Fabian • Andrea Peláez Mère d’Angel • Oscar Escalante M. Vega • Bernarda Trueba Marta

Réalisateur Amat Escalante • Scénario Amat Escalante & Gibrán Portela • Image Manuel Alberto Claro, DFF. • Chef décorateur Daniela Schneider • Responsable des effets spéciaux Peter Hjorth • Musique Originale Guro Moe, Lasse Marhaug & Martín Escalante • Montage Fernanda de la Peza & Jacob Secher Schulsinger • Effets sonores Sergio Diaz, Vincent Arnardi & Raúl Locatelli • Directeur de la post-production Carlos Morales • Création de la créature Morten Jacobsen, Soda • Producteurs Jaime Romandía, Fernanda de la Peza, Amat Escalante • Co-Producteurs Katrin Pors, Jean and Anne-Laure Labadie, Michael Weber, Maria Ekerhovd, Katja Adomeit • Producteurs exécutifs Nicolás Celis, Thomas Gammeltoft • Producteurs associés Jamal Zeinal Zade, Dan Wechsler, Jim Stark, Bosco Sodi, Meinolf Zurhorst, Carlos Morales, José Guillermo Zozaya • En association avec Instituto Mexicano de Cinematografía, Fondo para la Producción Cinematográfica de Calidad (FOPROCINE –MÉXICO), Snowglobe, Le Pacte, The Match Factory, Mer Film, Adomeit Film, Copenhagen Film Fund, ZDF en collaboration avec ARTE, Labo Digital, Bord Cadre Films, Pimienta Films • Avec le soutien de The Danish Film Institute, le CNC, Aide au Cinéma du Monde, SØRFOND – Norwegian South Film Found, Secretaria de Turismo del Estado de Guanajuato (SECTUR), Kansas City Southern de México • Société de production Mantarraya Producciones, Tres Tunas

Amat Escalante

Né à Barcelone en 1979,  Amat Escalante vit au Mexique depuis son  plus jeune âge. Très tôt il se passionne  pour le cinéma et réalise un premier court-métrage à 14 ans. Quelques années plus tard et après avoir été déçu par différentes écoles de cinéma, il achète sa première caméra  16 mm et l’inaugure en réalisant son  second court-métrage Amarrados. Le film remporte plusieurs prix dans des festivals internationaux.
En 2003, il commence l’écriture de Sangre, son premier long-métrage, qu’il réalisera l’année suivante. Entre temps, il travaille comme assistant réalisateur sur le  long métrage Batalla en el Cielo de Carlos Reygadas. En 2008, son deuxième long métrage Los Bastardos est sélectionné au festival de Cannes.

Filmographie

2002 AMARRADOS [cm, 16 mn]
2005 SANGRE
2008 LOS BASTARDOS
2016 LA RÉGION SAUVAGE

NOTE D’INTENTION 

J’ai tourné la plupart de mes films à Guanajuato, où j’ai grandi et passé une bonne partie de ma vie. C’est un endroit empreint de valeurs traditionnelles et conservatrices. L’état de Guanajuato est le plus catholique du Mexique. Par exemple, il y a quelque temps, il y a eu une polémique à propos des manuels scolaires mis en place par le gouvernement qui comportaient un chapitre sur les organes génitaux et les rapports sexuels protégés ; un groupe a fortement lutté pour que ce chapitre soit supprimé des livres. Ils ont même été jusqu’à brûler les manuels en signe de protestation. Pourtant, nous n’avons rencontré aucune opposition durant le tournage de LA RÉGION SAUVAGE.


AMAT ESCALANTE  

Propos

À la une

L’idée originale m’est venue de deux articles d’un journal local de Guanajuato. L’un parlait d’une jeune femme qu’une de ses connaissances avait tenté de violer en pleine forêt mais elle avait réussi à lui résister. À l’arrivée de la police, ils avaient tous les deux été placés dans la même chambre d’hôpital. Quelque temps après, on la traitait de « pute ». Plus tard, l’accusé a fui la ville, ce qui a rendu sa culpabilité évidente ; il est maintenant en prison. J’avais été étonné de toutes ces rumeurs, tous ces ragots et l’injustice que cette femme avait dû endurer. Le second article montrait une photo du corps d’un homme flottant dans un ruisseau avec en gros titre « Une tarlouze retrouvée noyée ». Cela m’a scandalisé. C’était un infirmier qui travaillait dans un hôpital public. Maintenant, à la place d’un homme qui a dévoué sa vie aux autres, les lecteurs de ce journal se souviendront de lui comme d’une « tarlouze ». Ces gros titres ont été le déclencheur de LA RÉGION SAUVAGE. J’ai cherché une raison de les rassembler ; c’est comme ça que j’ai fini par faire appel à quelque chose qui ne serait pas de notre monde.

Les personnages

J’essaye de ne pas juger les actions de mes personnages. Ils peuvent tous être considérés comme victimes des circonstances, à commencer par Angel. Il pourrait très bien être perçu comme malveillant alors qu’en réalité ce n’est pas une mauvaise personne. Il a juste trop peur de se confronter à lui-même. Pour moi, notre instinct animal doit être accepté ou bien nous souffrirons comme souffrent les personnages dans le film. Quand bien même ils meurent, ils ont enfin vécu et ont été libérés des chaînes des « limites » de leur existence en s’abandonnant à leurs véritables désirs.

Le sexe

Certains besoins primaires de la vie comme se nourrir, déféquer et se reproduire, sont nécessaires à la survie de l’espèce humaine. Le dernier est un devoir primordial, même si on ne s’en rend pas forcément compte. La récompense est le plaisir que le sexe nous apporte, sans quoi il aurait été oublié il y a bien longtemps, et nous n’existerions sans doute plus. Mais les Hommes sont très contradictoires : nous voyons le sexe comme pervers et même parfois, dans une certaine mesure, presque contre nature. Nous
grandissons avec cette contradiction. Dans mon film, la Créature représente le sexe à l’état pur. Les Hommes n’ont pas d’autre choix que de se lâcher totalement. Ils ressentent le plaisir comme
jamais auparavant, parce qu’avec la Créature, ce n’est pas seulement un abandon physique, c’est également un abandon mental. En ajoutant un aspect fantastique à l’histoire, je voulais créer
une représentation symbolique de la complexité ambigüe du « Ça » freudien, qui est la partie la plus obscure de notre personnalité, là où se réfugient les instincts de l’Homme. Le « Ça » est le seul élément de la personnalité qui est présent dès la naissance. C’est la source de nos besoins corporels, de nos désirs, de nos pulsions. C’était une approche idéale pour aborder et développer ces idées ainsi que cet aspect de notre nature profonde.

Le fantastique

L’idée de la Créature m’est venue après plusieurs versions du scénario, que j’ai écrit avec Gibrán Portela. Il y avait quelque chose que je n’arrivais pas à expliquer, quelque chose qui n’avait en aucun cas de sens, ou du moins, dont je n’arrivais pas à tirer un sens. Et puis cette chose m’est venue à l’esprit, et d’un coup, pour les personnages et leurs raisons d’agir, tout est devenu logique. J’étais aussi un peu lassé de cette réalité brute dans mes films, et une cabane au fond des bois est l’élément typique du cinéma fantastique.

La créature

La conception de la Créature s’est faite avec l’aide de Morten Jacobsen de la société danoise Soda, et avec les croquis de Sune Elskær. Peter Hjort (MELANCHOLIA, NYMPHOMANIAC) a été le responsable des effets spéciaux et Ghost, une société spécialisée dans les effets spéciaux, l’a adapté pour le cinéma. Ainsi, c’est la toute première coproduction entre le Mexique et le Danemark, dont fait également partie le directeur de la photographie Manuel Alberto Claro. La Créature devait pouvoir avoir des relations sexuelles avec les humains, c’est donc devenu sa principale caractéristique. Je voulais aussi qu’elle soit mystérieuse et qu’elle attire le regard, qu’elle soit sensuelle en quelque sorte. Je la trouve à la fois séduisante, grotesque et sale.

Pourquoi ce film ?

Pour tous mes films, j’essaye de regarder droit devant moi, sans sourciller, si on peut dire. Pas seulement en ce qui concerne la violence, de façon générale. Dans SANGRE, je voulais faire face à la banalité sans compromis et directement parce que je trouvais cette manière de faire innovante. Je veux être présent dans le contexte, le sentir profondément en moi. Bien sûr, certains spectateurs réagiront dans le sens où beaucoup de gens n’aimeraient pas se retrouver dans cette situation ou aucune autre du même genre. Un film comme HELI, pour moi, ça devait être une claque en pleine figure. Pas forcément pour le public mais pour moi, un peu comme quand on ne sait pas vraiment si on rêve et si c’est bien la réalité en face de nous. Ce qui m’a le plus motivé, c’est l’injustice que je vois autour de moi. En ce sens, je suis fier d’avoir dit comment je vois les choses dans mon pays à travers un film qui a été vu par énormément de gens au Mexique.

Un changement radical

Avec LA RÉGION SAUVAGE, c’était la première fois que je fa sais lire le scénario aux acteurs et que je répétais avec eux régulièrement. Ça a été un changement assez radical pour moi, puisque jusque-là, je n’avais jamais laissé mes acteurs approcher le scénario et jamais je n’avais répété avec eux, sauf juste avant le tournage d’une scène. Je me suis senti capable de raconter l’histoire que je voulais de façon plus intime et sans tous les compromis de mes premiers films. Avant, j’avais l’habitude de n’engager que des acteurs non-professionnels mais là j’ai travaillé avec des gens qui étaient vraiment intéressés par le jeu d’acteur. Ça a fait une grosse différence.

Le son et l’image

Je pense que je m’exprime plus facilement avec des images. Exprimer les choses avec des mots a toujours été quelque chose sur lequel j’ai dû travailler. Pouvoir le faire à travers les films est mon salut. Les mots peuvent mentir beaucoup plus que les images et parfois les images sont les mots exacts – pour moi tout du moins. C’est en partie pour cela que je me sens poussé à raconter des histoires avec des images et des sons. Mon père est peintre et ma mère était violoncelliste. Aussi loin que remonte ma mémoire, je me rappelle ses peintures et les notes de son instrument. Je mélangeais ces deux éléments d’une façon propre à comprendre le reste du monde. Paradoxalement, je suis plutôt mauvais pour prendre des photos ou des vidéos dans la vie de tous les jours. Je préfère capturer l’instant avec mes yeux puis le garder au fond de ma tête et laisser mon imagination retravailler dessus. Pour rester dans cette idée, je me cons dère aussi comme un mauvais touriste parce que prendre des photos des lieux que je visite représente un gros effort pour moi.