Film soutenu

La voyageuse

Hong Sang-soo

Distribution : Capricci Films

Date de sortie : 22/01/2025

Corée du Sud | 2024 | 1h30

Iris a récemment débarqué à Séoul. Pour faire face à ses difficultés financières, cette femme, qui semble venir de nulle part, enseigne le français à deux sud-coréennes avec une méthode bien à elle.


Berlinale 2024 – Grand Prix du Jury (Ours d’Argent)

Iris | Isabelle Huppert • Wonjoo | Lee Hyeyoung • Haesoon | Kwon Haehyo • Ingeok | Ha Seongguk | Yeonhee • Jo Yoonhee | Isong • Kim Seungyun | Soha | Kang Soyi • Ranhee | Ha Jinwha

Scénario et réalisation | Hong Sangsoo ·  Image | Hong Sangsoo ·  Montage | Hong Sangsoo ·  Musique | Hong Sangsoo ·  Prise de son | Seo Yujin · Production | Hong Sangsoo ·  Direction de la production | Kim Minhee ·  Produit par Jeonwonsa Film Co

Hong Sang-soo

Scénariste et réalisateur sud-coréen, Hong Sang-soo naît à Séoul en 1960. Il découvre le cinéma grâce à des films hollywoodiens qu’il regarde à la télévision. Il intègre le département Théâtre et cinéma de l’université de Chungang et complète sa formation aux États-Unis, à l’Art Institute de Chicago et au College of Arts and
Crafts de Californie. Après l’obtention de son diplôme, il retourne dans son pays natal pour y exercer son métier de réalisateur et de scénariste.
Son premier long métrage LE JOUR OÙ LE COCHON EST TOMBÉ DANS LE PUITS (1996) recueille un formidable accueil critique et public.
LA FEMME EST L’AVENIR DE L’HOMME (2004) lui vaut une première sélection en Compétition officielle du festival de Cannes, où il présentera ensuite – également en Compétition officielle – CONTE DE CINÉMA (2005), IN ANOTHER COUNTRY (2012) et LE JOUR D’APRÈS (2017). LE POUVOIR DE LA PROVINCE DE KANGWON (1998), LA VIERGE MISE À NU PAR SES PRÉTENDANTS (2000), HAHAHA (Prix Un certain regard 2010), THE DAY HE ARRIVES (2011) y seront présentés en compétition Un certain regard.
JUSTE SOUS VOS YEUX, sélectionné à Cannes Première, marque son retour à Cannes en 2021.
En 2015, UN JOUR AVEC, UN JOUR SANS reçoit le Léopard d’or au festival de Locarno.
Au festival de Berlin, Kim Minhee remporte l’Ours d’Argent de la meilleure actrice pour son interprétation dans SEULE SUR LA PLAGE LA NUIT (2017). LA FEMME QUI S’EST ENFUIE reçoit l’Ours d’argent de la meilleure réalisation en 2020 et INTRODUCTION l’Ours d’argent du meilleur scénario en 2021.
En 2022, LA ROMANCIÈRE, LE FILM ET LE HEUREUX HASARD y remporte l’Ours d’argent, Grand prix du jury.
Réalisateur prolifique, Hong Sang-soo enseigne aujourd’hui le scénario et la mise en
scène à Séoul. Il est l’un des cinéastes sud-coréens majeurs de sa génération.

ENTRETIEN AVEC HONG SANGSOO ET ISABELLE HUPPERT

C’est votre troisième collaboration ensemble, qu’est-ce qui vous attire l’un vers l’autre ?

Isabelle Huppert : Je suis toujours enchantée par la perspective de travailler avec Hong Sangsoo. Sa façon de faire des films est unique et c’est le seul, à ma connaissance, qui travaille de cette manière. C’est
une expérience enthousiasmante tant il est difficile de se projeter dans l’histoire ou dans le rôle. Et pour cause, il n’y a ni histoire ni rôle, c’est bien plus que ça ! Il a une volonté de capturer l’instant présent et l’état d’esprit d’une personne dans un certain monde. C’est ce que j’aime avec Hong, il faut rester ouvert à sa vision qui ne va jamais dans le même sens que celle des autres cinéastes. C’est une expérience car on débute sans avoir de personnage mais à la fin du voyage, en voyant le film, on trouve quelqu’un d’unique. Je suis très émue par ce film qui dit beaucoup de notre solitude ou, simplement, de nos tentatives de vivre et d’interagir avec les autres. Hong propose une réflexion philosophique sur ce que c’est d’être vivant, d’être humain, d’être seul ou avec quelqu’un…

La visée philosophie ou poétique, c’est le moteur de vos films ?

Hong Sangsoo : Je ne vois pas les choses ainsi, c’est surtout de l’endurance. Si on vise quelque chose en face de soi et qu’on fonce droit devant pour l’obtenir, on perd tout ce mouvement organique qui nous
anime. C’est bien aussi de ne pas avoir d’objectif de temps en temps ou de s’en écarter. On a besoin du prétexte d’aller quelque part mais en chemin on trouve bien plus que ce qu’on visait en premier lieu. Que ce soit au cinéma ou dans la vie. Hokusai aimait que les gens le qualifient de poète, ce n’est pas vraiment mon cas.

Quelle était votre intention en dépeignant ce personnage solitaire ?

HSS : C’est une réponse peut-être irresponsable, mais je ne sais pas vraiment. J’ai développé une méthode au fil des ans et je m’y tiens. A vrai dire je crois à la sérendipité et à ce qui peut survenir dans les rencontres entre Isabelle, les personnages et les lieux devant ma caméra et avec mon scénario. Ces rencontres s’enrichissent au fur et à mesure, j’essaie simplement de les capturer et de les arranger de la façon la plus naturelle possible.

Justement la solitude du personnage d’Iris se reflète dans chacun des personnages.

IH : C’est un personnage qui interroge constamment les autres, presque de façon obsessive, en répétant toujours les mêmes questions. Chose que je trouve assez drôle d’ailleurs .C’est comme si elle forçait les gens qu’elle rencontre à être conscient de leurs problèmes, à dire la vérité sur eux-mêmes. Par sa façon malicieuse de les questionner, elle sert moins de guide que de révélatrice pour les autres. C’est peut-être pour ça qu’elle boit du makgeolli, pour oublier ce transfert et cette conscience du monde qui l’entoure.

Comment avez-vous décidé de filmer ce film fait de conversations ?

HSS : Ces décisions importantes viennent à moi. Des fois j’ai envie de faire un zoom, des fois je veux faire autre chose. L’essentiel pour moi est de faire ressentir aux spectateurs l’effet que j’ai en tête. J’ai choisi de travailler avec ces acteurs, dans ces lieux, avec cette météo mais je ne saurais pas en expliquer les raisons. Je crois simplement à mon processus de travail. La façon dont mes expériences ou mes sentiments viennent nourrir mes recherches est très intuitive.

Vous ne sauriez pas dire pourquoi vous souhaitez travailler avec Isabelle Huppert ?

HSS : Elle est naturellement très courageuse et intelligente. J’aime sa personnalité et je crois en ses qualités d’artiste. J’ai été très surpris quand nous avons travaillé ensemble pour la première fois, pour In another country. Elle est venue toute seule dans cette petite station balnéaire coréenne sans personne pour l’accompagner et ne s’est jamais plainte. A chaque fois que j’écris quelque chose et qu’elle le joue, cela me rend très heureux parce qu’elle est tellement talentueuse.

Jouer en anglais dans un film coréen, c’est une manière de vous mettre en danger ?

IH : Pas du tout, car la façon de travailler de Hong Sangsoo n’a rien de difficile, au contraire ! Je me sens à la fois complètement libre et pleine d’imagination. Avec lui on reçoit les dialogues la veille ou, plus
fréquemment, le matin même du tournage. J’aime cette façon de faire, cette imprévisibilité constante du dispositif laisse une porte ouverte au miraculeux dans chaque situation ou dialogue. Je ne me demande
jamais ce que je dois faire ou jouer, le simple fait de me retrouver au milieu de personnes que je ne comprends pas amène une certaine richesse. Mon sentiment quand je tourne en Corée c’est que nous venons de mondes totalement différents mais Hong parvient à trouver ce qui nous unit. Évidemment nous parlons tous en anglais dans le film, c’est notre premier point commun, mais Hong fait exister quelque
chose qui dépasse le langage. Ce sont des espaces mentaux qui se rencontrent et partagent une même expérience. Ce qui est drôle dans les trois films que j’ai faits avec Hong Sangsoo c’est que mon personnage est toujours dans la surprise face à toutes ces rencontres. Ce sont des situations a priori assez drôles mais qui tiennent presque du miracle.

Une autre chose drôle et surprenante c’est cet apprentissage d’une langue étrangère par l’émotion.

HSS : C’est une méthode que j’ai inventée. Je ne sais pas si elle fonctionnerait dans la vraie vie.

IH : Je trouve que cela donne une tonalité délicate et poétique à ces échanges linguistiques. Surtout, cela permet d’aller loin dans les discussions, d’aborder des sujets profonds sans aucun conflit mais avec
beaucoup de délicatesse.

Après la bière sans alcool dans De nos jours… vous troquez dans ce film le soju contre le makgeolli.

HSS : Je commence à me faire vieux, je ne supporte plus aussi bien le soju qu’autrefois.

Entretien réalisé à Berlin en février 2024