Diplômée en cinéma, Sunhi rend visite à l’un de ses professeurs, Choi, en vue d’obtenir une lettre de recommandation lui permettant d’aller étudier aux États-Unis. Ce jour là, elle revoit deux hommes de son passé : son ex-petit ami Munsu et Jaehak, un réalisateur diplômé de la même école qu’elle. Pendant le temps qu’ils passent ensemble, Suhni reçoit leurs différents conseils sur la vie ; mais les trois hommes la définissent et parlent d’elle comme s’ils ne la connaissaient pas vraiment. Ils ont curieusement tous les trois la même opinion sur elle, formulée de manière similaire, et leurs réflexions semblent de moins en moins pertinentes. Mais heureusement Sunhi obtient une excellente lettre de recommandation qui la fait espérer que tous les compliments sur le papier correspondent à la réalité.
Avec : Jeong Jae-yeong, Jeong Yu-mi, Kim Sang-jung
Scénario Hong Sang-soo •Photo Park Hong-yeol • Montage Hahm Sung-won • Musique Jeong Yong-jin • Production Jeonwonsa Co. • Producteur délégué Kim Kyoung-hee
Hong Sangsoo
Fils
de parents divorcés, un officier de l’armée sud-coréenne, et une
employée de maison de production de films, Hong Sangsoo découvre le
cinéma en regardant les films hollywoodiens à la télévision. Au cours
d’une conversation bien arrosée, un homme de théâtre suggère à ce garçon
désoeuvré de se lancer dans la mise en scène. Hong Sangsoo s’inscrit
alors à l’université de Chungang, à Séoul, dans le département « théâtre
et cinéma ». Il part ensuite vivre aux Etats-Unis, étudiant au College of
Arts and Crafts de Californie et à l’Art Institute de Chicago, où il
réalise plusieurs courts métrages expérimentaux.
Il réalise en 1996 son premier long métrage, Le Jour où le cochon est tombé dans le puits suivi deux ans plus tard du Pouvoir de la province de Kangwon et en 2000 de La Vierge mise à nu par ses prétendants.
Salués par la critique et primés dans les festivals (Rotterdam,
Vancouver, Pusan), ces trois films sortiront en France en 2003. Sangsoo y
décrit avec un remarquable sens du détail le quotidien de jeunes
Coréens, leurs relations de couple conflictuelles et leur malaise
existentiel latent.
Suivront trois oeuvres coproduites par la France, Turning Gate en 2002, La femme est l’avenir de l’homme en 2004 et Conte de cinéma en 2005. Avec Woman on the Beach (2007), Night and Day (2008) et Les Femmes de mes amis (2009), le cinéaste confirme ses obsessions. Oscillant toujours entre l’expérimentation conceptuelle et le réalisme.
Ha Ha Ha et Oki’s Movie, réalisés en 2010, et Matins calmes à Séoul (The Day He arrives)
en 2011, confirment le fait que, si chacun des titres semble répéter le
précédent, il s’en distingue toujours subtilement et essentiellement.
En 2012, In Another Country dans lequel joue Isabelle Huppert est présenté en compétition officielle au Festival de Cannes.
En 2013, Haewon et les hommes (Nobody’s Daughter Haewon) est sélectionné au festival de Berlin. Sunhi (Our Sunhi) est présenté au festival du film asiatique de Deauville et reçoit le prix de la mise en scène au festival de Locarno. En 2014, Hill of Freedom reçoit la Montgolfière d’Or au festival des trois Continents à Nantes.
Filmographie
2018 Hotel by the river
2017 Grass
2017 Le jour d ‘après
2017 La caméra de Claire
2017 Seule sur la plage la nuit
2015 Un jour avec, Un jour sans
2014 Hill of freedom
2013 our Sunhi
2012 Haewon et les hommes
2012 In Another Country
2011 The Day he arrives (Matins calmes à Séoul)
2010 Oki’s movies
2010 ha ha ha
2009 Les femmes de mes amis
2008 Night and Day
2007 Woman on the beach
2005 Conte de cinéma
2004 La femme est l’avenir de l’homme
2002 Turning gate
2000 La vierge mise à nu par ses prétendants
1998 Le pouvoir de la province de Kangwon
1996 Le jour où le cochon est tombé dans le puits
ENTRETIEN AVEC HONG SANGSOO
Depuis OKI’S MOVIE, je crois que vous choisissez en amont
seulement les acteurs, le lieu, et la période de l’action tandis que
pour la structure cinématographique, vous laissez une part de hasard
ainsi que votre intuition qui interviendra sur le tournage. Dans le cas
de SUNHI, comment vous sont venus ce hasard et cette intuition et
comment l’histoire qui aboutit à la configuration actuelle est venue à
vous ?
Je crois qu’après le choix de mes acteurs, ce que je voulais ujste
avant le tournage du film, c’était le fait d’avoir « une étudiante qui
vient demander une lettre de recommandation ». Puis le deuxième jour de
tournage, la configuration générale du film s’est révélée à moi avec le
fait de juger quelqu’un, partager les conseils de la vie, observer, et.c
La distribution des rôles à JUNG Yumi, LEE Sunkyun, KIM
Sangjoong et JUNG Jaeyoung a dû être un élément important avant le
tournage. Avez-vous choisi ces acteurs en ayant à l’esprit qu’il
s’agirait de l’histoire de 3 hommes et d’une femme ?
Je voulais d’abord LEE Sunkyun et JUNG Yumi, puis mon choix s’est porté
sur KIM Sangjoong et après, JUNG Jaeyoung. LEE Sunkyun et JUNG Yumi
étaient au cœur de l’histoire et KIM Sangjoong est arrivé, ensuite j’ai
pensé que JUNG Jaeyoung devait être également de la partie. J’ai pensé à
3 hommes d’une force équivalente et à une fille. Lorsque je me suis
décidé sur les acteurs, j’ai tout de suite eu des idées sur les
relations qu’allait avoir l’actrice avec chacun d’eux. Et j’ai prolongé
ce sentiment tout le long du film.
Du point de vue du spectateur, on sent la tonalité du film à
travers l’harmonie entre la couleur du générique de début et la musique.
Dans ce film, pourquoi avez-vous choisi le jaune des feuilles de ginkgo
par rapport à toutes les autres couleurs de l’automne ?
Je ne pourrais pas expliquer pourquoi, je savais seulement que c’était la bonne couleur. C’était joli.
Si on pouvait classer grossièrement vos films précédents
comme des films d’été et des films d’hiver, cette année, vous nous
offrez soudain un film de printemps et un film d’automne. Y a-t-il une
raison pour laquelle SUNHI est un film d’automne ?
L’automne était en train de se terminer lorsque nous tournions, c’était
début novembre. Je crois que j’étais un peu anxieux car je voulais
capturer le peu de lumière d’automne et de feuilles mortes qui
restaient. Mais je ne sais pas quelle est la raison qui m’y a poussé.
JUNG Jaeyoung et LEE Minwoo travaillent pour la 1re fois avec
vous. L’entrée et la sortie de LEE est aussi inattendue et drôle que
celle de RYU Dukhwan dans HAEWON ET LES HOMMES tandis que la présence de
JUNG parait si naturelle qu’il parait toujours avoir été dans votre
univers alors même qu’il joue presque à contre-emploi dans ce film.
Qu’avez-vous perçu chez ces 2 acteurs et que vouliez vous faire
ressortir en eux ?
Bien sûr, ils avaient une fraicheur. Mais c’est éprouvant d’en parler
comme ça, donc je préférerais ne pas répondre à la question. LEE Minwoo
m’a été présenté par KIM Sangjoong un peu avant le tournage et JUNG
m’avait été recommandé par YU Junsang depuis très longtemps.
Après avoir été exclu du « cercle des hommes de Sunhi », le
personnage joué par LEE Minwoo ne revient plus à l’écran. Quel rôle
a-t-il dans le film ? Il parait différent du personnage joué par RYU
Dukhwan dans HAEWON ET LES HOMMES.
C’est un homme plein d’entrain mais qui ne réfléchit pas assez. Il met
Sunhi en colère et elle va boire. Sunhi se souvient avoir été un peu
gauche et mal à l’aise entourée de gens et il vient le lui rappeler
comme s’il la trouvait étrange ou qu’il ne la considérait pas. Et c’est
comme ça qu’elle rencontre son ancien petit ami.
Dans vos films précédents, la musique qui nous était
familière était en général la musique classique ou le piano de JUNG
Yongjin. Mais dans ce film, on entend à plusieurs reprises la chanson
« Home » de CHOI Eunjin. Il y a des paroles spécifiques et la chanson est
assez typée, ce qui fait une différence avec les morceaux de musique que
vous utilisiez jusqu’ici. Qu’est-ce qui vous a touché dans cette
chanson ?
Je passais et je suis entré pour la première fois dans le magasin que
tient CHOI Eunjin près du quartier de Bukchon. Je voulais jeter un coup
d’œil pour savoir si je pouvais le filmer dans mon prochain film, mais
elle m’a accueilli gentiment et m’a même donné son CD enregistré.
Quelques jours plus tard, ma productrice m’a fait écouter le CD et j’ai
bien aimé la chanson « Home ». Je l’ai écoutée plus d’une dizaine de fois
et je suis retourné au magasin. Comme c’était juste après avoir décidé
que JUNG Jaeyoung tournerait avec moi, je lui ai proposé qu’on se
retrouve au magasin. On a bu ensemble et CHOI a chanté, c’est là que je
me suis décidé : je tournerais le film dans le magasin et j’utiliserais
la chanson. Quand je l’écoute maintenant, j’éprouve encore une autre
sensation par rapport à ce moment-là. Bref, la 1re fois que j’ai écouté
la chanson en boucle, j’en suis tombé amoureux et le choix de l’utiliser
dans le film a sûrement joué un rôle dans ma manière de faire le film
en relation avec le temps et la saison.
La chanson « Home » est utilisé 3 fois au sein du film et elle
est reprise à la fin avec la musique originale, hors-champ. Quelle est
la raison pour laquelle vous avez employé ainsi la musique ?
Après avoir utilisé la chanson pour la 1re fois sur le tournage, je savais qu’elle réapparaitrait plus tard dans le film.
Je crois que la scène où Jehak et Munsu se rencontrent au
café Arirang est la scène la plus longue (sans coupe) de tous vos films.
Combien de minutes dure cette scène ? J’ai l’impression que le jeu
proche de l’improvisation de LEE Sunkyun a joué un rôle dans la longueur
de la scène et que cela vous a plu. Quels aspects de la scène vous ont
apporté satisfaction ?
Oui, il est clair que c’est la scène la plus longue. Je crois qu’elle
dure environ 13 minutes mais il faudrait vérifier. J’ai beaucoup bu
pendant cette scène. Comme elle est longue, c’était évident que ça
bloquait toujours quelque part. Je n’abandonnais pas et je persévérais.
Parfois ça marche, on arrive à exprimer ce qu’on veut et ça tient la
route. Si on a de la chance, la scène marche. Je l’ai revue plusieurs
fois et à chaque fois, elle me rire.
Lorsque Munsu (LEE Sunkyun) dit « il faut aller jusqu’au bout
des choses pour savoir ce qui est vraiment important », il fait soudain
un grand geste. Quel a été le contexte qui a donné naissance à son jeu ?
LEE Sunkyun ne se rappelait plus de la fin de la phrase et il essaie peut-être de faire n’importe quoi pour se rattraper ?
Même lorsque Sunhi et Jehak sont en train de boire, on
remarque leurs gestuelles. Le mouvement de leurs mains est très marquant
surtout. Leur aviez-vous donné une directive spéciale ?
Je me souviens avoir demandé à JUNG Jaeyoung de toucher le visage de
JUNG Yumi, mais pour le reste, ça vient des 2 acteurs de façon
naturelle.
Dans SUNHI, les gens parlent beaucoup. Ils jugent Sunhi, ils
se donnent des conseils. Est-ce que le film parle de notre vision de
Sunhi ou des mots qui entourent ce personnage ?
Nous voyons Sunhi de nos propres yeux, et les hommes parlent d’elles
dans le film. Nous percevons l’écart entre les deux et on pense à ce
personnage. On peut penser également à la signification des mots.
Les trois hommes, Munsu, Jehak et le professeur Choi,
décrivent Sunhi comme une personne timide, un peu folle mais qui sait
discerner. Pourtant dans le film, à aucun moment, le spectateur peut se
faire sa propre idée sur cette description, car le comportement de Sunhi
ne montre rien qui le justifie. C’est comme l’écart qui existe entre la
réalité de Sunhi et ce qu’on dit sur la réalité de Sunhi. J’aimerais
savoir ce que vous pensez de la différence entre ce qui est montré et ce
qui est dit.
Pour que les mots puissent avoir du poids, il faut qu’ils soient très
précis et c’est très difficile à cause de plusieurs raisons. Ce n’est
pas parce qu’on a compris que le cœur du sujet se révèle être vraiment
le cœur du sujet, parfois ça ne l’est pas dans la vie. On espère croire
aux mots parce ceux-ci sont simplement gais et on continue. Je crois
qu’il vaut mieux ne pas être à la recherche de quelque chose de trop
profond dans la vie, du moins en ce qui me concerne.
SUNHI me paraît être très pesant quelque part. En
comparaison, si on remarquait dans HAEWON ET LES HOMMES le thème du rêve
et une porte d’entrée vers le mystérieux, SUNHI donne l’impression de
relations tissées comme des grosses masses collées les unes aux autres.
De plus, les commentaires en voix-off qu’on entendait dans vos derniers
films et qui donnait une impression multidimensionnelle a disparu dans
ce film. Qu’en pensez-vous ?
La longueur des scènes et l’accord est un peu différent, il y a moins
de zooms aussi, les inserts donnent une autre impression, il y a
beaucoup plus d’entrées et de sorties de personnages et c’est pourquoi
il y a peu de grosses masses et que celles-ci s’enchaînent. La raison
réside peut-être dans le contenu des discussions, dans l’utilisation
longue de la musique et la répétition du lieu.
Dans la séquence finale, les 3 hommes errent dans le Palais
Changgyeong et disent des choses fausses sur Sunhi, ce qui est une scène
assez humoristique et très limpide, mais je me demandais si vous aviez
eu envie d’une fin alternative ou un peu plus ambigüe.
Je trouvais que c’était une bonne fin et que c’était gentil. Et puis, c’est dans la même veine que le reste du film.
Dans CONTE D’HIVER d’Eric Rohmer, l’héroïne demande à l’homme
le plus intelligent parmi tous ses prétendants pourquoi il l’aime,
celui-ci répond « parce que tu es prévisible » et je me souviens avoir
éclaté de rire. Les 3 hommes de SUNHI semblent adopter la même posture,
et pourtant ils semblent aussi l’aimer parce qu’ils ne la connaissent
pas bien. Quelle est la part d’illusion chez une personne qui en aime
une autre parce qu’elle est persuadée de la connaitre ?
De toute façon, on ne peut rien bien connaître. Mais aimer parce qu’on
croit bien connaitre quelqu’un, c’est problématique. Il faut d’abord
aimer et aimer sans condition. C’est en aimant qu’on perçoit d’autres
aspects de la personne aimée. Prendre du plaisir dans ce processus de
découverte me parait bien. C’est parce qu’on aime qu’on peut se retenir
davantage, qu’on vainc nos peurs ou nos gênes au fond de nous et qu’on
peut accepter cet autre aspect insoupçonné et dérangeant des débuts. Ca,
c’est un bonus et grâce à ça, on peut changer petit à petit.
Lorsque vous devez écrire une lettre de recommandation pour
un étudiant puisque vous êtes professeur dans la vraie vie, et que vous
devez le décrire, que ressentez-vous ? Pensez-vous qu’il y a une
distinction entre décrire quelqu’un à l’oral ou à l’écrit ?
Je n’aime pas trop rédiger des lettres de recommandation mais je le
fais parce que la personne me dit que ça peut l’aider. J’espère
seulement aimer cette personne et bien m’entendre avec elle. C’est
également divertissant de découvrir petit à petit les différents
aspects que l’on ne soupçonnait pas. Ca ne rentre pas dans le descriptif
de la personne, c’est seulement une petite découverte de la journée.
Lorsqu’on montre une personne selon une expression artistique comme à
travers une caméra, on croit au miracle que le processus de cet outil
fournira et on s’appuie dessus. La description, c’est bon pour un mode
d’emploi qui sert à monter un ventilateur.
La place de la femme est toujours très particulière dans vos
films. Est-ce qu’il est difficile pour les 3 hommes d’approcher cette
place dans le film ?
Ici, il est question de Sunhi mais dans TURNING GATE, il s’agissait de
Kyungsoo. C’est seulement parce que des titres comme « Munsu’s Movie » ou
« Our Kyungsoo » ne me viennent pas à l’esprit. Si mes titres ont des
prénoms féminins, c’est sûrement à cause du petit espoir ou fantasme que
j’ai sur les femmes parce que je n’en suis pas une.
J’ai souvent eu l’impression d’être réconforté en regardant
vos films, mais je ne sais pas ce qu’est ce réconfort au juste. Mais
quand on regarde vos derniers films, on voit que les personnages
recherchent ce réconfort. Ca fait presque peine à les voir se démener et
souffrir. Par exemple, dans ce film, j’avais l’impression que le soleil
automnal, la chanson de CHOI Eunjin qu’on entend comme dans un rêve, le
paysage et le temps qui s’est arrêté au palais Changgyeong ainsi que le
poulet et les scènes répétées où l’on boit étaient différentes formes
de réconfort. Mais les personnages ne s’en rendent pas compte et ça
m’attristait d’autant plus. Que pensez-vous du réconfort qu’apporte la
vie ou le cinéma ?
Je vous remercie beaucoup de vos mots encourageants. Je pense qu’un
film peut réconforter une personne. Pour moi, ça a été le cas. La
personne qui réalise le film ne doit se concentrer qu’à faire le film de
son mieux. Ce qui se passe après arrivera si ça doit arriver.
par la revue CINE21 (17/09/2013)
Questions posées par JUNG Hansuk, LEE Hookyung, NAM Daeun, KIM Hyeri, SONG Kyungwon et JUNG Hongsoo