Jonah est le cadet d’une fratrie de trois jeunes garçons impétueux et épris de liberté. De milieu modeste, ils vivent à l’écart de la ville avec leurs parents qui s’aiment d’un amour passionnel, violent et imprévisible. Souvent livrés à eux-mêmes, les deux frères de Jonah grandissent en reproduisant le comportement de leur père alors que Jonah se découvre progressivement une identité différente…
Prix de l’Innovation au Festival de Sundance 2018
Prix de la Révélation au Festival de Deauville 2018
Avec : Ma Sheila Vand • Paps Raúl Castillo • Jonah Evan Rosado • Joel Josiah Gabriel • Manny Isaiah Kristian • L’EvangélisteTerry Holland
Scénario Jeremiah Zagar, Daniel Kitrosser • Réalisation Jeremiah zagar • Image Zak Mulligan • Montage Keiko Deguchi, Brian Kates • Musique Nick Zammulo • Production Jeremy Yaches, Andrew Goldman, Philipp Engelhorn , Michael Raisler, Paul Mezey, Christina D. King, Jason Reif
Jeremiah Zagar
Avant We The Animals, Jeremiah Zagar a réalisé plusieurs courts-métrages ainsi que deux longs métrages documentaires, Captivated : The Trials of Pamela Smart (2014) et In A Dream (2008),
qui retrace l’histoire de son père lsaiah Zagar, célèbre artiste qui,
en plus de 30 ans, a recouvert près de 4000 m2 d’œvres de street art à
travers Philadelphie. Le film fût notamment présélectionné pour les
Oscars.
Zagar s’attache à apporter un certain cinéma-vérité dans la réalisation de We The Animals. « Nous ne regardons pas un film sur une famille, nous observons une famille » remarque l’auteur. Zagar prend pour référence le cinéma de Ken Loach des années 60. « Nous voulions combiner ce réalisme social avec un langage plus poétique » affirme Zagar, qui s’inspire aussi de Ratcatcher de Lynne Ramsey et The Tin Drum de Volker Schlondorff.
Zagar, très attaché aux arts visuels, collabore avec Hugo Costa, un
artiste portugais qui a participé aux repérages et au story board à
l’aquarelle chaque plan de We The Animals sur les lieux choisis.
INVITATION DU PROGRAMMATEUR
Adaptation du roman Vie animale de Justin Torres, ce film justifie son titre par une approche très sensorielle des relations entre trois jeunes frères face à des parents aimants, mais dont le couple connait de fortes tensions. L’inscription sociale du film va de pair avec une dimension poétique et onirique amenée par la figure du cadet de la fratrie, qui tient un journal, écrit et illustré . Belle matière filmique avec animation réussie des dessins du garçon.
Daniel Blanvillain – Cinéma « Studio » à Tours
LE FILM
We The Animals est l’adaptation du roman autobiographique de Justin Torres, paru sous le titre de Vie Animale en France. Jeremiah Zagar développe le film aux Sundance Labs, avec Quentin Tarantino pour mentor. Il collabore étroitement avec Justin Torres qui, fait rare pour un auteur, sera impliqué comme consultant jusque sur les lieux du tournage. Cette volonté de fidélité de Zagar à l’œuvre originale se retrouve dans un scénario fragmenté qui s’attache, comme dans le roman, à raconter des tranches de vie dont le fil conducteur ne se dévoile que peu à peu. L’atmosphère et le moment présent sont privilégiés à une narration conventionnelle.
LE DIRECTEUR DE LA PHOTOGRAPHIE
Zak Mulligan a une dizaine de films indépendants derrière lui en tant que chef opérateur. Il fût le premier choix de Zagar pour l’image. “Jeremiah et moi partageons une esthétique similaire, qui prend ses raciness dans le cinéma-vérité. Ce style particulier qui consiste à filmer caméra à l’épaule avec des objectifs larges proches du sujet, a vraiment commencé à me plaire. Cette technique est utilisée tout au long du film pour donner au public l’impression d’être parmi les personnages, et pas simplement de les observer, (…) avec l’immédiateté émotionnelle que procure ce style.” Après avoir testé plusieurs formats dont le digital, Mulligan décide avec Zagar de filmer We The Animals en pellicule (16mm) pour utiliser le langage visuel de la période (les années 90), et donner au film “un sentiment distant, comme un souvenir”.
ENTRETIEN AVEC JEREMIAH ZAGAR
Vous avez déjà réalisé des courts métrages et documentaires,
celui-ci est votre premier long métrage. Pourquoi avoir choisi ce projet
en particulier ?
J’ai toujours voulu réaliser des longs-métrages de fiction, depuis que
je vais au cinéma, ce qui doit remonter à l’âge de 8 ans. Et il y a sept
ans, je venais de rentrer à New York d’Égypte, où j’avais travaillé
comme monteur sur “The Square” , le documentaire de Jehane
Noujaim qui suivait différents protagonistes de la Révolution de la
Place Tahrir. Et il m’a fallu un peu de temps pour me remettre
émotionnellement de ce séjour et de ce travail, je me demandais ce que
j’allais faire de ma vie. Un jour, je flânais à Soho, je suis rentré
chez MacNally & Jackson, ma librairie préférée, et “We the Animals”,
le roman de Justin, était présenté en sélection des libraires. Je l’ai
pris un peu par hasard et… je suis tombé amoureux de cette histoire !
J’ai contacté Justin immédiatement, en lui disant que je voulais adapter
son livre à l’écran.
Comment avez-vous trouvé vos acteurs, en particulier les enfants ?
Nous avons auditionné plus d’un millier de jeunes garçons, non
comédiens, à New York et dans le reste de l’État. Et après avoir vu
autant d’enfants, nous avons fini par savoir ce qui fonctionnait, ce
qui était juste pour l’interprétation des trois frères. Au final, nous
avons eu la chance inouïe de trouver Josiah (Gabriel), Isaiah (Kristian)
et Evan (Rosado), lors de castings sauvages, dans la rue. Sans parler
de la chance qu’ils aient tous des parents formidables, prêts à laisser
leurs gamins participer à cette aventure très particulière.
Quant aux parents, j’ai eu très tôt Raúl Castillo en tête après l’avoir vu dans “Looking”,
et ils nous a tout de suite époustouflés pendant le casting. Sheila
Vand est arrivée un peu plus tard. Mais lors des auditions avec Raoul,
il y a eu une osmose incroyable, puis quand elle a répété avec Evan
(Jonah), nous avons vraiment su que c’était l’actrice qu’il nous
fallait. Ensuite, ils ont répété tous ensemble pendant des mois et des
mois. Sachant que les trois garçons répétaient déjà ensemble depuis un
an.
Avec un casting si jeune (et novice pour la plupart), comment avez-vous abordé la dimension LGBT du film avec eux ?
Un des piliers de l’équipe était la coach des garçons, Noelle Gentile,
une personne extraordinaire. Comme Justin Torres était tous les jours
avec nous sur le tournage, elle leur a rendu réelle son histoire, et
leur a montré combien leur travail allait honorer son roman. En
décryptant clairement ce qu’ils voyaient, ce qu’ils ressentaient. Même
si cela n’appartenait pas à leur vie personnelle, c’était au coeur de la
sienne à lui, et en interprétant avec justesse son oeuvre, en incarnant
les émotions de tant d’autres garçons de leur âge, ce qu’ils
réalisaient avait une grande, très grande valeur.
Même si l’adaptation du roman à l’écran s’est faite avec
l’auteur, on note d’importantes différences entre les deux (dans le
livre par exemple l’action se déroule sur un période de deux années) Que
pouvez-vous nous dire de ces choix ? (Le roman relate plus de deux ans
de la vie du personnage : de 6 ans environ jusqu’à la puberté)
Nous avons d’abord voulu transcrire le roman de Justin mot à mot! Mais
une fois terminé le premier jet du scénario, nous avons compris avec
Dan (Kitrosser, co-scénariste) que ça ne fonctionnerait pas de la même
façon. Notamment parce que nous ne pouvions pas faire vieillir les
comédiens, et nous ne voulions pas faire interpréter les garçons par des
comédiens d’âge différent. Cela aurait empêché de créer ce lien, cette
affinité très importante avec le jeune Evan, dont on suit le regard et
l’esprit à travers tout le film. Je dirais donc que le film est très
fidèle émotionnellement au livre, mais qu’il a fallu faire quelques
ajustements logistiques.
Vous venez surtout du documentaire et votre père Isaiah Zagar
est un artiste street art renommé, l’aspect visuel doit donc être
important pour vous. Aussi, comment avez-vous abordé la photographie de We The Animals?
L’esthétique est clairement très importante pour moi, mon père est en
effet très visuel et très “graphique”! Plus personnellement, je suis
dyslexique, et j’utilise mon sens visuel plus que les autres sens.
D’ailleurs, je voulais que ce film soit extrêmement riche visuellement.
D’abord, j’ai voulu faire un storyboard. C’est Hugo Costa, un artiste
portugais, qui a dessiné à la main le film entier, plan par plan. Des
heures et des heures de travail! Et une fois qu’avec Zak Mulligan, le
chef opérateur du film, nous avons listé tous les plans, le tournage a
été guidé par les deux supports : moi je m’inspirais du storyboard, et
Zak, de la liste des plans. Ce qui lui donnait une certaine liberté
alors que moi, je m’astreignais au cadre rigide du story board, mais nos
deux visions se sont bien combinées.
Aussi, il était très important pour moi de tourner le film sur pellicule, d’abord pour rendre l’esthétique de cette époque, mais aussi pour cette aptitude incomparable de la pellicule à transmettre l’onirisme d’un univers, celui de Jonah, dans le cas de “We The Animals”. Enfin, au moment du travail avec le coloriste du film, Seth Ricart , avec qui je collabore depuis des années, nous avons beaucoup affiné le choix de notre palette de couleurs, inspirée de l’esthétique des photographies ou des documentaires des années 80. Tout ça réuni, je l’espère, créée une identité visuelle singulière, unique.
Que pouvez-vous nous dire des séquences en images animées dans le film ?
L’animation n’a pas tout de suite fait partie du projet. Le film devait
d’abord seulement inclure des dessins. Mais quand nous avons commencé
le montage, nous avons réalisé que ces dessins devaient prendre vie pour
mieux traduire le tumulte intérieur de Jonah. J’ai donc montré cette
technique particulière d’animation à Justin (Torres), et il a adoré. Et
bien que l’illustrateur Mark Samsonovich n’avait jamais fait d’animation
de sa vie, il a complètement relevé le défi. De mon côté, j’avais passé
beaucoup de temps à faire de l’animation plus jeune, donc j’ai pu lui
montrer ce que je voulais obtenir. Ce qui lui a valu de passer un an à
dessiner l’équivalent de 2 minutes et 45 secondes d’images! (rires) Mais
le résultat est génial!
Travaillez-vous sur un nouveau projet ?
Je travaille sur un nouveau film avec Justin, Dan, Raoul, Jeremy, mon
co-producteur, et bon nombre des personnes qui ont travaillé sur We the Animals. Je ne peux pas en dire beaucoup plus pour le moment, mais je suis super enthousiaste, ça s’annonce à nouveau passionnant!
Quelque chose à ajouter ?
Je suis tellement heureux que le film sorte en France ! Ma femme est
Française. J’ai passé beaucoup de temps à Paris quand elle y habitait
encore, et j’ai usé les sièges des cinémas parisiens, notamment ceux de
la Rue des Écoles, pour y voir un tas de films français. Du coup, j’ai
du mal à croire que mon film va être présenté dans l’un de ces cinémas
que j’adore tant. Mais aussi à travers tout le pays, je suis tellement
honoré et fier.