We the Animals de Jeremiah Zagar
Film soutenu

We The Animals

Jeremiah Zagar

Distribution : LFR Films

Date de sortie : 13/03/2019

Etats Unis - 1h34 - DCP

Jonah est le cadet d’une fratrie de trois jeunes garçons impétueux et épris de liberté. De milieu modeste, ils vivent à l’écart de la ville avec leurs parents qui s’aiment d’un amour passionnel, violent et imprévisible. Souvent livrés à eux-mêmes, les deux frères de Jonah grandissent en reproduisant le comportement de leur père alors que Jonah se découvre progressivement une identité différente…

Prix de l’Innovation au Festival de Sundance 2018
Prix de la Révélation au Festival de Deauville 2018

Avec : Ma Sheila Vand • Paps Raúl Castillo • Jonah Evan Rosado • Joel Josiah Gabriel • Manny Isaiah Kristian • L’EvangélisteTerry Holland

Scénario Jeremiah Zagar, Daniel Kitrosser • Réalisation Jeremiah zagar • Image Zak Mulligan • Montage Keiko Deguchi, Brian Kates • Musique Nick Zammulo • Production Jeremy Yaches, Andrew Goldman, Philipp Engelhorn , Michael Raisler, Paul Mezey, Christina D. King, Jason Reif

Jeremiah Zagar

Avant We The Animals, Jeremiah Zagar a réalisé plusieurs courts-métrages ainsi que deux longs métrages documentaires,  Captivated : The Trials  of Pamela Smart (2014)  et In A Dream (2008), qui retrace l’histoire de son père lsaiah Zagar, célèbre artiste qui, en plus de 30 ans, a recouvert près de 4000 m2 d’œvres de street art à travers Philadelphie. Le film fût notamment présélectionné pour les Oscars.
Zagar s’attache à apporter un certain cinéma-vérité dans la réalisation de We The Animals. « Nous ne regardons pas un film sur une famille, nous observons une famille » remarque l’auteur. Zagar prend pour référence le cinéma de Ken Loach des années 60. « Nous  voulions combiner ce réalisme social avec un langage plus poétique » affirme Zagar, qui s’inspire aussi de Ratcatcher de Lynne Ramsey et The Tin Drum de Volker Schlondorff.
Zagar, très attaché  aux arts  visuels, collabore  avec Hugo Costa, un artiste portugais qui a participé aux repérages et au story board à l’aquarelle chaque plan de We The Animals sur les lieux choisis.

INVITATION DU PROGRAMMATEUR

Adaptation du roman Vie animale  de Justin Torres, ce film justifie son titre par une approche très sensorielle des relations entre trois jeunes frères face à des parents aimants, mais dont le couple connait de fortes tensions. L’inscription sociale du film va de pair avec une dimension poétique et onirique amenée par la figure du cadet de la fratrie, qui tient un journal, écrit et illustré . Belle matière filmique  avec animation réussie des dessins du garçon.

Daniel Blanvillain – Cinéma « Studio » à Tours


LE FILM

We The Animals est l’adaptation du roman autobiographique de Justin Torres, paru sous le titre de Vie Animale en France. Jeremiah Zagar développe le film aux Sundance Labs, avec Quentin Tarantino pour mentor. Il collabore étroitement avec Justin Torres qui, fait rare pour un auteur, sera impliqué comme consultant jusque sur les lieux du tournage. Cette volonté de fidélité de Zagar à l’œuvre originale se retrouve dans un scénario fragmenté qui s’attache, comme dans le roman, à raconter des tranches de vie dont le fil conducteur ne se dévoile que peu à peu. L’atmosphère et le moment présent sont privilégiés à une narration conventionnelle.


LE DIRECTEUR DE LA PHOTOGRAPHIE

Zak Mulligan a une dizaine de films indépendants derrière lui en tant que chef opérateur. Il fût le premier choix de Zagar pour l’image. “Jeremiah et moi partageons une esthétique similaire, qui prend ses raciness dans le cinéma-vérité. Ce style particulier qui consiste à filmer caméra à l’épaule avec des objectifs larges proches du sujet, a vraiment commencé à me plaire. Cette technique est utilisée tout au long du film pour donner au public l’impression d’être parmi les personnages, et pas simplement de les observer, (…) avec l’immédiateté émotionnelle que procure ce style.” Après avoir testé plusieurs formats dont le digital, Mulligan décide avec Zagar de filmer We The Animals en pellicule (16mm) pour utiliser le langage visuel de la période (les années 90), et donner au film “un sentiment distant, comme un souvenir”.


ENTRETIEN AVEC JEREMIAH ZAGAR

Vous avez déjà réalisé des courts métrages et documentaires, celui-ci est votre premier long métrage. Pourquoi avoir choisi ce projet en particulier ?
J’ai toujours voulu réaliser des longs-métrages de fiction, depuis que je vais au cinéma, ce qui doit remonter à l’âge de 8 ans. Et il y a sept ans, je venais de rentrer à New York d’Égypte, où j’avais travaillé comme monteur sur “The Square” , le documentaire de Jehane Noujaim qui suivait différents protagonistes de la Révolution de la Place Tahrir.  Et il m’a fallu un peu de temps pour me remettre émotionnellement de ce séjour et de ce travail, je me demandais ce que j’allais faire de ma vie. Un jour, je flânais à Soho, je suis rentré chez MacNally & Jackson, ma librairie préférée, et “We the Animals”, le roman de Justin, était présenté en sélection des libraires. Je l’ai pris un peu par hasard et… je suis tombé amoureux de cette histoire ! J’ai contacté Justin immédiatement, en lui disant que je voulais adapter son livre à l’écran.

Comment avez-vous trouvé vos acteurs, en particulier les enfants ?
Nous avons auditionné plus d’un millier de jeunes garçons, non comédiens, à New York et dans le reste de l’État. Et après avoir vu autant d’enfants, nous avons fini par savoir ce qui  fonctionnait, ce qui était juste pour l’interprétation des trois frères. Au final, nous avons eu la chance inouïe de trouver Josiah (Gabriel), Isaiah (Kristian) et Evan (Rosado), lors de castings sauvages, dans la rue.  Sans parler de la chance qu’ils aient tous des parents formidables, prêts à laisser leurs gamins participer à cette aventure très particulière.
Quant aux parents, j’ai eu très tôt Raúl Castillo en tête après l’avoir vu dans “Looking”, et ils nous a tout de suite époustouflés pendant le casting. Sheila Vand est arrivée un peu plus tard. Mais lors des auditions avec Raoul, il y a eu une osmose incroyable, puis quand elle a répété avec Evan (Jonah), nous avons vraiment su que c’était l’actrice qu’il nous fallait. Ensuite, ils ont répété tous ensemble pendant des mois et des mois. Sachant que les trois garçons répétaient déjà ensemble depuis un an.

Avec un casting si jeune (et novice pour la plupart), comment avez-vous abordé la dimension LGBT du film avec eux  ?
Un des piliers de l’équipe était la coach des garçons, Noelle Gentile, une personne extraordinaire. Comme Justin Torres était tous les jours avec nous sur le tournage, elle leur a rendu réelle son histoire, et leur a montré combien leur travail allait honorer son roman. En décryptant clairement ce qu’ils voyaient, ce qu’ils ressentaient. Même si cela n’appartenait pas à leur vie personnelle, c’était au coeur de la sienne à lui, et en interprétant avec justesse son oeuvre, en incarnant les émotions de tant d’autres garçons de leur âge, ce qu’ils réalisaient avait une grande, très grande valeur.

Même si l’adaptation du roman à l’écran s’est faite avec l’auteur, on note d’importantes différences entre les deux (dans le livre par exemple l’action se déroule sur un période de deux années) Que pouvez-vous nous dire de ces choix ? (Le roman relate plus de deux ans de la vie du personnage : de 6 ans environ jusqu’à la puberté)
Nous avons d’abord voulu transcrire le roman de Justin mot à mot!  Mais une fois terminé le premier jet du scénario, nous avons compris avec Dan (Kitrosser, co-scénariste) que ça ne fonctionnerait pas de la même façon. Notamment parce que nous ne pouvions pas faire vieillir les comédiens, et nous ne voulions pas faire interpréter les garçons par des comédiens d’âge différent. Cela aurait empêché de créer ce lien, cette affinité très importante avec le jeune Evan, dont on suit le regard et l’esprit à travers tout le film. Je dirais donc que le film est très fidèle émotionnellement au livre, mais qu’il a fallu faire quelques ajustements logistiques.

Vous venez surtout du documentaire et votre père Isaiah Zagar est un artiste street art renommé, l’aspect visuel doit donc être important pour vous. Aussi, comment avez-vous abordé la photographie de We The Animals?
L’esthétique est clairement très importante pour moi, mon père est en effet très visuel et très “graphique”! Plus personnellement, je suis dyslexique, et j’utilise mon sens visuel plus que les autres sens. D’ailleurs, je voulais que ce film soit extrêmement riche visuellement. D’abord, j’ai voulu faire un storyboard. C’est Hugo Costa, un artiste portugais, qui a dessiné à la main le film entier, plan par plan. Des heures et des heures de travail! Et une fois qu’avec Zak Mulligan, le chef opérateur du film, nous avons listé tous les plans, le tournage a été guidé par les deux supports : moi je m’inspirais du storyboard, et Zak, de la liste des plans. Ce qui lui donnait une certaine liberté alors que moi, je m’astreignais au cadre rigide du story board, mais nos deux visions se sont bien combinées.

Aussi, il était très important pour moi de tourner le film sur pellicule, d’abord pour rendre l’esthétique de cette époque, mais aussi pour cette aptitude incomparable de la pellicule à transmettre l’onirisme d’un univers, celui de Jonah, dans le cas de “We The Animals”. Enfin, au moment du travail avec le coloriste du film,  Seth Ricart , avec qui je collabore depuis des années, nous avons beaucoup affiné le choix de notre palette de couleurs, inspirée de l’esthétique des photographies ou des documentaires des années 80. Tout ça réuni, je l’espère, créée une identité visuelle singulière, unique.

Que pouvez-vous nous dire des séquences en images animées dans le film ?
L’animation n’a pas tout de suite fait partie du projet. Le film devait d’abord seulement inclure des dessins. Mais quand nous avons commencé le montage, nous avons réalisé que ces dessins devaient prendre vie pour mieux traduire le tumulte intérieur de Jonah. J’ai donc montré cette technique particulière d’animation à Justin (Torres), et il a adoré. Et bien que l’illustrateur Mark Samsonovich n’avait jamais fait d’animation de sa vie, il a complètement relevé le défi. De mon côté, j’avais passé beaucoup de temps à faire de l’animation plus jeune, donc j’ai pu lui montrer ce que je voulais obtenir. Ce qui lui a valu de passer un an à dessiner l’équivalent de 2 minutes et 45 secondes d’images! (rires) Mais le résultat est génial!

Travaillez-vous sur un nouveau projet ?
Je travaille sur un nouveau film avec Justin, Dan, Raoul, Jeremy, mon co-producteur, et bon nombre des personnes qui ont travaillé sur We the Animals. Je ne peux pas en dire beaucoup plus pour le moment, mais je suis super enthousiaste, ça s’annonce à nouveau passionnant!

Quelque chose à ajouter ?
Je suis tellement heureux que le film sorte en France ! Ma femme est Française. J’ai passé beaucoup de temps à Paris quand elle y habitait encore, et j’ai usé les sièges des cinémas parisiens, notamment ceux de la Rue des Écoles, pour y voir un tas de films français. Du coup, j’ai du mal à croire que mon film va être présenté dans l’un de ces cinémas que j’adore tant. Mais aussi à travers tout le pays, je suis tellement honoré et fier.