Fantastic Birthday de Rosemary Myers
Film soutenu

Fantastic Bithday

Rosemary Myers

Distribution : Ufo Distribution

Date de sortie : 22/03/2017

Australie / 2016 / 1h20 / DCP

Greta Driscoll, jeune fille introvertie, est en passe de franchir le cap de ses 15 ans. Seule ombre au tableau : elle ne veut pas quitter le monde douillet et rassurant de l’enfance, une bulle dans laquelle elle s’enferme avec son seul ami au collège, Elliott.
Quand ses parents lui annoncent l’organisation d’une grande fête pour son anniversaire, elle est prise de panique. Le grand soir, elle va basculer dans un univers parallèle un peu effrayant et complètement absurde dans lequel elle va devoir affronter ses peurs pour pouvoir se trouver et aborder autrement cette nouvelle ère.

Festival de Berlin / Festival d’Adélaïde (Prix du Public) / L’Etrange Festival

Avec : Greta – Bethany Whitmore • Elliott – Harrison Feldman • Conrad / L’homme abject Matthew Whittet • Janet / La femme de glace Amber McMahon • Adam / Benoit Tremet  Eamon Farren • L’Huldra Tilda Cobham-Hervey • Genevieve Imogen Archer • Jade Maiah Stewardson

Réalisatrice Rosemary Myers • Scénariste Matthew Whittet • Producteur Jo Dyer • Directeur de la photographie Andrew Commis ACS • Directeur artistique Jonathon Oxlade • Compositeur Harry Covill • Superviseur de la musique Jemma Burns • Ingénieur du son Luke Smiles • Monteuse Karryn de Cinque

Rosemary Myers

Rosemary Myers est directrice artistique du Théâtre Windmill, compagnie de spectacle vivant basée à Adélaïde en Australie du Sud.
Elle a dirigé des pièces multi-primées comme Pinocchio, Le Magicien d’Oz, ou bien encore Fugitive, School Dance, Big Bad Wolf et Girl Asleep (titre original du film FANTASTIC BIRTHDAY). Maintes fois nominée au prix Helpmann pour ses mises en scène, Rosemary Myers a été invitée sur les plus belles planches et festivals, en Australie et au-delà : l’Opéra de Sydney, le Festival International de la Comédie de Melbourne, le Théâtre New Victory de New York.
FANTASTIC BIRTHDAY est son premier long-métrage de fiction.

La forêt adolescente 
par Rosemary Myers, réalisatrice

« Cette forêt où ils se rendent », dit le pédagogue et psychologue Bruno Bettelheim « symbolise le lieu dans lequel chaque obscurité intérieure est confrontée, où le doute sur qui nous sommes est levé et où chacun commence à comprendre qui il souhaite devenir vraiment ». L’adolescence est telle une forêt : certains la traversent sans heurt, d’autres se débattent pour y évoluer, d’autres enfin y entrent mais n’en ressortent jamais. C’est un endroit magnifique, parfois aussi horrible, un endroit où on peut très facilement se perdre.
Pendant 6 ans, j’ai collaboré avec Matthew Whittet pour raconter sur scène des histoires liées à cette période si particulière qui nous permet de commencer à nous comprendre en tant qu’individus, mais qui nous sépare aussi de nos parents, de notre famille, et nous force à nous déterminer sur ce que nous entendons devenir et sur notre mode de vie. En découlent d’autres prises de conscience, comme celle des parents qu’on pensait invincibles mais qui restent faillibles, embarrassants parfois, celle de l’existence d’un ordre social, d’une hiérarchie qui doit être négociée et qui peut se révéler brutale.
Le travail que nous développons au théâtre depuis des années est profondément influencé par le grand écran, vous imaginez donc l’excitation qu’a provoqué l’opportunité de pouvoir utiliser ce médium : différents lieux de tournages, la richesse des points de vue qu’offre le montage… Nos artistes, dont le scénographe Jonathon Oxlade et l’ingénieur du son Luke Smiles, étaient particulièrement enthousiastes à l’idée de travailler avec des gens du cinéma, comme le directeur de production Andrew Commis et la monteuse Karryn de Cinque. Il ressortait de notre collaboration une véritable bulle de joie, un plaisir de marier nos formes d’art respectives dans la création de ce conte hybride – la réalisation du monde de Greta Driscoll et l’histoire de FANTASTIC BIRTHDAY.


ENTRETIEN avec Rosemary Myers

Quelle est l’origine du film ?
Le scénographe Jonathon Oxlade, le scénariste Matthew Whittet et moi-même venons du théâtre, et nous avons monté de nombreuses pièces sur l’aventure qu’est l’adolescence. Nous adorons aussi les contes de fées, notamment « La Belle au Bois Dormant » ! En développant ce travail sur cette période de la vie, nous avons créé un certain style, une voix théâtrale qui nous représente tous les trois. Nous avons été approchés par une association assez incroyable, The Hive (La Ruche), qui offrait à des artistes venus d’univers variés l’opportunité de travailler dans un atelier de cinéma. «Nous aimerions montrer au cinéma cette univers que vous avez créé au théâtre». Nous avons répondu que nous mettions en place la pièce d’abord, mais que nous ferions le film dans la foulée.

Est-ce que le passage par la création d’une pièce de théâtre vous a permis d’envisager le film à venir autrement ?
La pièce nous a été utile pour tester la force du texte, en observant chaque soir les spectateurs, en saisissant la manière dont il était perçu et compris. Quand nous sommes passés à l’étape du storyboard, nous avons donc pu l’améliorer facilement. La réalisation d’un film est un processus tout à fait différent du théâtre. On ne peut pas se permettre de continuer à chercher, à improviser, il faut que tout soit prêt le jour du tournage. Nous sommes habitués à résoudre des problèmes et construire un monde en temps réel. Nous avons dû apprendre à résoudre d’autres problèmes avec le médium cinématographique, mais nous y avons pris beaucoup de plaisir. Beaucoup des références que nous aimons sont des artistes qui s’amusent avec la forme, comme Michel Gondry ou Spike Jonze, que ce soit de manière théâtrale ou cinématographique.
Car étrangement, notre théâtre fait beaucoup référence au cinéma, et nous voulions garder une certaine théâtralité dans notre film. Il y avait deux discussions : d’un côté, sur la manière de raconter l’histoire ; de l’autre, sur la forme esthétique du film.
Il y aussi eu une influence sur la manière de travailler avec les comédiens. Quand vous réalisez un film indépendant en Australie, vous ne disposez pas d’un financement qui permette des répétitions longues. Quand il s’agit d’une pièce de théâtre, vous avez autour de cinq semaines, ce qui vous laisse du temps pour comprendre l’essence de l’histoire et en discuter avec les acteurs. Beaucoup de nos comédiens sur le film faisaient déjà partie de la troupe : Amber McMahon, qui joue la mère, Matthew Whittet, notre scénariste qui incarne le père, et Eamon Farren, Adam dans le film, qui jouait Elliot dans la pièce !

Est-ce que vous aviez depuis longtemps envie de faire un film ?
Pour moi c’est amusant parce qu’en sortant du lycée, je me suis vraiment demandé si j’allais entrer dans une école de théâtre ou de cinéma. Puis j’ai choisi le théâtre. J’adore cet art et j’y ai fait carrière, mais je me suis toujours dit que réaliser un film devait être quelque chose de formidable. Sachant à quel point il est compliqué de faire naître un projet de film, je ne pensais pas que ce serait un jour possible. Mais c’est difficile de ne pas être happé par le grand écran, il reste une forme d’art prédominante de notre époque – même au théâtre, il reste notre plus grande influence. En tant que collectif artistique qui tient à raconter des histoires, nous avons beaucoup travaillé, avec la compagnie, pour décrocher cette opportunité offerte par cette association, The Hive, proposant à des artistes du monde entier venus d’autres univers que le cinéma de pouvoir travailler sur un projet de film. Beaucoup de bonnes idées en sont nées.
C’est une expérience très différente pour nous. Quand vous passez vingt ans à créer des pièces de théâtre, vous prenez conscience de leur caractère très éphémère. Elles vont et viennent. Avec FANTASTIC BIRTHDAY, nous avons un film qui durera toujours, que nous pourrons revoir. Certaines de nos pièces partent en tournée, continuent d’être jouées quelques années, puis disparaissent. On peut en avoir une captation vidéo, mais ce n’est vraiment pas la même chose. Le film, nous pourrons le montrer à nos petits-enfants !

Le film a rencontré un franc succès à travers le monde en festivals. Comment avez-vous vécu cette expérience ?
Ça a été phénoménal. Au-delà de tout ce que nous pouvions imaginer, je crois d’ailleurs que nous ne réalisons toujours pas ! Andy, notre directeur de la photographie, me disait : «Rose, 95% des réalisateurs australiens ne font pas de deuxième film». Et comme j’ai une assez belle carrière au théâtre, j’ai toujours pensé que j’allais simplement faire le film que j’aurais envie de voir, moi. Quand nous avons développé celui-ci, nous n’avons pas du tout pensé à l’après, nous y avons simplement mis toute notre âme. Nous étions bien sûr très excités à l’idée de montrer FANTASTIC BIRTHDAY à Adelaïde, le premier festival où il a été sélectionné à peine fini, puis de là, nous sommes partis pour Berlin. L’histoire résonne réellement avec le public, ça a été incroyable d’observer sa réception dans différents cinémas, à travers le monde, de voir notamment que les adolescents s’y reconnaissaient vraiment.

Greta et Elliot étaient incarnés par des comédiens plus âgés dans la pièce. Y a-t-il eu une différence quand ces rôles ont été repris par de jeunes adolescents ?
Absolument, une très grande différence. C’était une belle expérience, car Matt et moi avons monté quelques pièces pour les adolescents, mais c’était la première fois que nous travaillions avec autant d’entre eux. C’est toujours difficile de disposer de comédiens de cet âge pour ce travail, principalement à cause de la durée du tournage – c’est tout de même cinq semaines sans scolarité – et des nombreuses règlementations légales sur la limite horaire journalière etc… Nous avons lancé un immense casting pour trouver nos deux héros, il fallait que ce soit les bons, sans quoi le film n’existait pas.
Nous savions ce que nous voulions, c’est pourquoi quand nous les avons découverts, ils nous sont apparus comme une évidence. Avec Bethany Whitmore, qui joue Greta, nous avons trouvé quelqu’un qui pouvait tenir toute l’histoire sur ses expressions, tout en jouant une héroïne assez passive, et pour le personnage d’Elliott, qui est très particulier, nous avions vu Harrison Feldman jouer dans quelques pièces et dans une émission de télé, on a immédiatement pensé qu’il pourrait être incroyable !
Tous les deux ont été géniaux. Nous avons passé quelques jours ensemble avant le tournage, juste tous les trois, on lisait le scénario et on en discutait. Certaines personnes me demandent : «Comment as-tu réussi à obtenir de telles performances de la part de comédiens si jeunes ?». Ils sont simplement de grands acteurs légitimes, et d’entendre cette histoire racontée par des gens du «bon» âge, c’était incroyable, surtout quand je me rappelle ma propre adolescence et la hiérarchie de la cour de récré, que tous nos jeunes comédiens ont su retranscrire d’après leurs propres expériences.

Un des aspects les plus frappants du film est le choix du ratio image 1:33.
Il s’agit d’un ratio utilisé à l’époque – les années 70 – et c’est quelque chose dont nous parlions avec Andy Commis, le directeur de la photographie, nous nous disions que ce serait amusant de composer des images de cette façon. Nous n’avons jamais regretté ce choix. Cela pouvait paraître compliqué, tant l’arrière-plan est important, avec des actions nombreuses, et pourtant ça a parfaitement fonctionné. Au début du film, il y a notamment cette scène de tai-chi à l’école qui est incroyable. Cela nous a d’ailleurs beaucoup fait rire d’inclure tout ces fonds. Quand nous avons terminé la première version du scénario, nos investisseurs nous ont dit : «Nous connaissons le côté décalé de votre travail, mais nous ne le retrouvons pas vraiment ici sur le papier». Nous avons répondu qu’après avoir écrit, nous prenions le scénario en salle de répétition et nous y ajoutions ce décalage en le jouant. Ils nous ont vraiment fait confiance en nous affirmant que c’était justement pour ça qu’ils nous soutenaient, parce qu’ils recherchaient précisément notre vision et notre sens du décalage. On a donc continué d’incorporer au second plan toutes ces idées un peu plus farfelues.

La structure du film est particulière. Était-il clair dès le départ que la partie onirique prendrait cette place dans la narration ?
Nous sommes de grands admirateurs de Bruno Bettelheim et de sa réflexion sur la résonance psychologique des contes de fées, aussi nous avons toujours su que cette partie de l’histoire, où l’on assiste à une transposition de Greta dans le monde des rêves, était primordiale. Comme nous avions déjà fait le travail sur scène, nous savions comment cette structure pouvait fonctionner.

Beaucoup de vos techniciens ont plusieurs casquettes, dont Jonathon Oxlade en particulier, à la fois aux décors et aux costumes. Cela a-t-il aidé à mieux définir l’univers artistique du film ?
C’était important que la même personne travaille sur ces deux postes. Jonathon s’occupe toujours des costumes en même temps que du plateau, ce qui garantit une cohérence artistique dans l’univers que nous créons, sachant que nous cherchions un certain style, une certaine utilisation des couleurs, un ressenti visuel particulier. Andy Commis, notre chef opérateur, a également travaillé avec Jonathon, et nous avons regardé beaucoup de photographies des années 70 pour choisir la palette colorimétrique et la façon dont nous voulions que les couleurs ressortent et éclatent à l’écran.

Etant donné l’intemporalité et le caractère universel de cette histoire, pourquoi l’avoir ancrée dans les années 70 justement ?
Comme il s’agissait d’une histoire de fille, nous trouvions intéressant de la transposer dans les années 70 car c’est une époque très particulière pour une jeune fille en Australie. Le film parle beaucoup du deuil, de cette enfance perdue à laquelle on veut s’accrocher, mais également du rôle décroissant des parents, qui perdent leurs enfants qui grandissent. Au sujet de la mère justement, les années 70 représentent une grande libération de la femme en Australie, une nouvelle vision du parcours de vie féminin. La mère est une femme au foyer de cette époque, en totale opposition avec la soeur de Greta, Genevieve, qui, elle, va véritablement tracer sa propre route. Pour une jeune fille comme Greta qui prend peu à peu conscience qu’elle entre dans le monde adulte et doit se définir en tant que telle, la question de la représentation féminine est essentielle.
Le fait est qu’aussi nous aimons tout simplement cette époque, et la musique qu’elle a fait naître. C’est l’époque à laquelle je suis née, mais j’ai fait en sorte qu’elle puisse être comprise par les jeunes d’aujourd’hui, et je pense que c’est justement ce qui rend cette expérience universelle et cette époque si particulière, on ne se laisse pas distraire par la profusion contemporaine. Au début du développement, et vu les coûts, notre producteur nous a dit : «On va peut-être devoir abandonner les années 70». Nous ne voulions pas laisser tomber, les relations et rapports entre personnages ne seraient pas du tout les mêmes dans un film se déroulant aujourd’hui. Les réseaux sociaux n’existaient pas, et il y avait sans aucun doute beaucoup plus d’innocence. Le monde de Genevieve s’ouvre à peine au son de la pop européenne et en Australie, c’était quelque chose de réellement nouveau. De nos jours, n’importe qui a le monde au bout des doigts.

Y a-t-il quelques détails personnels que vous avez pu glisser dans le film ?
A l’origine, nous avons imaginé FANTASTIC BIRTHDAY comme le troisième volet d’une trilogie consacrée à l’adolescence. Les deux premiers portaient plutôt sur des personnages masculins, c‘est pourquoi nous nous sommes concentrés sur un point de vue féminin ici, avec beaucoup de choses à raconter sur l’éveil sexuel et l’érotisme féminin de cette époque. De mon côté, j’ai toujours adoré l’histoire de la Belle au Bois Dormant : ça nous passionnait d’imaginer ce qui se passait dans ce sommeil profond, il y avait pour moi un lien à établir avec les rêves et fantasmes adolescents. Et quand je repense à cette période, il est clair que je passais beaucoup de temps dans un univers mental, plus qu’à tout autre moment de ma vie .
Beaucoup de détails se sont ajoutés au fur et à mesure que se créait la pièce – les personnages qui doivent prendre part à l’histoire, le petit ami de Genevieve, plus âgé, sa relation avec Greta, etc… Ce sont des choses dérivées d’un vécu dont le souvenir est resté très vif !